Le droit à la vie et la controverse de l'avortement en Irlande


par Nathalie Nesseir
Université de Poitiers
Traductions: Original: fr

Disponible en mode multipage


SOMMAIRE

INTRODUCTION

 

TITRE 1.Le droit à la vie et le huitième amendement

     CHAPITRE 1.Le droit à la vie du fœtus: un droit constitutionnellement garanti

Section 1. Le Droit à la vie du fœtus :un droit naturel ?

           Section 2. L’inertie du corps législatif

      CHAPITRE  2.Le droit à la vie du fœtus n’est pas un droit absolu

          Section 1. Un conflit de droits constitutionnels

           Section 2. Un conflit arbitré par le juge

           Section 3. Le protocole n°17: une protection contre le droit européen

 

TITRE 2.La mise en conformité du droit irlandais par rapport au droit européen

     CHAPITRE 1.La controverse de l’avortement appréhendée par  les deux ordres juridiques européens

Section 1. Les relations entre le droit communautaire et  le droit national

           Section 2. Le droit à la vie et l’article 2 de la CEDH

 

     CHAPITRE 2.Les incidences de la jurisprudence européenne sur le droit irlandais

          Section 1. Les referendums de 1992 et le droit de circulation et d’information

           Section 2. Les pressions de la société pour un nouveau référendum

 

CONCLUSION


INTRODUCTION

 

     Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, s’est développée une conception entièrement nouvelle des droits de l’homme basée sur le respect de la personne humaine.

A cet effet, de nombreuses Conventions au niveau international et européen ont été signées afin d’en assurer le respect.

La garantie des droits de l’homme demeure toujours au centre des préoccupations, mais ces dernières années, des problèmes de types complètement différents ont suscité l’inquiétude de certains gouvernements.

Ces questions ont principalement trait au respect du droit à la vie:

peut-on admettre des exceptions à ce droit?

Il semble en être ainsi comme le montrent les pratiques de l’euthanasie, de la peine de mort ou de l’avortement.

En avril 2001, les Pays-Bas ont voté une loi sur l’euthanasie.

Cette loi, unique au monde, autorise les médecins à mettre fin à la vie de leurs patients.

La législation votée par les Pays-Bas sur l’euthanasie reconnaît un “ droit à la mort”. 

L’article 2 de la Convention Européenne des droits de l’homme (CEDH) qui consacre le droit à la vie admet également qu’il puisse exister des exceptions à ce droit, comme la peine de mort ou la mort causée par les agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions.

Au même titre que l’euthanasie et la peine de mort, reconnaître l’avortement comme une exception au droit à la vie reste problématique.

En effet, appréhender l’interruption de grossesse comme un droit de mort suppose la reconnaissance d’un droit à la vie pour le fœtus.

Or, les Conventions européennes et les législations des États européens qui garantissent le droit à la vie, ne font pas allusion à un quelconque droit pour le fœtus.  

L’Irlande fait figure d’exception, car depuis 1983 sa Constitution consacre un droit à la vie à l’enfant à naître.

Dans sa rédaction originelle, la Constitution irlandaise, Bunreacht na hEireann de 1937, accorde une place importante aux droits fondamentaux et notamment aux droits individuels.

Le droit à la vie est énoncé dans l’article 40.3.2 “ the state shall, in particular,by its laws protect as best it may from unjust attack and, in case of injustice done, vindicate the life, person good name and property rights of every citizen [1]”.

Cet article qui assure pourtant le respect d’un des droits fondamentaux de la personne humaine est rédigé de manière succincte. Il ne donne aucune indication quant au début ou à la fin de la vie humaine, si ce droit doit être entendu de manière absolue ou non. Il se contente de reconnaître un droit que l’État doit protéger.

L’interprétation de ces articles relève de la compétence des Cours, on parle de “ justice activism ”.

Même en l’absence de référence au droit à la vie du fœtus dans la Constitution, l’avortement a toujours été interdit en Irlande.

La matière était uniquement régie par le droit pénal.

En effet, cette Loi “ the Offences against the Persons act [2]” dans sa section 58, qui date de 1861, qualifie l’avortement de crime relevant du droit pénal.

L’avortement y est décrit comme l’expulsion prématurée du contenu du ventre de la mère, avant la fin de la gestation. Le fait d’avorter ou de donner assistance à une femme enceinte est réprimandé et passible d’une peine d’emprisonnement.

Dans l’affaire, Attorney General v Coleman (1945), l’accusée avait été condamnée pour utilisation illégale d’un instrument dans l’intention de provoquer une fausse couche.

La section 58 de l’acte de 1861, toujours en vigueur, interdit l’avortement illégal, les juges ont donc présumé l’existence d’un avortement qui serait légal.

Dans l’affaire R v Bourne (1938), Le juge Mc Naghten, avait déduit une catégorie d’avortements thérapeutiques: il reconnaissait la possibilité pour une femme enceinte de recevoir tous les traitements médicaux nécessaires, même si cela avait pour conséquence la mort du fœtus. Ce type d’avortement était considéré comme légal puisqu’il était réalisé dans le but de sauver la vie de la mère.

Le droit à la vie du fœtus n’était donc protégé que par la criminalisation de l’avortement.

Dans les années 60, cette protection a été remise en question lorsque s’est développée la reconnaissance de nouveaux droits constitutionnels par les cours irlandaises mais aussi par la Cour Suprême américaine.

L’arrêt précurseur en la matière est Ryan v Attorney General (1965)[3]; la Cour Suprême irlandaise reconnaît alors qu’il existe un droit à l’intégrité physique même si celui-ci n’est pas expressément mentionné dans l’article 40 de la Constitution. Cet arrêt sera à l’origine de la doctrine des droits implicites.

En 1974 , la Cour accepte l’existence d’un droit à la vie privée découlant de l’article 40.3, comme un droit individuel.

Dans l’affaire, Mc Gee v Attorney General[4], ce droit inclut la possibilité pour une femme mariée, dont la vie serait en danger si elle venait à être enceinte, à avoir accès à un mode de contraception, ce qui était interdit à cette époque en Irlande .

Au même moment, la Cour Suprême des États-Unis, dans l’affaire Roe v Wade[5], avait, au nom du droit à la vie privée, invalidé une loi criminalisant l’avortement.

Nul doute qu’une réforme s’imposait afin que la protection du fœtus, relevant du droit pénal, ne soit supplantée par des droits constitutionnels.

 En réaction à cette décision, les activistes anti-avortement ont mis en place des groupes de pression “ Pro life amendment compaign ”, pour un changement constitutionnel. Ils invoquaient la fragilité de la protection pénale de la vie du fœtus, si un droit constitutionnel à l’avortement venait à être dégagé par les juges, comme ce fut le cas aux États-Unis.

Cette campagne, menée par les activistes  en faveur de l’insertion d’un droit à la vie de l’enfant à naître expressément garanti par la Constitution irlandaise, a donné lieu au 8ème Amendement, adopté par référendum le 7 octobre 1983.

L’article 40.3.3 dans sa nouvelle rédaction consacre le droit à la vie de l’enfant à naître en droit constitutionnel.

Cette protection confère t-elle un caractère absolu au droit à la vie du fœtus?

Est-il possible de concilier le droit à la vie du fœtus et un droit à l’avortement pour la femme enceinte?

Sans pour autant convenir d’un droit à l’avortement, l’article 40.3.3 reconnaît un droit égal à la vie de la mère.

Lequel, du droit à la vie de l’enfant à naître ou de celui de la mère, primerait en cas de conflit?

Nous verrons par la suite comment les juges ont arbitré ce conflit de droits constitutionnels.

Il est également utile de noter que dans sa formulation, telle qu ’elle a été adoptée par référendum, la sous section 3, a préféré le terme d’enfant à naître à celui de fœtus.

Ce choix de vocabulaire est-il important quant au moment de l’apparition de la vie humaine créatrice de droits?

Nous préciserons ultérieurement que l’utilisation du terme enfant à naître au lieu de fœtus n’est pas anodin.

     Quel que soit le pays envisagé, la législation touchant au domaine du droit à la vie et de l’avortement est le reflet d’une culture et d’une tradition qui lui sont propres.

Or aujourd’hui, il n’est plus possible pour les États d’adopter dans leurs choix les plus fondamentaux une attitude qui ignorerait la dimension européenne du droit.

L’insertion d’un article Pro Life dans la Constitution irlandaise semble rendre problématique toute solution consensuelle à venir dans le cadre européen.

Cependant, plusieurs affaires, concernant l’attitude de l’Irlande face à l’avortement, ont été présentées devant les Cours Européennes.

Nous nous référerons aux affaires Grogan[6], jugée par la Cour européenne de justice (CJCE) et Open Door[7], appréciée par la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH).

Dans ces arrêts, la CJCE et la CrEDH ont estimé que les interdictions prononcées par les juges de la Cour Suprême irlandaise étaient contraires au droit d’information et de circulation, droits garantis par l’Union européenne et la CEDH.

L’injonction consistait à interdire la communication des adresses de cliniques, situées à l’étranger, pratiquant l’avortement ainsi que la possibilité de se rendre à l’étranger pour avorter.

A l’examen de ces arrêts, on est en droit de se demander si le droit européen est susceptible de remettre en cause la protection accordée au fœtus par la Constitution irlandaise.

L’article 29.4.7 de la Constitution règle la primauté du droit communautaire sur le droit national, fût-il constitutionnel.

L’Irlande accepte donc que tout un pan de son droit soit édifié hors de ses frontières.

Ce principe de primauté du droit communautaire suppose une coopération entre la CJCE et les États membres, car il appartient à ces derniers de rendre le droit national compatible avec le droit communautaire.

Ce principe n’est pas applicable à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) puisqu’elle n’a pas été incorporée dans le droit irlandais.

L’Irlande est un État de conception dualiste, c’est-à-dire, le droit interne et le droit international sont deux ordres juridiques indifférents l’un à l’autre.

Pour qu’une norme internationale puisse produire des effets, elle doit être incorporée au droit national, par le biais d’une loi par exemple.

L’État reste libre de considérer que son droit interne est d’ores et déjà en accord avec le Traité et de ne prendre aucune mesure spécifique.

L’absence d’incorporation a pour conséquence de priver les Irlandais du droit d’invoquer, devant leurs juridictions nationales, la Convention en cas de violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Faut-il en déduire que la violation d’une disposition de la Convention par l’État n’a pas d’impact au niveau international?

Dans ces conditions, quels seront les effets de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme(CrEDH)?

Le Titre 2 de notre étude portera sur le droit irlandais et ses réactions face à un ordre juridique européen de plus en plus incontournable.

Faudra t-il que l’Irlande réforme son système judiciaire pour se mettre en conformité avec les standards européens?

Il apparaît donc difficile d’unifier le droit des États membres, lorsqu’il s’agit de sujets sensibles, tels que le divorce, la contraception ou l’avortement.

En effet, le débat met en scène des arguments d’ordre moral, religieux plus que légal.

Sur ces sujets, les États membres bénéficient d’ une grande marge d’appréciation, la CrEDH se contente de sanctionner les législations les plus strictes ou les plus laxistes en la matière.

En réaction à ces décisions, trois propositions de réformes ont été soumises au référendum et ont donné lieu au 13ème et 14ème Amendements. 

Ces amendements avaient pour but de rendre le droit irlandais compatible avec le droit européen.

Cependant, l’Irlande reste partagée par sa volonté de reconnaître un droit absolu à la vie du fœtus( Titre 1),ce qui s’est traduit par l’insertion de ce droit dans la Constitution, et de refuser une législation qui priverait les Irlandaises de leur droit de recevoir des informations ou de se rendre à l’étranger afin d’obtenir un avortement(Titre 2),ce qui reviendrait à leur refuser l’application du droit européen.

Ce sont ces contradictions que devra prendre en compte le gouvernement, lorsqu’il faudra réouvrir le débat sur l’avortement et amender la Constitution ou légiférer en la matière.

En effet, le débat est loin d’être clos. Ainsi en voulant se conformer au droit européen et autoriser l’avortement dans certains cas, les juges l’ont légalisé, en référence à une disposition qui, à l’origine, devait assurer son interdiction.

Depuis les décisions des Cours européennes et le détournement de l’article Pro Life de son but originel, la société irlandaise appelle à un nouveau référendum, car que l’on soit partisan ou non de l’avortement, il faut reconnaître que la législation ou le manque de législation en la matière, n’est pas satisfaisante.

