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Les créanciers face aux impératifs de sauvetage des entreprises en difficulté en droit OHADA


par Ganiyou BOUSSARI
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master 2 en droit privé et sciences criminelles/Carrières judiciaires 2022
  

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B- Le droit à résolution des créanciers parties à l'accord amiable

L'objectif de la procédure de conciliation est pour le débiteur d'obtenir un accord avec ses principaux créanciers ou partenaires. L'issue de cette procédure peut se solder à la suite des négociations par un échec ou un succès.

En effet, lorsque les négociations n'aboutissent pas à la conclusion d'un accord amiable, le conciliateur présente sans délai un rapport écrit au président de la juridiction compétente et met fin à sa mission et à la procédure, après avoir entendu le débiteur84(*).Ainsi, les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances et sûretés. En telle hypothèse, si le débiteur n'est pas en cessation de paiements, il reste libre et peut demander l'ouverture d'un règlement préventif. Il peut être, en revanche, en cessation de paiement et si cet état de cessation des paiements ressort du rapport du conciliateur, le tribunal se saisit d'office afin de statuer sur l'ouverture d'une procédure collective85(*).

Dans le cas où un accord amiable a pu être obtenu, il doit faire l'objet d'une formalité qui varie selon le choix des parties à l'accord. En effet, à la requête de la partie la plus diligente, l'accord signé peut être soit déposé au rang des minutes d'un notaire86(*), soit homologué ou exequaturé par la juridiction compétente ou l'autorité compétente statuant à huit clos87(*). La prescription de ces formalités par la loi est destinée à donner à l'accord amiable une force obligatoire tant à l'égard des créanciers qu'à l'égard du débiteur88(*).L'accord de conciliation produit des effets à l'égard des créanciers qui ont participé à cet accord et exceptionnellement vis-à-vis de créanciers qui n'ont pas participé à la procédure89(*). L'accord constaté ou même homologué n'a en principe de force obligatoire à l'égard des créanciers qui ne sont pas parties à l'accord90(*).Les créanciers non impliqués à l'accord poursuivent librement le recouvrement de leurs créances.

L'on notera que les parties à l'accord de conciliation sont tenues de se soumettre aux engagements qu'ils ont pris de part et d'autre91(*). Le débiteur est obligé d'exécuter ses engagements dans les termes de l'accord intervenu entre lui et ses partenaires. Lorsque le débiteur bénéficiant d'un accord amiable exécute convenablement ses obligations, aucun problème majeur ne se poserait car il s'agit d'une conséquence logique des démarches de conciliation et l'objectif poursuivi.

Les créanciers trouvent également leurs intérêts dans la conciliation ayant abouti à un accord, en ce qu'ils peuvent être remis dans leurstatut quo ante en recouvrant leur droit de poursuite. Cela n'est possible que dans les cas où le débiteur n'exécute pas ses engagements. En ce sens, l'article 5-13 AUPC révisé dispose que « la juridiction ou l'autorité compétente ayant connu de la conciliation est seule compétente pour connaitre de toute inexécution de l'accord et pour en prononcer la résolution ».L'alinéa 2 ajoute que si la résolution est prononcée, les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances, déductions faites des sommes perçues. Il résulte de ces dispositions que les créanciers impliqués dans un accord amiable bénéficient d'un droit à résolution qui leur permet d'anéantir rétroactivement l'accord intervenu et d'engager des poursuites en recouvrement de leurs créances contre le débiteur qui n'exécute pas ses obligations contractuelles. Le droit à résolution de l'accord conclu entre débiteur et créanciers n'est pas en soi une nouveauté car il a été prévu également dans le cadre du règlement préventif92(*) et du redressement judiciaire93(*). Le Tribunal de grande instance de Wouri avait, par un jugement, prononcé la résolution d'un concordat conclu entre le débiteur et la majorité des créanciers94(*). Mais sur appel, la Cour d'appel avait annulé ce jugement de résolution et décidé que celui-ci « continue de produire son plein et entier effet » au motif que les prescriptions légales n'ont pas été respectées, notamment celles qui prévoient qu'en cas de cessation de paiements, un délai de trente (30) jours doit être accordé au débiteur pour faire une proposition de concordat, etqu'« aucun créancier, ni le représentant du ministère public, ni les commissaires aux comptes, ni ses représentants légaux ne sont à l'origine de la saisine du tribunal »95(*).L'intérêt d'évoquer cette protection des créanciers dans la conciliation découle de la place qu'elle occupe dans cette procédure qui est une innovation du droit OHADA des procédures collectives.

La résolution d'un contrat est régie par les règles prévues dans chaque Etat partie dans la limite de ses frontières géographiques. Au Sénégal, par exemple, c'est l'article 105 alinéa 1erdu Code des obligations civiles et commerciales, qui consacre la résolution d'un contrat pour inexécution. Cet article disposeque « dans les mêmes contrats, lorsque l'une des parties manque gravement à ses obligations en se refusant de les exécuter, en tout ou en partie, l'autre peut (...) demander en justice soit l'exécution forcée, soit la réduction de ses propres obligations, soit la résolution du contrat ».Cependant, on peut retrouver des régimes juridiques spécifiques relatifs à la résolution. C'est le cas de la résolution des accords destinés au sauvetage d'une entreprise.Ainsi, l'accord de conciliation peut faire l'objet de résolution suivant les règles de l'AUPC révisé.

Par ailleurs, les clauses de résolution peuvent être insérées dans l'accord de conciliation96(*), mais ne peuvent en aucun cas entrainer la résolution de plein droit. Dans cette hypothèse, la juridiction ou l'autorité compétente est la seule habilitée à prononcer la résolution de l'accord de conciliation. L'intervention de la justice fait donc échec au jeu de la « résolution de plein droit et sans sommation » prévue par le droit civil.

Etant en matière commerciale, l'action en résolution se prescrit par cinq (05) ans. C'est ce que prévoit l'acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) qui dispose en son article 16 alinéa 1er que « Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ». Cette règle prévoyant une prescription quinquennale a été reprise par le Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal, en son article 22497(*) concernant les obligations à exécution successive.

Parce qu'elle emporte anéantissement rétroactif de l'accord, la résolution entraine la déchéance des délais de paiement accordés dans cet accord et le retour aux conditions d'exigibilité initiales des créances qui sont l'objet de l'accord98(*).En ce qui concerne les créances qui ne sont pas l'objet de l'accord, mais pour lesquelles le juge a octroyé un délai de grâce, le président de la juridiction compétente en présence d'un accord homologué, qui décide la résolution a un pouvoir d'appréciation au cas par cas, le sort des créances susceptibles d'être dissociées des créances visées explicitement dans l'accord.

Lorsque l'accord de conciliation contient un privilège de « new money », le juge doit veiller pour son homologation ou son exequatur, à ce que l'octroi de ce privilège ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non parties à l'accord99(*). Le prononcé de la résolution d'un tel accord semble limité. En effet,le privilège accordé aux apporteurs de fonds nouveaux qui ont participé à l'accord ne tombe pas et profitera à ceux-ci,qui pourront faire valoir un rang prioritaire très favorable dans le cadre d'une procédure collective ultérieure éventuelle100(*).

Pour ce qui concerne les garants de l'exécution de l'accord, à savoir les coobligés ou des personnes qui avaient consenti, dans cet accord, une sûreté personnelle ou avaient affecté ou cédé un bien en garantie, l'AUPC révisé prévoit que ceux-ci peuvent se prévaloir de l'accord101(*). L'accord mettant fin à la procédure de conciliation, qu'il soit homologué ou simplement déposé au rang des minutes d'un notaire ou encore exequaturé, profite à ces garants. La question s'était longtemps posée de savoir si les cautions des dettes du débiteur bénéficiaient des stipulations de l'accord homologué. La réponse à cette question a été jusqu'à une certaine époque incertaine, une partie de la doctrine distinguant entre les remises de dettes et les délais de paiement102(*). La Cour de cassation française avait par la suite mis fin à ces incertitudes en rejetant toute altérité et en posant un principe très clair et favorable à la caution qui ne pouvait être traitée volontairement par le créancier plus sévèrement que le débiteur lui-même : les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d'un règlement amiable bénéficient à la caution103(*).

Cela étant, le principe de l'indivisibilité de l'accord de conciliation et des sûretés consenties pour son acceptation par les créanciers revêt une portée tout à fait naturelle sur le terrain de la résolution de l'accord. En effet, s'il est admis que les garants puissent se prévaloir de l'accord de conciliation, la résolution de cet accord emporte-elle anéantissement des sûretés consenties ? La réponse à cette interrogation semble, à notre avis, affirmative pour deux raisons au moins. L'accord de conciliation est un contrat et obéit de ce fait aux règles générales de formation du contrat104(*). Dans le cadre d'une procédure de conciliation, la cause du cautionnement par exemple se trouve dans l'accord amiable dont il garantit l'exécution. Ainsi, la résolution de l'accord amiable correspondrait à la disparition rétroactive de la cause de la garantie qui était consentie. Il est logique qu'on admette que si la cause d'un contrat disparait, ce contrat aussi ne doit plus exister. En outre, par application du principe selon lequel, « l'accessoire suit le principal », les engagements du débiteur constituant le principal, s'ils disparaissent par l'effet de la résolution, les garanties qui l'accompagnaient' étant les accessoires,sont censées être caduques. Cette solution parait conforme à l'esprit des dispositions de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS)105(*) OHADA.

L'idée selon laquelle les règles gouvernant la résolution de l'accord amiable sont favorables aux créanciers doit être nuancée. Elle peut être analysée comme regorgeant une incertitude. C'est le cas, par exemple, si la résolution de l'accord de conciliation débouche sur l'ouverture d'une procédure collective.Si l'accord amiable n'a pu être convenablement exécuté, c'est que le débiteur était déjà, probablement, en difficulté économique ou précisément, en cessation des paiements au moment de la conclusion de cet accord. En effet, le débiteur peut demander l'ouverture d'un règlement préventif ou d'un redressement judiciaire selon qu'il se trouve en état de cessation des paiements ou non106(*). Il n'est plus à démontrer la situation inconfortable dans laquelle les créanciers pourraient tomber dans cette hypothèse, les procédures collectives constituant un cadre très strict de discipline imposée à tous les créanciers antérieurs107(*).

Cependant, ne seront pas concernés les créanciers qui bénéficiaient, au titre de l'accord de conciliation, du privilège de l'argent frais. Ceux-ci, quant à eux, échapperont,dans une certaine mesure, à la discipline collective puisque leurs garanties sont maintenues. Toutefois, les créanciers dont le droit est né après l'homologation de l'accord résolu ne profiteront pas de la faveur évoquée ci-dessus. Dans ce dernier cas, la situation risque de compliquer la recherche de crédit après la mise en place du plan de redressement amiable108(*).

Dans tous les cas, le droit à résolution de l'accord de conciliation est à l'avantage des créanciers parce qu'il permet à ceux-ci de recouvrer leur droit de poursuite individuelle. Cette règle est aussi à l'avantage du débiteur car ellerevêt un caractère incitatif pour une meilleure exécution, par ce dernier, de l'accord de conciliation afin d'aboutir à son redressement. Ainsi, le droit à résolution reconnu aux créanciers parties à l'accord assure implicitement un certain équilibre entre les intérêts conflictuels en présence, même si ce droit, cache derrière lui, quelques faiblesses dans sa portée.

A côté de la procédure de conciliation qui vient revaloriser les droits des créanciers, les procédures simplifiées regorgent également quelques avantages pour ces derniers.

* 84 Art. 5-8 alinéa 1er AUPC révisé.

* 85 Art. 15 alinéa 1er et 16 alinéa 1er AUPC révisé.

* 86 En droit français, le législateur a plutôt opté pour la constatation de l'accord amiable conclu entre le débiteur et ses principaux créanciers (V. art. L. 611-8 Code de commerce français).

* 87 Art. 5-10 alinéa 1er AUPC révisé.

* 88 Une fois l'accord amiable conclu, il reste alors aux parties à exécuter leurs engagements réciproques ; V. GALLE (P. R.), préc., n° 162, p. 101.

* 89 V. art. 5-7 AUPC révisé « Pendant la recherche de l'accord, (...) le président du tribunal peut, à la demande du débiteur, et après avis du conciliateur, reporter le paiement des sommes dues et ordonner la suspension des poursuites individuelles engagées par un créancier ».

* 90 JACQUEMONT (A.), Droit des entreprises en difficulté, Litec, 2011, n° 124, p. 77.

* 91 Art. 5-12 alinéa 1er AUPC révisé : « pendant la durée de son exécution, l'accord interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle, tant sur les meubles que les immeubles du débiteur, dans le but d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet ». En contrepartie de cette paralysie des droits des créanciers, il leur est accordé une protection qui consiste en l'interruption des délais qui étaient impartis aux créanciers parties à l'accord, à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées dans ledit accord.

* 92 Art. 21 alinéa 2 AUPC révisé, qui renvoie aux articles 139 et 143 sur l'annulation et la résolution du concordat de redressement judiciaire.

* 93 Art. 139 et 143 AUPC révisé.

* 94 TGI de Wouri, jugement n° 785 du 3 août 2006, obs. sous art. 21 AUPC révisé. En matière de redressement judiciaire, V. TGI, Ouagadougou, jugement n° 90bis du 24 janvier 2001, www.ohada.com, ohadata J-04-181 (conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens suite à la résolution du concordat).

* 95CA Yaoundé, arrêt n° 162/C du 19 décembre 2008, obs. sous art. 21 AUPC révisé.

* 96 Art. 106 alinéa 1er du Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal.

* 97 L'article 224 COCC dispose que « Les obligations à exécution périodique telles que loyer, arrérages ou intérêts se prescrivent par cinq ans pour chacun de leurs termes ».

* 98 GALLE (P. R.), préc., n° 133, p. 80. 

* 99 Art. 5-11 alinéa 5 AUPC révisé.

* 100 JACQUEMONT (A.), préc., n° 135, p. 81.

* 101 Art. 5-12 AUPC révisé.

* 102 JACQUEMONT (A.), préc., n° 127, p. 78.

* 103 Cass. Com. Fr., 5 mai 2004, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007047660, consulté le 5 mars 2022 à 20H50.

* 104 LE CORE (P.-M.), Droit des entreprises en difficulté, D., 5ème éd., 2013, p. 18.

* 105 L'AUS a été adopté le 17 avril 1997, publié au journal officiel de l'OHADA le 1er juillet 1997 et abrogé le 15 décembre 2010 à Lomé (Togo) par un nouvel acte uniforme entré en vigueur le 15 mai 2011 ; V. JO OHADA, n° 22 du 15 février 2011, p 1 et ss.

* 106 Art. 5-14 AUPC révisé.

* 107 L'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'un débiteur bénéficiant d'un accord de conciliation, qui a par la suite échoué, a pour conséquence l'interdiction et la suspension des poursuites individuelles tendant au recouvrement des créances nées antérieurement.

* 108 JACQUEMONT (A.), préc.

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