SECTION II : L'EXEMPLE DE LA GESTION DECENTRALISEE DES
FORÊTS AU
CAMEROUN
L'applicabilité et le transfert des différents
accords et conventions internationales liées à la conservation de
la biodiversité dans le bassin du Congo se heurte dans la
majorité des États membres à une inadéquation
législative, une insuffisance dans la contextualisation locale, la
volonté politique pas toujours claire, etc. Dans le contexte
Camerounais, on peut observer que les textes de lois relatifs à la
gestion décentralisée et communautaire des forêts et
102Cyrille Leonel Zela Demelon, « Conflits
homme - grands singes dans la zone périphérique du parc national
de Lobéké », Mémoire de master en foresterie,
Université de Dchang, 2021, p. 72.
103 La classe A est celle d'après la liste rouge de
l'UICN qui correspond au niveau le plus élevé de protection.
C'est le cas du lion, de l'éléphant, du gorille, du pangolin
géant, de la panthère, de nombreux oiseaux comme le perroquet
à queue rouge (Perroquet à l'origine du classement du parc
national de Lobéké comme patrimoine modial de l'UNESCO).
38
les bénéfices des aires protégées
sont assez nombreux. Toutefois, la place accordée aux actions
communautaires concrètes comme l'intégration intégrale des
femmes reste en construction.
Les modèles de gestion décentralisée et
intégrée qui encouragent des actions communautaires au Cameroun
et plus précisément dans la périphérie du PNL sont
ceux qui retiendront notre attention dans cette section. Nous verrons ainsi un
aperçu de la structure décentralisée et
intégrée des forêts au Cameroun (Paragraphe I) et par la
suite nous présenterons le modèle de zonage participatif et
intégré de la périphérie du PNL (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE DECENTRALISEE DE LA GESTION
DES FORÊTS AU CAMEROUN
D'après Dominique d'Antin de VAILLAC104,
« Les forêts appartiennent toutes à quelqu'un,
entité publique ou privée, individu, collectivité ou
communauté, elles se déploient toutes entre des frontières
au même titre que tout autre espace affectés, champs, villages,
villes, friches ou déserts. » 105
Au Cameroun, l'État s'est engagé à
restituer une partie des bénéfices de ses forêts aux
communautés riveraines des aires protégées au travers de
la foresterie communautaire (A) bien que ce secteur rencontre encore beaucoup
de défis (B).
A. La foresterie communautaire au Cameroun 1.
L'accompagnement législatif
La loi forestière de 1994 validée par le
Président de la République a favorisé l'implication de
nouveaux acteurs dans la gestion des ressources forestières et fauniques
au Cameroun. C'est le cas des systèmes de cogestion :
États-populations locales riveraines des aires protégées,
de la rétrocession des taxes forestières aux communes et
communautés, de la création/gestion des forêts communales
et communautaires, etc.
D'après cette loi en son article 37 (3), les produits
forestiers de toute nature résultants de l'exploitation des forêts
communautaires appartiennent aux communautés villageoises
concernées, qui bénéficient d'une assistance technique
gratuite de l'administration forestière (art. 37 (1)). Toutefois, il
faut relever que d'après la convention de gestion, l'État
transfère uniquement la gestion de la forêt aux communautés
et non le foncier. Pour le décret d'application de 1995106,
précision est faite de ce que les forêts pouvant faire l'objet
d'une convention de gestion de forêts communautaire sont celles
situées à la périphérie ou à
proximité d'une ou de plusieurs communautés et dans lesquelles
leurs populations exercent
104Docteur en science politique, il est professeur
associé à l'Université Bordeaux IV-Montesquieu (France) et
directeur de recherche au Centre d'analyse politique comparée, de
géopolitique et de relations internationales (Bordeaux IV). Il est
également chercheur associé à l'institut d'études
de la forêt cultivée (IEFC) et coordinateur du groupe Aquitaine de
recherche sur les indicateurs socio-économiques de gestion
forestière durable.
105Dominique d'Antin de VAILLAC, « La
forêt comme objet de relations internationales ?», Annuaire
français des relations internationales, Vol. VI., 2005, p.1.
106 Décret no95/531/PM du 23 août 1995
fixant les modalités d'application du régime des forêts.
39
leurs activités (art.27 (2)) et que toute forêt
susceptible d'être érigée en forêt communautaire
incombe de ce fait et de manière principale à la
communauté concernée (art.32 (2)).
Pour ce qui est de son exploitation, le législateur
n'a pas tenu compte du côté artisanal, encore moins de la faible
capacité financière des communautés par rapport aux
exploitants forestiers plus nantis. En son article 54, la loi précise
que l'exploitation d'une forêt communautaire se fait pour le compte de la
communauté en régie, par vente de coupe, par autorisation de
coupe personnelle ou par cession, conformément au plan simple de gestion
approuvé par l'administration forestière107.
2. Quelques textes d'accompagnement
Bien d'autres dispositions réglementaires ont
été prises plus récemment au Cameroun par le
Président de la République pour la gestion communautaire des
forêts. On peut citer entre autres :
· La lettre circulaire no0677/LC/MINEF/DF/CFC
du 23 février 2001 limitant l'exploitation industrielle dans les
forêts communautaires ;
· L'arrêté ministériel
no0518/MINEF/CAB du 21 décembre 2001 fixant les
modalités d'attribution en priorité aux communautés
villageoises riveraines de toute forêt susceptible d'être
érigée en forêt communautaire. L'originalité de cet
arrêté par rapport à la loi de 1994 est l'introduction du
droit de préemption, qui donne la priorité aux communautés
de créer une forêt communautaire par rapport à la vente de
coupe, lorsque celle-ci est projetée sur le même espace ;
· La décision ministérielle
no1985/D/MINEF/SG/DF/CFC du 26 juin 2002 fixant les modalités
d'exploitation en régie dans le cadre de la mise en oeuvre des plans
simples de gestion (PSG) des forêts communautaires ;
· Le manuel de procédure des normes d'attribution
d'une forêt communautaire élaboré en 1998 et
révisé en février 2009 a introduit de nouvelles
dispositions :
- L'intégration d'une phase préliminaire
d'information et de sensibilisation ;
- Un effort de représentativité de toutes les
composantes sociales dans le processus en vue de limiter les conflits ;
- Plus de précisions sur l'entité de gestion
(organisation, gestion rôle des membres, etc.)
- Une réduction de la durée de traitement des
dossiers ;
- L'instauration de la Convention provisoire de gestion (2
années) en vue de permettre aux communautés d'exploiter la
forêt et de financer elles-mêmes l'élaboration du PSG ;
- L'ouverture mécanique de pistes d'accès
à la forêt à faible impact environnemental ;
- La possibilité d'utiliser des engins agricoles pour le
transport des produits.
Si l'avancée législative en matière de
foresterie communautaire au Cameroun a fait un progrès significatif au
cours de ces dernières années, des défis importants restes
à relever.
107Luc Moutoni (Okani), « La foresterie
communautaire au Cameroun-un aperçu de la perspective communautaire
», 2019, p.10.
40
|