 

    
TITRE 1. LE DROIT A LA VIE ET LE HUITIEME AMENDEMENT.

    

         

 

 

     A l’origine, l’article 40.3.2 ne protégeait que la vie des personnes, puis influencés par la jurisprudence américaine, des groupes s’étaient constitués pour militer pour ou contre le droit à l’avortement. S’opposait au droit de la future mère de poursuivre ou d’ interrompre sa grossesse, le droit à la vie de l’enfant à naître, du fœtus, de l’embryon; quel que soit le terme utilisé, il y avait une “ personne en devenir ” à protéger.

L’Irlande a pris position contre l’avortement en insérant l’alinéa 3 dans la Constitution, et en reconnaissant le droit à la vie de l’enfant à naître. Cette “ personne en devenir ” ne pouvait recevoir de meilleure protection puisque ces droits allaient désormais être régis par la Constitution(Chapitre 1).

Reconnu comme un droit fondamental, le droit à la vie de l’enfant à naître ne saurait être suspendu ou récusé.

Cependant, le droit à la vie de l’enfant ne peut être absolu car l’alinéa 3 indique expressément qu’il faut également prendre en considération “ le droit égal de la mère à la vie ”.

La nécessité d’établir une hiérarchie des droits constitutionnellement garantis s’opère donc au détriment d’une protection totale de l’enfant à naître(Chapitre 2).

 

 


CHAPITRE 1. Le droit à la vie du fœtus: un droit constitutionnellement garanti.

     En Irlande, les droits fondamentaux font intégralement partie des Lois de l’État, puisqu’ils sont inscrits dans la Constitution.

Mais quelle est leur source(Section 1)?

Le Peuple est-il libre d’user de son droit, prévu par l’article 46, d’amender tous les articles de la Constitution, y compris ceux relatifs aux droits de la personne. Et le législateur est-il autorisé à légiférer en la matière(Section 2)?  

 

SECTION 1.Le droit à la vie du fœtus: un droit naturel ?

§1.Le concept “ d’enfant à naître ”.

 

     L’Irlande s’affiche comme étant l’un des rares pays européens à promouvoir le droit à la vie de l’enfant à naître, au rang constitutionnel.

Cette disposition ne faisait pas partie du texte originel de la Constitution, mais fut l’objet d’un amendement (le 8ème Amendement)voté en 1983.

L’alinéa 3 est la conséquence de l’influence de la jurisprudence américaine Wade, jugée comme dangereuse pour le droit à la vie de l’enfant à naître.

En effet, la Cour Suprême des États-Unis a estimé que le fœtus n’était pas une personne au regard de la Loi, qu’il n’était pas un citoyen américain et qu’il ne pouvait bénéficier des droits garantis par le 14ème Amendement, reconnaissant le droit à la vie.

Le troisième alinéa de l’article 40 paragraphe 3, de la Constitution irlandaise est libellé en ces termes:  “ The State ackowledges the right to life of the unborn and, with due regard to the equal right to life of the  mother, guarantees in its laws to respect, and as far as practicable, by its laws to defend and vindicate that right. [8]

Cette formulation met en évidence l’utilisation d’un vocabulaire particulier, les rédacteurs ont préféré le terme “ unborn ”, enfant à naître, au lieu du terme de fœtus.

IL y a lieu de considérer que ce dernier est plutôt un amas de cellules, qu’une personne humaine à part entière, en tout cas jusqu’au 14ème jour de sa vie, stade avant lequel le fœtus est dépourvu de toute conscience et sensibilité.

Cette différence détermine t-elle le moment de l’apparition de la vie humaine , qui serait susceptible de créer des droits?

La question a ainsi été formulée, dans l’affaire X[9]: à quel stade de la grossesse, l’enfant à naître peut-il jouir de la pleine capacité juridique?

De la date d’apparition de la vie humaine découlera l’apparition des droits qu’il faudra respecter.

Cependant, ni les juges, ni le législateur ne se sont accordés quant au début de la vie humaine.

En l’espèce, les juges ont réglé le problème en affirmant que l’enfant doit être protégé “ avant comme après sa naissance ”, sans aucune autre précision.

Toutefois, en choisissant l’expression d’enfant à naître, le législateur a implicitement placé l’apparition de la vie humaine créatrice de droits, antérieure au stade fœtal.

Nous préférerons utiliser dans les intitulés, le terme de fœtus, dans le sens d’entité individuelle humaine, il sera à ce titre qualifié ni de personne comme sujet de droit, ni de chose comme un simple amas de cellules.

De plus le terme d’enfant à naître suggère l’existence d’une personne ou du moins d’une personne humaine potentielle titulaire d’un statut juridique.

 

Ce point de vue rallierait l’opinion de l’Église catholique(très active au moment de la préparation et du vote de l’amendement),qui considère que l’enfant possède la capacité juridique à partir de sa conception.

Aucun consensus n’a été atteint au niveau national ou international,  cette solution de prendre comme point de départ l’apparition de droits au moment de la conception, est celle adoptée par les États-Unis.

Pour d’autres pays, comme l’Allemagne, l’apparition de droits se situe après le 14ème jour suivant la conception.

En France, la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 29 juin 2001, nie au fœtus la qualité de personne, lui refusant ainsi toute protection pénale.

Cet arrêt renvoie aux débats sur la définition juridique de la personne, qui implique qu’elle soit née viable et au fait que le législateur français a délibérément refusé d’assimiler l’être humain à une personne humaine dès sa conception.

A travers le statut et la protection juridique du fœtus, c’est l’avortement qui est remis en question.

Il faut noter qu’ en Irlande, l’interruption médicale de grossesse est non seulement inconstitutionnelle, mais aussi considérée comme une infraction pénale, d’après “ The offences against the Persons Act[10] ” datant de 1861.

Cette Loi qualifie l’avortement comme un crime quel que soit le stade de la grossesse. Le problème se pose donc si l’interdiction criminelle commence à partir de la fécondation (ce qui semble être le cas), alors l’utilisation de la pilule du lendemain ou de tout autre moyen de contraception intra-utérine, serait considérée comme un crime, au vu de la Section 58 de cette Loi.

Dans ce sens, en première instance, les époux McGee[11] avaient été condamnés, pour avoir importé d’Angleterre des moyens de contraception.

Par la suite, la Cour Suprême avait infirmé le jugement au motif du respect de la vie privée d’un couple marié.

La question n’ayant toujours pas été tranchée, en mai 1996 le groupe de révision de la Constitution a jugé insuffisante la législation sur l’interruption médicale de grossesse, notamment en ce qui concerne le manque d’information; il souhaiterait que soit précisé le  moment où l’enfant à naître acquerrait une protection légale.

En effet, si on accorde de tels droits à l’enfant à naître ou au fœtus, cela impliquerait des devoirs pour d’autres personnes, en l’occurrence un devoir de protection de la part du législateur. (article 40.3.3 “ The State ackowledges the right to life of the unborn,[...]guarantees in its laws to respect[...]that right[12] ”).

 

Le législateur ou le Peuple par la voie du référendum, peut-il alors remettre en cause ces droits ou bien tout simplement les modifier?

Par tradition, les droits fondamentaux reconnus par la Constitution et notamment l’article 40.3.3 sont des droits naturels.

La théorie du droit naturel repose sur une conception idéaliste qui reconnaît l’existence d’un principe supérieur de Justice qui s’impose à l’homme et à la société.

 

§2.La théorie du droit naturel en matière de droits fondamentaux.

 

     Le législateur a t-il la possibilité d’interférer avec ces droits?

Un début de réponse est donné par l’article 41, il suggère qu’il existe des principes qui n’ont pas été créés par la Constitution, des droits qui seraient supérieurs au droit positif.

Le droit positif étant pris comme l’ensemble des normes juridiques susceptibles, dans un État, d’être appliquées par les tribunaux en un instant donné, c’est-à-dire l’ensemble des normes en vigueur.

L’article 41 est ainsi intitulé:“ The State recognizes the Family as the natural primary and fundamental unit group of Society, and as a moral institution possessing inalienable and imprescriptible rights, antecedent and superior to all positive law[13] ”.

Il en va de même pour les articles 40 à 44 qui garantissent le respect des droits fondamentaux et ont donc pour source le droit naturel.

Ces droits représentent des lignes directrices pour le législateur qui ne doit pas entrer en conflit avec eux.

Selon la théorie théocratique, les droits naturels découlent de Dieu, ce qui implique que le Peuple ne peut  les contrôler, les créer ni les modifier.

La théorie naturaliste a été dominante jusqu’au XIXème siècle, puis s’est effacée face au positivisme.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, en réaction à la barbarie nazie, s’est développé le concept de droits fondamentaux inhérents à la personne humaine.

L’Etat est ainsi protégé par la Loi mais aussi contre la Loi, ce qui suppose de la référer à des principes fondamentaux dominés par le respect de la personne humaine.

Cette théorie a souvent été utilisée par la Cour Suprême afin d’interpréter les articles 40 à 44 de la Constitution irlandaise.

Dans l’arrêt State(Ryan) v Lennon[14], Kennedy CJ[15] affirme que toute Législation contraire à la “ Source du droit ” (c’est-à-dire Dieu), serait nécessairement inconstitutionnelle et déclarée nulle et non avenue.

Toutefois, en 1995, la Présidente de la République soumet, à la Cour Suprême, le projet de loi, “ Re.26[16], the regulation of informations (services outside the State for termination of pregnancies)

Bill [17] ”pour un contrôle de constitutionnalité.

Ce projet de loi venait compléter le 14ème Amendement, relatif à la distribution d’informations sur la possibilité de se faire avorter à l’étranger.

Dans son exposé, Hamilton CJ reprend la théorie du droit naturel ainsi que l’impossibilité pour le Peuple d’exercer son pouvoir d’amender l’article 40, à moins qu’un tel amendement soit compatible avec le droit naturel et les dispositions de la Constitution.

La cour a rejeté ses arguments, pour suivre les conclusions de Walsh CJ, dans l’affaire McGee; “ la Constitution évoque certains droits comme étant antérieurs et supérieurs au droit positif, mais elle ne les spécifie pas. Il appartient aux juges de déterminer quels sont ces droits ”.

Il est également rappelé que les critères sur lesquels se basent les juges, peuvent évoluer et s’adapter à la société actuelle.

L’interprétation de la Constitution ne peut être figée dans le temps.

Dans son jugement final, la Cour “ recognized the Constitution as the fundamental law of the State to which the organs of the State were subject and at no stage recognized the provisions of the natural law as superior to the Constitution [18]”.

Cet arrêt annonce la fin de la référence au droit naturel et permet au Peuple d’amender les articles concernant les droits de la personne.

La Constitution ainsi amendée par le 14ème Amendement est désormais la Loi suprême et fondamentale de l’État, exprimant la volonté du Peuple.

Les juges ont donc déduit qu’il était possible de modifier, d’interpréter les dispositions de l’article 40.

Une action de l’État est sollicitée, mais une législation est-elle vraiment nécessaire pour que l’article 40.3.3 puisse être invoqué?

 

SECTION 2.L’inertie du corps Législatif en la matière.

§1.L’article 40.3.3: un article auto-exécutoire?

 

     Dans son énoncé, l’article 40.3.3 prévoit une action de l’État, “ by its laws ”,pour protéger le droit à la vie du fœtus.

Le Parlement n’a pourtant jamais agi et pensait que les dispositions de “ the Offences against the Persons Act ” de 1861, suffisaient.

En cas de lacune législative, ce droit constitutionnel est-il applicable par les Cours?

En 1988, dans l’affaire SPUC v Open Door[19], il a été demandé aux juges, si l’article 40.3.3 était auto-exécutoire en l’absence de législation, concernant les droits de l’enfant à naître.

La Cour Suprême a ainsi eu l’occasion d’affirmer le principe selon lequel “ le rôle des Cours ne dépend pas de l’existence de législation, lorsqu’un droit constitutionnellement garanti est invoqué devant elles”.

L’arrêt, Educational company of Ireland v Fitzpatrick de 1961, a ajouté que ces droits étaient invocables lors de litiges entre particuliers ou entre un particulier et l’État.

Concernant plus particulièrement l’invocabilité des articles relatifs aux droits fondamentaux, dans l’affaire Meads[20], la Haute Cour s’est définie comme étant le “ forum idéal pour assurer le respect des droits de l’homme, les droits constitutionnels n’ont, de plus, nul besoin d’arrangements législatifs.

Conformément à l’abondante jurisprudence en la matière, le droit à la vie de l’enfant à naître doit donc être traité comme étant auto-exécutoire.

Mais est-il judicieux de confondre la politique constitutionnelle et la question de l’avortement, et laisser aux juges le soin de régler ce problème?

 

§2.Lacunes législatives et propositions de réformes. 

 

     Le pouvoir judiciaire s’étant toujours opposé à l’avortement, la décision des juges de la Cour Suprême, dans l’affaire X, a suscité de vives réactions en Irlande.

Pour la première fois, elle venait de reconnaître la possibilité d’avorter en cas de danger pour la vie de la mère. En l’espèce, la jeune fille menaçait de se suicider si elle devait mener sa grossesse à terme.

Les mouvements “ Pro life ” (contre l’avortement) et “ pro choice ” (en faveur de l’avortement), ont alors tenté de faire pression sur le Gouvernement.

Cependant, celui-ci s’est toujours montré peu enthousiaste à légiférer en faveur d’une politique sur l’avortement, plus rationnelle.

Les conséquences de l’arrêt X, ont été le vote de deux amendements, relatifs à la circulation et à la distribution d’informations, mais les questions fondamentales sont restées en suspens.

Le groupe de révision de la Constitution, établi par le gouvernement en avril 1995, a alors soumis des propositions de réformes, touchant trois domaines.

Tout d’abord, il faudrait clarifier les situations dans lesquelles une interruption médicale de grossesse devient possible. Le test défini dans l’arrêt X est jugé insuffisant.

Dans ce domaine, une législation serait utile pour définir une ligne directrice, une frontière, entre la vie de la mère et sa santé.

Puis, le rôle des médecins doit être précisé.

Ces deux domaines seront approfondis par la suite.

Enfin, le domaine relatif au problème des délais. Le Parlement possède une certaine discrétion pour déterminer le moment à partir duquel un droit à la vie peut être attribué à l’enfant à naître, au sens de l’article 40.3.3.

Le groupe de révision propose trois stades: la fécondation, la nidation ou la gestation.

De plus, il a formulé le souhait de voir l’avortement décriminalisé, car il est tout à fait possible que l’avortement soit inconstitutionnel sans pour autant être réprimé pénalement. 

A l’heure actuelle, aucune législation n’a été prise dans ce sens, et les Irlandais comptent sur les élections générales, qui auront lieu cette année, pour que le débat soit réouvert.

S’il y a inertie du corps législatif, c’est qu’il est difficile de concilier un problème conceptuel comme l’avortement, le droit à la vie de l’enfant à naître, et leur réglementation en politique.

Se pose alors un nouveau problème : jusqu’où un système légal doit-il protéger une certaine catégorie de personnes, au détriment de la liberté individuelle?

Il ne serait pas contradictoire de reconnaître des droits au fœtus et autoriser l’avortement dans la majorité des cas.

Quels que soient les droits accordés à l’enfant à naître, ils seront toujours opposés à ceux de la mère.

Faut-il alors accorder une meilleure protection à une personne en devenir qu’à une personne “ déjà née ”?

L’Irlande est témoin de conflits politiques, légaux et moraux, opposant la femme à l’enfant à naître.

 


CHAPITRE 2. Le droit à la vie du fœtus n’est pas un droit absolu.

 

    L’avortement met en conflit plusieurs intérêts, ceux de la femme, de l’enfant à naître, du père biologique, du mari, de la famille, de la communauté scientifique et de la Société.

Tous ces intérêts doivent être pris en compte mais pas sur un pied d’égalité. La Loi adoptée par le Parlement est générale et abstraite, et ne peut prendre en considération des individualités.

En effet, la Société est divisée concernant les valeurs fondamentales. Comment les définir et quelles sont les limites du droit fondamental, qu’est le droit à la vie?

Comment l’article 40.3.3 s’articule t-il avec les autres droits reconnus par la Constitution?

Cet article met, non seulement en conflit le droit à la vie de la mère et le droit à la vie de l’enfant à naître, mais aussi en opposition avec les autres droits constitutionnels, tel le droit à la vie privée ou le droit de recevoir des informations (Section 1).

Il appartient donc aux juges d’élaborer une méthode afin de régler ces conflits de droits, et de déterminer dans quels cas le droit de la mère prévaut sur le droit de l’enfant à naître (Section 2).

Au moment où la Cour Suprême a rendu son arrêt Grogan, dans lequel elle donnait une interprétation stricte de l’article 40.3.3, le Traité de Maastricht était alors en pleine négociation.

Afin d’éviter des interférences avec le droit européen, l’Irlande a demandé l’insertion d’un Protocole permettant de maintenir l’application de l’article 40.3.3 à l’intérieur de l’Irlande, tel qu’il était interprété par les Cours nationales (Section 3).

 

SECTION 1.Des conflits de droits constitutionnels.

     §1.L’instauration d’une hiérarchie des droits.

 

     Dans la tradition jurisprudentielle irlandaise, les droits sont interprétés de façon harmonieuse; c’est-à-dire qu’il ne doit exister aucun conflit entre les différents droits constitutionnels.

Cette interprétation privilégie l’approche téléologique, les juges examinent la Constitution comme étant un tout et identifient les objectifs et les intentions des rédacteurs.

Néanmoins, des conflits peuvent survenir, la jurisprudence a dégagé trois types de conflits possibles: à l’intérieur d’un même droit, entre deux droits concurrents, ou sur le même droit.

Dans l’affaire Quinn’s Supermarket[21], deux principes garantis par l’article 44 de la Constitution, s’opposaient. En effet, cet article reconnaît à la fois, le principe de non discrimination en matière de religion et la libre pratique d’une religion.

En l’espèce, le supermarché Quinn reprochait à la législation, permettant aux boucheries de confession juive de fermer plus tard, de favoriser économiquement ces commerçants et d’opérer une discrimination basée sur la religion.

La Cour Suprême a donc recherché les intentions de l’article 44 et en a conclu que son “ but prépondérant ” était de protéger le droit des individus à pratiquer librement leur religion.

Dans ce type de conflit, l’interprétation harmonieuse, basée sur la recherche des “ buts prépondérants ”, est possible.

Toutefois, tel n’est pas toujours le cas, lorsque le conflit s’élève entre deux droits concurrents. Par exemple, si une personne revendique un droit à la vie et la seconde le droit de recevoir des informations, ces deux droits sont alors en concurrence.

C’est avec réticence que les juges ont instauré une hiérarchie des droits constitutionnels.

Mais comment décider quel droit est supérieur à tel autre, lequel prévaudra en cas de conflit?

Une liste immuable des droits ne peut être dressée. La décision sur la priorité des droits a été rendue par la Cour Suprême, dans l’arrêt DPP v Shaw[22].

En cas de conflit entre deux droits, les juges doivent regarder:

Ÿ         “ the terms of the Constitution, and

Ÿ         the ethical values which all Christians living in the sTate acknowledge and accept, and

Ÿ           the main tenets of our system of constitutionnal parliamentary democracy. ”[23]

Ce test a été appliqué dans l’arrêt Open Door de 1992, les juges ont alors comparé les deux droits en présence.

L’association SPUC alléguait l’article 40.3.3 et le droit à la vie de l’enfant à naître, tandis que l’association Open Door faisait valoir le droit de recevoir des informations (article 40.6.1).

La Cour a reconnu que le droit à la vie se situait à un rang supérieur, dans la hiérarchie des droits, au droit de recevoir des informations.

S’il y a hiérarchie des droits, comme cela a été constaté dans les arrêts DPP V Shaw ou Irish Times v Ireland[24], il est pourtant plus facile de comparer deux droits garantis par la Constitution, plutôt que d’établir le niveau de chacun de ces droits.

Cette méthode fait tout de même preuve d’un manque d’objectivité, car il est évident que ces décisions ne reposent sur aucune base permettant de justifier la préférence du droit à la vie d’une des victimes au droit à la liberté de l’accusé (arrêt DPP v Shaw).

Il est plus aisé de justifier la prééminence du droit à la vie lorsqu’il se trouve en conflit avec un autre droit constitutionnel, car ce droit est qualifié de droit fondamental dans “ the Criminal Justice Act 1990 ”[25] et dans l’article 13.6 de la Constitution.

Cependant quelle sera la position des juges en cas de conflit, au sein même de l’article 40.3.3, entre le droit à la vie de la mère et celui de l’enfant à naître.

 

     §2.Deux personnes titulaires d’un même droit.

 

     Le 8ème Amendement à la Constitution assure un droit à la vie à l’enfant à naître et l’obligation pour l’État de protéger ce droit.

Mais l’article 40.3.3 reconnaît également “ the equal right to life of the mother ”.

S’élève alors un conflit entre le droit à la vie de la mère et celui de l’enfant.

Comment protéger les deux?

Ce problème s’est posé dans l’arrêt X de 1992, la menace de suicide de la mère mettait en danger sa propre vie, tout comme l’avortement menaçait le droit à la vie de l’enfant.

Dans un tel cas, la méthode de la hiérarchie des droits ne pouvait être appliquée, puisqu’il s’agissait d’un seul et même droit.

En première instance, les juges ont évalué la gravité de la menace qui pesait sur le droit à la vie de la mère et de l’enfant.

Ils ont alors démontré que la menace de suicide de la mère n’était qu’hypothétique, alors que l’atteinte à la vie de l’enfant, au moyen d’un avortement, était une certitude.

La Haute Cour a ainsi délivré une injonction interdisant à l’accusée de quitter l’Irlande afin de se faire avorter.

Par une majorité de quatre juges contre un, la décision de la Haute Cour a été infirmée par la Cour Suprême qui a adopté un tout autre raisonnement.

“ The right of the girl here is a right to a life in being; the right of the unborn is a right to a life contingent, contingent on survival in the womb until successful delivery ”[26].

Dans le cas présent il ne s’agit pas de situer un droit au-dessus de l’autre, mais de protéger le droit à la vie de la mère (art.40.3.2).  Tout en tenant compte du droit égal de la mère à la vie, et aussi de défendre et faire valoir le droit à la vie de l’enfant à naître (art.40.3.3).

Selon McCarthy CJ, si le droit à la vie de la mère est menacé par cette grossesse, et s’il est possible de ne pas y porter atteinte, alors ce droit sera protégé au détriment du droit à la vie de l’enfant à naître.

La Cour Suprême a donc estimé qu’en cas de danger ou de menace pour sa vie, le droit à la vie de la mère était prépondérant sur celui de l’enfant.

Mais dans quelles circonstances y aurait-il danger pour la vie de la mère? Un simple risque pour sa santé, suffirait-il pour autoriser l’avortement?

 

SECTION 2.Un conflit arbitré par les juges.              

     §1.En cas de danger pour la vie de la mère.

 

     Avant l’insertion de l’article 40.3.3, dans la pratique, une femme pouvait recevoir tous les traitements médicaux nécessaires, même si cela avait pour effets, indirects, de tuer le fœtus.

La Section 58 “ the Offences against the Person Act ”, telle qu’elle est interprétée dans l’affaire Bourne en 1938, reconnaît l’existence d’une catégorie d’avortements thérapeutiques.

Ce type d’avortement serait légal, puisque réalisé dans le but de sauver la vie de la mère.

Cependant, après l’entrée en vigueur de l’article 40.3.3, le droit à la vie de la mère est mis sur un pied d’égalité avec le droit à la vie de l’enfant à naître.

Il faut attendre 1992, pour que la Cour Suprême se prononce en faveur du droit à la vie de la mère. En effet, dans l’arrêt X, la Cour reconnaît le droit à la vie de la mère comme étant supérieur à celui du fœtus.

A la suite de cette affaire, légalisant l’avortement en cas de menace de suicide, le gouvernement a proposé au référendum un amendement.

Ce 12ème Amendement avait pour objectif d’insérer à l’article 40.3.3 une clause autorisant l’avortement en cas de danger pour la vie de la mère, mais excluait le suicide comme motif pour subir un avortement.

Dans quelles circonstances peut-on permettre à une femme d’avorter pour des raisons thérapeutiques?

Les arguments avancés par les juges dans l’affaire X donnent un début de réponse :“ I, therefore, conclude that the proper test to be applied (with regard to article 40.3.3) is that if it’s established as a matter of probability that there’s a real and substantial risk to the life, as distinct from the health, of the mother, which can only be avoided by  termination, the termination is possible, having regard to the true interpretation of article 40.3.3 ”[27].

Pour qu’un avortement soit légal, le risque pour la vie de la mère doit être réel et sérieux, mais comment interpréter cette notion?

Un risque pour la vie de la mère, hypothétique comme une menace de suicide, peut-il être considéré comme un fondement pour subir un avortement?

Les Irlandais ont refusé le XIIème Amendement, le 25 novembre 1992, avec une majorité de 62.7%.

Les Cours n’ont pas encore eu l’occasion de confirmer leur jurisprudence X, à l’heure actuelle, une menace de suicide est donc considérée comme un risque réel et sérieux pour la vie de la mère.

A la suite du rejet du XIIème Amendement, les groupes “ Pro Life ” se sont élevés contre un droit absolu à l’avortement. ILs se sont accordés pour reconnaître la nécessité de traitements qui auraient pour effet de tuer le fœtus, car le fœtus ne possède pas la même protection qu’un individu né. Mais, pourquoi un médecin ne prendrait-il pas toutes les mesures nécessaires pour sauver le fœtus, même si cela avait pour conséquence de diminuer l’espérance de vie de la mère?

Une distinction est donc opérée entre le risque pour la vie de la mère et le risque pour sa santé.

 

     §2.En cas de risque pour sa santé.

 

     L’article 40.3.3 fait référence au droit égal à la vie de la mère, mais n’aborde pas la question de sa santé ou de son espérance de vie.

Une jurisprudence claire sur la question, en l’absence de législation, n’a pas encore été établie, mais dans l’arrêt X, les juges ont différencié “ the risk to the life, as distinct from the health ”.

Les motifs de santé, ainsi que les risques de diminuer l’espérance de vie de la mère, sembleraient ne pas être pris en compte pour autoriser une interruption médicale de grossesse.

Dans la plupart des pays européens, les motifs de santé physique et mentale, sont pris en considération en cas d’avortement.

En 1996, le groupe de révision de la Constitution, a demandé au gouvernement de clarifier le test défini dans l’arrêt X.

Il est évident qu’un motif de santé “ simple ” ne peut être un motif pour légaliser l’avortement, cependant si l’on peut apporter la preuve d’un danger réel et sérieux pour la santé de la femme, alors un avortement pour motifs de santé serait accordé.

Mais là encore, comment certifier l’existence d’un danger réel et sérieux ?

La définition de cette notion peut varier en fonction de la subjectivité de chaque juge, d’où la nécessité de l’intervention du législateur.

Aucune législation n’a encore été prise pour éclaircir les motifs d’un avortement qui serait légal.

Depuis l’Amendement de 1983, le législateur n’a jamais clarifié la politique d’avortement menée en Irlande. Les solutions sont donc envisagées, au cas par cas, par le pouvoir judiciaire.

Selon la jurisprudence des Cours irlandaises (SPUC v Open Door), l’article 40.3.3 interdit l’activité qui consiste à aider des femmes enceintes à partir à l’étranger pour y subir un avortement, notamment en les informant de la désignation et du lieu d’implantation des cliniques pratiquant l’interruption médicale de grossesse.

Les juges ont toujours évité d’interpréter les affaires d’avortements par rapport au droit communautaire, car les droits en question sont garantis par la Constitution irlandaise.

Cependant, en 1989 dans l’affaire Grogan , la Haute Cour estime que le litige soulève des problèmes d’interprétation du droit communautaire.

Elle décide de surseoir à statuer et sollicite une décision préjudicielle auprès de la CJCE.

 

SECTION 3.Le Protocole n°17: une protection contre le droit             européen.

 

     Ce n’est pas la protection constitutionnelle accordée au fœtus qui a été remise en cause dans l’arrêt Grogan, mais la restriction du droit de diffuser des informations sur l’avortement.

Ces interdictions pouvant être contraires au droit communautaire, dans certaines circonstances.

Afin d’éviter que l’application de l’article 40.3.3 ne soit suspendue, en vertu du principe de primauté du droit communautaire, le gouvernement a négocié un Protocole au Traité de Maastricht.

Le Protocole n°17 institue un “ renvoi ”au droit constitutionnel irlandais et  subordonne la CJCE aux décisions des Cours nationales, sur l’interprétation de l’article 40.3.3.

Toutefois, cette obligation ne s’étend qu’aux décisions concernant l’application de cet article en Irlande: “ nothing in the Treaty on European Union, or in the Treaties establishing the European Community

[...]shall affect the application in Ireland of article 40.3.3 of the Constitution.[28] ”

Les Irlandais ont alors craint que les réserves, apportées au Traité, ne privent les Irlandaises de leurs droits de circuler ou de recevoir des informations, droits garantis par le droit communautaire.

La demande de révision du Protocole par le gouvernement irlandais, a été refusée par les autres États membres, qui ne souhaitaient pas réouvrir les négociations intergouvernementales.

Un addendum fut ajouté au Protocole, “ this Protocol shall not limit the freedom to travel between member state, or to obtain, or to make available, in Ireland, information relating to services lawfully available in a member state.[29] ”

La possibilité d’amender la Constitution, concernant les règles de circulation et d’information, n’est donc pas exclue par ce Protocole.

Tout conflit entre le droit national et le droit communautaire n’est pas écarté, car même si l’avortement ne rentre pas dans le champ d’application du droit communautaire, il a été indirectement relié, dans l’arrêt Grogan, à la libre circulation des services, domaine de compétence de la Communauté.

La question de l’avortement et des services annexes mettent en conflit trois ordres juridiques distincts et pourtant connexes: le système national, communautaire et celui du Conseil de l’Europe.(Titre 2) 

 

 

 

 

 

TITRE 2. La mise en conformité du droit irlandais AVEC LE droit européen.

 

 

 

    

     L’histoire des institutions européennes et l’évolution de celles-ci permettent de distinguer deux niveaux de compétences qui, dans la pratique, ont été nettement séparés: d’une part la dimension économique, de l’autre la protection de la personne.

L’“ Europe des marchands ”, dont les intérêts se négocient dans le cadre de l’Union Européenne, et L’“ Europe des droits de l’homme ” mise en oeuvre par le Conseil de l’Europe.

Nous verrons qu’il existe des passerelles entre ces deux Europe, d’où il émerge, à côté du droit national des États membres, un droit européen pour la protection des droits fondamentaux de la personne humaine.

Comment le droit fondamental, qu’est le droit à la vie et l’avortement, sont-ils appréhendés par la Cour des Communautés européennes et par la Convention européenne des droits de l’homme?(Chapitre 1)

Quels seront les effets de leurs jurisprudences sur le droit irlandais?

L’Irlande sera-elle alors contrainte de mettre son système de protection des droits fondamentaux en conformité avec le droit européen ?(Chapitre 2)

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 1. La controverse de l’avortement appréhendée par les deux ordres juridiques européens.

 

     Dans les différentes affaires, relatives au droit à la vie et à l’avortement, portées devant les juridictions irlandaises, les juges se sont souvent montrés réticents à interpréter la protection des droits fondamentaux par rapport au droit communautaire.

Cette attitude s’explique, comme nous l’avons vu dans le Titre 1, par l’existence de dispositions constitutionnelles protégeant le droit à la vie.

Cependant, l’insertion de l’article F(2) dans le Traité sur l’Union Européenne prévoit que “ l’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme (...) et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ”.

Cet article ouvre la voie à l’élaboration d’un système de protection propre à l’Union Européenne.

Dans son ouvrage, Traité de Nice[30], M.Berthur fait le constat suivant: “ Alors que les droits fondamentaux des citoyens sont inscrits dans les Constitutions nationales des pays d’Europe, conformément à la culture propre de chacun d’eux, et que leur protection relève avant tout des Parlements nationaux, les Fédéralistes cherchent depuis quelques années à les transférer au niveau du Traité ”.

Il faut donc constater l’impact du droit communautaire sur le droit irlandais, notamment sur la Constitution.

L’élargissement des compétences de la Communauté démontre qu’aucune partie du droit public n’échappe au droit communautaire.

L’extension des compétences de la Communauté dans le domaine des droits de l’homme n’est pas sans conséquence sur les Constitutions nationales qui garantissent le respect des droits fondamentaux, comme c’est le cas en Irlande.

Toutefois, la compétence de la Communauté en matière de droits de l’homme se limite aux droits utiles pour la réalisation des objectifs du Traité.

Quel contrôle le juge communautaire pourra t-il exercer sur la réglementation de l’avortement en Irlande, si celle-ci entre dans le champ d’application du droit communautaire ? (Section 1)

Il faut alors se demander si la Communauté est le forum idéal pour l’examen des droits de l’homme, étant donné l’existence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Concernant l’avortement, les deux juridictions européennes ont été saisies d’affaires similaires, et ont ainsi pu appréhender le problème de l’avortement, en fonction de leurs compétences respectives.

Au niveau de la CEDH, l’article 2 de la Convention reconnaît un droit à la vie à “ toute personne ” mais, cette expression inclut-elle le droit à la vie du fœtus? ou n’est-elle réservée qu’aux individus déjà nés? (section 2)

Dans l’arrêt Open Door[31], la CrEDH avait la possibilité d’éclaircir sa position à ce sujet mais sa prudence révèle la complexité des intérêts en jeu.

 

SECTION 1. Les relations entre le droit communautaire et le          droit national.

     §1. La protection des droits fondamentaux au sein de la        Communauté.

 

     A l’origine, la délégation de compétences au profit de la Communauté s’est faite exclusivement dans le domaine économique, objectif premier de la Communauté, d’où les critiques des Cours Constitutionnelles de certains États membres, quant à la faiblesse de la protection des droits fondamentaux au sein de la Communauté.

En effet, le principe de primauté du droit communautaire sur le droit national consacré par l’arrêt Costa v Enel ne s’applique qu’aux domaines dans lesquels les États membres ont consenti à déléguer l’exercice de leur souveraineté.

Les États membres craignaient alors que la Communauté ne soit pas liée par les droits fondamentaux.

La Cour Constitutionnelle allemande, dans son célèbre arrêt

Solange I[32], affirme qu’elle exercera un contrôle des normes communautaires par rapport aux Lois Fondamentales allemandes aussi longtemps que les droits fondamentaux ne seront pas efficacement protégés au sein de la Communauté.

Par la suite, dans l’arrêt Solange II[33], la Cour Constitutionnelle informe qu’elle cessera tout contrôle de conformité, aussi longtemps qu’elle estimera qu’une protection efficace des droits fondamentaux sera garantie.

Les raisons de ce renoncement au contrôle de la Cour sont dues, non seulement à l’élection au suffrage direct du Parlement Européen, mais aussi au développement de principes généraux du droit communautaire, par la CJCE .

L’absence de dispositions dans le Traité, concernant les droits fondamentaux, a engendré une abondante jurisprudence de la CJCE.

En 1974, dans l’affaire Nold[34], les juges affirment que la Communauté est tenue de respecter les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la CEDH.

L’arrêt Nold réaffirme également le principe de suprématie du droit communautaire sur le droit national.

Il en découle que les droits fondamentaux, tels qu’ils sont protégés par les États membres, peuvent être annulés par une politique communautaire et ce, quelle que soit la nature de la norme protectrice.

En effet, dans l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft[35],les juges soutiennent que “ l’invocation d’atteintes portées, soit aux droits fondamentaux tels qu’ils sont formulés par la Constitution d’un État membre, soit aux principes d’une structure constitutionnelle nationale, ne saurait affecter la validité d’un acte ou son effet sur le territoire de cet État ”.

Le développement de la jurisprudence de la CJCE, concernant les droits fondamentaux, apparaît donc comme un moyen de maintenir sa suprématie sur le droit national et notamment sur le système de protection des droits. Domaine qui, en principe, relève de la compétence exclusive des États membres.

Cela a pour effet de faire entrer la législation irlandaise, concernant le droit à la vie et l’interdiction de l’avortement, dans le champ d’application de la CJCE.

Comment le droit national va t-il recevoir et accorder la suprématie à un droit supérieur, en matière de droits fondamentaux?

En Irlande, l’article 29.4.3 de la Constitution règle la réception du droit communautaire par le droit national. Cet article a pour objectif de nuancer les droits garantis par la Constitution, y compris les droits fondamentaux.

En votant le 8ème  Amendement qui reconnaît un droit à la vie au fœtus, l’Irlande a t-elle voulu nuancer ou atténuer les effets de l’article 29.4.3?

Tout comme la Cour allemande, la Cour Suprême irlandaise, dans l’arrêt Crotty v An Taoiseach[36], s’engage à réviser la constitutionnalité de tous les amendements au Traité communautaire, que l’État est autorisé à ratifier en vertu de l’article 29.4.3.

Ces arrêts reflètent l’inquiétude des États membres à l’idée que les institutions de la Communauté puissent ne pas respecter les droits fondamentaux, dans l’exercice de leurs activités.

Cependant, au cours des dernières années, les relations entre la Communauté Européenne et les États, au sujet de la protection des droits fondamentaux, semblent s’être modifiées.

L’opposition des États membres à la suprématie du droit communautaire dans le domaine des droits fondamentaux provient du fait que la Communauté puisse étendre de manière excessive son contrôle juridictionnel. 

De ce fait, les États et leur protection des droits se trouveraient la cible du contrôle de la CJCE.

Cependant, l’arrêt Hauer[37] souligne que “ la Cour s’inspire des traditions constitutionnelles communes des États membres, elle ne peut donc pas prendre des mesures qui seraient incompatibles avec les droits fondamentaux reconnus et protégés par la Constitution de ces  États ”.

Cela ne signifie pas qu’elle soit liée par la Constitution de chaque État membre.

En effet, la CJCE peut ériger, au rang de principes généraux du droit, un principe qui n’existe que dans l’un des États.   

L’élaboration de ces principes a pour but la coopération harmonieuse des Cours, européenne et nationales dans le domaine des droits fondamentaux.

Le rôle de la Communauté est-il de s’occuper de problèmes sensibles tels que le divorce, l’euthanasie ou l’avortement?

La recherche d’une unification des valeurs morales au sein de la Communauté est-elle nécessaire?

la CJCE a été amenée à se prononcer sur la protection constitutionnelle du fœtus, lors d’une demande de décision préjudicielle formulée par la Haute Cour irlandaise.

Cette question préjudicielle intervenait dans une affaire opposant une association pour la protection du fœtus et une association étudiante qui fournissait des informations sur l’avortement.

Par quel raisonnement, la CJCE va t-elle se déclarer compétente en la matière et répondre à la question préjudicielle, posée par la Haute Cour ?

 

     §2. L’avortement considéré comme un Service au sens de         l’article 60 TCE.

 

     Il est utile de rappeler que le droit pénal irlandais érige en infraction le fait ou la tentative de procurer un avortement, de pratiquer un avortement ou d’y contribuer.

En outre, le droit à la vie de l’enfant à naître est constitutionnellement garanti.

En 1985, une injonction a été délivrée contre des cliniques qui fournissaient aux femmes enceintes, dans le cadre de consultations non directives, des renseignements sur la possibilité d’avorter à l’étranger.

A la suite de cela, plusieurs associations d’étudiants ont distribué à leurs membres un guide reprenant les références et les adresses des cliniques situées en Grande Bretagne et pratiquant l’avortement.

Dans l’affaire, SPUC v Grogan[38], opposant une association pour la protection de l’enfant à naître et une association d’étudiants, devant la Haute Cour, les requérants entendaient voir déclarer, contraire à l’article 40.3.3, la diffusion de ces informations.

En effet, selon la jurisprudence de la Haute Cour[39], l’article 40.3.3 de la Constitution interdit l’activité qui consiste à aider des femmes enceintes se trouvant sur le territoire irlandais à partir à l’étranger, pour y obtenir une interruption médicale de grossesse, notamment en les informant de la désignation et du lieu d’implantation de cliniques pratiquant l’avortement.

La Haute Cour, estimant que le litige soulevait des problèmes d’interprétation du droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE les questions préjudicielles suivantes:

Ÿ         “ l’activité ou les opérations organisées consistant à réaliser un avortement ou une interruption médicale de grossesse, entrent-elles dans la notion de services au sens de l’article 60 TCE?

Ÿ         En l’absence de toute mesure prévoyant le rapprochement des législations des États membres, en ce qui concerne l’activité ou les opérations organisées consistant à réaliser un avortement ou une interruption médicale de grossesse, un État peut-il interdire la diffusion d’informations précises au sujet de la désignation et du lieu d’implantation d’une ou plusieurs cliniques déterminées, dans un autre État membre, où des avortements sont réalisés? ”

La question de l’avortement avait déjà été évoquée, au niveau de la Communauté, en 1989, par le biais des questions du Parlement Européen[40], concernant la pilule abortive, le RU 486.

La Commission avait alors répondu que l’avortement ne concernait pas la réalisation du marché intérieur et que sa législation se situait en dehors de la compétence de la Communauté[41].

Cette vue a été rejetée par la CJCE dans l’affaire Grogan, elle a en effet inclu l’avortement dans le régime de la libre circulation des services.

La CJCE a rappelé que l’interruption médicale de grossesse recouvrait un certain nombre de services qui sont normalement fournis contre rémunération et qui entrent dans le champ d’application de l’article 60 TCE.

L’avortement est donc un service au sens de la définition de l’article 60 “ sont considérées comme services, les prestations fournies normalement contre rémunération ”, et comme défini dans les arrêts Luisi et Carbone[42].

L’avortement est envisagé comme un service s’il est fourni à titre privé et rémunéré.

Cependant les soins médicaux, donnés dans le cadre de la politique sociale du pays, c’est-à-dire payés par des fonds publics, ne peuvent être inclus dans la catégorie de services.

En considérant le fait de procurer un avortement comme un service, la CJCE se déclare compétente pour contrôler la législation irlandaise en la matière, le service de l’avortement entre alors dans le champ d’application du droit communautaire.

La CJCE a donc répondu par l’affirmative à la question préjudicielle de la Haute Cour, cela signifie qu’elle considère l’avortement comme une activité légale,  pratiquée légalement par les professionnels de la santé.

Il faut maintenant se demander si l’interdiction de diffuser des informations, relatives à un service légalement fourni dans un autre État membre, constitue une restriction au sens de l’article 59 TCE. 

L’Avocat Général Van Gerven avait alors suggéré d’examiner la conformité de l’interdiction avec d’autres droits, comme par exemple la liberté d’expression ou le droit à l’information, droits garantis par la CEDH et reconnus par la Communauté.

Cependant la Cour n’a pas suivi l’opinion de son Avocat Général et a estimé que l’interdiction de diffuser des informations échappait au champ d’application du droit communautaire.

La CJCE a considéré que le lien économique, qui existait entre le diffuseur de l’information (l’association d’étudiants) et le prestataire de services (les cliniques), était trop mince.

L’interdiction décidée par les juges irlandais ne doit donc pas être appréhendée comme une restriction au sens de l’article 59 TCE.

Dans cette affaire, les juges n’ont pas semblé différencier les droits garantis par la CEDH et les 4 grandes Libertés consacrées par le Traité: Liberté de circulation des marchandises, des services, des travailleurs et des capitaux.

L’attitude de la Cour a fait l’objet de critiques de la part des juges irlandais qui lui reprochent de ne pas avoir pris en compte les arguments moraux avancés par les requérants.

Selon le juge Walsh, l’avortement ne constitue pas un service au sens du droit communautaire.

Ce ne peut être un objectif du Traité que d’obliger un État membre “à réduire à néant la protection d’un droit fondamental constitutionnellement garanti ”.

Le concept de protection des droits fondamentaux dans la Constitution irlandaise, comme dans la plupart des États membres, est un concept supérieur qui permet la réalisation de l’idée de personne humaine.

Ce concept est une fin en soi et non un moyen, c’est-à-dire lorsque    les droits fondamentaux sont en conflit avec des intérêts économiques, ces derniers s’effacent, car ils ne sont que des moyens permettant la réalisation d’un objectif.

Or il ressort de la jurisprudence Grogan que le raisonnement de la Cour ne s’est appuyé que sur la conformité de l’interdiction aux Libertés économiques.

Elle n’a pas suivi l’opinion de son Avocat qui préconisait un contrôle de compatibilité par rapport aux Libertés économiques et aux droits fondamentaux.

La CJCE était en effet compétente, comme nous l’avons vu dans le paragraphe ci-dessus, pour juger l’affaire par rapport aux droits fondamentaux.

Selon M.Van Gerven, la restriction basée sur l’article 40.3.3 de la Constitution irlandaise, était justifiée par l’intérêt public, c’est-à-dire la protection de l’enfant à naître.

Il conclut que l’interdiction n’est pas incompatible avec les principes généraux du droit communautaire et est proportionnée en fonction de l’objectif à atteindre.

Il est donc sous-entendu que ces restrictions puissent être déclarées disproportionnées par rapport au droit européen, dans certaines circonstances.

Les juges irlandais voient avec méfiance le fait que la Communauté interfère avec la protection des droits fondamentaux. Domaine sensible dans lequel les États bénéficient en principe d’une large marge d’appréciation.

Ces juges souhaiteraient que la protection fondamentale du droit à la vie soit jugée indépendamment de toutes considérations économiques.

Ces raisons pourraient justifier la réticence ou l’échec des juges à aborder la question des droits fondamentaux, dans cette affaire.

Les juges communautaires se sont également montrés prudents car une procédure identique se déroulait, au même moment, devant la CrEDH.

 

SECTION 2. Le droit à la vie et l’article 2 CEDH.

     §1. La notion de “ toute personne ”.

 

     L’article 2§1 CEDH est ainsi libellé:

 “ Le droit de toute personne à la vie est protégée par la Loi.

La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.”  

Le droit à la vie n’est pas conféré à l’individu mais est énoncé comme une obligation positive, c’est-à-dire comme un devoir pour l’État de protéger ce droit.

Il peut, pour atteindre cet objectif, recourir au droit pénal.

L’Etat doit donc assurer la protection d’un individu menacé par autrui.

L’avortement constitue t-il une menace au sens de l’article 2?

Il faudrait pour cela que le droit à la vie du fœtus soit garanti par la Convention.

Or, l’article 2 reconnaît le droit de toute personne à la vie, mais ne définit pas ce qu’englobe cette expression.

Qui sont les bénéficiaires du droit à la vie?

L’article 2 comporte deux éléments: le premier requiert l’intervention d’une Loi, le deuxième est l’interdiction de donner la mort intentionnellement.

Cette interdiction est de suite limitée, “ sauf en exécution d’une sentence capitale ”.

L’avortement peut-il être considéré comme une exception au droit à la vie, au même titre que la peine de mort?

Ou doit-il être prohibé du fait de l’interdiction de donner la mort intentionnellement?

Selon la Commission européenne des droits de l’homme[43], ces restrictions, par leur nature même (exécution d’une sentence capitale, arrestation...), ne concernent que des personnes déjà nées et ne peuvent s’appliquer au fœtus.

L’avortement ne semble pas être appréhendé comme un moyen permettant d’infliger la mort au fœtus.

De plus, l’usage général du terme toute personne et le contexte dans lequel il est employé, suppose l’exclusion du fœtus.

La Cour Constitutionnelle autrichienne a estimé en 1974 que l’article 2§1 ne couvrait pas la vie du fœtus.

A la différence, la Cour allemande admet que l’expression toute personne recouvre tous les êtres humains possédant une vie, en d’autres termes, l’article 2 engloberait tous les êtres humains à naître.

La position de la France n’est pas non plus clairement définie à ce sujet.

En décembre 1990, le Conseil d’État, après un recours contre la mise sur le marché de la pilule abortive, a décidé que les dispositions de la loi sur l’avortement n’étaient pas incompatibles avec l’article 2 CEDH.

Le Conseil d’État semble admettre l’applicabilité de la Convention au fœtus, tout en reconnaissant la nécessité d’imposer des limites.

Les juges se montrent d’une grande prudence concernant le droit à la vie du fœtus, et laissent le soin au législateur de définir le statut à accorder au fœtus.

La Commission est également très hésitante à ce sujet, car consciente des divergences d’opinions parmi les Parties Contractantes.

Elle n’a pas encore tranché le fait d’inclure ou non le droit à la vie de l’enfant à naître, dans l’article 2.

Dans l’affaire Paton v Royaume Uni de 1981, le mari avait demandé aux juridictions anglaises de délivrer une injonction interdisant à sa femme de se faire avorter. Cette injonction lui avait été refusée.

Devant la Commission, il conteste la législation anglaise, en matière d’avortement (The Abortion Act 1967), qu’il estime contraire à l’article 2 de la CEDH.

Trois solutions s’offraient alors à la Commission:

Ÿ         le fœtus n’est pas protégé par l’article 2

Ÿ         le fœtus est protégé mais de façon limitée

Ÿ         le fœtus est protégé de manière absolue.

La Commission a catégoriquement écarté la 3ème  solution, car elle estime que le droit à la vie du fœtus est connexe au droit de la mère.

Dans l’affaire Paton, elle exclut le fœtus de la protection accordée par l’article 2, toute personne représente une personne née.

La vie du fœtus est intimement liée à la vie de la femme enceinte et ne peut être considéré isolément.

Si l’article 2 reconnaissait une protection absolue à la vie du fœtus, c’est-à-dire, sans limitation, cela aurait pour conséquence l’interdiction de l’avortement, même si la vie de la mère se trouve en danger.

La vie de l’enfant à naître serait alors d’une valeur supérieure à celle de la mère.

Une telle interprétation serait contraire à l’esprit de la Convention.

L’article 2 ne garantit pas en tant que telle, une protection à la vie du fœtus.

Cependant si la CrEDH venait à reconnaître un tel droit, il serait soumis à des restrictions en faveur du droit à la vie de la mère.

Et ce, même si la prédominance du droit de la mère se trouve en conflit avec la législation d’une des Parties Contractantes, comme par exemple avec le principe d’égalité entre la vie de la mère et celle du fœtus,  reconnu par l’article 40.3.3 de la Constitution irlandaise.

La CrEDH n’interdit pas à un État contractant d’adopter une politique plus stricte concernant l’avortement, si l’intérêt général l’exige.

En mai 1992, la Commission a de nouveau eu l’occasion de se prononcer sur la recevabilité d’une requête concernant l’interprétation de l’article 2.

Dans l’affaire H v Norvège[44], le requérant souhaitait voir déclarer contraire à l’article 2, le manque de protection accordée au fœtus, par la législation norvégienne.

“ The Norwegian Abortion Act ” autorise l’avortement jusqu’à la 12ème semaine de grossesse. Entre les 12ème et 18ème semaines, l’autorisation doit être donnée par deux médecins.

Après la 18ème semaine, il n’est plus possible d’avorter sauf en cas de danger sérieux pour la mère.

En 1989, une Cour norvégienne avait autorisé un avortement, à la 14ème semaine, car l’accouchement et le fait de s’occuper de cet enfant, rendraient la vie de la femme, difficile du point de vue matériel mais aussi psychologique.

La Commission considère qu’il n’est pas nécessaire dans l’affaire

H v Norvège de déterminer si le fœtus est protégé par l’article 2.

En effet, les Parties Contractantes bénéficient d’un large pouvoir discrétionnaire pour établir les conditions, dans lesquelles un avortement est possible ou non.

En l’espèce, la Commission a décidé que la législation norvégienne n’excédait pas la discrétion accordée aux États, dans le domaine sensible qu’est l’avortement.

Elle a donc déclaré l’application, devant la Cour, irrecevable.

Il ressort de cette décision que la Commission n’a pas entièrement exclu la possibilité pour le fœtus de se voir accorder, par

l’article 2, une certaine protection.

Toutefois, s’il existe une protection pour le droit à la vie du fœtus, l’avortement doit être considéré comme une restriction possible.

Il n’est pas du domaine de la Cour de déterminer si la solution choisie par le législateur est la meilleure.

Elle se contente d’examiner la compatibilité des restrictions par rapport à la Convention.

    

     §2. La décision de la CrEDH dans Open Door[45].

 

     Dans son arrêt SPUC v Grogan, la Cour de justice des Communautés européennes avait estimé que l’interdiction de diffuser des informations sur les possibilités de se rendre à l’étranger pour y subir un avortement ne constituait pas une restriction au sens de l’article 59 TCE. 

En mars 1992, la CrEDH est saisie d’une affaire similaire.

La Haute Cour irlandaise avait jugé illégales, car contraires à l’article 40.3.3, les activités des requérantes( les associations Open Door et Dublin Well Woman Centre) qui consistaient à renseigner les femmes enceintes sur les possibilités d’aller à l’étranger y subir un avortement ou y obtenir de plus amples précisions sur cette intervention, hors d’Irlande.  

Devant la CrEDH, les requérantes ont invoqué une violation de l’article 10, ainsi libellé:

“ 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière (...).

2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique (...) à la protection de la santé ou de la morale (...)”

L’injonction sera t-elle considérée comme une restriction incompatible avec la liberté de recevoir et communiquer des informations?

En mars 1991, l’affaire est examinée par la Commission.

Les questions les plus importantes, concernant le droit à la vie du fœtus ou l’avortement, ne seront pas abordées.

Les requérantes ne prétendent pas à ce que la Convention consacre un droit à l’avortement, en tant que tel, mais se bornent à contester la partie de l’injonction qui restreint leur liberté de communiquer ou recevoir des informations sur les interruptions de grossesse.

Dans cette affaire, la Cour avait enfin l’occasion d’interpréter l’article 2 CEDH, en définissant le terme de toute personne et le sens du mot vie dans cet article, mais elle n’a pas saisi cette opportunité.

La CrEDH s’est contentée d’apprécier l’affaire par rapport à la liberté d’expression, reconnue par l’article 10 de la Convention.

Il s’agit donc de savoir si les restrictions à la liberté de communiquer et recevoir des informations imposées par l’Irlande, sont compatibles avec les critères de la CEDH.

Le droit énoncé à l’article 10 n’est pas absolu, il admet des limitations.

Ces restrictions, développées par la suite, doivent être:

Ÿ         prévues par une Loi

Ÿ         nécessaires dans une société démocratique

Ÿ         proportionnelles

Ÿ         appliquées de façon non discriminatoire(article 14 CEDH).

       Ces restrictions étaient-elles prévues par la Loi?

Pour la Commission, la violation de l’article 10 repose sur le fait que la restriction imposée par la Cour Suprême n’était pas prévue par la Loi.

Cette Loi doit être claire et précise, or il s’avère que l’article 40.3.3 de la Constitution irlandaise oblige l’État à protéger la vie du fœtus, mais ne donne pas d’indications claires quant à la diffusion d’informations.

La Cour n’examinera pas la question dans ce sens, elle donne une interprétation large de la notion de Loi.

Elle considère comme Loi l’article 40.3.3, mais aussi les garanties que le droit irlandais assure aux droits de l’enfant à naître par le biais de sa législation et de la jurisprudence.

La législation comprend notamment l'article 16 de la loi de 1929 sur la censure des publications (Censorship of Publications Act 1929),

“ en vertu du présent article, commet un acte illégal quiconque, sans y avoir été habilité par une autorisation écrite :

a) imprime ou publie, fait ou permet d'imprimer ,

b) vend ou expose, offre ou conserve pour la vente,

c) distribue, offre ou conserve pour la distribution, tout ouvrage ou périodique, qu'il figure ou non sur la liste des publications prohibées, préconisant (...) des manœuvres destinées à provoquer un avortement ou une fausse couche ou toute méthode, traitement ou instrument à utiliser à cette fin. ”

L’interdiction de diffuser des informations faisait donc l’objet d’une législation claire et précise.

     L’injonction était-elle disproportionnée?

Les juges ont répondu à cette question par l’affirmative, pour cela ils se sont basés sur la décision de la Cour Suprême rendue en 1992, dans l’affaire X[46], l’une des décisions constitutionnelles les plus importantes dans ce domaine.

En première instance, une injonction des juges privait une jeune fille de 14 ans de la possibilité de se rendre en Grande Bretagne, pour avorter.

Elle menace alors de se suicider, la Cour Suprême infirme la décision de la Haute Cour et autorise l’avortement lorsque les risques pour la vie de la mère sont estimés réels et sérieux.

La décision de la Cour Suprême est surprenante car elle reconnaît un droit à l’avortement dans certaines circonstances alors que dans l’affaire Open Door, elle refuse aux femmes enceintes le droit de recevoir des informations concernant l’avortement.

Par conséquent, l’injonction délivrée contre l’association Open Door a été jugée disproportionnée par la CrEDH.

     Il s’agit désormais de déterminer si l’injonction était nécessaire dans une société démocratique.

Etait-elle exigée par une forte pression sociale ?

L’injonction servait un but légitime, la protection de la vie du fœtus, et reflétait l’opinion du peuple irlandais contre l’avortement, comme il l’avait exprimée par référendum en 1983.

Selon la CrEDH, la sauvegarde du droit à la vie de l’enfant à naître ne rendait pas l’injonction nécessaire dans une société démocratique, en effet cette injonction s’est révélée être inefficace.

La Cour note que des informations similaires étaient disponibles en Irlande par d’autres moyens de communication. Les irlandaises ne pouvaient donc ignorer la possibilité de se faire avorter à l’étranger.

De plus, le nombre d’avortements réalisés en Grande Bretagne sur des Irlandaises, n’a pas cessé d’augmenter depuis la délivrance de l’injonction. Le nombre d’irlandaises ayant subi un avortement est passé de 4063 en 1990 à plus de 6000 femmes en 2000.

La portée de l’injonction était également trop large car elle s’appliquait à toutes les femmes, sans distinction d’âge ou d’état de santé.

Il en résulte l’incompatibilité de la législation irlandaise, concernant la diffusion d’informations sur l’avortement, avec l’article 10 de la Convention.

L’Irlande a reproché à la CrEDH d’avoir pris l’article 10 isolément, il aurait fallu examiner la restriction à l’article 10, en fonction du droit à la vie (article 2 CEHD). Ainsi l’injonction aurait été jugée nécessaire dans une société démocratique, puisqu’elle protégeait un droit constitutionnel: le droit à la vie du fœtus.

La CrEDH a souligné que cette décision ne devait pas être interprétée comme remettant en cause le régime de protection du fœtus, qui existe en Irlande.

L’Etat bénéficie toujours d’un large pouvoir d’appréciation, car il est plus à même de répondre aux exigences de l’intérêt général, qu’une juridiction internationale.

Cependant, ce pouvoir d’appréciation n’est pas illimité et n’échappe pas au contrôle de la Cour.

La CrEDH souligne la nécessité d’un examen approfondi lorsque les restrictions portent sur une activité autorisée dans les autres États contractants.

Quel impact cette décision aura t-elle sur le droit irlandais?

Il est vrai que la jurisprudence de la CrEDH ne produit aucun effet en Irlande.

Cependant, maintenant que tous les États membres de la Communauté ont ratifié la CEDH, les dispositions de cette dernière peuvent être considérées comme une partie du droit commun aux États membres, même si tous ne reconnaissent pas la Convention comme faisant partie de leur droit interne.

Le législateur consentira t-il à réformer le droit en vigueur qui interdit la diffusion d’informations, afin qu’il soit compatible avec l’article 10 de la Convention? (Chapitre 2)

 

CHAPITRE 2. Les incidences de la jurisprudence européenne sur le droit irlandais.

 

    En réaction à la décision de la CJCE dans l’affaire Grogan, le gouvernement irlandais a attaché un protocole au Traité de Maastricht.

Le Protocole n°17 préservait l’application de l’article 40.3.3 en Irlande de toutes interférences du droit communautaire.

Cependant, l’interprétation de l’article 40.3.3 par les juges de la Cour Suprême dans l’affaire X, a provoqué une vive controverse en Irlande.

La population craignait alors que la réserve au Traité de Maastricht ne privât les Irlandaises de leur droit de circuler et de recevoir des informations concernant les possibilités d’avorter à l’étranger.

Le Protocole n’a pu être modifié mais les États membres ont affirmé que ce dernier n’empêchait pas l’Irlande de clarifier, par le biais d’amendements, sa position en matière de circulation et de communication des informations relatives à l’avortement.(Section 1)

Depuis le vote des 13ème et 14ème Amendements à la Constitution qui reconnaît les droits de circulation et d’information, la législation irlandaise est enfin en conformité avec les deux ordres juridiques européens.

Cependant, la controverse de l’avortement est loin d’être réglée en Irlande.

La volonté de réforme devra nécessairement être insufflée par la population irlandaise elle-même et non par un ordre juridique supranational.

Les Irlandais ont su profiter des pressions exercées au niveau européen pour faire évoluer la législation.

En 1997, lors des Élections Générales, le Premier Ministre M.Bertie Ahern avait promis d’organiser un référendum sur l’avortement.

A ce jour, la population exige que celui-ci honore enfin ses engagements. (Section 2)

 

SECTION 1. Les référendums de 1992 et les droits de circulation          et d’information.

     §1. Les 13ème et 14ème Amendements à la Constitution.

 

     L’article 48 TCE garantit la liberté de circulation de même, dans Luisi et Carbone v Ministero del Tesoro, la CJCE demande aux États de supprimer toutes les restrictions à la circulation des nationaux souhaitant se rendre dans un autre État membre pour bénéficier d’un service.

Il est vrai, cependant, qu’un État peut déroger à ce principe pour des raisons de sécurité ou de santé publique.

Dans AG v X, la Haute Cour irlandaise a certifié que l’article 40.3.3 représentait une dérogation valide au droit de circuler reconnu par le Traité.

Elle ajoute que le droit de circuler est un droit reconnu dans la Constitution irlandaise.

A ce titre, ce droit constitutionnel doit être interprété harmonieusement avec le droit à la vie de l’enfant à naître.

Si cela n’est pas possible, le droit à la vie du fœtus prévaut sur le droit de circuler conformément au principe de hiérarchie des droits constitutionnels.

L’interprétation stricte de l’article 40.3.3 par les juges dans l’affaire X, a marqué les esprits en Irlande.

En effet, la population dans son ensemble avait adhéré à la cause de cette jeune fille à qui on avait interdit de quitter le territoire pour se faire avorter.

A cela, s’est ajoutée la décision Grogan de la CJCE qui admettait que dans certaines circonstances l’interdiction de diffuser des informations pouvait se révéler contraire au droit communautaire et aussi la décision de la CrEDH qui dans Open Door constate la violation de l’article 10 CEDH par l’Irlande.

Il était alors évident que la réglementation du droit de circuler et celui de recevoir et diffuser des informations, n’était pas suffisamment claire et précise lorsqu ’elle s’appliquait à l’avortement.

La mise en conformité du droit irlandais avec les exigences de la société et des juridictions européennes n’a pas été aisée, en raison du conflit entre l’obligation pour l’État de respecter la liberté d’expression (article 10 CEDH) et l’interprétation de la Cour  Suprême qui soutient que le droit constitutionnel à la vie du                                                                                                                                       fœtus interdit la diffusion d’informations concernant l’avortement.

Le 25 novembre 1992, trois propositions de réformes constitutionnelles (les 12ème,13ème et 14ème Amendements) ont été soumises au peuple irlandais par référendum.

Le 12ème Amendement, rejeté par les Irlandais, prévoyait d’exclure le  suicide comme motif pour autoriser l’avortement.

Ces Amendements ont été insérés à l’article 40.3.3 de la Constitution.

Le 13ème Amendement s’intéresse au droit de circuler “ this subsection shall not limit freedom to travel between Ireland and another State ”[47].

Le droit de recevoir et communiquer des informations est repris dans le 14ème Amendement, “ this subsection shall not limit freedom to obtain or make available information relating to services lawfully available in another State ”[48].

Les 13ème et 14ème Amendements consacrent la supériorité des droits de circulation et d’information sur le droit à la vie du fœtus.

Comment les juges de la Cour Suprême appliqueront-ils ces Amendements qui vont à l’encontre de leur interprétation de l’article 40.3.3?

 

     §2. L’interprétation de ces Amendements par les juges.

 

     Après l’insertion, à l’article 40.3.3, du 14ème Amendement, les juges ont tenté de justifier la position qu’ils avaient prise dans SPUC v Open Door, en assurant que ce qui cherchait à être restreint, ce n’était en aucune façon la question de l’information mais plutôt l’assistance fournie à une femme enceinte pour se rendre à l’étranger afin d’y obtenir un avortement, acte qui est constitutionnellement interdit en Irlande.

La Cour semble distinguer les informations données pour assister une femme enceinte et des informations générales sur la pratique d’avortement à l’étranger.

Serait donc toujours interdite · toute référence à des cliniques pratiquant l’avortement,

                              ·   l’organisation du voyage,

                              ·   la diffusion des noms et adresses de ces cliniques,

                              ·   la mise en contact de femmes enceintes avec ces cliniques.

La nouvelle rédaction de l’article 40.3.3 ne fait pas l’unanimité, les juges et les militants contre l’avortement tentent d’en limiter la portée.

L’association “ Pro life compaign ” allègue que l’article 40.3.3, tel qu’il a été amendé, continue à interdire l’assistance à un avortement, mais elle précise toutefois que l’information qui ne consiste pas à fournir une telle aide est légale.

En 1997, dans Grogan n°4[49], les juges de la Cour Suprême soutiennent que le droit à la vie de l’enfant à naître doit prévaloir sur tout autre droit, même constitutionnel, comme le droit de circulation et d’information.

Bien que cette décision ait été rendue après l’entrée en vigueur du 14ème Amendement, la loi applicable était la loi en vigueur au moment de la première injonction (1989), c’est-à-dire avant l’adoption de l’Amendement. 

Les juges ont également noté qu’ils admettaient la supériorité des droits de circulation et d’information sur le droit du fœtus, dans les cas où l’avortement serait autorisé en application du test défini dans l’affaire X, c’est-à-dire en cas de danger pour la vie de la mère.

Ainsi, en 1995, le Parlement a fait une proposition de Loi “ The regulation of information Act ”[50] afin de réglementer la diffusion  d’informations relatives à l’avortement aux femmes enceintes et au grand public .

Cette proposition a fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité car la Présidente de la République l’estimait contraire à la protection du droit à la vie de l’enfant à naître.

La décision “ The information Bill case ”[51] assure que la Loi et le 14ème Amendement rendent possible l’obtention d’informations mais n’ont pas pour but de légaliser tous les actes affectant la vie du foetus, en conséquence l’avortement est toujours interdit en Irlande.

La Loi est donc jugée compatible avec la protection de la vie du foetus.

Le législateur, en essayant de mettre le droit irlandais en conformité avec le droit européen, n’a fait qu’obscurcir la position de l’Irlande à ce sujet.

L’interprétation de ces Amendements par les juges et “ The regulation of information Act ” accentuent la confusion qui existe dans l’interprétation de la Constitution par rapport à l’avortement.

Ce manque de clarté pourrait mener la CrEDH à se demander si la protection accordée au foetus est en accord avec la Convention.

En effet, dans Open Door la Cour a estimé que la loi sur l’interdiction de diffuser des informations était suffisamment claire et précise.

Le jugement pourrait bien s’avérer différent s’il était question de l’avortement en tant que tel.

En adoptant ces amendements, l’Irlande a su répondre aux pressions européennes concernant le droit de circuler et de diffuser des informations, sans pour autant changer sa politique en matière d’avortement.

Ces réformes constitutionnelles menées par le gouvernement semblent ne pas satisfaire les Irlandais, qui souhaitent une révision complète de la législation concernant l’avortement.

Face à une telle situation, la population de plus en plus concernée sollicite une prise de position politique clairement assumée.(Section 2)

 


SECTION 2. Les pressions de la société pour un nouveau référendum.

     §1.une volonté populaire.

 

     En plus des pressions exercées par les juridictions européennes, le gouvernement doit faire face aux pressions de la société irlandaise, qui se montre de plus en plus impatiente à ce sujet.

Lors d’un sondage publié en février 2001, 76% des Irlandais dont 80% de femmes contre 71% d’hommes, se sont exprimés en faveur d’un référendum sur l’avortement.

Les résultats de ce sondage confirment la nécessité de réouvrir les débats sur l’avortement.

La population espère que ce référendum sera l’occasion pour le Gouvernement de clarifier, non seulement sa position par rapport à l’Union Européenne au sujet du financement des organisations favorisant l’avortement dans les pays les moins développés, mais aussi d’établir explicitement une Législation pour ou contre l’avortement.

En mars 2001, Mme Dana Rosemary Scallon, député européen de la région du Connémara, attire l’attention du Gouvernemennt sur les critiques de l’Union Européenne adressées aux Etats-Unis.

En effet, l’administration Bush a décidé de suspendre les subventions versées aux organisations internationales qui facilitent les interruptions de grossesses.

Mme Scallon rappelle qu’en 1996 le Parlement européen avait voté un amendement au rapport Nordmann.

L’amendement déclarait que l’avortement ne saurait être encouragé comme une méthode de planification familiale.

Pour cette raison, l’avortement ne doit pas être financé par des fonds attribués à cette politique.

La position de l’Union Européenne semble avoir changée à ce sujet, c’est pourquoi le député Scallon demande au gouvernement irlandais de condamner cette nouvelle position de l’Europe.

Elle déclare : “ taxpayers money should never be used to promote or support abortion.

The Taoiseach must clarify the Irish position on this life and death issue, especially in light of his committment to holding a referendum on abortion ”[52].

Toujours d’après ce même sondage, 58% des personnes interrogées seraient pour un référendum qui prohiberait l’avortement mais l’autoriserait pour des raisons médicales, si la vie de la mère est en danger.

Les mesures du référendum devront donc définir jusqu’à quel stade de la grossesse l’avortement thérapeutique sera t-il autorisé?

A ce sujet, les principales autorités religieuses exprimèrent leur opposition à l’avortement mais notèrent qu’une telle interdiction n’avait pas sa place dans la Constitution d’un Etat.

Le législateur se devra d’être clair sur la position qu’il souhaite prendre par rapport à l’avortement et à la protection du droit à la vie de l’enfant à naître.

Dans cette optique, une large consulatation a été engagée dès 1996 pour préparer le travail des parlementaires.

 

     §2. les réalisations sur le plan juridique.

 

     En vue du référendum, une commission “ all party committee report on abortion ” regroupant les membres de plusieurs partis politiques s’est constituée afin d’examiner des possiblités de réforme.

La commission a suggéré de confier au Ministère de la santé et de l’enfance le soin de créer une agence qui aurait pour objectif l’élaboration d’un plan destiné à réduire le nombre de grossesses de crise, en favorisant la diffusion des moyens de contraception.

Sur le plan juridique, trois possibilités s’offrent au Gouvernement:

Ÿ         laisser la Législation en l’état actuel

Ÿ         légiférer en accord avec la jurisprudence X, c’est-à-dire autoriser l’avortement thérapeutique

Ÿ         interdire l’avortement dans la Constitution.

Le débat sur l’avortement mobilise toutes les autorités morales, ainsi certains membres de l’Eglise préconisent le retrait du 8ème Amendement et le retour à la Législation de 1861 qui considère comme un crime toute atteinte au foetus.

Cependant cette proposition ne satisfait ni les activistes “ Pro Life ” qui avaient oeuvré pour que cet Amendement, reconnaissant le droit à la vie de l’enfant à naître, soit inscrit dans la Constitution, ni les  militants en faveur d’un droit à l’avortement.

Une autre solution serait de dépénaliser l’avortement, cependant le Gouvernement n’est pas prêt à abroger la Loi qui date de 1861.

En effet, toute atteinte au foetus est considérée comme un crime et à ce titre, elle relève du droit pénal.

La dépénalisation aurait pour conséquence de nier à l’enfant à naître sa qualité d’être humain, or en droit constitutionnel irlandais le foetus est une personne et doit donc être protégé par le droit pénal.

Toutes ces délibérations devraient permettre d’aboutir à un consensus  sur le droit à l’avortement.

Le Gouvernement parviendra t-il à réformer la Législation afin de satisfaire chaque protagoniste?

Parmi toutes ces propositions, celle qui dominerait reconnaîtrait,  sans équivoque pour la population irlandaise, l’interdiction de l’avortement, toutefois il serait autorisé en cas de danger pour la vie de la mère.

Les Irlandais attendent que soit défini le sens exact du terme risque pour la vie de la mère.

Ce mot englobera t-il la prise en charge des risques psychologiques et les conséquences matérielles qu’engendrerait une éventuelle grossesse?

Il conviendra également d’imposer un délai à ne pas dépasser en cas d’avortement thérapeutique.

CONCLUSION

 

    L’encadrement législatif du droit à la vie n’a donc pas empêché la pratique de l’avortement.

La garantie constitutionnelle, le droit pénal ainsi que l’interdiction de circuler et de diffuser des informations n’ont pu  limiter la fuite des Irlandaises vers l’étranger pour y subir des avortements.

La législation excessive qui interdit l’avortement même en cas de viol n’a pu mettre un terme à ce “ tourisme abortif ” lequel s’est considérablement développé, en effet plus de 6000 Irlandaises se sont fait avorter en Grande Bretagne, pour l’année 2000.

En outre, une majorité d’Irlandaises sont en faveur du “ bateau Aurora ”, bateau pour l’avortement.

A l’initiative de l’association Women on Waves, des médecins néerlandais envisagent de distribuer la pilule abortive, interdite en Irlande, et de pratiquer des avortements au large des côtes irlandaises, dans les eaux internationales.

A l’heure actuelle, la présence de ce bateau dans le port de Dublin est jugée illégale et passible de sanctions pénales car ses activités sont contraires à l’article 40.3.3 de la Constitution et à la Loi de 1861.

La venue de ce bateau en Irlande a relancé le débat sur l’avortement et a souligné la nécessité de briser les liens qui rattachent l’avortement au droit pénal et à la morale pour qu’un compromis puisse enfin être trouvé.

Lors d’un sondage, 75% des personnes interrogées estiment que si le problème de l’avortement était présenté devant l’Assemblée, les députés devraient voter selon leur conscience quelles que soient les directives de leur parti.

La solution au problème de l’avortement devra être propre à l’Irlande, car à l’heure actuelle aucune harmonisation n’a été atteinte au sein de l’Europe .

Toutefois la population irlandaise refuserait toute conduite qui émanerait de l’Europe, au sujet de l’avortement.

Si l’Irlande s’est mise en conformité avec le droit européen, fait abordé dans le Titre 2, concernant les droits de circulation et d’information, cependant dans la pratique, ces droits ne sauraient prévaloir sur le droit à la vie du fœtus.

Aujourd’hui, la législation irlandaise n’est pas menacée par la CEDH car l’interprétation de l’article 2 de la Convention n’est pas explicite.

Il s’avère difficile d’adopter une position qui respecterait  les différents droits en présence.

Si l’État légifère en faveur de l’avortement, il viole le droit à la vie du fœtus, par contre s’il interdit l’avortement c’est le droit à la vie de la mère (article 2 CEDH) et son droit à la vie privée (article 8) qui seraient alors niés.

En effet, l’avortement thérapeutique, seul légal en Irlande, doit être entendu comme le droit de secourir une personne en danger, en l’occurrence la mère.

Pour ces raisons, une grande marge de manœuvre est laissée aux États, la seule limite est de ne pas mettre la vie de la mère en danger, par l’approche choisie.

Le droit européen (UE et CEDH)n’exige donc pas une réforme du droit irlandais même si depuis quelques années les législations des autres États membres se libéralisent au sujet de l’avortement, ainsi en France: allongement du délai légal de l’interruption volontaire de grossesse à douze semaines, assouplissement de la règle de l’autorisation parentale pour les mineures. Cependant, les Irlandais en réclamant un nouveau référendum sur l’avortement, souhaitent se protéger de l’influence jugée dangereuse des législations des autres États européens.

L’entente des législations européennes sur ce sujet est peu probable dans un proche avenir.

La question qui se pose aujourd’hui est celle d’harmoniser l’ensemble des législations européennes par un compromis qui autoriserait l’avortement sans pour autant nier toute protection à la vie du fœtus.

Le législateur se devra d’être clair sur la façon de concilier le droit à la vie du fœtus et un droit à l’avortement qui apparaît comme un choix d’autodétermination pour la femme enceinte.

Un dernier point méritera éclaircissement: il s’agit du statut juridique du fœtus, car de son statut découle l’autorisation ou l’interdiction de l’avortement.

Il semble que dans le droit contemporain, le fœtus ne soit pas un sujet de droit, c’est-à-dire une personne au regard de la Loi.

Il relève d’un statut légal spécifique: pour les uns, celui d’un sujet de droit dans certaines limites et conditions le différenciant d’une personne à part entière; pour d’autres, celui d’un objet dont la qualité exige une protection par la Loi.

 

     Quelle que soit la politique adoptée en matière d’avortement, l’état idéal serait qu’aucune femme n’ait à y recourir, grâce à une meilleure diffusion des moyens contraceptifs et une réelle éducation à la sexualité.      

Ainsi, un travail considérable à l’échelle nationale et européenne  reste à entreprendre dans le respect des cultures mais aussi des libertés de pensée et de croyance de chaque individu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LISTE DES ABREVIATIONS

 

 

 

AG         Attorney Général (= procureur)

CJ         Chief Justice (= juge de la Cour Suprême)

CEDH       Convention européenne des droits de l’homme

CrEDH      Cour européenne des droits de l’homme

CJCE       Cour de justice des Communautés Européennes

ECR        European community Review

IR         Irish review

NR         Arrêt non reporté

Rec.       Recueil de jurisprudence

 

 


BIBLIOGRAPHIE

 

- Berthur, Traité de Nice, ed.François-Xavier de Guibert, 2001.

- Byrne and Mc Cutcheon, Irish legal system.

- Casey, Constitutional law in Ireland, 3rd ed.

Dublin 2000.

- Doolan, Principles of Irish law.

- Duncan, Abortion, divorce and the debate about liberty.

- Hefferman, Human rights: a european perspective.

- Heuston, “Personal rights under the Irish constitution”,

1976, Irish Jurist 205.   

- Kelly, The Irish constitution (Hogan and Whyte, eds.)

- Kingstone and Whelan, Abortion and the law.

- O’Leary, “Aspects of the relationship between Community law and national law” (Neuwahl and Rosas, eds.)

- Montagut (J), Concevoir l’embryon à travers les pratiques, les lois et les frontières, ed.Masson, 2000.

- Sherlock, The right to life of the unborn and the Irish Constitution.

- Walsh, “The Constitution and constitutional rights”, in Litton ed. The Constitution of Ireland: 1937-1987, Dublin 1988.

- Whelan, Law and Liberty in Ireland .

 

 

SITES INTERNET

 

- site cour européenne des droits de l’homme : www.echr.coe.int

- www.lemonde.fr

 

 

JOURNAUX

- Galway Advertiser, 8 février 2001

- Irish Times



[1] Art. 40.3.2: l’État doit, en particulier par ses lois, tout mettre en oeuvre afin de protéger et soutenir, la vie, la réputation des personnes, ainsi que le droit de propriété de tous les citoyens, contre toutes attaques non fondées et en cas d’injustice. (traduction non officielle)

[2] Loi concernant les crimes et les délits contre les personnes.

[3] Aff. Ryan v Attorney General [1965] Irish Review 294

[4] Aff. McGee v Attorney General [1974] IR 284

[5] Aff. Roe v Wade [1973] 410 US 113

[6] Aff. C159/90, SPUC v Grogan [1991], ECR I-4685

[7] Aff. Open Door Counselling and  Dublin well women v Ireland [1992], A246-A

[8] L’État reconnaît le droit à la vie de l’enfant à naître .En tenant dûment compte du droit égal de la mère à la vie, il s’engage à respecter ce droit dans ses Lois et dans la mesure où cela est réalisable, à défendre et à faire valoir ce droit à travers ses Lois. (traduction reprise dans l’arrêt SPUC v Grogan)

[9] Aff. AG v X [1992], IR 1

[10] Loi concernant les crimes et les délits contre les personnes.

[11] Aff. McGee v AG[1974],IR 284

[12] Art 40.3.3: L’État reconnaît le droit à la vie de l’enfant à naître, il s’engage à respecter ce droit dans ses Lois.

[13] Art 41: L’État reconnaît la Famille comme l’unité de groupe , primordiale, naturelle et fondamentale, de la Société. Et comme une institution morale , possédant des droits inaliénables et imprescriptibles, des droits antérieurs et supérieurs au droit positif.

[14] Aff. State(Ryan) v Lennon [1935]IR 170

[15] CJ: Chief Justice (juge de la Cour Suprême)

[16] L’Art 26 donne compétence au Président, de soumettre un projet de loi, à la Cour Suprême, pour en contrôler la constitutionnalité et ce avant de le signer.

[17] Projet de loi concernant  le contrôle des informations  sur des services d’avortement, fournis à l’étranger .

[18] La Cour reconnaît la Constitution comme le droit fondamental de l’État. Droit auquel les organes de l’État sont soumis, et à aucun moment ne reconnaît les dispositions de droit naturel comme étant supérieures à la Constitution.

[19] Aff. AG (Society for the protection of the unborn children) v Open Door Counselling [1988], IR 593

[20] Aff. State (Meads) v Governor Portlaoise Prison [1972] NR

[21] Aff. Quinn’s Supermarket v AG[1972] IR 1

[22] Aff. People(Director of public prosecution) v Shaw[1982]IR 1

[23] Test dégagé dans l’arrêt Shaw, il faut regarder - les termes de la Constitution, - les valeurs éthiques que les chrétiens  de ce pays reconnaissent et acceptent, -  les principes fondamentaux de notre système démocratique parlementaire et constitutionnel   

[24] Aff. Irish Times v Ireland[1997]ILRM 541

[25] Loi concernant la justice criminelle, 1990

[26] Le droit de la jeune fille est ici un droit à la vie d’une personne née; le droit à la vie de l’enfant à naître est un droit à la vie contingent, ce droit dépend de la survie du fœtus dans le ventre jusqu’à l’accouchement.

[27] J’en conclus donc, que le test qu’il convient d’appliquer (se référant à l’art 40.3.3)est le suivant: s’il est prouvé qu’il existe un risque réel et sérieux, pour la vie de la mère, distincte de sa santé. Et que ce risque ne peut être évité qu’en mettant un terme à la grossesse, alors un avortement est possible, conformément à l’interprétation de l’art.40.3.3

[28] Protocole n°17: Aucune disposition du Traité sur l’Union Européenne ou des traités établissant la Communauté Européenne, ne doivent affecter l’application en Irlande, de l’article 40.3.3 de la Constitution.

[29] Addenda : Ce Protocole ne doit pas restreindre la liberté de circuler entre les États membres, de recevoir  ou de diffuser, en Irlande, des informations sur les services légalement disponibles dans un autre État membre.

[30] Berthur, Traité de Nice, ed. François-Xavier de Guibert, 2001.

[31] Aff. Open Door Counselling and  Dublin well women v Ireland [1992], Séries A 246-A

[32] Bundesverfassungsgericht [1974], 37p.271

[33] BVerfGE [1986], 73 p.335

[34] CJCE, Aff.4/73  Nold v Commission, Rec.1974 p.507

[35] CJCE, Aff.11/70 Internationale Handelsgesellschaft, Rec.1970 p.1125

[36] Aff. Crotty v An Taoiseach [1987] IR 713

[37] CJCE, Aff 44/79, Hauer v Land Rheinland-Pfalz, [1979] ECR 3727

[38] Aff. SPUC v Grogan [1989] IR 753

[39] Aff. AG(SPUC) v Open Door Counselling ltd and Dublin Well Woman Centre ltd [1988] IR 593

[40] Questions 319/88 et 655/88 du 02 mai 1989

[41] JOCE,  Séries C 111/16 et 21 [1989]

[42] CJCE Aff. jointes 286/82 et 26/83 Luisi et Carbone v Ministero del Tesoro [1984] ECR 377

[43] En 1994, le Protocole n°11 institue une Cour permanente qui se substitue à la Commission et à la Cour.

[44] Commission EDH, H v Norvège [1992]DR, vol 73 p.155

[45] Aff. Open Door Counselling and  Dublin well women v Ireland [1992], Séries A 246-A

[46] Aff. AG v X [1992] 1 IR 1

[47]Le  13ème Amendement prévoit que (le droit à la vie de l’enfant à naître) ne saurait limiter la liberté de circuler entre l’Irlande et un autre État membre.

[48] Le 14ème Amendement prévoit que (le droit à la vie de l’enfant à naître) ne saurait limiter la liberté de recevoir ou communiquer des informations concernant des services légalement fournis dans un autre État membre.

[49]La décision de la Cour Suprême, rendue le 06 mars 1997, n’a pas fait l’objet d’un rapport public.

[50] Loi concernant la réglementation des informations relatives aux services d’avortement disponibles à l’étranger.

[51] Aff. The Information Bill [12/05/95]IR 1

[52] Déclaration de Mme Scallon: l’argent des contribuables ne devrait jamais être utilisé pour promouvoir ou soutenir l’avortement. Le Premier Ministre doit clarifier sa position sur cette question de vie ou de mort, en particulier dans l’optique d’un référendum sur l’avortement.


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