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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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La présentation de soi

Ce qui semble surprenant à priori dans Attac, c'est la dynamique qu'on lui attribue spontanément et qui en fait un phénomène6(*), une success story7(*) ou une start up citoyenne selon les mots de Bernard Cassen8(*). Cette nouveauté aurait pour origine les conditions dans lesquelles est apparue l'association dont voici quelques signes avant-coureurs : « le volume de courrier (plusieurs millier de lettres ou de message) reçu au Monde diplomatique après la publication, en décembre 1997, de l'éditorial à l'impératif « Désarmer les marchés » dans lequel Igniacio Ramonet suggérait, comme on lance une bouteille à la mer, la création d'une association qui s'appellerait Attac, les deux « t » se référant à l'époque à « taxe Tobin » ; l'immédiate disponibilité des personnalités et des publications, organisations syndicales et associatives contactées en vue de donner suite à la sommation que les lecteurs faisaient au journal de créer Attac, et non pas d'attendre une hypothétique création par d'autres (ce qui n'était nullement envisagé à l'origine et explique l'obligation dans laquelle s'est rapidement trouvé l'auteur de ces lignes de s'impliquer dans cette entreprise) ; la rapidité avec laquelle un accord fut trouvé sur les statuts, la plate-forme constitutive et la direction provisoire de l'association ; plus symptomatique encore, la facilité avec laquelle les organes de décision des différentes organisations fondatrices ratifièrent les propositions de leurs représentants aux discussions »9(*). Un appel adressé aux citoyens, des milliers de lettres, le regroupement immédiat d'un ensemble d'organisations : le lancement d'Attac s'apparente à un conte de fées dont personne n'avait prévu l'ampleur de la réussite. Le déroulement de la suite des événements allait relever de la même imprévisibilité que celle qui a marqué l'émergence de l'association10(*). Dés lors, Attac est décrite comme étant une association marquée par le sceau de la nouveauté, en raison de son organisation originale et de l'engagement qu'elle suscite.

Tout d'abord, la spontanéité initiale du mouvement aurait rendu possible l'émergence d'une organisation dont la forme est difficilement qualifiable. Attac est présenté comme étant une association souple permettant la mise en réseau des individus et des organisations qui y participent11(*). En sus des adhérents individuels, l'association a réussi à rassembler plus de mille organisations à partir de la même charte12(*). De plus, en réponse au centralisme et à la hiérarchie des organisations traditionnelles (syndicats, partis) un fonctionnement souple aurait été privilégié. En effet, la contrepartie de la non-reconnaissance des comités locaux (qui ne figurent pas dans les statuts) serait l'importante autonomie d'action dont ils disposent.

Mais la principale originalité d'Attac serait d'avoir permis un renouveau de l'engagement. Le signe le plus flagrant de ce réveil de la participation est la progression exceptionnelle du nombre d'adhésions. Alors que le thème de la crise de la participation figure comme un leitmotiv, les médias n'hésitent pas à parler d'un retour de l'engagement. Certains y voient un mouvement à contre-courant des partis politiques et à l'atonie des grandes structures partisanes et syndicales, ils opposent la vigueur de l'engagement associatif13(*). D'autres mettent en avant le retour de la participation des jeunes dans la vie politique, comme par exemple ce magazine de presse féminine qui titre : « Engagez-vous ! Rengagez-vous ! : on n'avait pas vu ça depuis les années 70. À la ville comme sur les écrans, l'engagement politique redevient une valeur [...] Enquête sur un phénomène de jeune masse»14(*).

Attac aurait rendu possible non seulement un renouveau de l'engagement militant mais également un nouveau type engagement. La participation à Attac échapperait à toutes les classifications existantes. Il s'agit, tout d'abord, d'un engagement qui ne repose pas sur des affinités partisanes mais dont le principal ressort est la « citoyenneté ». La participation associative devrait dés lors être entendue comme étant un impératif catégorique qui s'impose à chaque membre de la communauté politique. Attac serait donc un regroupement de citoyens visant à mettre fin à la « tyrannie des marchés financiers ». L'engagement au sein d'Attac ne serait pas contraignant contrairement à une adhésion politique. Il constituerait un engagement « politique non politicien »15(*).

De plus, le discours de l'association accorde une large part à la figure du citoyen « actif » c'est-à-dire qui ne limite pas sa participation au seul geste électoral. Le militant d'Attac est un citoyen qui témoigne d'une volonté de participer et de « se réapproprier l'avenir du monde ». Pour cela il n'hésite pas à associer « l'information, la formation et l'action »16(*). Attac constituerait donc un « mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action ».

