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Les enjeux de la conservation de la biodiversité pour les pays du bassin du Congo: cas du parc national de Lobéké au Cameroun


par Jean Marie Bakeleki Bohin
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales 2023
  

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2. Les conflits d'intérêt

Paradoxalement, au niveau de certaines aires protégées, la reconnaissance des droits des populations riveraines par les institutions internationales, a coïncidée avec l'augmentation des cas d'abus par les personnels de la conservation et parfois des maltraitances physiques. Les écogardes qui reçoivent une formation paramilitaire (sans en jouir totalement) doivent désormais combiner d'autres aptitudes pas toujours à leur disposition pour arriver à gérer les conflits en gestation. Ces écogardes portent des armes mais reçoivent très souvent à peine quelques jours de tirs. En face, les « Braconniers » par exemple le long de la frontière Est du Cameroun, sont souvent des anciens militaires qui se sont réfugié dans les forêts. Forêts pleines de ressources naturelles des aires protégées transfrontalières du Cameroun, Gabon, Congo, RCA, les deux Congo et le Rwanda principalement.

Certaines sociétés forestières dans ces zones font face à des enlèvements, des brigandages, voire des véritables mafias organisées et cachées sous l'appellation de `braconniers', se fondant très souvent dans la population locale. La présence de ces anciens militaires à la recherche d'ivoires d'éléphants, de peaux de panthères et autres trésors de chasses qui se vendent très bien dans les marchés noirs d'Asie et d'Europe principalement, trouble profondément la quiétude des populations depuis des décennies.

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Au Cameroun, il est important ici de savoir que les premiers colons français et allemands avaient introduit la chasse de loisir dans le paysage forestier et à la suite des indépendances dans les années 1960 le système politique français d'exploitation des ressources naturelles a continué d'être reproduit. En réponse à ce paradigme, l'implication des populations locales dans les processus de décision participe aujourd'hui de la volonté de l'État du Cameroun d'adopter une gestion communautaire des ressources naturelles dans et autour des aires protégées tout en respectant les accords internationaux.

Bien qu'une tendance à une conservation plus communautaire s'observe de plus en plus autour de certaines aires protégées au Cameroun comme au parc national de Lobéké, l'intégration de ces populations locales à toutes les étapes du processus reste complexe en raison de la divergence des enjeux. Par exemple, les réfugiés (RCA) et déplacés climatiques (Adamaoua/ Cameroun) sont aujourd'hui une entité importante à considérer dans la résolution des conflits socio-environnementaux dans le bassin du Congo. Selon qu'on se trouve dans une zone plus ou moins chaude, riche ou non en ressources naturelles, la tension peut très vite monté.

Au parc national du Mpem et Djim (Cameroun), situé dans la région du Centre, département du Mbam et Kim, le service de la conservation doit faire face à de nombreuses vagues de troupeaux de boeufs en provenance de la région de l'Adamaoua. Face aux effets des changements climatiques, ces bergers nomades culturellement, se retrouvent à l'intérieur du parc par besoin vital (nourriture et abreuver leurs bêtes et leurs familles qui en dépendent très souvent totalement). L'agressivité de la sécheresse plus au nord leur fait courir le risque d'aller jusqu'au coeur du parc et de se faire attaquer eux et leurs biens par des animaux sauvages (lions, buffles, serpents, etc.), mais aussi par des braconniers souvent installés dans le parc95. S'il n'est nullement question ici de céder le pas à une quelconque « induction utilitariste96 », il nous semble ici important de questionner le sens donner aux aires protégées dans le bassin du Congo. En clair, il est question pour nous ici de savoir par qui et pour qui sont mis en place ces espaces protégés. Si les enjeux sécuritaires et stratégiques qui en découlent semblent encore minimisés par les politiques sous régionales, les effets sur les espaces naturels eux sont déjà perceptibles.

Figure 2 : Patrouille de refoulement au parc national du Mpem et Djim. Source : Bohin, 2021.

95Bohin Bakeleki, J.M, « Rapport de stage académique effectué au parc national du Mpem et Djim », Ntui, MINFOF, 2021, p. 15.

96Joël Trésor NYONKA'A, Politique étrangère et diplomatie camerounaise (1982-2002) : évaluation de la

politique étrangère d'un Etat africain, Thèse de doctorat en relations internationales, IRIC, 2021, p. 30.

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Figure 3 : Visite au domicile de Mr Jacques Vivien1 au milieu avec Mr Osiris Ndoumbe1 à
sa droite et le Col. Bisseck1 . Source : Bohin, janvier 2021.

Au parc national du Mpem et Djim (Cameroun) la saison sèche rime avec de nombreuses vagues de troupeaux de boeufs en quête de pâturage dans le parc. Les nombreuses patrouilles de sensibilisation et opérations « coup de poing »97 parfois à l'aide de drones ont été faites sans grand changement dans les zones de forte pénétration anthropique. Entrainant la perte continue de nombreuses espèces protégées comme le Chimpanzé (Classe A) dont les photos des nids sont visibles au parc national du Mpem et Djim mais dont l'observation en milieu naturel relève de l'exploit.

Parmi les nombreuses espèces protégées de la liste rouge de l'UICN (Union Internationale pour la conservation de la Nature), le gorille et le chimpanzé sont en danger d'extinction dans certaines zones. Le parc national du Mpem et Djim, grâce à l'ouvrage« Mammifères sauvages du Cameroun » de Mr Jacques Vivien, a pu répertorier des nids de chimpanzé bien que l'animal lui-même soit devenu difficile à observer même à l'aide de camera-traps. D'après les théoriciens de l'évolution humaine comme Charles Darwin, le chimpanzé serait pourtant notre plus proche cousin génétique. Mais pour bien de raisons humanoïdes comme la curiosité, l'exotisme, les expériences scientifiques sur ses semblables, ce mammifère de nature calme et affectueuse au contact de l'homme a fini par se retrouvé au coeur de nombreux conflits.

B. Les conflits homme / grands singes (CHGS) : Cas du Chimpanzé 1. Pourquoi le singe ?

Les populations de tous les grands singes ont diminué au cours des dernières décennies en raison principalement de la perte de leur habitat, des maladies, de la chasse, du commerce de viande de brousse mais également du commerce d'animaux de compagnie ; commerce qui peut entrainer la mort d'adultes au moment de la capture. La situation est telle que tous les grands singes sont inscrits sur la liste rouge de l'UICN. Les enjeux de conservation, autour de ces animaux sont primordiaux et de nombreuses mesures ont été prises pour enrayer cette

97 Appellation donnée par les écogardes aux missions musclées de lutte anti braconnage (LAB), missions très souvent planifiées dans le plus grand secret par l'unité de surveillance pour éviter toute fuite en interne et faire des saisies importantes de gibiers, d'armes de chasse proscrites, et se terminent généralement par des arrestation spectaculaires. La chasse des lions étant au coeur des activités de chasse dans cette région depuis la période coloniale, certains jeunes s'improvisent guides et chasseurs professionnels pour des safaris et des groupes hôteliers occidentaux.

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triste dynamique. À l'échelle internationale notamment, les gouvernements ont ratifié l'Accord pour la conservation des gorilles et de leurs habitats (Accord Gorille), entré en vigueur en 2008. Hors initiatives gouvernementales, des programmes de protection ont également été créés, supervisés par les organisations internationales comme l'UICN98.

D' après l'UICN (2005), les conflits homme-faune surviennent lorsque les besoins élémentaires de la faune contrarient ceux des humains, ce qui engendre des conséquences négatives à la fois pour les communautés et les animaux99. Cependant lorsque les besoins primaires des humains (se nourrir, se vêtir, se soigner, construire une maison) contrarient ceux de la faune il en résulte le braconnage, déforestation et la pollution. Du point de vue de la faune, la sous-région abrite des animaux emblématiques, parmi lesquels des grands singes comme le gorille, le bonobo, les babouins, chimpanzé, etc. On y trouve les plus importantes populations existantes, appartenant aux genres Pan (chimpanzés et bonobo) et gorilla (gorilles).

Au Cameroun, en 1999, se tenaient des assises sur la lutte anti- braconnage. À l'issue de ces assises, une stratégie nationale de lutte anti braconnage100 a vu le jour ainsi qu'un comité national anti braconnage en août 1999. Les réalisations concrètes de ce comité se font encore attendre. Avec le déficit de financement, le manque de personnel qualifié sur le terrain, le manque d'équipement pour les patrouilles, ce comité national a disparu ; seules les délégations départementales demeurent et tentent de maintenir les comités régionaux. En janvier 2008, le niveau de braconnage était inquiétant et estimé par le nombre particulièrement important de camps de braconniers et de carcasses animales retrouvées par les équipes d'écogardes. En 2010, les espèces les plus braconnées au parc national du Mpem et Djim ont été les cobes de Defassa, les cobes de Buffon, le babouin. Elles sont principalement consommées comme viande de brousse101.

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