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L'exception de copie privée face aux dispositifs techniques de protection des oeuvres

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par Marjorie PONTOISE
Université Lille II - Master 2 pro Droit du cyberespace (NTIC) 2005
  

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Section 2. DE L'INTÉRÊT DU PUBLIC ET DU SYSTÈME DE LA RÉMUNÉRATION

Le principe de l'exception de copie privée97(*) autorise la reproduction et l'usage personnel, par le copiste, de la copie qu'il aura pu effectuer sans avoir à requérir au préalable l'autorisation des ayants droit.

Le préjudice causé par cette exception, privant les auteurs, producteurs et artistes-interprètes de la rémunération censée leur revenir, est atténué par la présence dans la loi d'une « rémunération pour copie privée » (articles L 311-1 Code de la propriété intellectuelle), somme acquittée par les fabricants de supports vierges et reversée aux ayants droit, sur une base essentiellement forfaitaire, par le truchement des sociétés de gestion collective.

La nature de cette rémunération est discutée en doctrine, mais il semble bien qu'il faille trancher en faveur de la qualification de redevance au titre du droit d'auteur plutôt que de consacrer une vision indemnitaire de ce prix versé, in fine, par l'acheteur du support vierge.

La loi établissant l'exception de copie privée et sa rémunération corollaire est la loi du 3 juillet 1985, celle-là même qui reconnaît les droits de l'artiste interprète. À l'époque, seuls des supports analogiques étaient envisageables : cassettes audio ou VHS étaient les plus répandus. Le législateur français a donc dû, vingt ans plus tard, prendre en compte l'apparition du numérique et sa capacité de nuire. En réaction au manque à gagner substantiel qui se profilait en raison de la possibilité de réaliser ces copies parfaites, une commission « copie privée », dite Commission Brun-Buisson du nom de son président, a été mise en place afin de parer à cette évolution. Efficace, celle-ci a permis de prévoir une rémunération sur les supports numériques amovibles d'abord, sur certains supports numériques intégrés ensuite (1). De plus, cette rémunération s'appliquera en fonction du nombre de copie que les utilisateurs seront autorisés à effectuer, une autorité indépendante a donc été mise en place pour garantir un équilibre entre les le respect des droits des auteur et les besoins des utilisateurs : besoins qui s'expriment non seulement par un droit d'accès aux oeuvres mais aussi par l'exercice de l'exception de copie privée (2).

1. La justification et la répartition de la redevance pour copie privée

a) La justification

Un des axes de la loi du 30 juin 2006 porte sur la légalisation des mesures techniques de protection sur les supports CD et DVD. Mais qui dit insertion de mesures techniques de protection sur le support d'une oeuvre laisse au moins sous-entendre une limitation des possibilités d'en réaliser des copies privées, quand l'insertion ne suppose pas une interdiction pure et simple. Par contrecoup, toute restriction à l'exercice de la copie privée devrait logiquement avoir une répercussion sur l'existence ou le calcul de la rémunération perçue en contrepartie.

La question de la rémunération se situe au centre de l'actualité jurisprudentielle, le Tribunal de grande instance de Paris a rendu le 30 avril 2004 un jugement98(*) à ce sujet. D'une part, cette décision replace sur son fondement juridique essentiel le débat opposant tenants d'un « droit à copie privée » aux partisans de son abolition, à savoir le fondement juridique du test des trois étapes. D'autre part sur le plan pratique, il met en oeuvre le triple test et constate l'absence de réunion des conditions sans véritable précédent. Cela conduit le tribunal à rejeter l'action introduite par l'acquéreur d'un DVD se plaignant de la présence de mesures techniques de protection l'empêchant de copier. La décision est importante, car si l'acquéreur ne peut copier le film, il ne crée aucun préjudice aux ayants droit de l'auteur. Il n'a donc pas à compenser un préjudice inexistant.

Autrement dit, la rémunération pour copie privée qu'il acquitte sur l'achat de supports vierges se trouve dépourvue de cause.

Nous savons qu'en contrepoint du monopole de l'auteur sur la reproduction de son oeuvre, le législateur de 1957 a prévu que le particulier ayant licitement acquis un support peut réaliser une copie de cette oeuvre pour son usage privé. Mais ce qui était à l'origine une exception sans importance a rapidement pris une plus grande ampleur avec l'arrivée sur le marché de supports enregistrables à faible coût dans le début des années 1980. Des plaintes se sont alors élevées au sujet de pertes occasionnées en droit d'auteur. Elles ont été entendues par le législateur de 198599(*) qui a imaginé et instauré la rémunération pour copie privée. Le principe de cette rémunération est simple. Il repose sur une mutualisation, c'est-à-dire une perception sur la plupart des ventes de supports vierges d'une portion du prix pour « compenser » le préjudice subi par les « auteurs, les artistes interprètes et producteurs ». Cette redevance est versée par les fabricants et les importateurs de supports vierges. La nature des supports vierges soumis à cette rémunération est définie par une commission, qui fixe le montant de la rémunération en fonction des capacités d'enregistrement.

b) La répartition

Pratiquement, la perception s'effectue à la source. La rémunération pour copie privée doit être versée auprès d'organismes agréés par « le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires » selon les termes de l'article L. 311-4 du Code de propriété intellectuelle. Ensuite, les sommes sont réparties « entre les auteurs, les artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes pour les phonogrammes et vidéogrammes fixés pour la première fois en France » (article L. 311-2).

La rémunération concernant la copie privée des phonogrammes est de 0,285 € à 8,80 € par heure de support vierge commercialisé. La rémunération concernant la copie privée des vidéogrammes est de 0,43 € à 8,80 € par heure de support vierge commercialisé.

Les barèmes de la rémunération pour copie privée ont été fixés par une commission présidée par des hauts magistrats, des représentants des titulaires de droits et des utilisateurs. Ces redevances sont perçues pour le compte des ayants droit par deux sociétés la SORECOP100(*) (supports audio) et COPIE FRANCE101(*) (supports audiovisuels). Aux termes de l'article L. 311-7 du Code de la Propriété Intellectuelle102(*), la rémunération pour copie privée sonore bénéficie pour moitié aux auteurs, pour un quart aux artistes-interprètes et pour un quart aux producteurs. La rémunération pour copie privée audiovisuelle bénéficie à parts égales aux auteurs, aux artistes-interprètes et aux producteurs. Les redevances revenant au collège artistes-interprètes, représenté par la SPEDIDAM103(*) et l'ADAMI104(*), sont affectées de la façon suivante :

- Copie Privée sonore : 50 % SPEDIDAM, 50 % ADAMI.

- Copie Privée audiovisuelle : 20 % SPEDIDAM, 80 % ADAMI.

Les répartitions sont effectuées à partir des résultats des sondages SOFRES105(*), MÉDIAMÉTRIE106(*)
et CSA107(*) à l'identique des autres sociétés civiles.

Cependant face à cette répartition « statique » des redevances pour copie privée, la transposition de la directive DADVSI a fait quelques remous dans le monde des artistes-interprètes.

En effet, les récentes déclarations de la Commission européennes inquiètent les sociétés d'artistes et d'interprètes, d'acteurs et de musiciens, à travers toute l'Europe, de l'avenir des redevances pour copie privée et de la généralisation des DRM (systèmes de gestion numérique des droits). Elles craignent que la légalisation des DRM entraîne la suppression de la redevance pour copie privée, qui leur est reversée.

Un communiqué commun signé de l'Aepo-Artis108(*), qui regroupe 27 sociétés dans 21 pays européens, de la Fédération internationale des acteurs (FIA) et de la Fédération internationale des musiciens (FIM) tire la sonnette d'alarme.

Aujourd'hui, dans la plupart de ces pays, un pourcentage du prix de vente des CD et DVD vierges, des baladeurs numériques et même des disques durs, est reversé aux sociétés d'artistes, pour les dédommager des copies privées d'oeuvres protégées réalisées sur ces supports.

A ce titre, la commission d'Albis109(*) (ex-Brun-Buisson, vu précédemment), a pour mission de déterminer les types de support, les taux et les modalités de versement de la rémunération due aux auteurs et aux titulaires de droits voisins au titre des copies privées qui sont réalisées sur leurs oeuvres. Elle a revu les barèmes de la redevance pour copie privée : à la baisse pour les DVD vierges; à la hausse pour les disques durs intégrés aux enregistreurs et baladeurs numériques. Ses membres, industriels et associations de consommateurs notamment, se sont mis d'accord pour faire passer de 1,27 à 1,10 euro HT la taxe sur les DVD vierges d'une capacité de 4,7 Go. Le 1er juillet 2005, une première baisse avait été votée : de 1,59 à 1,27 euro.

Dans le même temps, les ayants droit de la commission ont défini un nouveau barème sur les disques durs, en tenant compte des modèles de « haute capacité ». Il s'agit des composants intégrés dans des enregistreurs numériques de salon, des décodeurs (câble et satellite), des téléviseurs ou des baladeurs.

Jusqu'à présent le même tarif était appliqué indifféremment au-delà de 40 Go pour l'audio (soit 20 euros) et au-delà de 80 Go pour la vidéo (soit 15 euros). 

Désormais, le barème de la redevance est « déplafonné » et unifié :

- 10€ jusqu'à 40 Go

- 15€ entre 40 et 80 Go

- 20€ entre 80 et 120 Go

- 25€ entre 120 et 160 Go

- 35€ entre 160 et 250 Go

- 45€ entre 250 et 400 Go

- 50€ entre 400 et 560 Go







Il s'applique aussi bien aux disques durs dédiés à l'enregistrement de vidéogrammes, qu'à ceux dédiés à la fois à l'audio et à la vidéo110(*).

«La baisse sur les DVD vierges est largement compensée par le nouveau barème sur les disques durs intégrés», note H. Chite111(*), un des représentants des industriels à la commission d'Albis.

Les prévisions des industriels et des ayants droit établissent qu'il devrait se vendre en France près d'1,5 million d'enregistreurs avec disques durs en 2007. Ces ventes permettront de collecter près de 40 millions d'euros au titre de la redevance pour copie privée avec le nouveau barème. Si les précédents plafonds avaient été appliqués, la redevance sur ces équipements aurait été de l'ordre de 23 millions d'euros.

Selon le même principe de comparaison, les 700.000 baladeurs qui seront écoulés l'année prochaine généreront 6 millions d'euros de plus. À l'inverse, la baisse sur les DVD entraînerait un recul de la collecte de seulement 10 millions d'euros. Puisque la vente attendue des 54 millions de DVD vierges en 2007 générera 59 millions d'euros au titre de la redevance (à 1,10 euros).

Malgré cela, les ayants droits sont gagnants au final avec une plus-value d'environ 13 millions d'euros du fait du nouveau barème.

Dans un communiqué commun, le Secimavi, le SNSII et le Simavelec112(*) ont réagi à la hausse annoncée de la rémunération pour copie privée, en estimant que cette hausse va tout simplement doubler la rémunération globale, « [ce qui revient] donc à doubler également le revenu des ayants droit ». Selon eux c'est une mesure triplement inappropriée : si l'on se base sur l'usage, « les comportements effectifs d'écoute et de visionnage des copies privées sont stables dans le temps ». De plus alors que le marché tire les prix à la baisse, cette « taxe » annihile l'effet bénéfique de l'offre et de la demande. Enfin, phénomène mécanique, « la part de la « taxe » dans le prix du produit prend chaque année davantage d'importance - rappelons ainsi que sur les supports vierges le poids de la taxe est trois fois supérieur à celui du produit par lui-même ». « Une analyse d'autant plus opportune que l'époque est à la restriction des possibilités de copies (et d'usages) des supports, rendant quelque peu malaisée la justification de la rémunération pour copie privée ».

En outre, la Commission européenne a remis publiquement en question le système de redevance pour copie privée et a exprimé sa volonté d'y apporter des changements significatifs (elle souhaiterait « rationnaliser »), voire d'y mettre un terme. Selon elle, «toute limitation du système actuel nuirait au secteur plutôt qu'accompagner son développement ». Ce que craignent les signataires, c'est que les redevances soient remplacées par les DRM. Car avec la transposition généralisée de la directive européenne de 2001 sur le droit d'auteur, ces systèmes de contrôle sont légitimés.

Dans ce contexte, les associations de consommateurs et les opposants aux DRM ont fait savoir qu'ils exigeront une révision à la baisse des redevances pour copie privée sur les supports numériques, voire leur suppression.

Pour l'Aepo-artis «verrouiller les CD et les DVD ou le contenu en ligne n'est ni réaliste, ni efficace, ni nécessaire», «le développement des mesures techniques de protection (...) a déjà prouvé qu'il était préjudiciable à la vie privée et la liberté individuelle [des consommateurs]».

«Le développement des DRM, sans la consultation ni la coopération des organisations d'ayants droit ne peut pas remplacer la rémunération pour copie privée».

Parallèlement à cette réévaluation des redevances et alors que les mesures techniques de protection ont été adoptées, une nouvelle organisation a vu le jour afin de réguler le nombre de copie autorisé par les ayants droits.

* 97 Énoncé aux articles L 122-5§2 et L 211-3 du Code de la propriété intellectuelle, comme aux articles 9 alinéa 2 de la Convention de Berne et IV bis 2 de la Convention de Genève

* 98 Tribunal de grande Instance de Paris, 30 avril 2004, Communication Commerce électronique 2004, commentaire n°85, note C. Caron ; Juris-Data n° 2004-241517 ; JCP G 2004, II, 10135, note C. Geiger.

* 99 Loi Lang du 3 juillet 1985 : http://www.admi.net/jo/loi85-660.html

* 100 Société de Perception et de Répartition de la Rémunération pour la Copie Privée Sonore ( http://www.cd-france.com/taxe.htm)

* 101 Société de Perception et de Répartition de la Rémunération pour la Copie Privée Audiovisuelle

* 102 Article L311-7 CPI : «  La rémunération pour copie privée des phonogrammes bénéficie, pour moitié, aux auteurs au sens du présent code, pour un quart, aux artistes-interprètes et, pour un quart, aux producteurs.
   La rémunération pour copie privée des vidéogrammes bénéficie à parts égales aux auteurs au sens du présent code, aux artistes-interprètes et aux producteurs.
   La rémunération pour copie privée des oeuvres visées au second alinéa de l'article L 311-1 bénéficie à parts égales aux auteurs et aux éditeurs
 ». 

* 103 La SPEDIDAM s'occupe de la rémunération des artistes, de la sonorisation concert et de la sonorisation de spectacles ( http://www.spedidam.fr/).

* 104 L'ADAMI gère les droits des artistes-interprètes et consacre une partie des droits perçus à l'aide à la création, à la diffusion et à la publicité ( http://www.adami.fr/portail/index.php). (voir en annexe n°4)

* 105 http://www.tns-sofres.com/

* 106 http://www.mediametrie.fr/

* 107 http://www.csa.fr/index.php

* 108 http://www.edri.org/edrigram/number4.11/privatecopy

* 109 La commission d'Albis : http://www.senat.fr/commission/cult/cult050211.html

* 110 Tous les baladeurs MP3 à mémoire Flash sont concernés et c'est l'iPod nano 4Go d'Apple qui devrait en profiter le plus : actuellement, un Nano doté d'une mémoire Flash de 4 Go coûte plus cher qu'un iPod classique, équipé d'un classique disque dur de 20 Go.

* 111 H. Chite : Président du Syndicat national des supports de l'image et de l'information (SNSII)

* 112 Respectivement : le Syndicat des entreprises de commerce international de matériels audio, vidéo et informatiques grand public, le Syndicat national des supports d'image et d'information et le Syndicat des industriels de matériels audiovisuels électroniques.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein