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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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A

rles, 25 août 2001, 11h00. Julie est attentive, elle note scrupuleusement sur un cahier la démonstration du professeur. Tout lui paraît clair. Les événements s'enchaînent de façon logique : le système monétaire de Bretton Woods, la fluctuation des monnaies, la spéculation boursière, la crise de la dette des pays du Sud, la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux. Jean-Marie Harribey, professeur de sciences économiques et sociales à l'université Bordeaux-IV, s'attache à expliquer de façon pédagogique les mécanismes financiers internationaux aboutissant à un capitalisme « boursier ». Malgré ce que l'on pourrait croire Julie n'est pas étudiante en sciences économiques, elle est assistante sociale. Elle assiste à la seconde université d'été de l'Association pour la taxation des transactions financières (Attac) qui propose à ses militants un cycle d'enseignement consacré à l'économie mondiale et baptisé « Contre l'emprise de la finance, une économie à finalité humaine ». Pendant quatre jours, 700 militants, rassemblés au Palais des congrès d'Arles, vont assister quotidiennement à six heures de cours suivis d'ateliers spécialisés et de travaux dirigés. L'ambiance est à l'étude. Julie souhaite avant tout se « réapproprier » les thèmes économiques dont se sont arrogés pendant trop longtemps les « experts ». Dans l'immense salle, transformée pour l'occasion en amphithéâtre, les idées fusent : « Non, la mondialisation n'est pas un fait inéluctable. On peut résister ! », « Le monde n'est pas une marchandise ! », « Les droits des peuples priment sur le profit économique », « Un autre monde est possible ».

L'association n'est toutefois pas ancrée dans le monde des idées. La formation n'est qu'une des multiples dimensions du militantisme. Attac, comme le rappelle sans cesse Bernard Cassen, son président, est « un mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action ». Julie estime que sa formation économique constitue le pendant logique des actions qu'elle mène sur le terrain. Car ces apprentis économistes sont des militants d'« en bas » avant tout. Ils représentent les 230 comités locaux de l'association qui se sont essaimés sur tout le territoire français depuis juin 1998, date du lancement d'Attac. Julie est d'ailleurs venue à Arles avec une dizaine de militants du comité Attac Isère. Durant les mois précédents, le comité à multiplié les initiatives : conférences, distributions de tracts, manifestations locales. Les militants isérois ont également été protester leur mécontentement à Gênes en juillet, à l'occasion du sommet du G8. Julie n'a pas eu peur de les accompagner malgré les violences prévisibles qui ont provoqué un mort et six cents blessés. Elle fait partie des fidèles qui ont répondu présents dès le lancement de l'association. Julie n'a alors pas hésité à s'engager. La « prise de conscience » des méfaits de l'économie l'a amené à militer en faveur de la taxation des mouvements de capitaux, de l'annulation de la dette du tiers monde ou encore du démantèlement des paradis fiscaux. Julie n'est pourtant pas une professionnelle du militantisme. Après ses quinze années de syndicalisme à la CFDT, elle se présente comme une déçue de l'engagement. Son refus des compromis, sa méfiance vis-à-vis des partis politiques ont alors trouvé un échappatoire dans la forme associative d'Attac, « moins contraignante et plus souple ». Moins d'un an après son adhésion Julie a rendu sa carte de la CFDT, dont elle juge la secrétaire, Nicole Notat, trop « compromise ». A l'inverse, Attac représente pour elle un regroupement de citoyens décidés à exercer un « contre-pouvoir » sur les décisions du gouvernement1(*).

Au départ, un éditorial

Un éditorial publié dans Le Monde diplomatique en décembre 1997 serait à l'origine d'Attac2(*). Dans cet article, intitulé « Désarmer les marchés », Igniacio Ramonet, le directeur du mensuel, accusait les spéculateurs boursiers d'être responsables des crises économiques. En conclusion, il proposait à ses lecteurs, l'idée d'une taxation des mouvements de capitaux appelée taxe Tobin : « Pourquoi ne pas créer, à l'échelle planétaire, l'organisation non-gouvernementale d'Action pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens- Attac. En liaison avec les syndicats, les associations à finalité culturelle, sociale ou écologique, elle pourrait agir comme un formidable groupe de pression civique auprès des gouvernements pour les pousser à réclamer, enfin, la mise en oeuvre effective de cet impôt mondial de solidarité. »3(*). Cette proposition fut alors reprise par d'autres médias et elle reçut le soutien de nombreux individus et d'organisations variées (associations, syndicats, journaux), tous prêts à soutenir cette initiative.

Une première rencontre eut lieu à Paris le 16 mars 1998 à l'invitation du Monde Diplomatique et un accord fut élaboré entre les participants. Le projet d'une charte permettant aux membres fondateurs d'adopter une plate-forme de revendications communes a été envisagé à cette occasion. Il s'agissait de constituer le mouvement Attac qui prit la définition suivante : « Association pour la Taxation des Transactions Financières pour l'Aide aux Citoyens ». L'Assemblée générale constitutive du 3 juin, au cours de laquelle les statuts de l'association ont été déposés, permit d'élire un Conseil d'administration provisoire dans lequel les membres fondateurs siègent de façon permanente. En outre, Bernard Cassen, directeur général du Monde Diplomatique, fut élu président de l'association et Ignacio Ramonet, l'initiateur d'Attac devint président d'honneur.

Les structures de fonctionnement de l'association ont alors été mises en place. Le Bureau présidé par Bernard Cassen assura la gestion de l'association. Un Conseil scientifique présidé par René Passet, professeur émérite à l'université Paris I, fut établi. Son rôle est de produire un ensemble de documents pouvant servir de fondement et de référence aux revendications du mouvement. La création de « comités Attac » a permis un développement local de l'association. En décembre 1998, des statuts type furent élaborés pour les comités locaux et une charte des rapports entre ces comités et l'association nationale fut constituée.

L'association est alors lancée, elle va connaître une progression très rapide. Tout d'abord, le nombre d'adhérents a connu une croissance exceptionnelle : en août 1998, Attac accueille son millième adhérent, en juin 1999, le seuil des 10 000 adhérents est franchi. L'association dépasse les 20 000 adhérents en février 2000. En août 2001, l'association revendiquait le chiffre de 38 000 adhérents4(*). Des rencontres nationales eurent lieu entre les adhérents. La première réunion (17 octobre 1998) et les premières assises (Assemblée générale des 23-24 octobre 1999) se déroulèrent à la Ciotat (Bouches-du-Rhône). L'Assemblée générale de l'année 2000 eu lieu à St Brieuc (Côtes-d'Armor) en octobre. Deux universités d'été furent organisées, la première dans la ville de la Ciotat (23-26 août 2000) et la seconde à Arles (24-28 août 2001)5(*).

Parallèlement la direction nationale d'Attac a multiplié les initiatives. Elle lança en décembre 1998 une pétition pour la taxation des transactions financières qui recueillit 110 000 signatures et qu'une délégation d'Attac remit à Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée nationale, en automne 1999. En novembre 1999 à l'occasion du sommet de l'OMC à Seattle, un ensemble de manifestations unitaires furent organisées dans toute la France, le plus souvent sur l'initiative des comités locaux. Elles rassemblèrent 70 000 personnes, dont 20 000 à Paris. Enfin, de nombreux ouvrages ont été publiés par Attac. Ils permettent de diffuser les travaux du Conseil scientifique de l'association, mais également de présenter l'association aux non-adhérents.

* 1 Ce récit est fondé sur un ensemble de faits réels. Seules quelques modifications ont été apportées.

* 2 La présentation qui est faite de l'association ici correspond délibérément à la façon dont la direction nationale en rend compte. Il s'agit dans un premier temps de délimiter quelle « présentation de soi » est faite par les dirigeants de l'association afin de pouvoir adopter peu à peu au cours de notre recherche un regard plus critique. Cf., Cassen (Bernard) sous la responsabilité de, Tout sur Attac, Paris, Mille et une nuits, 2000, p.127.

* 3 Ramonet (Igniacio) « Désarmer les marchés », Le Monde Diplomatique, décembre 1997, p 1. Cf., annexe10, p.26.

* 4 Cf., Losson (Christophe), « Les mouches du coche d'Attac », Libération, 27/08/2001, p. 9.

* 5 On peut d'ailleurs noter dans le choix des villes qui servirent de lieu d'organisation des Assemblées générales une volonté de décentraliser celles ci. La direction nationale d'Attac souligne de façon récurrente son souhait d'établir un équilibre géographique entre Paris et les autres comités locaux.

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