WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les passerelles entre économie solidaire et économie collaboratve


par Eugenie Lobe
Conservatoire national des arts et métiers  - Master Sciences humaines et sociales 2017
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II.2.a Qu'est-ce que l'économie collaborative ?

L'économie collaborative ou économie du partage (« sharing economy », en anglais), qui recouvre un concept aux contours encore en définition, est souvent confondue avec des formes connexes d'économie, comme l'économie de la circularité, qui vise à optimiser l'efficacité de l'utilisation d'une ressource, ou encore l'économie de la fonctionnalité, qui privilégie l'usage à la possession.

La définition communément admise aujourd'hui, à quelques variables près, est la suivante : « L'économie collaborative désigne un ensemble d'activités visant à produire de la valeur en commun et reposant sur de nouvelles formes d'organisation du travail (structure plus horizontale que verticale et mutualisation des espaces, des outils et des biens). L'économie collaborative se caractérise par l'accent mis sur l'usage plutôt que la possession, par l'organisation de citoyens en réseaux ou en communautés, et par l'intermédiation via des plateformes internet. »34

On retrouve, aux abords des années 2000, les premières tentatives de définitdu concept d'économie collaborative sous le terme «sharing economy», face à la prise de conscience de l'aspect limité des ressources, évoqué par Garett Gardin dans La tragédie des communs35 et la mise en commun de certaines ressources afin d'en optimiser la propriété, à travers un usage mutualisé. Ce terme sera repris

34 http://ouishare.net/en

35 HARDIN G., « The tragedy of commons », Science, vol. 13, 1968

successivement par Yoshon Benkler qui emploie, en 2002, le concept de «Common based peer-production», puis par Lawrence Lessig, professeur de droit à Harvard. Il sera suivi de Jeremy Rifkin, qui introduira le concept de « troisième révolution industrielle »36. Et enfin, en 2010, par Rachel Bostman, théoricienne de l'économie collaborative, dans son livre What's mine is yours.37

En parallèle de la progressive construction d'un consensus lexicologique autour de ce terme, s'élabore l'identité sémantique du concept à travers plusieurs apports idéologiques, parmi lesquels Le pair à pair. Ainsi, les réseaux internet et la révolution numérique ont bouleversé nos habitudes de production et de consommation en les inscrivant dans la sphère relationnelle à travers le processus de désintermédiation (des interfaces traditionnelles) et ré-intermédiation, via des plateformes numériques dédiées.

II.2.b Les penseurs de l'économie collaborative

Michel Bauwens, créateur la P2P foundation (Peer-to-Peer Foundation), réseau de chercheurs engagés qui mobilisent leurs connaissances autour de cette notion, a établi une grille38 composée de quatre quadrants dans laquelle il répertorie l'économie collaborative selon quatre axes cardinaux différents, eux-mêmes séparés en deux axes médians : d'un côté, la logique de profit et, de l'autre, la logique sociale et solidaire.

Dans la logique de profit, deux pans s'opposent :

> L'un est centralisé et correspond à un capitalisme nétarchique (Facebook, Google). Les utilisateurs n'ont accès qu'à la valeur d'usage, et non à la valeur d'échange qui est exclusivement captée par la plateforme.

> L'autre est décentralisé. La valeur d'usage est distribuée et la valeur d'échange est spéculative. C'est le capitalisme distribué.

36 RIFKIN J., « l'âge de l'accès, la nouvelle culture du capitalisme », ed La découverte, 2000

37 BOSTMAN. R et ROGERS. R, What's mine is yours. The rise of Collaborative Consumption, 2010

30

38 Annexe

31

Dans la logique sociale et solidaire, l'opposition se fait au niveau de la territorialisation. Dans la dimension mondiale, il y a diffusion de la valeur d'usage et de la valeur d'échange. C'est dans cette sphère que se situent les communs mondiaux, abordés au chapitre précédent. Au niveau local, il y a diffusion de la valeur d'usage et distribution de la valeur d'échange, dans une dynamique de résilience locale.

La réflexion d'Amartya Sen permet d'aborder l'économie collaborative en se basant sur l'économie de fonctionnalité, ou encore économie d'accès selon Jeremy Rifkin, sous l'angle de l'accès aux capabilités, un ensemble d'états et d'aptitudes (santé, éducation, logement...) permettant à un individu de pleinement réaliser son projet de vie. La mobilisation de ce concept implique aussi, dans une visée comparatiste, de repenser la question de l'émancipation économique et politique, à travers l'angle de la monétisation de la propriété privée, qui peut induire un déséquilibre entre les commoners, en raison d'une inégalité de patrimoine.

Cet encastrement du politique et de l'économique, dans une visée émancipatrice et vectrice de transformation sociétale, est également souligné, dans une interview, par Monique Dagnaud, sociologue39 : « Aujourd'hui, l'investissement dans l'économie collaborative est très lié au fait qu'on attend plus rien des partis politiques (...)On attend davantage d'une dynamique de réciprocité égalitaire et créatrice que d'institutions auxquels on délèguerait des pouvoirs. »

Rachel Bostman, théoricienne de l'économie collaborative, développe dans son livre40 une catégorisation en trois axes de l'économie collaborative :

? L'économie de l'accès à un service plutôt qu'à sa propriété :

Cette économie repose sur le principe de biens rivaux41 et sur l'optimisation du taux d'utilisation d'un bien, par la mutualisation de son usage. L'économie de l'accès, si l'on s'en tient au sens que lui donne Jeremy Rifkin, dans le coût marginal zéro, vise ainsi l'usage d'un bien et d'un service, et non plus sa propriété. Bostman désigne cette intermédiation par l'appellation « Product Service System », qui permet de transformer un produit en service. C'est le cas de l'autopartage, objet de notre étude

39 Interview p. 80 in Alternatives économiques.

40Bostman. R et Rogers. R, What's mine is yours. The rise of Collaborative Consumption, 2010 41 Biens rivaux : biens dont l'utilisation ou la consommation n'empêche pas son utilisation ou consommation par d'autres.

32

de terrain, et de toute autre plateforme s'inscrivant dans l'économie de fonctionnalité, via la location de biens entre particuliers.

? Le marché de redistribution :

Les systèmes de redistribution mettent en relation les personnes recherchant un bien avec celles qui les possèdent. C'est le principe du C to C, dont les plateformes comme Le Bon Coin et Amazon, sur le mode marchand, ont fait leur spécialité. D'autres plateformes pratiquent, en revanche, des échanges non monétaires à travers le troc et le don (Freecycle...).

? Le style de vie collaboratif :

Dans ce principe, la communauté est une marque, une réponse à un besoin de reconnaissance et d'appartenance. Cette reconnaissance s'évalue à travers la confiance, véritable monnaie sur laquelle repose l'e-réputation, et donc les échanges. Un haut niveau de confiance est donc indispensable, car la dimension communautaire est le socle sur lequel se base les échanges (monnaie alternative, prêt social...)

La société civile, à travers la dimension participative du web et des réseaux sociaux, participera aussi à l'édification de ce concept, comme en témoigne la classification de la journaliste Jenna Whortham. Elle fait, en 2010, une classification dans le New York Times de l'économie collaborative en deux catégories, mettant en avant le poids et le pouvoir d'un consommateur. Celui-ci, en relation avec d'autres consommateurs, rééquilibre les rapports marchands et place les échanges dans une dynamique soit réciprocitaire, dans lequel le lien précède le bien, soit d'empowerment économique :

1ère catégorie :

Les consommateurs peuvent se regrouper afin d'acheter en commun, pour obtenir soit un meilleur prix (Groupon), soit une traçabilité de l'acte d'achat (savoir quoi et à qui on achète) sur le principe du financement participatif (cf. KissKissbankbank ou Ullule). Cette forme de consommation permet à des individus de devenir actionnaires d'entreprises comme de jeunes startups.

2e catégorie :

33

Le prêt, le don, le troc ou l'échange de biens de temps, de compétences ou encore la location de biens entre particuliers est organisé par des plateformes dédiées. Nous pouvons ajouter le principe des SEL à la longue liste d'exemples cités par l'auteur : Hemp, Recupe, Zilok, RoomRoom,...

Les répartitions du champ de l'économie collaborative diffèrent suivant les contributeurs. Rachel Bostman, théoricienne de l'économie collaborative, décompose cette dernière en plusieurs sections distinctes, bien qu'il existe une certaine porosité entre ces différentes parties : la consommation collaborative, les modes de vie collaboratifs, la finance collaborative, la production collaborative et enfin la connaissance collaborative.

Ouishare, association faisant office depuis 2012, date de sa création, de think-tank de l'économie collaborative et d'incubateur de projet, ne distingue pas, contrairement à Rachel Bostman, la consommation collaborative de l'économie collaborative. En revanche, on retrouve aux côtés de l'économie collaborative les mêmes catégories : le financement participatif, la production contributive et la connaissance collaborative.

Ce rapprochement des termes économie et consommation n'est pas sans rappeler le réductionnisme auquel l'économie au sens large est confronté, lorsqu'il est réduit à la seule économie de marché qui génère par extension une société de marché. De même, l'économie collaborative est associée à une économie de plateforme, alors que certains échanges collaboratifs peuvent se passer de cette intermédiation numérique. Le modèle économique est, par association d'idées, corrélé à un développement économique s'appuyant sur des fonds d'investissement.

Ces réductionnismes véhiculent une idée préconçue d'une économie collaborative, aux pratiques hétérogènes beaucoup plus nuancées.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo