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Les passerelles entre économie solidaire et économie collaboratve


par Eugenie Lobe
Conservatoire national des arts et métiers  - Master Sciences humaines et sociales 2017
  

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I.3 Choix du terrain

Le choix du terrain était vaste, compte tenu de l'expansion du secteur de l'économie collaborative à tous les secteurs d'activité. Il a fallu faire une sélection

52 Berthier N., Les techniques d'enquête en sciences sociales, éd Armand Colin, 2010

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qui a porté sur les domaines du transport et de l'alimentation car ils représentent deux besoins, primaire pour l'un et social pour l'autre, essentiels. Pour chacun de ces secteurs, deux initiatives ont été choisies, suivant, pour l'une, le modèle de l'économie solidaire et, pour l'autre, le modèle collaboratif.

? Le domaine du transport

Dans le domaine du transport, le choix s'est porté sur l'économie collaborative avec le réseau d'autopartage Citiz, qui abolit le lien de propriété et dont la forme juridique est coopérative.

Le modèle de l'économie collaborative choisi est Uber, qui relève bien plus de l'économie capitalistique au niveau macro-économique. La dimension macroéconomique de cette structure a représenté un frein dans l'accès à l'information, et la prise de rendez-vous avec des cadres dirigeants, au niveau national, d'Uber. De plus, Uber a la particularité d'être, non pas une entreprise de transport (comme Citiz) mais un centre d'appels proposant ses services aux auto-entrepreneurs, et les aidant par leur service d'intermédiation à développer leur activité. En effet, le contrat qui lie Uber aux chauffeurs auto-entrepreneurs est un contrat de prestations. Les chauffeurs sont des clients, et non des salariés. Une embauche est un « enrôlement » (enboarding) et un licenciement, une « désactivation ». Les clients d'Uber ne sont donc pas les usagers-passagers, mais plutôt le réseau d'auto-entrepreneurs dans le domaine du transport.

Ces entrepreneurs partagent, pour la plupart, la croyance en un même système de valeurs, lié au modèle collaboratif qui représente la possibilité, pour eux, de pouvoir s'auto-réaliser, dans une dynamique d'empowerment. Ce système de valeurs, largement diffusé par une partie de l'économie marchande, à travers un habile travail d'acculturation via les médias mainstream, a très largement participé à la démocratisation des valeurs de coopération de l'économie collaborative, mais aussi à la réduction de cette économie à la sphère marchande. Ainsi, beaucoup de chauffeurs-entrepreneurs abordent l'aventure Uber en pensant participer à une transformation sociétale, et quelques mois ou années plus tard, ne trouvent plus de

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correspondance entre la figure Schumpeterienne53 du vaillant entrepreneur social véhiculé par la sphère collaborative, et leur situation réelle d'auto-entrepreneur isolé et endetté.

En effet, si ces auto-entrepreneurs participent au nouveau mode d'organisation sociale d'une société post-salariale qui, grâce à l'économie de pair à pair et de fonctionnalité, répond avec une acuité accrue aux besoins de consommateurs qui le plus souvent co-construisent l'offre, ils sont aussi quasi systématiquement exclus de la captation de valeur.

? Le domaine de l'alimentation

Les modes de consommation ont changé, en particulier dans l'alimentation de plus en plus reconnue comme vectrice de maladies, suite aux nombreuses controverses concernant l'étiquetage et la traçabilité des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM).

Le circuit court, garant d'une traçabilité irréprochable et gage de qualité, est de plus en plus plébiscité. En 2013, 42 % des personnes interrogées ont acheté, le mois précédent l'interview, au moins un produit issu du circuit court.

Le choix du terrain s'est porté sur deux modèles différents du circuit court, dans la consommation agricole : le modèle des AMAP et celui de La Ruche qui dit oui, qui semblent être l'un et l'autre à chaque bout du large spectre de l'économie collaborative.

Créée en 2011 sous la forme juridique d'une SAS, La Ruche qui dit oui représente actuellement un effectif de 1 000 ruches en France. Le principe est le suivant : un particulier, une association ou une entreprise décide d'ouvrir une ruche dans un territoire donné. Il doit alors contacter les producteurs dans un rayon de 250 kilomètres et recruter au moins une dizaine de membres qui souhaitent acheter des produits locaux (miel, légumes, pains...).Chaque semaine, le responsable diffuse sur le site une sélection de produits aux prix fixés par les agriculteurs, qui détermine aussi un minimum de commande pour livrer. Le consommateur, également désigné

53 (dir) KLEIN, LAVILLE, MOULAERT, l'innovation sociale, Erès, 2014, p9 -10

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sous l'appellation « abeille », a alors 6 jours pour passer commande sur le site et payer. Il n'y a pas d'abonnement, l'abeille ne paie que ce qu'il choisit de prendre.

A la mi-2015, La Ruche qui dit oui comptabilisait 130 000 clients actifs, pour plus de 700 responsables de ruche qui se déclinait sous les formes juridiques suivantes :

? 66 % d'auto-entrepreneurs ; ? 18 % d'associations ;

? 9 % d'entreprises commerciales ; ? 7 % d'entreprises agricoles.

La Ruche qui dit oui a un modèle qui est davantage orienté vers le client (le panier correspond d'un point de vue rapport-qualité prix à la somme réglée et il n'y a pas d'abonnement). Les AMAP ont un engagement citoyen qui est davantage tourné vers le producteur (le panier dépend de la récolte et l'abonnement pris par le consommateur l'engage sur la durée).De plus, La Ruche qui dit oui a un système distributif du revenu qui fonctionne de façon pyramidale, alors que les AMAP sont sur le mode de la réciprocité (engagement bénévole).

L'objectif affiché des AMAP est la suppression des intermédiaires traditionnels et le recentrage sur la relation entre consommateurs engagés (car impliqués bénévolement dans l'AMAP) et paysans dont les récoltes sont pré-financées. La charte de l'AMAP affirme les principes de l'agriculture paysanne et généralise la pratique de l'évaluation participative du réseau.

L'une et l'autre des initiatives correspondent aux styles de vie collaboratifs, selon la segmentation de Rachel Bostman, tandis que Citiz et Uber correspondent davantage à la catégorie du « Product Service System » (économie de l'accès et de fonctionnalité, selon Rifkin).

Nous pouvons également procéder à une mise en perspective de ce terrain avec la grille de l'économie collaborative de Bauwens (Annexe 3). Ces hypothèses seront ensuite validées ou infirmées par l'analyse de terrain qui va suivre.

Les AMAP et Citiz se situent sur le champ de l'économie sociale et solidaire. Elles entrent clairement au regard des valeurs portées, et des pratiques qui sont les leurs, dans le quadrant de la résilience locale (covoiturage, partage de terres, partage

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de compétences) suivant la segmentation que Michel Bauwens fait de l'économie collaborative.

La logique sociale et solidaire est une logique de bénéfice : la valeur d'usage est diffusée et la valeur d'échange distribué. Le modèle d'Uber, en tant que plateforme, oscille entre capitalisme nétarchique (valeur d'usage pour les utilisateurs, pas d'accès à la valeur d'échange) et capitalisme distribué suivant la logique des places de marché P to P. La force de travail que cette plateforme utilise, composée d'une myriade d'initiatives d'auto-entrepreuneurs, se situe-t-elle nécessairement dans le même champ ? C'est une question d'autant plus importante que la captation de valeur d'Uber et celle des auto-entreprises collaborant avec Uber n'est pas la même.

La catégorisation du modèle de l'entité nationale de La Ruche qui dit oui, autour de laquelle gravitent les 1 000 ruches locales portées par des initiatives individuelles dans des territoires plus restreints est, quant à elle, plus difficile à situer.

Présentation de la grille d'entretien

? Constitution de l'entretien :

Comme l'expriment justement Blanchet et Gotman (2007, p. 58), le guide d'entretien est « un premier travail de traduction des hypothèses de recherche en indicateurs concrets et de reformulation des questions de recherche (pour soi) en questions d'enquête (pour les interviewés) ».

La thématique de départ porte sur les critères de l'économie solidaire, sur lesquels peuvent s'aligner les initiatives de l'économie collaborative choisies. La constitution d'une grille d'analyse, à partir de trois ou quatre catégorisations retenues et des séries d'indicateurs qui en découlent, est l'objet de cette étude de terrain.

Les traits distinctifs qu'on souhaite mettre en lumière étant les caractéristiques relevant de l'économie solidaire des initiatives du monde collaboratif, il m'est apparu pertinent de reprendre comme trame de questionnaire un outil élaboré en master 2 « Innovations sociales et conduite du changement » par Mme Bucolo : le guide d'entretien dédié à la cartographie des initiatives ESS. Ce questionnaire, qui explore

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chaque dimension des initiatives ESS, nous a permis en deuxième année de master professionnel de faire des analyses très fines et une cartographie de grande qualité.

J'ai cependant opéré quelques modifications, afin de l'adapter à mon champ d'étude. En effet, je n'ai pas exploité l'ensemble des questions de ce guide, mais plutôt les grands thèmes. Parmi les thèmes que j'ai retirés du questionnaire final, figure la thématique sur les compétences, car cette question ne m'apparaissait pas comme primordiale. Et enfin, la question relative au réseau sol, qui sortait complètement de mon cadre d'analyse.

La question des compétences s'est néanmoins posé de façon transversale, puisque l'économie collaborative participe à une nouvelle forme d'organisation du travail, plus horizontale et modulable, posant avec plus de pertinence que jamais la question dans une relative porosité entre ces différents champs, des rôles de producteur-consommateur-distributeur.

Par ailleurs, j'ai ajouté au guide d'entretien : une question sur la dimension numérique, bien qu'il ne s'agisse pas de confondre l'économie de plateforme de l'économie collaborative ; une question sur la valeur d'usage et la propriété ; une question sur le capital social/capital confiance et les effets de réseaux ; et, enfin, une question sur les articulations « désintermédiation/ré-intermédiation », « marchand-non marchand », « local-global ».

Caractéristique de l'offre et mise en oeuvre de celle-ci

 

Innovation et utilité sociales

 

Gouvernance

- Quelles sont les instances de

gouvernance ?

- Comment se déploie la vie
démocratique au sein de la structure ?

52

 

- Quelle est l'articulation

bénévolat-salariés ?

Financement

- Y a-t-il une hybridation de

ressources et, auquel cas,
comment s'exprime-t-elle ?

Dimension numérique

- Rôle de la plateforme.

- Rôle des interactions entre les

usagers de la plateforme et le déploiement de l'offre.

- Masse critique.

Vitalité démocratique et capital

social

- Participation des usagers.

- Participation de l'ensemble

des parties prenantes à la
construction de l'offre.

- Capital social du public et
bénéficiaire accueilli par le biais de l'initiative, dans une dynamique de réseau.

Valeur d'usage et propriété

- Rapport au commun.

Dynamique de coopération avec les politiques publiques

 

Implantation territoriale

Autres

- Global mondial), local.

- Désintermédiation/

ré-intermédiation.

- Marchand/non marchand.

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D) Grille d'analyse à partir des entretiens/Analyse de contenu

Les catégories et indicateurs que j'ai dégagés des entretiens et de l'analyse de leur contenu sont les suivants :

1ère catégorie : Finalité de la production : levier de changement sociétal Indicateurs :

- compétences d'une pluralité d'acteurs dans une multitude de champs d'actions autour du bien commun ;

- changement dans l'organisation du travail ;

- lien de propriété (plateformes logicielles/propriétaires), valeur d'usage, redéfinition

de la propriété, voire abolition de celle-ci.

2e catégorie : Echelle territoriale locale, économie de proximité

Indicateurs :

- une portée et un sens politique : participation citoyenne ;

- exercice de la démocratie ;

- engagement volontaire relevant de la réciprocité entre citoyens : relation entre capital social et confiance (lien de réciprocité) ;

- volonté d'émancipation ;

- espaces publics de proximité.

3e catégorie : Modèle de développement reposant sur l'hybridation des ressources Indicateurs :

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- dimension politique modifiant le modèle économique (socio-diversité/encastrement) ;

- autre mode d'entreprendre (cf, loi ESS 2014).

E) Analyse critique des limites :

- Mon terrain comprend peu d'entretiens et l'échantillon est, de ce fait, trop petit pour être représentatif. C'est la raison pour laquelle la dimension discursive, au sens de récit tant d'un point de vue signifiant que signifié, est essentielle.

- Certains entretiens sont de véritables tranches de récits, lorsque la confiance invite l'interviewé à l'épanchement. Ces « récits » sont d'une grande qualité sur les pratiques et donnent du sens aux histoires de vies professionnelles.

- Le guide, axé sur l'économie solidaire, n'était cependant pas adapté à tous les interlocuteurs. Certaines thématiques et formulations ont entraîné gêne et incompréhension parfois, et crée une distance dans l'établissement de la relation entre « enquêté » et « enquêtrice ». Loin de leur cadre normatif et déstabilisés par certaines questions, certains interviewés ont donné des réponses superficielles, ne livrant pas le fond de leur pensée, malgré de nombreuses relances et encouragements.

II) Analyse de terrain

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle