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L'existence d'une conception des droits de l'homme propre aux états musulmans


par Peggy Hermann
Faculté de Droit de Montpellier 1 - DEA de Droit International 1999
  

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§ 2 : Le caractère absolu de l'application

Est-il possible d'appliquer de façon absolue et uniforme, le corpus juridique de l'universalité des droits de l'Homme, dans tous les pays membres de la communauté internationale ? La réponse est certainement négative. En effet, l'application de toutes les dispositions du corpus juridique dans tous les Etats exige encore de très importants changements dans les mentalités et dans les législations. Il en est ainsi même dans les Etats occidentaux, fondateurs de cette universalité.

Si les Etats musulmans relativisent l'application du corpus juridique c'est afin d'éviter que les Nations-Unies transplantent dans leurs systèmes légaux des normes universelles incompatibles avec leur particularisme en matière des droits de l'Homme. Mais les droits de l'Homme sont devenus une préoccupation dans la législation contemporaine des Etats musulmans. Ils sont, en effet, intimement liés à la modernité, et les Etats musulmans ne rejettent pas fondamentalement cette modernité.

En 1948, lors de la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les Etats musulmans ont, pour la plupart, considéré ce texte comme incompatible avec les préceptes islamiques. Mais une adaptation réciproque s'est faite progressivement sous le signe d'une double évolution qui affecte, d'une part, l'étendue même et les conditions d'exercice des droits reconnus et, d'autre part, les législations et les coutumes des différents pays. Si l'on se reporte en 1966, année de l'adoption des Pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme par l'Assemblée générale des Nations-Unies, l'on constate plusieurs manifestation de cette évolution.

Pour ne donner qu'un exemple, l'article 18 de la Déclaration universelle proclamait le droit de changer de religion : "...ce droit implique le droit de changer de religion ou de conviction...". Ceci va totalement à l'encontre de l'Islam. Dans le Pacte international des droits civils et politiques, l'article 18 relative à la liberté de pensée, de conscience et de religion ne fait pas mention du droit à changer de religion.

Pour ne donner qu'un autre exemple relatif aux Etats musulmans, le principe de la liberté d'expression est affirmé par les documents internationaux dont la valeur universelle est reconnue par la plupart des Etats musulmans. ( Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et article 19 du Pacte Internationale des droits civils et politiques). Des mesures législatives et administratives ont été prises par les Etats musulmans pour assouplir les limitations imposées au principe de la liberté d'expression, mais ces mesures ne permettent pas encore de changer radicalement les mentalités et de supprimer les préjugés face à l'application universelle des droits de l'Homme. Des retours de bâton interviennent pour anéantir en peu de temps l'effet des années de lutte et d'efforts.

Une délégation de "Reporters sans frontières" a relevé de multiples violations de ce principe ; depuis l'assassinat de Tahar Djaout le 26 mai 1993, cinquante-sept journalistes ont été tués. La plupart de ces meurtres ont été revendiquées par les différents groupes armés se réclamant de l'islamisme " qui considèrent les professionnels algériens de l'information comme des "suppôts du pouvoir" et des "ennemis de l'Islam"".67(*)

En acceptant formellement le corpus juridique de l'universalité des droits de l'Homme, les Etats musulmans sont liés par ces normes et leur application ; ils sont donc sujets à être jugés à travers elles. Le caractère absolu de l'application du corpus juridique de l'universalité des droits de l'Homme fait redouter aux Etats musulmans le fait que certains Etats puissent juger leurs pratiques en la matière, puissent s'immiscer dans leurs affaires intérieures. Que la communauté internationale puisse estimer que telle ou telle pratique est acceptable ou ne l'est pas, et juger de l'adéquation de ces pratiques avec les normes de droit international des droits de l'Homme à travers les mécanismes de contrôle mis en place à cet effet par les Nations-Unies.

Ces mécanismes aussi faibles qu'ils soient, contraignent l'Etat à rendre des comptes et à se justifier. « Permettant un droit de regard extérieur sur ce qui constitue le coeur même du régime politique de l'Etat, il peut aboutir à porter atteinte à sa respectabilité- aussi bien interne- qu'international »68(*) . Face à cet étrange droit des droits, les Etats musulmans sont méfiants. Tout d'abord, parce que cela permet un droit de regard mutuel entre tous les Etats qui peuvent s'en servir pour intervenir dans les affaires intérieures de l'Etat.

Et si l'on tend à reconnaître aux droits de l'Homme un caractère universel et absolu, la diversité des instruments de protection pose problème. La limitation qu'impose les Etats musulmans à la portée universelle des droits de l'Homme vient de la multiplicité des instruments régionaux, universels, déclaratoires ou conventionnels, de protection des droits de l'Homme, qui pose le problème de leur harmonisation. On ne peut éviter les imprécisions qui sont sans doute la cause de la difficile universalité, car chaque Etat peut adopter sa propre définition et apporter ses propres limitations.

Accepter l'universalité n'est pas un problème en soi, car nous venons de le démontrer; il existe plusieurs façons de l'aborder. Le problème réside dans le fait que cela impose une certaine rigueur dans la pratique. Les Etats musulmans ne peuvent qu'être hostiles par principe à se voir imposer des normes universelles absolues qui sont inapplicables en pratique dans leur pays. Ce qui précède montre qu'ils ne peuvent que penser que "l'ONU dans sa structure sert d'instrument pour maintenir l'hégémonie des grandes puissances au détriment du respect des droits de l'Homme"69(*), et que les droits de l'Homme ne peuvent exister que dans un système positif et moderne. Pourtant, tout en étant hostiles à l'universalité des droits de l'Homme, les résistances face à la mise en place du corpus juridique des droits de l'Homme sont de moins en moins visibles dans les Etats musulmans, même si cette acceptation reste problématique

* 67 "les violations de la presse de 1992 à 1998 en Algérie", www.rsf.fr

* 68 Imbert (P-H), l'apparente simplicité des droits de l'Homme, R.U.D.H, 1989, p.2.

* 69Abu-Sahlieh, "Droits de l'Homme conflictuels entre l'Occident et l'Islam", Revue algérienne des sciences juridiques économiques et politiques, Volume XXXI- N° 01/1993, p.67

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