Enfin, une des caractéristiques d'Attac serait son insaisissable dimension territoriale. Le citoyen s'inscrit dans une communauté nationale à laquelle il participe. Il est également rattaché à une communauté locale. Comme le rappelle Bernard Cassen, bien qu'Attac ait été lancé initialement sous une forme nationale, les comités locaux ont pris le relais très rapidement : « Quand Attac est né, on ne savait pas ce que cela allait devenir ! Très rapidement, on a été surpris par le succès mais aussi par l'enthousiasme et la volonté d'agir des gens eux-mêmes. Les premiers comités se sont crées de manière tout à fait spontanée, avant même que nous en ayons prévu l'existence »17(*). A cette citoyenneté locale, s'ajoute l'émergence d'une citoyenneté mondiale dont Attac constituerait une des manifestations. L'engagement des Attacants témoignerait d'un « nouveau style de militance et d'un monde associatif qui de nouveau porte à agir par-delà les frontières »18(*). Certain dirigeants d'Attac y voient même l'émergence d'une nouvelle internationale des peuples.

La représentation de la citoyenneté telle qu'elle se déploie dans l'association implique une réflexion sur la territorialisation de la participation. Le but de chaque militant serait de « Penser global et agir local »19(*). Toutefois comment s'effectue l'inscription des engagements dans le local ?

* 6 En octobre 1999 soit à peine un an et demi après la création d'Attac Michel Gairaud dans Témoignage Chrétien écrit « Attac, c'est aussi une cascade de chiffres : plus de 12 000 adhérents ; 890 associations, syndicats, entreprises, municipalités, médias, affiliés au réseau. Cent vingt et un comités locaux ; un comité à l'Assemblée Nationale fort de 115 députés ; 18 groupes Attac internationaux ; un site Internet traduit en sept langues, consulté 350 000 fois en moyenne par mois de puis 80 pays ; 100 000 signatures pour une pétition en faveur de la taxe Tobin remise la semaine dernière à Laurent Fabius... Et tout cela en seulement 15 mois d'existence ! » in Michel Gairaud, « Le plaidoyer d'Attac et la dictature des marchés », Témoignage Chrétien, numéro 2885, 21 octobre 1999, p. 16.

* 7 Cf. De Maillard (Thibault), La Base Attac, De L'Air, mai/juin 2000, p. 39.

* 8 Propos tenus lors de l'AG de St Brieuc.

* 9 Cassen (Beranard), « Nous sommes tous des apprenants » in Attac, Une économie au service de l'homme, Paris, Ed Mille et une nuits, 2001, p. 283.

* 10 « Lorsque l'association s'est formellement constituée, le 3 juin 1998, par la volonté d'une quarantaine de membres fondateurs [...] aucun de ces derniers n'avait effectivement d'idées très précise de la tournure que prendrait l'association [...] A l'époque, en effet, personne ne se serait aventuré à raisonner en dizaines de milliers [d'adhérents]... ». Ibid, p. 12.

* 11 « La structuration de l'association [...] participe elle même de la logique des réseaux électroniques. Association nationale - et non pas fédération- elle permet à chaque adhérent de participer et de contribuer à son développement avec la même pertinence ». Cassen (Bernard) sous la responsabilité de, Tout sur Attac, op.cit., p.19.

* 12 Au 1er janvier 2001, l'association revendiquait, parmi 29830 membres, 1159 personnes morales dont 575 syndicats, 362 associations, 61 sections locales de partis, 59 entreprises, 54 collectivités locales et territoriales, 26 publications, 9 fédérations d'association, 7 comités d'entreprise, 6 coopératives. Cf., Attac France, « Etat des lieux au 1er janvier 2001 ». Annexe n°12, p. 29.

* 13 Nicolas Weil, journaliste au Monde écrit : « Ne serait-ce que par le gonflement de ces effectifs Attac constitue, au terme de ces deux ans d'existence un phénomène à contre-courant des grandes tendances la vie politique [...] Le développement de l'association s'est en effet imposé comme un contre-exemple au déclin généralisé de militance traditionnelle [...] » in Nicolas Weil, « Attac. Ni norme anglo-saxonne ni modèle américain de contestation », Le Monde, 5/06/2000, p. 6.

* 14 Cf. Marion Rugieri, « Engagez-vous ! Rengagez-vous ! : on n'avait pas du ça depuis des années 70. À la ville comme sur les écrans, l'engagement politique redevient une valeur », Elle, 10 avril 2000, p. 265.

* 15 « Au moment où la politique et les partis souffrent d'un discrédit profond, nourri de renoncement et alimenté par certaines conduites indignes, il convient de ne pas confondre l'objet lui-même et la crise qui affecte, et de savoir, aux pratiques politiciennes, opposer l'engagement citoyen. », in Conseil d'Administration d'Attac, «Attac et le politique », 22 mars 2000.

* 16 Chantal Aumeran, Pierre Tartakowsky, Rapport d'activité, Assemblée générale d'Attac La Ciotat, 23 octobre 1999.

* 17 Ibid., p. 12.

* 18 Weil (Nicolas), «Attac entre contre-expertise , action et récupération », Le Monde, 26/10/1999, p.6.

* 19 Cf., Attac France, Agir local, penser global, Paris, Mille et une nuits, 2000.

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