1. La théorie de la gouvernance
La gouvernance est un chantier de recherche qui concerne les
formes de coordination, de pilotage et de direction des secteurs, des groupes
et de la société, au-delà des organes classiques du
gouvernement. Ce n'est évidemment pas une idée neuve, on en
trouve par exemple des traces dans le latin médiéval avec le
terme Gubernantia, mais dans un contexte de restructuration et de
décentralisation des États d'Afrique centrale, cette question de
direction se pose à nouveau. L'intérêt actuel pour ces
questions de gouvernance répond en effet à la transformation du
rôle de l'État et des modes de régulation politique qui s'y
attachent. L'État, et plus précisément une partie
spécialisée, le gouvernement central est en charge, d'une partie
de la direction de la société et de l'agrégation des
différents intérêts pour la définition de
l'intérêt général. Dans les sociétés
européennes, le gouvernement central réduit sa charge
décisionnelle au profit de la périphérie et des
régions. Cependant l'européanisation et la globalisation
notamment remettent en cause les conceptions traditionnelles de
l'autorité telle que culturellement partagée dans les traditions
africaines. Rendant complexe l'action publique et la notion de
gouvernance.62
La question de gouvernance est donc profondément
liée à celle de gouvernement, car elle est pensée par
rapport à lui. La notion même de gouvernance émerge face au
diagnostic d'une « incapacité » des gouvernements à
répondre aux problèmes contemporains qui leurs sont soumis et
à s'ajuster à de nouvelles formes d'organisations sociales,
économiques, politiques, écologiques, technologiques,
stratégiques et culturelles. Alors que le terme «gouvernement»
décrit le type d'autorité, hiérarchique et contraignante,
qui s'exerce dans la plupart des États, «Gouverner» :
«C'est prendre des décisions, résoudre
des conflits, produire des biens publics, coordonner les comportements
privés, réguler les marchés, organiser les
élections, extraire les ressource naturelles tout en les conservant,
affecter les dépenses publiques etc.».
La notion de «Gouvernance» désigne quant
à elle une forme plus souple de pouvoir politique et consiste dans
l'interaction d'une pluralité d'acteurs (Gouvernants) qui ne sont pas
tous étatiques ni même publics. Mais, quel est le contenu
précis de cette notion de « Gouvernance »?
Elle peut être définie comme un processus de
coordination d'acteurs, de groupes sociaux et d'institutions, en vue
d'atteindre des objectifs définis et discutés collectivement. La
gouvernance renvoie alors à l'ensemble d'institutions, de
réseaux, de directives, de règlementations, de normes, d'usages
politiques et sociaux ainsi que d'acteurs public et privés qui
contribuent à la stabilité d'une société et d'un
régime politique, à son orientation, à la
62Patrick Le Galès, « Gouvernance
», in Dictionnaire des politiques publiques, Boussaget, L.,
Jacquot, S., Ravinet, P. (Dir.), 3ème édition
actualisée et augmentée- Paris : presses de sciences Po,
collection Références, 2010, p. 36.
20
capacité de diriger, et à celle de fournir des
services et à assurer sa légitimité. Plus
précisément, quatre (04) traits permettent de caractériser
ce qu'est la gouvernance:
· Le polycentrisme institutionnel (système
politique qui admet plusieurs centres de décision), soit l'existence
d'une grande complexité institutionnelle qui empêche de distinguer
un lieu unique de pouvoir, de décision et d'exécution;
· Une frontière public/privé plus floue,
avec une ouverture des processus de décision en direction de la
société civile et l'inclusion d'acteurs privés dans le
processus politique;
· L'accent mis sur la dimension procédurale de
l'action publique, les formes et instruments de l'action publique sont parfois
privilégiés sur la substance même des programmes
publics;
· Un rapport différent à la contrainte et
à l'autorité, vécue et conçue de façon plus
horizontale, coopérative et souple, avec le développement
d'instruments d'action publique plus contraignants.63
Pour mieux comprendre l'applicabilité de la
théorie de la gouvernance dans la conservation de la
biodiversité, il est également important d'analyser le
fonctionnement des instruments d'action publique.
|