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La Cour internationale de justice et la problématique des droits de l'homme


par Parfait Oumba
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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Paragraphe 2 : L'application des mesures conservatoires

Nous étudierons ici de la mise en oeuvre des mesures conservatoires (A), avant d'envisager leur portée (B).

A- La mise en oeuvre des mesures conservatoires

D'emblée, il faut dire ici que la mise en oeuvre des mesures conservatoires par les Etats en conflit n'est pas souvent effective. Dans le cadre par exemple de l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua99(*), le Nicaragua demande la protection des droits qui sont atteints par les actes des Etats-Unis : soutien « aux mercenaires » et recours direct à la force ou à la menace d'emploi de la force. Trois séries de droits sont ainsi invoquées, dont les titulaires sont respectivement les citoyens, l'Etat et le peuple du Nicaragua :

- Le droit des citoyens nicaraguayens à la vie, à la liberté et à la sécurité ;

- Le droit du Nicaragua d'être à tout moment protégé contre l'emploi ou la menace de la force de la part d'un Etat étranger ;

- Le droit du Nicaragua à la souveraineté ;

- Le droit du Nicaragua de conduire ses affaires et de décider des questions relevant de sa juridiction interne sans ingérence ni intervention d'un Etat étranger quelconque ;

- Le droit du peuple nicaraguayen à l'autodétermination.

Les Etats-Unis quant à eux ont tenté de montrer, sans convaincre la Cour, que l'indication de mesures conservatoires serait inopportune. Leur thèse repose entièrement sur l'idée que les conflits en Amérique centrale font l'objet d'une tentative de règlement dans le cadre du processus de Contadora, et donc l'action judiciaire bilatérale risquerait de compromettre les perspectives de cette négociation. Quoi qu'il en soit, la Cour ne s'est pas laissée influencée par l'argumentation américaine. L'existence d'un risque, qui est parfois difficile à établir, relève ici de l'évidence, dans cette affaire la condition n'est pas de mise, les faits parlent d'eux-mêmes. La Cour estime que les faits allégués par le Nicaragua sont suffisamment établis pour les besoins de l'indication de mesures conservatoires : parmi tous les moyens de preuves, les déclarations officielles des autorités américaines, qui sont expressément mentionnées, paraissent avoir déterminé la conviction de la Cour.

La Cour a eu l'occasion d'interpréter la Convention sur le génocide pour la seconde fois par deux demandes en indication de mesures conservatoires du gouvernement de Sarajevo. La Cour a indiqué de telles mesures par ordonnances des 8 avril et 13 septembre 1993100(*). Elle a relevé en substance que lorsque la Convention sur le génocide est applicable, il n'y a pas lieu de rechercher si les actes reprochés ont été commis ou non au cours d'un conflit armé interne ou international. Elle a ajouté que l'obligation qu'a chaque Etat de prévenir et de réprimer le crime de génocide selon la Convention n'est pas limitée territorialement, tout en rappelant que la Convention ne donne compétence qu'aux tribunaux de l'Etat territorial pour poursuivre les auteurs présumés de tels crimes. Elle a enfin préciser que cet instrument permettait d'engager la responsabilité d'un Etat non seulement dans l'hypothèse où cet Etat aurait manqué aux obligations de prévention et de répression prévues au texte, mais encore dans le cas où il aurait lui-même perpétré le crime de génocide.

Dans l'affaire relative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d'Amérique)101(*), le Paraguay a demandé une indication de mesures conservatoires à la Cour internationale de justice. Dans la requête du Paraguay, il est indiqué qu'en 1992 les autorités de l'Etat de Virginie ont arrêté un ressortissant paraguayen, M. Angel Breard, qui avait été accusé, jugé, déclaré coupable de génocide et condamné à la peine capitale par une juridiction de Virginie en 1993, sans avoir été informé de ces droits aux termes de l'alinéa b du §1 de l'article 36 de la Convention de Vienne102(*) ; Il est précisé que, parmi ces droits, figurent le droit pour l'intéressé de demander que le poste consulaire compétent de l'Etat dont il est ressortissant soit averti de son arrestation et de sa détention, et son droit de communiquer avec le dit poste ; Il est également allégué que les autorités de l'Etat de Virginie n'ont pas d'avantage avisé les fonctionnaires consulaires paraguayens compétents de M. Breard, et ceux-ci n'ont été en mesure de lui fournir une assistance qu'à partir de 1996, lorsque le gouvernement du Paraguay a apprit par ses propres moyens que M. Breard était emprisonné aux Etats-Unis.

La Cour fait remarquer dans son raisonnement103(*) que l'ordre d'exécution de M. Breard a été donné pour le 14 avril et elle constate qu'une telle exécution rendrait impossible l'adoption de la solution demandée par le Paraguay et porterait ainsi un préjudice irréparable aux droits revendiqués par celui-ci. Compte tenu des considérations susmentionnées, la Cour conclut que les circonstances exigent qu'elle indique d'urgence des mesures conservatoires, conformément à l'article 41 de son Statut.

Une année après, la Cour devait statuer sur une demande d'indication des mesures conservatoires concernant les frères LaGrand104(*). Dans cette affaire comme dans la précédente, il s'agit de la violation par les Etats-Unis de l'article 36 §1, b, selon lequel en cas d'arrestation ou de placement en détention d'un ressortissant étranger, les autorités compétentes de l'Etat doivent informer sans retard la personne de son droit à bénéficier de l'assistance consulaire de son pays. Ainsi, à peine l'ordonnance de la Cour internationale de justice demandant le sursis à l'exécution de Walter LaGrand rendue105(*), le gouverneur de l'Etat d'Arizona donna l'ordre pour l'exécution, malgré la recommandation de la Commission de grâces qui proposait aussi le sursis. Tout comme dans l'affaire Breard, l'ordonnance de la Cour internationale de justice est restée lettre morte. Cette exécution a porté un préjudice irréparable à l'Allemagne, préjudice que l'indication de mesures conservatoires par la Cour a voulu éviter.

* 99 CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua contre Etats-Unis), ordonnance en mesures conservatoires du 10 mai 1984, Rec., 1984, p. 169.

* 100Application de la Convention pour la prévention et répression du crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, CIJ. Rec., 1993, p. 3 et 325.

* 101 CIJ, Affaire relative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d'Amérique), ordonnance en mesures conservatoires du 9 avril 1998, Rec., 1998, § 1-22.

* 102 Article 36 paragraphe1 alinéa b de la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1993.

* 103 CIJ, Affaire relative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d'Amérique), demande en indication de mesures conservatoires du 9 avril 1998, Rec., 1998, § 23-41.

* 104 CIJ, Affaire Walter LaGrand (Allemagne c. les Etats-Unis d'Amérique), demande en indication de mesures conservatoires du 3 mars 1999, §8.

* 105 Il faut signaler la rapidité avec laquelle la Cour s'est prononcée sur la demande allemande, vu la gravité et l'extrême urgence de la situation. La demande allemande ayant été déposé le 2 mars 1999 à 19h 30 (heure de la Haye ) et l'exécution de Walter LaGrand étant prévue pour le lendemain à 15h (heure de Phoenix), la Cour a rendu son ordonnance dans la journée du 3 mars, juste quelques heures avant l'heure fatidique.

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