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La parenthèse comme stratégie d'écriture dans Allah n'est pas obligé de Ahmadou Kourouma


par Théogène Hakuzimana Bizimana
ISP/Goma  - Licence 2017
  

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II.4. LA PARENTHÈSE COMME DIGRESSION

 En rappel, la digression est une stratégie narrative qui permet de dilater le récit, de ménager les pauses, de divertir ou d'ironiser ou, enfin, d'insérer un commentaire dans la narration. Autrement dit, c'est ce qui, dans un récit, est hors du principal sujet. Ainsi, des unités discursives qui reviennent à l'appui du récit fictionnel dans cette oeuvre de Kourouma peuvent être lues comme de petites digressions mises entre parenthèses. En voici un cas :

« Pendant que Yacouba alias Tiécoura était à l'hôpital, un de ses amis est venu lui rendre visite. Il s'appelait Sekou Doumbouya. C'était un camarade de groupe d'âge, un camarde d'initiation, donc un très vieil ami. (Dans les villages noirs nègres africains, les enfants sont classés par groupe d'âge.) Sekou est venu lui rendre visite en Mercedes Benz. » (pp.41-42)

En considérant son sujet, cette narration présente le personnage de Yacouba. En son fond surgit une autre voix narrative intradiégétique qui présente un élément de la culture des « Noirs nègres africains » qui classe les enfants selon leur âge. Cette deuxième voix énonciative profère un énoncé digressif car son thème s'écarte de celui au sein duquel il est inséré. Cet écartement se voit aussi à travers les cadres spatio-temporels de ces deux énoncés. En effet, le premier porte sur des faits qui se sont déroulés à l'hôpital et ayant pris fin. Ce qui se justifie par l'usage du tiroir verbal du passé composé dans l'assertion :« Un de ses amis est venu lui rendre visite. », bien que la temporalité et la durée de l'action ne soient pas précises. L'énoncé digressif, lui, reprend des faits vivifiés, qui perdurent, tel qu'en témoigne l'usage du tiroir verbal du présent de vérité générale et/ou d'habitude dans «les enfants sont classés par groupe d'âge ». La digression crée donc une double rupture énonciative du récit : elle installe de nouveaux actants de l'énonciation et un nouveau cadre spatio-temporel du récit digressif. On vient dire que cette voix énonciative recèle sa force dans le niveau intradiégétique :

« C'est pour dire que le niveau intradiégétique désigne une narration mise en charge par un narrateur personnage dans un récit encadré ou abymé. L'histoire qu'il raconte peut avoir comme régimes linguistiques, la première ou la troisième personne, les indices verbaux au passé ou au présent, voire au futur dans une narration homodiégétique ou hétérodiégétique. » (Laurent MUSABIMANA NGAYABAREZI, 2015a : 216)

Cela renforce l'idée que le comportement de la parenthèse face au récit principal est, en outre du statut facultatif, très déviant. À la suite de cet effet stylistique de déviation, il naît l'attente, voire le suspense pendant les activités de lecture. Ceci se lit encore dans l'extrait ci-dessous :

« Comme la loi du coran et de la religion interdit à une musulmane pieuse comme ma maman de vivre un an de douze lunes en dehors d'un mariage scellé avec attachement de cola ( cola signifie graine comestible du colatier, consommée pour ses vertus stimulantes. La cola constitue le cadeau rituel de la société traditionnelle), ma maman a été obligée de parler, de dire ce qu'elle voulait, de choisir. » (pp.29-30)

Il résulte de cette séquence que l'énonciateur, désigné par le déictique personnel « ma », fait irruption dans son énoncé pour apporter un sujet différent du principal. En effet, la modalité assertive confinée dans « La cola constitue le cadeau rituel de la société traditionnelle » est digressive en ce sens qu'elle véhicule un hors sujet par rapport au sujet de l'énoncé où elle est insérée. Les effets de cette digression sont la déviation et l'attente ou le suspense dans lesquels elle plonge le lecteur. Le texte qui en est truffé ne peut être lu qu'avec lenteur, car le lecteur est contraint de suspendre le fil énonciatif en de « petites digressions » sans toutefois le perdre de vue, vu les limites de cette parenthèse que sont les inclinaisons. Elles font donc figure de garde fou de la digression, la restreignent. Bref, dans Allah n'est pas obligé, on peut considérer que la parenthèse fonctionne comme une digression circonscrite, étouffée ou réduite qui ne crée qu'un décrochement énonciatif, une déviation et un certain suspense. C'est ici l'occasion de rappeler, avec Laurent MUSABIMANA NGAYABAREZI (2015a : 89) que la digression est « une sorte de séquence narrative ajoutée à la chronologie logique du récit qui repose sur un thème, un motif étranger à la consécution des faits relatés ». la digression énonciative/narrative suspend ainsi le récit pour installer une stratégie de déroute pragmatique. Déroute parce qu'elle mobilise les ressources cognitives de l'instance de réception dans ses activités de déchiffrement du texte.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault