WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Quel avenir pour la presse quotidienne nationale française ?

( Télécharger le fichier original )
par Marc LEIBA
Ecole Supérieure de commerce de Reims - Master in Management 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.2.2 L'influence du marketing sur le rédactionnel

Ce n'est plus un secret, le marketing est parvenu à influencer très largement les contenus rédactionnels, même si on pourra toujours arguer que les frontières entre rédaction et service marketing sont étanches, que les avis sont consultatifs, et que les innovations sont le fait de rédacteurs devenus stratèges. Le Parisien fait lui figure de pionnier français de la démarche, puisque son effort d'écoute du lectorat a débouché sur l'élaboration d'une « méthodologie d'écriture ». Pour plaire à ses lecteurs, il a dû raccourcir et synthétiser ses textes, tout comme s'appuyer sur des supports graphiques et des photographies. D'ailleurs, c'est exactement la ligne de conduite de la presse gratuite d'information, des années après que Le Parisien eut changé sa charte rédactionnelle. A l'étranger, le meilleur exemple d'association de l'innovation rédactionnelle et de la démarche marketing est l'implantation de USA Today. Le quotidien du groupe Gannett lancé au début des années 1980, fut le premier quotidien à couvrir les Etats-Unis dans leur ensemble, ainsi que 60 pays. Rapidement, il tire à 1,3 millions d'exemplaires et se stabilise aujourd'hui autour de 2,3 millions87(*). En plus de l'impression décentralisée, il a internalisé sa propre agence d'information. Pourtant, les quotidiens américains ont toujours été ancrés localement en raison de l'immensité du territoire et de son caractère fédéral.

Etant donné la chute vertigineuse de la diffusion des quotidiens sur une longue perspective historique, il convient alors pour qu'une entreprise de presse continue à dégager du profit de se concentrer sur l'exploitation de l'identité du lectorat fidèle. D'autant plus que le coût de recrutement d'un abonné (CRA) est élevé en PQN. Parfois, il arrive que la valeur du cadeau de bienvenue ou que la ristourne accordée fasse que le journal ne gagne pas d'argent la première année d'abonnement. Toutefois, l'entreprise escompte alors un coût unitaire de réabonnement (CUR) beaucoup plus faible que le CRA afin de gagner de l'argent sur la seconde année d'abonnement. C'est une des stratégies explorées par Le Monde88(*) : « L'infidélité est généralement observée sur les abonnements de courte durée (3 à 6 mois). A partir de deux années d'abonnement, le taux de reconduction devient très élevé. Pour fidéliser les abonnés on travaille beaucoup sur nos bases de données. On sait que le lectorat de nos publications, encore un avantage du groupe, est plutôt élitiste avec un fort pouvoir d'achat. Nous sommes donc assis sur un tas d'or, à nous d'en profiter ». Par exemple, les publications du groupe sont truffées d'encarts publicitaires d'autopromotion. Un lecteur du Monde sera informé de la sortie du dernier numéro du Monde Diplomatique qui lui-même fera référence à Télérama qui renverra à Courrier International. Le service des abonnements ne manquera pas de glisser des offres préférentielles pour les abonnés d'un titre s'ils s'abonnent à une autre publication du groupe. Notons que dans la presse magazine, il peut arriver que le CRA dépasse 100 % des recettes de ventes générées, ce qui signifie que le lecteur n'est plus recherché comme tel mais comme unité à valoriser auprès des annonceurs.

La manifestation la plus visible de l'influence du marketing sur le rédactionnel, réside sans doute dans la stratégie de suppléments qui recherche de nouveaux relais de croissance. Ces derniers sont perçus comme un moyen de promotion vis-à-vis des lecteurs occasionnels voire des non lecteurs. Ils permettent également de développer un nouveau centre de profits qui sert au financement de l'évolution éditoriale du quotidien auquel ils sont rattachés.

Parmi les suppléments on trouve tout d'abord des cahiers thématiques, forme de prolongement rédactionnel du quotidien d'origine. L'Equipe imprime tous les samedis un supplément du nom de L'Equipe Magazine qui est au quotidien sportif ce qu'un news magazine est à la presse quotidienne d'information. Beaucoup de photos, des reportages avec des sportifs en vedette et des enquêtes approfondies. En 2002, Le Monde publie un supplément le samedi en langue anglaise, en collaboration avec le prestigieux New York Times ; les étudiants et les jeunes actifs sont la cible de l'opération. Les suppléments Figaro Madame et Figaro Magazine notamment mais aussi Le Figaro Patrimoine et Le Figaro Etudiants contribuent amplement à l'équilibre du groupe. D'autres cahiers thématiques sont depuis longtemps entrés dans les moeurs des entreprises de presse. C'est le cas notamment des petites annonces immobilières, du supplément économie qui contient du rédactionnel mais surtout des offres d'emplois, du supplément vie culturelle ou encore celui consacré au programme audiovisuel de la semaine. Les quotidiens adoptent une logique d'hyper segmentation de leur offre, espérant ainsi attirer le lectorat concerné. Toutefois, il existe le risque pour le titre de posséder un lectorat variable au gré des suppléments, qui ne serait pas intéressé par la valeur intrinsèque du quotidien mais par l'utilité procurée par le supplément. Le quotidien deviendrait alors le supplément payant du supplément gratuit.

Viennent ensuite ce que la technique marketing désigne sous le nom de politiques de « plus produit ». Le plus produit est le fait de coupler la vente du journal avec généralement un bien culturel tel qu'un livre, un CD ou un DVD. Elles ont mises en pratiques pour la première fois par des éditeurs italiens et espagnols au début des années 2000. Federico Motta89(*), président de l'association des éditeurs italiens, parle de cette stratégie de vente liée comme d'un authentique « système de distribution ». En 2002 et 2003, la moitié des livres vendus en Italie l'étaient par ce canal, ce qui représente la bagatelle de 50 millions d'ouvrages. En 2003, le quotidien italien La Repubblica a vendu 500 000 encyclopédies ; en Espagne, le journal El País, dit réaliser un chiffre d'affaires de plus de 100 millions d'euros grâce à cette méthode90(*). En France en 2004, Le Figaro s'y essaye avec succès en proposant jumelée au quotidien, l'Encyclopaedia Universalis en plusieurs volumes, ce qui incite les lecteurs à poursuivre l'achat du titre. Il écoule 78 000 encyclopédies en kiosque, plus celles vendues aux abonnés91(*). La même année, le journal joignait un film DVD avec son quotidien de fin de semaine et enregistrait ainsi une hausse des ventes de 15 % en kiosque, par rapport à la moyenne des ventes du trimestre précédent92(*). Durant l'été 2003, France Soir propose optionnellement avec son édition du mercredi des grands classiques de la littérature pour jeunes au prix de 4,90 euros contre 0,90 euros pour le seul quotidien93(*). Toujours en 2004, Le Monde a lui réussi à vendre 50 000 assortiments comprenant Le Musée du Monde, Le Monde, Le Monde 2 et le New York Times au prix de 6,95 euros. A cela il faut rajouter 100 000 exemplaires de la formule habituelle (l'assortiment sans Le Musée du Monde) à 2,50 euros94(*). En augmentant le panier moyen, les plus produits sont une piste intéressante pour renflouer les caisses du journal, même s'ils n'attirent pas durablement de nouveaux lecteurs. Au service marketing du Monde, on indique que seul un tiers des acheteurs sont des lecteurs qui n'auraient pas acheté le titre ce jour-ci, ce qui n'est pas vérifié pour le supplément Le Monde 2 qui est parvenu à fidéliser un lectorat propre95(*).

En définitive, les suppléments couplés avec les quotidiens ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt en servant à faire des « coups ». Comme le dit Christian Van Thillo96(*) du groupe Persgroep, « si les ventes n'augmentent pas dans la durée, c'est que les gens sont attirés d'avantage par la promotion que par le contenu. Ce qui signifie que le journal a un problème et qu'il est un produit qui aime se faire plaisir plutôt que de faire plaisir au lecteur... ».

* 87 JM.Charon, 2005, p.77.

* 88 Entretien avec Brigitte Billiard, responsable du développement et de la promotion du Monde.

* 89 Cité par P.Le Floch et N.Sonnac, opus cité, p.102.

* 90 Données fournies par le rapport de l'Institut Montaigne, p.45.

* 91 Cité par P.Le Floch et N.Sonnac, opus cité, p.103.

* 92 Etude Xerfi, p.85.

* 93 Etude Xerfi, p.85.

* 94 P.Le Floch et N.Sonnac, opus cité, p.103.

* 95 Entretien avec Brigitte Billiard.

* 96 Cité par P.Le Floch et N.Sonnac, p.104, d'après Sacré, 2005.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand