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L'aménagement des droits des actionnaires après l'ordonnance du 24 juin 2004


par Julien Carsantier
Université Paris Dauphine - DEA 122 2005
  

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b) Le rachat des actions de préférence

320. - Le rachat est un mode drastique de suppression des actions de préférence puisque le porteur ne troque plus sa qualité d'actionnaire préféré pour celle d'actionnaire ordinaire, mais perd purement et simplement la qualité d'associé.

Ce rachat est envisagé de deux manières par l'ordonnance du 24 juin 2004, l'une commune à toutes les sociétés par actions (i), l'autre propre aux sociétés par actions dont les actions de préférence sont inscrites aux négociations sur marché réglementé (ii) ; par ailleurs, la question du rachat dans les sociétés non cotées appelle quelques remarques particulières (iii).

(i) Les règles générales applicables au rachat d'actions de préférence

321. - Pour toutes les sociétés par actions, que leurs actions soient inscrites ou non aux négociations sur un marché réglementé, l'article L. 228-12 du Code de commerce autorise le rachat des actions de préférence.

Comme en matière de conversion588(*), il y a lieu de distinguer selon que le rachat a été prévu ou non dans les statuts ou dans le contrat d'émission.

322. - La société émettrice a toujours la faculté de décider le rachat des actions de préférence au cours de leur existence, quand bien même l'opération n'aurait pas été prévue. Dans ce cas, le rachat est décidé directement par l'assemblée générale extraordinaire, qui peut toutefois déléguer ce pouvoir dans les conditions prévues pour les délégations conférées en vue d'augmenter le capital589(*).

Toutefois, à l'image de ce qui vaut pour la conversion en actions ordinaires590(*), un tel rachat ne pourrait intervenir en l'absence d'approbation de l'assemblée spéciale des porteurs, tant sur le principe du rachat que sur ses modalités, par application de l'article L. 225-99 du Code de commerce.

Dans une telle situation - opération de rachat non prévue par les statuts ou le contrat d'émission -, le rachat est donc offert ; les porteurs y répondent ou non.

323. - Le plus souvent toutefois, on peut penser que le principe et les conditions du rachat des actions de préférence seront arrêtés ab initio591(*), c'est-à-dire fixés dans les statuts ou le contrat d'émission lors de l'émission desdites actions.

Dans ce cas, il n'est besoin ni d'une assemblée générale extraordinaire des actionnaires, ni d'une assemblée spéciale des porteurs lors de la réalisation de l'opération. Le conseil d'administration ou le directoire592(*) reçoit alors les pouvoirs nécessaires pour procéder au rachat dans les conditions prévues par les statuts.

Naturellement, si la clause statutaire permettant à la société d'imposer le rachat aux porteurs est insérée ultérieurement à la souscription des actions de préférence593(*), l'approbation de l'assemblée spéciale des actionnaires de préférence, à l'unanimité594(*), sera nécessaire pour valider la modification de leur situation595(*). Autrement, le rachat ne saurait être imposé.

324. - L'opération de rachat entraîne des conséquences pour la société et, partant, les autres actionnaires, à savoir qu'elle passe en principe par une réduction du capital. Les commentateurs sont toutefois divisés sur cette question.

Dans les sociétés par actions, cotées ou non, sauf cas limitativement énumérés par la loi596(*), ces sociétés ne peuvent racheter leurs propres actions sans les annuler597(*) ; aussi, le rachat de tout titre de capital, que ce soient des actions de préférence ou des actions ordinaires, passe en principe par une réduction de capital. Certains auteurs estiment qu'il ne s'agit pas là d'une décision de réduction de capital à proprement parler mais de la simple traduction comptable de l'annulation d'une partie des titres de capital ; par suite, il n'y a pas lieu, selon eux, d'appliquer la procédure de droit commun des réductions de capital non motivées par des pertes598(*), c'est-à-dire qu'il ne saurait être reconnu aux créanciers un droit d'opposition599(*) - contrairement à ce qui vaut pour la conversion en actions ordinaires600(*). D'autres auteurs inclinent à penser le contraire601(*).

Dans les sociétés cotées uniquement, outre le rachat offert par la société, l'ordonnance a introduit une possibilité de rachat forcé, pouvant être imposé par la société aux porteurs d'actions de préférence dans certaines conditions602(*). Le rapport au Président de la République précise que, dans ce cas, «  ce rachat est soumis aux règles générales du rachat d'actions »603(*). Or, à l'inverse des sociétés non cotées, les sociétés cotées se voient offrir des cas où elles peuvent racheter leurs propres actions sans avoir à les annuler par suite604(*). La question qui se pose donc est de savoir si, en application de l'article L. 228-20 du Code de commerce, une société pourra imposer le rachat des actions de préférence à leurs titulaires - sous réserve que les conditions du rachat soient remplies -, sans les annuler par la suite. A notre connaissance, un seul auteur y a apporté une réponse605(*) ; selon lui, la procédure de rachat de l'article L. 225-209 du Code de commerce - qui autorise une société cotée à acheter ses propres actions dans une certaine limite et sous certaines conditions - ne s'appliquerait pas lorsque l'article L. 228-20 est mis en oeuvre, les deux régimes étant distinct l'un de l'autre. Il écrit : « ces deux procédures de rachat n'ont pas les mêmes objectifs. Nous pensons que le rachat d'actions de préférence a pour finalité leur annulation, alors qu'un programme de rachat d'actions peut avoir d'autres finalités (attribution aux salariés, création de valeurs mobilières complexes,...) »606(*).

325. - L'information des actionnaires - ordinaires comme de préférence - n'a pas été oubliée. Lorsque l'assemblée générale extraordinaire se prononce sur l'inscription dans les statuts des modalités de rachat des actions de préférence, le conseil d'administration ou le directoire établit un rapport indiquant les modalités de rachat ainsi que les justifications et les modalités du calcul du prix proposé607(*). Il en est de même lorsque l'assemblée générale décide du rachat608(*), ce rapport étant alors transmis à l'assemblée spéciale des porteurs d'actions de préférence609(*).

Le commissaire aux comptes donne également son avis sur les modalités de rachat insérées dans les statuts610(*) et sur l'offre de rachat faite le cas échéant611(*).

On constate que le dispositif d'information des actionnaires est particulièrement complet.

326. - Comme il a été dit, à l'instar de la conversion en actions ordinaires612(*), les statuts peuvent prévoir les modalités du rachat, et donc déterminer les cas dans lesquels les actions de préférence disparaîtront, ainsi que les règles d'estimation de la contrepartie à laquelle auront droit les porteurs ; les statuts pourront ainsi utilement prévoir une méthode d'évaluation des actions et une procédure de fixation du prix, par exemple par expertise.

Cependant, la question de la fixation dans les statuts des modalités de détermination du prix du rachat peut soulever certaines difficultés. En effet, si les modalités du prix sont insérées dans les statuts, la société y est évidemment tenue, mais les porteurs d'actions de préférence aussi. Or, pour assurer en quelque sorte la maîtrise de leur sortie, les investisseurs peuvent souhaiter stipuler un prix de rachat déterminable, voire déterminé. De telles stipulations ne vont cependant pas de soi.

327. - En principe, le prix de rachat est déterminé au jour où l'opération est conclue, en fonction de la situation sociale du moment et de ses perspectives613(*). Aussi, il paraît envisageable de prévoir un prix déterminable en fonction d'un mode d'évaluation qui prend en compte pareillement la situation sociale à l'époque des opérations614(*), quitte à réserver le recours à l'expertise en cas de difficulté d'application de la méthode retenue.

En revanche, est critiquable toute autre clause qui stipulerait un prix déterminable, voire déterminé, en fonction de données ou de critères étrangers à la situation réelle de l'émetteur au moment du rachat, tel un prix fondé sur le prix de revient majoré d'un intérêt proposé ou exigé par l'investisseur615(*). Une telle clause risquerait de provoquer une discussion, lors de son exécution, surtout si, à cette époque, le prix en résultant est sans commune mesure avec la valeur de l'entreprise sociale, estimée selon les critères usuels. Le caractère léonin ou non d'une telle clause alimentera le débat, et il est difficile de prédire l'application qu'en feront les tribunaux.

Traditionnellement, les chambres civiles et commerciales de la Cour de cassation n'ont pas une jurisprudence homogène sur la question ; la première applique d'une manière extensive la prohibition des clauses léonines alors que la seconde tend à en restreindre l'application616(*). Cette divergence ne sera cependant bientôt plus car la Chambre commerciale est appelée à connaître de la quasi-totalité des litiges nés de l'application du droit des sociétés. Il importe donc de ne prendre en compte que la thèse libérale617(*). Toutefois, les décisions qui jusqu'ici consacrent cette thèse libérale le plus nettement concernent les conventions extrastatutaires, moins exposées peut-être que les clauses statutaires à la sanction, qui a pour effet de réputer non écrites les clauses tenues pour léonines.

En outre, on peut également se demander si la stipulation d'un prix déterminé ou déterminable en fonction des critères étrangers à la situation de la société n'a pas pour effet de transformer le titre de capital en titre de créance, en violation, par conséquent, de l'interdiction prévue par l'article L. 228-91, alinéa 5 du Code de commerce618(*).

Néanmoins, si la Chambre commerciale de la Cour de cassation suit la jurisprudence qu'elle a rendue en matière de pacte extrastatutaire, il est tout à fait concevable qu'elle écarte les critiques susmentionnées, du moment que l'actionnaire encourt le risque de voir ses actions disparaître dans la période comprise entre la souscription et l'époque du rachat619(*).

328. - Il est donc à prévoir que les modalités du rachat des actions de préférence seront le terrain d'âpres discussions, qu'il appartiendra très certainement aux tribunaux de trancher. Rappelons cependant que le rachat, en l'absence de clauses statutaires ou de stipulations dans le contrat d'émission, ne saurait être imposé aux porteurs d'actions de préférence sans l'approbation de leur assemblée spéciale. Il peut toutefois en être autrement dans les sociétés cotées.

* 588 Supra n° 307 et s.

* 589 Art. L. 225-129 à L. 225-129-6 C. com sur renvoi de l'art. L. 228-12, al. 1er C. com.

* 590 Supra n° 315.

* 591 C'était le cas en matière d'actions à privilèges financiers. V. J.-J. DAIGRE, Fr. MONOD et Fr. BASDEVANT, « Les actions à privilèges financiers », art. préc., p. 10, n° 42.

* 592 Ou l'organe de direction compétent s'il s'agit d'une SCA ou d'une SAS.

* 593 Ou si les statuts ne prévoyaient que le principe du rachat sans en fixer les modalités, lesquelles sont insérées dans les statuts ultérieurement ou proposées aux porteurs d'actions de préférence

* 594 Le rachat forcé équivaut en effet à une exclusion qui augmente les engagements de l'actionnaire, d'où l'exigence de l'unanimité des porteurs d'actions de préférence dans ce cas.

* 595 Art. L. 225-99 C. com.

* 596 Par exemple, attribution aux salariés (art. L. 225-208 C. com.). Les sociétés cotées bénéficient toutefois de dérogations plus importantes que les sociétés non cotées.

* 597 Art. L. 225-207 C. com.

* 598 Art. L. 225-205 C. com.

* 599 En ce sens, A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1538 ; B. MERCADAL et Ph. JANIN, Sociétés commerciales, op. préc., n° 18616 et s.

* 600 Supra n° 305.

* 601 A. GUENGANT, D. DAVODET, P. ENGEL, S. de VENDEUIL et S. LE PAVEC, « Actions de préférence : questions de praticiens (2ème partie) », art. préc., p. 1212 ; Le mémento de la société anonyme, op. cit, n° 284 ; ANSA, Comité juridique, avis du 3 novembre 2004.

* 602 Art. L. 228-20 C. com. V. infra n° 329 et s.

* 603 Rapp. préc. - Le rapport est muet s'agissant de la procédure de rachat « offert » et n'apporte de précision que lorsque le rachat est décidé, dans les sociétés cotées, en application de l'article L. 228-20 du Code de commerce. Aussi, lorsque le rachat est « offert », nous renvoyons au deuxième alinéa du paragraphe 324.

* 604 Art. L. 225-209 C. com.

* 605 P. D'HOIR, La réforme des valeurs mobilières & des augmentations de capital, op. préc., p. 10. - Les autres commentateurs n'ont pas soulevé la question, estimant que, sociétés cotées ou non, le rachat des actions de préférence, qu'il soit offert ou forcé, se traduit nécessairement par une réduction de capital.

* 606 En toute hypothèse, l'annulation serait obligatoire dans le cas où, à la suite d'un rachat, la société viendrait à détenir plus de 10 % des actions de préférence d'une même catégorie (art. L. 225-210 C. com.).

* 607 Art. 206-5, al. 1er du décret du 23 mars 1967, introduit par le décret du 10 février 2005.

* 608 Art. 206-4, al. 1er du décret du 23 mars 1967, introduit par le décret du 10 février 2005.

* 609 Art. 206-6 du décret du 23 mars 1967, introduit par le décret du 10 février 2005.

* 610 Art. 206-5, al. 2 du décret du 23 mars 1967, introduit par le décret du 10 février 2005.

* 611 Art. 206-4, al. 2 du décret du 23 mars 1967, introduit par le décret du 10 février 2005.

* 612 Supra n° 307.

* 613 Par exemple, art. L. 228-35-10, al. 3 C. com. applicable aux actions à dividende prioritaire sans droit de vote : « La valeur des actions à dividende prioritaire sans droit de vote est déterminée au jour du rachat d'un commun accord entre la société et une assemblée spéciale des actionnaires vendeurs, statuant selon les conditions de quorum et de majorité prévues à l'article L. 225-99. En cas de désaccord, il est fait application de l'article 1843-4 du code civil ».

* 614 En ce sens, A. GUENGANT, D. DAVODET, P. ENGEL, S. de VENDEUIL et S. LE PAVEC, « Actions de préférence : questions de praticiens (2ème partie) », art. préc., p. 1213 ; A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1538.

* 615 Par exemple, le taux de rendement interne (TRI).

* 616 Pour un exemple où la Chambre commerciale a pris en compte expressément la qualité de bailleur de fonds de l'investisseur à propos d'une promesse d'achat, v. Cass. com., 16 novembre 2004 : RJDA 2005, n° 260, p. 217.

* 617 En ce sens, A. GUENGANT, D. DAVODET, P. ENGEL, S. de VENDEUIL et S. LE PAVEC, « Actions de préférence : questions de praticiens (2ème partie) », art. préc., p. 1213 ; A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1538.

* 618 Art. L. 228-91, al. 5 C. com. : « Les titres de capital ne peuvent être convertis ou transformés en valeurs mobilières représentatives de créances. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

* 619 V. Cass. com., 22 février 2005 : Dalloz 2005, p. 973, à propos de la validité des promesses unilatérales d'achat d'actions à prix plancher.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo