II. Débat public
II.1 Le débat public, comme outil
d'émancipation
La création d'espaces publics de proximité
permet aux citoyens et aux usagers de prendre la parole sur la vie locale et
repenser ensemble l'activité économique et la sphère
politique. Aux côtés de représentants d'institutions et
d'élus, les citoyens et les acteurs de la société civile
participent au renouveau démocratique et à l'émancipation
politique des publics concernés, ainsi qu'à la co-construction de
programmes de développement locaux, sur les propositions d'une
pluralité d'acteurs (usagers, entreprises locales, institutions,
élus...).
La pratique du débat public n'est cependant pas
normative, en dépit d'un certain nombre de textes impliquant des
recommandations quant à son déploiement sur le
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plan institutionnel. C'est le cas de la loi Voynet sur
l'aménagement du territoire et du développement durable en 1999,
et la loi Vaillant en février 2002 qui institue les débats
publics ainsi que les conseils de quartiers dans les villes de plus de 80000
habitants.
Dans l'arène académique, Loic
Blondiaux20, s'inspirant de penseurs comme Rawls et Habermas,
associe trois impératifs à la démocratie
délibérative : Le premier est l'argumentation: la
décision légitime doit s'accompagner d'un échange
d'arguments, dont sortira vainqueur celui détenant le meilleur
argumentaire. Le deuxième impératif est l'inclusion :
Toutes les personnes concernées par la décision, doivent y
participer. Et enfin, le troisième impératif, la transparence, ou
ce qu'Habermas qualifie de « publicité »,
légitime le processus en permettant à quiconque d'y entrer
et d'y assister. Dans la pratique, comme le démontre Loïc
Blondiaux, il demeure cependant une série d'approximations, d'«
impensés » autour de ce terme et des pratiques qu'il implique.
Ainsi la participation du plus grand nombre, et notamment des groupes les plus
marginalisés, n'est pas garantie : « Comment les mettre
à égalité de ressources discursives, argumentatives,
rhétoriques et donc politiques avec les représentants des groupes
sociaux dominants ? En un mot, comment restaurer les conditions d'une
égalité démocratique minimale dans ces « forums
hybrides » au sein desquels l'asymétrie des positions est toujours
la règle. »21 De plus, l'espace de
participation/délibération et de débat public est souvent
déconnecté de l'espace de décision, et suscite une
certaine forme de désintérêt. Enfin, dans le même
texte, Loïc Blondiaux22, citant les quatre échelles de
Arnstein (sociologie des organisations anglo-saxonnes) identifie en termes de
participation : l'information, la consultation, la concertation et la
codécision. L'implication citoyenne dans les initiatives solidaires,
à l'échelle locale permet d'intégrer ces quatre phases
dans un processus de décision collectif. L à où d'autres
formes d'organisation peinent à dépasser le niveau informationnel
ou consultatif. Cette incitation participative, suivie d'effet, tient au fait
que les usagers et
20 Loïc Blondiaux, « L'idée de
démocratie participative : enjeux, impensés et questions
récurrentes », in Marie-Hélène Bacqué et al.,
Gestion de proximité et démocratie participative, La
Découverte « Recherches », 2005, p. 119-137
21 Ibid
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bénéficiaires des actions solidaires sont
également partis prenantes et co-constructeurs à la fois de
l'offre et de la demande.
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