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Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A: Témoignages et production historiographique

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par Daniel Iglesias
Université Paris VII-Denis Diderot - Maîtrise d'Histoire 2004
  

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2) La sacralisation de Haya de la Torre

De tout temps, les leaders charismatiques ont évoqué des mythes, et cultivé un imaginaire fascinant autour de leurs vies et de leur trajectoire politique. Assimilés à des icônes, ils demeuraient dans certains cas, la personnification d'une époque ou des luttes de tout un peuple. Marque d'un moment charismatique216(*), ils émergeaient au cours de périodes, où des situations particulières fragilisaient les structures en place, et où l'espérance du salut se tournait vers une image salvatrice. Jouant le rôle de sauveur, ces hommes s'exhibaient comme les garants de la rénovation complète du système, et proclamaient ouvertement leur désir de lutter contre l'angoisse sociale et les inégalités. En Amérique latine, les exemples d'Evita Perrón (la madre dolorosa) ou de José María Velasco marquèrent même par leur aboutissement, le sommet de ce phénomène. Condition à la survie du parti en raison des persécutions et de l'abnégation à leur encontre, le recours à la symbolique politique autour de Haya de la Torre fut fréquente dans le discours apriste. Il ne datait donc pas des Mémoires de Luis Alberto Sanchez, ni de la restructuration de la fin des années 1960. Sa réintroduction répondait à son importance communicationnelle, tout comme à la volonté de lui adjoindre une série de codes et de représentations. Reprenant la dimension religieuse qu'exprimait Haya de la Torre dans ses discours de par l'utilisation d'un langage biblique, les Mémoires prolongèrent ce sentiment mystique et absolument nécessaire, pour le succès politique du parti. Haya de la Torre fut utilisé comme « clé de voûte de toute la construction politique »217(*), jouant à cet égard, un puissant rôle de vecteur sociologique parmi les destinataires. Les cibles ; les déçus de l'aprisme, son électorat classique, et une couche transversale touchant toutes les couches de la population; devaient alors ressentir un appel qui leur était exclusivement dirigé. Explicatif d'un vécu personnelle et intime, Luis Alberto Sanchez extériorisait par l'anecdote, un certain nombre de pans méconnus du leader apriste. L'action politique de Haya de la Torre était racontée selon la même logique de théâtralité politique que les origines de son parti, à différence près, qu'elle alternait l'hagiographie et la tragédie dans de grandes scènes d'une théâtralité tournée vers la pédagogie. Manifestant une proximité et un éloignement du fait de son statut de héros, la vie de Haya de la Torre témoignait la volonté de se rapprocher des formes populaires d'expression, ainsi que des préoccupations sociales de la vie courante. Les échanges du leader apriste avec ses interlocuteurs ou avec ses détracteurs lors de ses combats politiques, étaient racontés de manière accessible, « avec une vivacité et souvent une spontanéité presque festives, qui laissent les marques de sympathie durables dans la mémoire des interlocuteurs même inconnus »218(*). Langage simple, interventions limpides, la description de ses interventions était pensée pour véhiculer une énergie contagieuse pouvant être appréhendée et sentie par tous.

Peinte à travers la complexité d'un système mythique, la vie de Haya de la Torre visait à prendre une certaine ampleur collective. Elle tendait à combiner plusieurs systèmes d'images retraçant son parcours, avec des représentations sociales traduisant de l'injustice, afin de projeter dans l'imaginaire du lecteur, un enchevêtrement d'aspirations et d'exigences sociales les plus variées. Au point que, Le Chef (El Jefe) devenait plus qu'un simple homme politique luttant pour la justice sociale. Il en incarnait la phase revendicative dans la globalité, dans sa totalité historique nationale, honorant au passage, la mémoire de ceux qui étaient tombés pour ses idéaux. La question de la temporalité jouait le rôle d'instrument légitimant, puisqu'elle replaçait ses luttes dans une chronologie, et de ce fait, en pérennisait les traits spécifiques. Grossissement du réel, elle idéalisait la dimension guerrière de Haya de la Torre, autant qu'elle amplifiait sa volonté de casser tout déterminisme social, et tout conditionnement lié au statut. Haya de la Torre devenait dès lors au fil de chacune de ses victoires, le porteur d'une dimension affective très forte, qui transmettait des émotions, des ferveurs, et des espérances à partager. Cette dimension affective se voulait d'ailleurs la fenêtre d'une dévotion plus grande et plus encadrée, à l'image de celle existante dans le parti. La vie du leader charismatique était pensée en conséquence comme un moyen de reconstituer les fidélités, de restructurer la vie collective, voir de consolider une nouvelle trame sociale. Comme le souligne très bien Raoul Girardet en prenant l'exemple de Maurice Barrès, le leitmotiv de ce type représentation visait à tisser une sociabilité politique encore plus forte, autour d'un nouveau et plus puissant « agent de socialisation des âmes »219(*). Incarnation d'un dynamique permanente, le rôle ou plutôt les rôles du leader apriste étaient nettement mis en valeur. Toile de fond « d'un dynamisme contagieux et qui entraîne une attirance irrésistible »220(*), le portrait de Haya de la Torre portait successivement les traits du héros, du chef, et de la victime.

* 216 « Un moment charismatique représente le moment où la levée de l'angoisse se réalise », Dorna Alexandre, op. cit., p.9

* 217 Dorna Alexandre, op. cit., p.74

* 218 Dorna Alexandre, op. cit., p.76

* 219 Girardet Raoul, , op. cit., p.95

* 220 Dorna Alexandre, op. cit., p.28

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon