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Les enjeux de la conservation de la biodiversité pour les pays du bassin du Congo: cas du parc national de Lobéké au Cameroun


par Jean Marie Bakeleki Bohin
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales 2023
  

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F. REVUE DE LITTERATURE

Elle peut être définit comme étant l'examen détaillé d'un ensemble d'écrits importants et incontournables recensés dans un domaine de connaissance. La revue de littérature situe donc le sujet par rapport à des recherches antérieures et fournit un créneau unique pour le sujet de recherche. Dans le cadre de notre recherche, la littérature mobilisée renvoie à des courants de pensée qui ont structuré la problématique de la conservation de la biodiversité. Il s'agit notamment du préservationnisme de John Muir, le conservationnisme de Gifford Pinchot et l'utilitarisme de Jeremy Bentham et John Stuart Mills.

Le préservationnisme de John Muir promouvait une vision d'un monde romantique et non utilitariste de la nature, ainsi qu'une relation plus équilibrée entre les hommes et la

48Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, DUNOD 2eme édition, Paris, 1995, p. 28.

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nature. Pour lui il faut préserver la nature pour sa beauté, faisant abstraction des désirs humains; telle est l'idée générale de son ouvrage « Un été dans la Sierra », publié en 199749.

Muir en opposition à la dichotomie classique homme-nature, parvint à une idéalisation de la wilderness (d'un état naturel pas encore entamé par les processus sociaux et économiques des populations humaines) considérée comme la condition naturelle permettant aux hommes d'entrer en contact avec leur nature la plus profonde et de ressentir, en même temps les liens qui les unissent au reste de la planète50. Il fut également considéré comme le père des parcs nationaux qui à l'origine ne devaient en aucun cas être exploités. Il cherchait avant tout à entrainer ses concitoyens dans une « passion oecuménique de la nature ». Ainsi, dès la fin du XIXème siècle va se rependre ce mouvement stricte et radicale de la protection, dans lequel la nature acquiert une valeur intrinsèque : elle est digne d'être protégée pour elle-même, contre les effets néfastes de l'action des sociétés, selon un principe dichotomique 51 d'une nature en dehors de l'homme.

Cette considération des richesses naturelles en général et fauniques en particulier apparait largement en décalage avec les besoins vitaux de l'homme qui, pour vivre dans son environnement a besoin de puiser dans la nature toutes les ressources dont il a besoin (nourriture, habitat, vêtement, etc.). C'est d'ailleurs pour cela qu'il est très tôt repris par son compatriote américain Gifford Pinchot, opposé à cette vision « biocentrée ».

Le conservationnisme de Gifford Pinchot en réaction à ce mouvement, développe une gestion ordonnée et raisonnable de la nature, tolérant l'utilisation des ressources naturelles par l'homme. La conservation de la diversité biologique consistant en la protection des populations d'espèces animales et végétales, ainsi que la conservation de l'intégrité écologique de leurs habitats naturels ou de substitution (comme les parcs nationaux)52. Son objectif est de maintenir les écosystèmes dans un bon état de conservation, et de prévenir ou corriger les dégradations qu'ils pourraient subir. Jean Paul Payre, un autre partisan de ce courant de pensée disait que :

« La politique nationale définie en 1966-1967 et en 1975 ne faisait pas des parcs régionaux des « cloches de verre » isolant un territoire des méfaits de la société moderne. Mais elle leur assignait plutôt une fonction sociale qui apparait à travers leurs trois objectifs : la protection de la nature, le développement des loisirs, la réanimation rurale »53.

Comme Payre, Pierre Lascoumes pense que les éléments naturels sont perçus comme des ressources à saisir à travers les services (écologiques, économiques, esthétique, socioculturels, etc.) qu'ils rendent. Il affirme que bien que l'on retrouve quelques politiques publiques de conservation de la diversité biologique hybrides c'est-à-dire qui combinent une priorité donnée aux éléments naturels et à celle des besoins humains ( protection des biotopes et des zones humides, la qualité biologique de la ressource en eau), les intérêts humains,

49Donato Bergandi, Galangau-querat, F., « Le développement durable : les racines environnementalistes d'un paradigme », in L'éducation à l'environnement ou au développement durable, Éditions ASTER, Numéro 46, 2008 p. 31.

50Ibid., p. 36.

51Sammuel Depraz, « Protéger, préserver ou conserver la nature ? », notion à la une de Geoconfluence, Université Jean Moulin Lyon 3, 2013, p. 38.

52Idem.

53Jean Paul Payre, Les parcs naturels régionaux en France, Université de Grenoble, 1979, p. 371.

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scientifiques, culturels (culinaire), économiques; sont au centre des questions environnementales54.

Rowan Martin affirme que les ressources naturelles ont une valeur propre, qu'elle peut être économique et/ou intangible; si elle est monétaire c'est encore mieux car elles contribueraient à supporter les coûts afférents à la conservation. Ainsi, lorsque l'on tenterait de lui supprimer une exploitation marchande, le risque de nuire à la conservation souhaitée est généralement grand, car cette suppression enlève à la conservation tout avantage comparatif économique et provoque son remplacement par d'autres utilisations plus avantageuses de la ressource55. D'autres auteurs comme Henk iront plus loin.

Henk fait intervenir les questions d'éthique dans cette réflexion en postulant que si les humains sont les seuls êtres vivants doués d'éthique, cela ne signifie pas pour autant que l'éthique ne s'applique qu'à eux. Tout au contraire, l'humanité ne prend son véritable sens que lorsque la vie sur la terre est respectée dans toute sa diversité. Selon une éthique environnementale profonde, poursuit-il, la nature possède des valeurs qui existent au niveau des animaux, des espèces menacées, des écosystèmes et des organismes vivants. Pour beaucoup, pense-t-il, c'est toute la raison d'être de l'éthique environnementale : préserver dans les systèmes soutenant la vie des humains, dans leurs paysages et leurs ressources naturelles ce qui autrement, mettrait leur survie en péril56. Ce courant va ouvrir la voie à une conservation beaucoup plus tourné vers l'utilitaire.

La pensée utilitariste, alimentée dans un premier temps par Jeremy Bentham et John Stuart Mills, est une doctrine qui prescrit d'agir ou non de manière à maximiser le bien être global, il évalue une action uniquement en fonction de ses conséquences. Les individus opèrent des calculs individuels en vue de maximiser leur bien être global, en essayant de peser le pour et le contre d'une décision, et comparent cette dernière aux avantages et désavantages de la décision inverse. Ainsi nait la vision utilitariste anthropocentrée de la nature, car elle cautionne toute action dont les conséquences augmenteraient le bien-être général, car le bien-être général se réduit à celui de l'humanité. Le vivant se conçoit alors comme un outil sous le joug de la technique, outil que l'on se doit de perfectionner pour le bien de tous. La pensée utilitariste est critiquée pour sa froideur ; car elle suggère que la fin puisse justifier les moyens : ainsi, il serait normal de sacrifier la vie de quelques innocents, si le sacrifice profite au plus grand nombre, comme le pense Jean-Luc Pelletier57. L'homme ne peut sacrifier son bien être au profit de la nature. C'est ainsi que lorsque le souci de protéger les espèces se heurte aux intérêts vitaux de l'homme, le discours utilitariste l'emporte toujours, parce que l'homme passe avant tout autre chose.

54Pièrre Lascoumes, Action publique et environnement, Paris, Presses Universitaires de France, 2012, p.127. 55Moore Garety Rowan, « Conservation et développement : les nouvelles responsabilités des autorités

publiques », in Administrer l'environnement en Afrique : gestion communautaire, conservation et

développement durable, Éditions Karthala, Paris, 2000, p. 101.

56Antonius Maria Johannes Ten Have Henk et al., Éthiques de l'environnement et politique Internationale, Éditions UNESCO, Paris, 2007, p. 51.

57Jean Louis Pelletier, Une éthique environnementale pragmatique adaptée au contexte québécois, Éssai présenté au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable en vue de l'obtention du grade de maitre en environnement (M.Env.), Québec, Université de Sherbrooke, 2014, p.15.

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Beatrice Parance pense qu'il ne s'agit plus simplement de protéger les ressources naturelles, mais aussi de les utiliser en assurant leur conservation58. C'est cette vision du rapport harmonieux de l'homme avec la nature, qui de plus en plus, combine les besoins de l'homme et ceux des autres espèces, justifiée par la mise en place de cadres techniques et légaux propices à la conservation de la diversité biologique. Mettant la problématique de la conservation de la biodiversité au centre des enjeux de développement durable.

G. PROBLEMATIQUE

L. Olivier, G. Bédard et J. Ferron définissent la problématique comme «la recherche ou l'identification de ce qui fait problème 59». C'est également l'ensemble des questions que soulèvent un problème, c'est-à-dire une énigme d'ordre théorique ou pratique pas encore élucidée. Dans le même ordre d'idée, Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt pensent qu'une problématique est :

« L'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. C'est l'angle sous lequel les phénomènes vont être étudiés, la manière dont on va les interroger. 60».

Le constat de la profonde dégradation de la diversité biologique de la planète n'est plus à discuter. Les phénomènes de changement climatique, de disparition d'écosystèmes entiers, les feux de brousse, etc., devraient interpeler les décideurs des pays du bassin du Congo qui tant bien que mal résistent encore à ces phénomènes extrêmes. La chasse abusive, le braconnage, le commerce illicite d'espèces en danger, l'appropriation foncière d'espaces classés par les populations en manque de terre agricoles, la déforestation et destruction d'écosystèmes et habitats fauniques, et bien d'autres phénomènes similaires, sont de plus en plus observés. Dans ce contexte sous régional précaire, les experts de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) pensent que l'implication totale des populations riveraines et leur autonomisation financière est capitale pour tout processus de conservation durable de la biodiversité.

Comment optimiser les politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo ? Comment favoriser une meilleure absorption communautaire des politiques internationales, régionales et sous régionales de conservation de la biodiversité au niveau des aires protégées ? Quelles sont les opportunités de développement durable interculturel et de soft power autour de l'écotourisme pour les États du Bassin du Congo ?

H. HYPOTHESES

Pour Omar Aktouf, l'hypothèse est en quelques sortes une base avancée de ce que l'on cherche à prouver. C'est la formulation pro forma de conclusions que l'on compte tirer et que l'on va s'efforcer de justifier et démontrer méthodiquement et systématiquement.61En d'autres

58Béatrice Parance, et de Saint Victor, J., « Repenser les biens communs », Paris, Éditions CNRS, 2014, p. 225. 59Olivier Lawrence, Guy Bedard, Julie Ferron, « L'élaboration d'une problématique de recherche: sources, outils et méthodes », Paris, L'Harmattan, 2005, p. 24.

60Raymond Quivy, et Luc Van Campenhoudt, « Manuel de recherche en sciences sociales », DUNOD 4éme édition, Paris, 2011, p. 81.

61Omar Aktouf, Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations : une introduction à la démarche classique et une critique, Montréal : les presses de l'Université du Québec, 1987, p. 58.

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termes, une hypothèse se propose de trouver des solutions à différentes sortes de questions. Elle nait à partir d'une observation de la vie quotidienne ou de constats opérés au cours d'une recherche. Elle permet, pour ainsi dire, de déclarer que la réponse recherchée est probablement due à tel ou tel autre aspect; la formulation d'une hypothèse implique la vérification d'une théorie ou précisément de ses propositions. Elle devra être confirmée, infirmée ou nuancée par la confrontation des faits. En définitive, c'est la thèse que l'auteur entend soumettre à la communauté des chercheurs. Les questions de recherche précédentes nous permettent donc de dégager les hypothèses suivantes :

a. Hypothèse principale :

Comme préconisé par de nombreux rapports des organisations internationales en charge de la conservation de la biodiversité dans le monde, l'optimisation des politiques de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo exigerait entre autres de : Revoir les systèmes de gestion et de gouvernance des forêts, redéfinir les méthodes et techniques de négociation des enjeux environnementaux, réadapter le cadre législatif et politique local, remettre les populations locales et autochtones au coeur des mécanismes de conservation de la biodiversité et vulgariser les bonnes pratiques internationales.

b. Hypothèses secondaires :

- L'absorption optimale des politiques internationales de conservation de la biodiversité

passerait par une meilleure prise en compte des populations locales et autochtones;

- Cette prise en compte de la sécurité humaine des populations locales et autochtones en

périphérie des aires protégées exige par exemple une analyse de la mise en oeuvre des piliers du développement durable de manière concrète dans la conservation de la biodiversité et aussi l'implication des piliers culturels et technologiques ;

- L'implication réelle et efficiente des populations autochtones dans les processus

décisionnels de conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo exigerait une redistribution équitable des retombées de l'écotourisme par exemple et aussi une valorisation modernisée des savoirs traditionnels ;

- En inspirant une politique sous régionale et internationale de soft power autour de

l'écotourisme et du tourisme culinaire en particulier, le parc national de Lobéké et l'État du Cameroun pourraient apporter des solutions innovantes à la résolution des problèmes alimentaires et sanitaires qui gravitent autour de la gestion des parcs nationaux. Inscrivant cette zone écologique comme enjeu géopolitique majeur à l'ère COVID-19 pour les générations présentes et futures.

I. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES A. CADRE LOGIQUE

Dans le cadre logique ou modèle théorique, il ne s'agit pas simplement d'indiquer un champ de connaissance en y replaçant son sujet, mais plutôt de faire état de sa propre connaissance du champ en question et surtout, de ce qui, pris dans ce champ éclaire, généralise, approfondit, explique, enrichit les principales dimensions du problème que l'on

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traite. En bref il s'agit de prendre un modèle et de l'opérationnaliser. Il est donc impératif de savoir comment adapter les éléments de ce modèle théorique à notre recherche. C'est suivant cette posture d'analyse que comme théories nous avons mobilisé :

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard