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Les passerelles entre économie solidaire et économie collaboratve


par Eugenie Lobe
Conservatoire national des arts et métiers  - Master Sciences humaines et sociales 2017
  

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II.1.a) Finalité de la production

? La finalité de la production est un levier de changement sociétal majeur :
? Changement des mentalités et sensibilisation à la question environnementale

Les 2 dirigeants de Citiz interrogés affichent comme prioritaire la finalité environnementale dans leur entreprise : Il s'agit de faire évoluer et changer les mentalités. « La finalité environnementale est primordiale, puisque une voiture partagée remplace 10 voitures particulières et l'idée est : si je ne suis plus propriétaire de voiture, je vais moins l'utiliser et donc réduire les gaz à effet de serre », admet Jean-Baptiste Schmider (Directeur Général de Citiz National). Julien

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Besnard (Directeur de Citiz Ile-de-France) et Jean-Baptiste Schmider lui reconnaissent une utilité sociale, avant tout environnementale. La finalité première est la réduction des nuisances sonores et des gaz à effets de serre en ville afin d'en améliorer la qualité de vie. Chaque voiture en auto-partage correspondrait, selon eux, à 10 tonnes de CO2 en moins émis dans l'atmosphère.

? Economie de la fonctionnalité (de l'accès) et de la circularité au service de l'utilité sociale

L'économie de la fonctionnalité repose sur le gisement de capacité excédentaire : le taux d'utilisation d'un véhicule n'est jamais de 100 %. Il est le plus souvent en stationnement, d'où l'intérêt de mutualiser ses capacités excédentaires et optimiser son utilisation.

L'autre finalité est sociale, car l'autopartage permet la relocalisation des activités sur un territoire de proximité, et le maillage de liens plus étroits. Cela participe à une hausse des échanges entre voisins, qui vont plus fréquemment mutualiser cette pratique, dans leurs activités quotidiennes, comme déposer ses enfants aux activités extrascolaires du mercredi.

L'une des finalités sociales observées est l'accès à la mobilité économique pour les personnes n'ayant pas les moyens de s'acheter une voiture, et qui peuvent ainsi bénéficier d'un accès occasionnel, correspondant à leur besoin ponctuel. Citiz a ainsi mis en place un parc de véhicules dédiés aux usagers de Pôle emploi, en leur qualité de bénéficiaires d'aides de retour à l'emploi, dont le véhicule mis à disposition en auto-partage est l'un des vecteurs.

Une déclinaison de cette optimisation des capabilités des publics dits « empêchés »*55 au sein de Citiz a été l'accès, pour les personnes en situation de handicap et/ou à mobilité réduite, à un parc de véhicules leur étant exclusivement dédiés car aménagés à cet effet.

On observe une forme de mutualisation, dans l'innovation, qui n'est plus portée par un seul acteur mais, dans une dynamique locale, par plusieurs partenaires

55 http://www.enssib.fr/le-dictionnaire/publics-empeches

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partageant le même diagnostic territorial. Ainsi, Citiz a co-construit cette action en direction des personnes en situation de fragilité économique avec des partenaires spécialisés dans le monde de l'insertion, comme les CCAS. Cette opération, mise en place avec un certain nombre de financeurs et partenaires du monde du handicap, a permis de répondre à un important besoin social. Elle s'est depuis essaimée, Citiz ayant décidé de l'étendre à un plus important nombre de villes.

L'utilité sociale est ici appréhendée au sens large : le public est encouragé à utiliser le circuit de récupération de vieilles voitures mis en place par Citiz, qui reprend les voitures usagées et les confie à un garage solidaire qui va intégrer ces véhicules dans un circuit d'insertion. Citiz fournira à ces partenaires des droits d'utilisation et d'accès à son parc de véhicules en échange de cette cession.

? Compétences et pluralité d'acteurs, multitude de champs :

Les acteurs associés à cette initiative relève de différents champs et secteurs d'activité. Parmi eux :

? des groupes de militants ESS et développement durable, qui oeuvrent sur des problématiques telles que la place de la voiture en ville ;

? des collectivités se saisissant d'un enjeu urbain fondamental (la disposition des places de parking en ville) ;

? l'ensemble du réseau France auto-partage Citiz sur les plans de la communication et les échanges de pratiques ;

? les financeurs de l'ESS (Cigales...) et les utilisateurs du service qu'ils soient particuliers, entreprises ou collectivités.

Cette pluralité d'acteurs assure une certaine vitalité à l'activité, dont le déploiement s'observe tant d'un point de vue territorial que dans les mentalités.

On retrouve une vraie mixité et complémentarité au niveau des compétences mobilisées (gestion de flotte, administration, comptabilité...) au sein de l'équipe bénévole et salariale. On l'observe également au sein de la coopérative locale comme au niveau national, le socle commun de ces équipes pluridisciplinaires étant une certaine appétence pour le secteur de l'économie sociale et solidaire.

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Il existe cependant un véritable risque d'homogénéisation des équipes salariales, en raison de l'orientation de plus en plus « gestionnaire » et managériale des profils recrutés par Citiz (école de commerce). Cette homogénéisation fait en quelque sorte écho à celle des clients et usagers dont le profil est généralement uniforme : urbain, diplômé et issu de la classe moyenne supérieure. « Dans les responsables d'agence, on recrute soit des gens qui viennent d'écoles de commerce ou des gens qui viennent de Master spécifiques tels les sciences économiques », avoue Jean-Baptiste Schmider.

? Bien commun (propriété/usage)

L'auto-partage questionne par essence la problématique de la propriété privée. En effet, la voiture est un bien si privé qu'il existe des ménages où chaque conjoint en possède une. Et les enfants, en grandissant, aspirent à ce modèle et ont également leur propre voiture, qui symbolise leur indépendance naissante.

« Citiz propose une alternative à la voiture en grande couronne. Ces territoires sont conçus et pensés pour la voiture, mais est-ce que pour autant tout le monde doit avoir sa voiture ?Il faut penser au développement d'autres alternatives à la voiture : vélo, marche à pied, auto-partage... L'auto-partage représente en cela surtout une alternative à la deuxième voiture dans les foyers », prévient Jean-Baptiste Schmider. L'auto-partage s'inscrit en cela complètement dans une logique des communs, à plusieurs titres. Le plus évident est l'abolition du lien de propriété.

Suivant la définition de Samuelson, la voiture est un bien privatif pur : dimension à la fois d'exclusivité (l'usage de ce bien exclut l'autre personne) et de rivalité (la consommation du bien limite et interdit sa consommation par un autre individu).

Au-delà de la dimension de partage d'un même parc de véhicules, qui constitue en quelque sorte un CPR (Common Pool Resource) au sens d'Elinor Ostrom, il offre la possibilité de redéfinir le lien entre propriété et usage, en déclinant un « faisceau de droits »56 entre la propriété privée et le bien public. Le CPR « se caractérise par

56 « Bundle of rights », Elinor Ostrom.

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le fait que bien que consistant en des « stocks », les ressources qui les composent peuvent être aisément soustraites sous forme d'unités prélevées dans le stock »57.

Dans cette perspective, Citiz présente à la fois un droit de propriété collectif, et non privé, de par sa forme juridique, la coopérative. Celle-ci porte dans ses statuts cette vision des communs : propriété partagée, gestion de la ressource, gestion du collectif autour de l'intelligence collective à partir des valeurs de partage, de coopération et de démocratie en entreprise. Le capital social est en effet partagé entre 84 sociétaires, à la fois propriétaires et usagers de ce bien collectif, dans la perspective d'un projet de partage et d'inclusion des personnes. Le sociétariat est d'ailleurs ouvert aux clients, puisque 15 % d'entre eux ont des parts sociales. Ces sociétaires offrent un droit d'usage aux autres clients et bénéficiaires. L'un des dirigeants de Citiz considère qu'il y a là une forme d'abolition du lien de propriété puisque la propriété est collective : « A tout le monde, et à personne à la fois. »

L'autre forme de commun est la visée environnementale, et concerne les dimensions d'écologie et de développement durable, dans une logique de proposition d'alternative pour réduire l'impact environnemental de la voiture : « On s'inscrit dans un modèle de développement économique durable et solidaire, avec une finalité environnementale. C'est vraiment réduire les nuisances à la voiture en zone urbaine. C'est vraiment ça notre finalité et en termes de valeurs, c'est l'environnement avant le profit et un développement soutenable», reconnaît Julien Besnard (Directeur de Citiz Ile-de-France).

Le bien commun peut en ce sens aussi concerner la gestion de l'espace public, tout particulièrement dans sa dimension environnementale, ainsi que la circularité des véhicules dans cet espace. Comme l'écrit Antoine Fleury : « La protection de l'environnement (Umwelt) - au sens du milieu dans lequel la société évolue - est aujourd'hui centrale dans l'action publique. Il s'agit de limiter la pollution, de réduire la consommation énergétique ou encore de retraiter les déchets. Or, dans les grandes métropoles, l'automobile est considérée comme l'un des principaux facteurs de pollutions, qu'elles soient atmosphériques ou sonores. C'est pourquoi, dans un objectif de santé publique, ce mode de déplacement est désormais perçu comme inadapté à la ville dense. Des politiques plus favorables aux transports en commun

57 Page 31, Coriat

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et aux « circulations douces » (bicyclette, roller) sont mises en oeuvre, pour lesquelles l'aménagement des espaces publics constitue l'un des outils possibles. Cependant, si l'aménagement des espaces publics joue un rôle dans les politiques des déplacements, c'est à des degrés divers selon les villes. »58

On observe ainsi de nouvelles formes d'articulation individuelle et collective, à travers la redéfinition du lien de propriété. Car si l'économie collaborative se définit suivant plusieurs critères, dont les plus spécifiques sont la mise en commun de ressources et dans une certaine mesure l'interaction de pair à pair, les ressources utilisées ne sont pas créées.

Elles sont optimisées grâce à la mise à la disposition auprès des usagers particuliers, de biens dont les propriétaires partagent l'usage. L'usage sera préféré à la possession (économie de fonctionnalité). Dans le cas d'une coopérative d'auto-partage, la légitimité de la propriété répartie suivant le nombre de sociétaires est évidente, tout comme l'acceptation du terme « commun » pour cette copropriété. Ce n'est pas le cas pour toutes autres initiatives, pour lesquelles se pose la question de la juste répartition de cette co-propriété (Ostrom) et des revenus générés lorsqu'elle est reconnue en tant que telle. Ce qui n'est pas toujours le cas.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille