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L'existence d'une conception des droits de l'homme propre aux états musulmans


par Peggy Hermann
Faculté de Droit de Montpellier 1 - DEA de Droit International 1999
  

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§ 4 : La confrontation des différents courants de pensée dans les Etats musulmans

La législation dans les Etats musulmans est régie en partie par la Loi islamique, et en partie par le droit positif d'origine occidentale. C'est pourquoi le courant islamiste et le courant moderniste s'affrontent.

A- La position du courant moderniste (les réformateurs laïcs et positivistes)

Face à la radicalisation du discours islamiste traditionaliste, le courant qui se veut moderne est fasciné par l'Occident. Il a suivi l'exemple de Mustapha Kemal Ataturk qui dans un de ces célèbres discours de 1928 déclare : « les peuples non civilisés sont condamnés à rester dans la dépendance de ceux qui le sont. Et la civilisation, c'est l'Occident, le Monde Moderne, dont la Turquie doit faire partie si elle veut survivre ». Il existe deux formes de courants modernistes : le courant positiviste et le courant laïcisant.

1- Le courant positiviste

Ce courant de pensée estime qu'il faut s'en tenir à la Loi positiviste telle qu'établie par l'Etat. Les arguments de ce courant peuvent être résumés comme suit :

Les argument religieux.

Le courant considère que les versets coraniques et les récits du Prophète cités par le courant islamiste sont souvent troqués, manipulés, pris hors contexte ou mal interprétés. Le Coran et la Sunnah ne comportent pas de normes juridiques en nombre suffisant pour régir la société. Le système juridique musulman construit sur ces deux sources est d'origine humaine. On a le droit de la modifier selon les besoins de la société.

Les autres normes juridiques que comportent le Coran et la Sunnah visaient à protéger les intérêts de la société ; elles doivent donc être interprétées à la lumière de ces intérêts.

Les arguments juridiques

Deux arguments juridiques ont été avancés par le courant positiviste opposé au retour à la Loi islamique :

- La Loi islamique n'est pas d'application directe. Le législateur n'est pas tenu de modifier les Lois précédentes en les amendant pour les harmoniser avec elle, moins encore d'entreprendre la codification de la Loi islamique.

- Peu de Lois sont contraires à la Loi islamique et il ne convient pas de rejeter toutes les Lois positives d'origine occidentale. Les Lois relatives au statut personnel sont conformes à la Loi islamique et en découlent directement. La majorité des autres Lois, comme le code civil, le code de commerce, le code de procédure pénal et le code pénal même s'ils ne procèdent pas directement de la Loi islamique, ne sont pas en contradiction avec elle. Ce qui compte, ce n'est pas l'origine de la Loi, mais sa conformité ou sa non-opposition avec la Loi islamique.

2- Le courant laïcisant

Ce courant rejoint le précédent dans sa position face à la non ré-introduction des normes islamiques. Il dépasse cependant le courant positiviste en souhaitant l'élimination des normes islamiques en vigueur. Le courant moderniste a une fascination pour le monde occidentale et les libertés publiques.

L'idée est que l'Islam n'est pas contre la raison, ni contre les découvertes scientifiques. L'Islam présente un appel à la réflexion et à la recherche dans tous les domaines de la vie sociale des musulmans. Ce courant a réussi, par exemple en Iran, à populariser certains concepts d'origine occidentale, comme l'extension des libertés publiques et la victoire remportée par les réformistes reflète l'expression de cette mutation profonde.

La modernisation économique, sociale et culturelle conduisent à un recul de la religion. Ceux qui y sont favorables veulent une société tolérante, rationnelle, progressiste, humaniste et laïque. Ceux qui déplorent cette modernité, les conservateurs s'inquiètent des conséquences de la disparition des croyances religieuses, des institutions et des orientations morales données par la religion au comportement humain individuel et collectif.

B- La position du courant islamiste (les conservateurs)

1- Les raisons

Ce processus de modernisation a poussé les musulmans à quitter les campagnes pour se rendre vers les grandes villes et ils sont amenés a y rencontrés de nouveaux gens. Ils ont donc besoin de nouvelles sources d'identité, de nouvelles formes stables de communauté, d'un nouvel ensemble de préceptes moraux pour retrouver du sens et de la finalité. La religion satisfait à ces besoins.

Selon l'auteur Samuel Hundington, la résurgence de la religion à travers le monde est une réaction à la laïcisation, au relativisme moral et à la tolérance individuelle, une réaffirmation des valeurs d'ordre, de discipline, de travail, d'entraide et de solidarité humaine32(*). Outre les traumatismes affectifs et sociaux liés à la modernité, le recul de l'Occident et la fin de la guerre froide constituent également d'autres facteurs favorisant le renouveau religieux. Les courants de pensée en faveur de ce renouveau sont anti-laïcs, anti-universels, anti-occidentaux.

Les courants auxquels nous nous intéressons ne rejettent pas l'urbanisation, l'industrialisation, le développement, la science et la technologie. Ils ne rejettent non pas la modernité mais le «modernisme » selon Hundington33(*). Le renouveau de l'Islam est la manifestation la plus puissante de l'antioccidentalisme dans les sociétés musulmanes ; ce n'est pas un rejet de la modernité mais de l'Occident, de la culture laïque. Rejet appelé «l'Occidentoxication ». Sorte de déclaration d'indépendance culturelle vis à vis de l'Occident, mais une affirmation claire : «  Nous serons modernes, mais nous ne serons pas vous ».

2- Les conséquences

Partant de la conception de la Loi, le courant islamiste souhaite se débarrasser des normes occidentales pour n'appliquer que les normes musulmanes. Il invoque notamment les deux passages du Coran suivants :

« Ceux qui ne jugent pas les hommes d'après ce que Dieu a révélé sont des mécréants, [...] des injustes, [...] des pervers «(5:44, 45, 47).

Lorsque Dieu a pris une décision, il ne convient pas pour un croyant de maintenir un chois opposé à sa volonté. Celui qui désobéit à Dieu et à son Prophète s'égare totalement et manifestement (33 : 36)34(*).

Ce courant de pensée est sans doute le dernier-né. Il prêche la rupture radicale avec la dialectique moderniste. On aboutit inévitablement au rejet de tout ce qui menace l'identité de l'Islam, surtout la laïcité. Pour parvenir à ses fins, Abu-Sahlieh explique que ce mouvement utilise différents moyens :

- Il utilise l'opposition législative qui s'exprime dans les textes de Lois, dans la rédaction des Constitutions. Les Etats musulmans subordonnés à la Loi islamique ne laissent pas de place au droit étranger. La législation doit se baser uniquement sur les normes coraniques. La politique et la religion ne se séparent pas. Vouloir séparer les droits de l'Homme et les droits de Dieu, c'est contester le droit de Dieu à être le seul maître du monde.

- Cette opposition au droit occidental se retrouve dans de nombreux ouvrages, et articles de presse. Il est plus facile pour les islamistes de répandre leur conviction que pour les réformateurs libéraux, cibles d'un gouvernement trop ferme et trop conservateur, de publier des articles qui remettent en cause certaines des positions conservatrices. En Iran, où les médias constituent l'arène centrale de la confrontation entre conservateurs et révisionnistes, les journalistes restent dorénavant prudents ; même s'ils contestent certaines des dispositions de la Constitution iranienne, le fonctionnement du système du Velaya Faguih, les institutions de droit divin, la personne du Faguih l'ayatollah Ali Khamenei demeure infaillible et hors d'atteinte.

- Dans l'arène de la confrontation, l'institution judiciaire occupe une place de choix. Certains juges islamistes n'hésitent pas à adopter une attitude hostile à l'égard de la Loi positive d'origine occidentale et n'hésitent pas à appliquer la Loi islamique dans leurs jugements. C'est le cas du juge égyptien Ghurab, décédé en 1994, qui a publié un recueil de ses jugements sous le titre significatif : « Jugements musulmans comme condamnation des Lois positives »35(*). Le Dr hassan Ghafoorifaard, membre de la présidence du Parlement de la République islamique d'Iran, proche des conservateurs, tenants du pouvoir dit  «nous avons le devoir de lutter contre les ennemis intérieurs et extérieurs de la République, notamment contre l'invasion culturelle de l'Occident. »

Les Etats musulmans sont les seuls avec l'Asie à s'affirmer face à l'Occident. Les musulmans se tournent vers l'Islam comme source d'identité, de sens, de stabilité, de légitimité, de développement, de puissance et d'espoir. La justification du particularisme propre aux Etats musulmans sert de base à l'expression de leur identité et des problèmes posés à l'Islam contemporain par les droits de l'Homme tels qu'ils ont été conçus par les Nations-Unies.

* 32 Hundington (Samuel. P), Le Choc des civilisations, ( traduc. Fr.), Odile Jacob, 1997

* 33 Ibid

* 34 Abu-Sahlieh (S.A.A)," les mouvements islamistes et les droits de l'Homme", R.T.D.H 34, 1998, p.257

* 35 Mahmud' Abd-al-Hamid GHURAB, Ahkam islamiyyad idanah lil-qawanin al-wad'iyyah, Dar al-i'tissam, Le Caire, 1986

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote