II.1) Le domaine du transport de voyageurs
? Présentation des deux initiatives, Citiz et Uber :
La première initiative, Citiz, est une
coopérative d'auto-partage, composée de 13 coopératives
locales. Citiz Ile-de-France-Ouest était une SIC (Société
coopérative
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d'intérêt collectif), qui s'est d'abord
constituée en association, Cergy Auto-partage, née en 2009. La
transformation en entreprise sociale Citiz a eu lieu en 2011. Son
activité s'est arrêtée en juin 2016.
Il n'y a pas de clivage particulier, au regard des deux
entretiens menés, entre Citiz Ile-de-France et Citiz national. Les deux
discours peuvent quasiment, à quelques mots près, se superposer
l'un sur l'autre. Le coeur d'activité de cette structure est la mise
à disposition de véhicule en libre-service. Citiz Ile-de-France
était adhérente du réseau France Auto-partage (qui devient
Citiz en 2013) qui leur fournissait tout le système d'exploitation des
véhicules en auto-partage. Ce réseau réunissait 15
opérateurs d'auto-partage en 2013, qui ne sont aujourd'hui plus que 13.
Citiz Ile-de-France et Citiz national ont un ancrage territorial très
marqué au niveau local, mais leur présence sur le territoire
dématérialisé d'Internet n'est pas dans leur
stratégie, un enjeu fondamental.
Comme le démontre Rachel Bostman dans le livre
What's mine, yours, la logique collaborative peut exister en dehors de
la sphère numérique. C'est le cas de ces deux structures. Ce
constat semble particulièrement vrai pour les activités hors Pair
to Pair, la plateforme numérique ne faisant pas office
d'intermédiation. Citiz, suivant la classification de Rachel Bostman,
relève des « Products Services system », l'économie
d'accès à un service, qui a vocation à dépasser
« la vision classique de la propriété pour proposer une
réponse à travers un service auquel le consommateur a
accès ».
La seconde initiative, Uber, se rapproche davantage, via des
plateformes logicielles et propriétaires, du capitalisme
nétarchique qui permet à la fois le large déploiement de
la coopération humaine (digital labor) et l'extraction de
valeur par des propriétaires singuliers54. D'ailleurs,
Bauwens considère qu'Uber ne construit pas sa logique autour du commun,
mais selon la logique du profit (capitalisme distributif).
Les nombreuses polémiques, ponctuées de
procès auxquelles Uber fait régulièrement face, posent la
question du passage d'un capitalisme tourné vers la captation des rentes
vers un capitalisme de type « génératif »,
redistribuant la richesse à ceux qui contribuent aux communs. On ne peut
aborder le cas d'Uber, sujet à de
54 Benjamin CORIAT, Le retour des communs,
intro du chapitre 4 "Perspective pour demain", p. 256.
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nombreuses controverses dont la plupart restent en suspens,
sans passer par un bref historique :
? En 2008, la commission pour la libéralisation de la
croissance française, présidée par Jacques Attali,
souhaite libéraliser le secteur des taxis. Cette décision
entraîne une pression des taxis qui refusent qu'on augmente le nombre de
licences, car cela aurait pour conséquence de faire baisser la valeur
des licences (valeur moyenne : 230 000 euros). L'indemnisation des taxis semble
impossible pour l'Etat, le montant hypothétique de cette indemnisation
étant de 3 milliards.
? En 2009, la loi Novelli autorise la création d'une
nouvelle catégorie de transport avec chauffeur, les VTC (Voiture de
Transport avec Chauffeur), permettant la mise en circulation de nouveaux
véhicules dédiés au transport de personnes, tout en
réservant le privilège du « maraudage » aux taxis. Or,
l'innovation juridique est très vite supplantée par l'innovation
technique. En effet, le progrès technique, ayant entraîné
la généralisation de smartphones et d'applications, le «
maraudage électronique » est désormais possible grâce
aux plateformes dédiées comme Uber, le grand précurseur,
Le Cab, Chauffeur privée, Hitch, Drivy...
L'analyse des quatre entretiens, passés avec deux
dirigeants de Citiz et deux chauffeurs indépendants d'Uber, permet de
renseigner les catégorisations précédemment faites et de
valider les indicateurs employés.
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