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Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A: Témoignages et production historiographique

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par Daniel Iglesias
Université Paris VII-Denis Diderot - Maîtrise d'Histoire 2004
  

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a) Le culte du héros

Le poids de la sphère symbolique a toujours été à la fois une constante dans la vie politique d'une société quelque qu'en soit sa nature. Les dispositifs symboliques, les pratiques codées conduites selon un rituel, l'imaginaire, sont d'autant d'éléments qui ont toujours prévalues, au point que Paul Valéry affirmait que le domaine politique était celui où « tout en tient que par magie ». La fonction sociale du héros quant elle, a toujours structuré la scénographie politique, la production des discours politiques, et les procédures menant à la conquête du pouvoir. La charge symbolique de la figure du chef ne pouvait se maintenir sans un appel et une utilisation raisonnée, des ressources du pouvoir. Une figure qui règne, même sur un parti, ne pouvait dès lors se prévaloir d'un travail de mythification héroïque, même symbolique. La lecture imaginaire permettait de rendre dans le cas de Haya de la Torre, une intelligibilité perdue, à l'histoire d'un homme dont les interprétations restaient si hétérogènes qu'elles en dispersaient la part de réel. Grâce au passage de l'ombre à la lumière, son temps historique symbolisait mieux les aspirations du parti, et en hiérarchisait mieux les luttes. Sur les débris de croyances fausses et étonnées, cette nouvelle lecture de la vie du caudillo transformait un passé méconnu en un ordre immanent. Elle préfigurait un nouveau cadre, par l'utilisation d'un imaginaire fournissant de nouveaux éléments de compréhension, et d'adhésion, rendant ainsi à Haya de la Torre, sa place de premier ordre dans les coeurs et les consciences des Péruviens.

Transformant un passé rompu par une participation au pouvoir éphémère et perçue comme une trahison, Luis Alberto Sanchez transposait l'image d'un homme redevenue lisible grâce à son vécu. Son récit reprenait tous les éléments se rattachant au leader apriste, et en faisait une « projection d'un idéal »221(*) , dans le but de transformer un homme politique en déclin, en un objet de culte, et de vénération. Présentation idéalisée du fondateur de l'APRA, elle retraçait le parcours de quelqu'un personnifiant une force quasi-surnaturelle. Haya de la Torre prenait alors successivement le visage du sauveur dans des faits anodins de sa vie antérieure à l'action politique. La période de l'enfance de ce dernier, permettait notamment de créer une sorte de déterminisme autour de sa personne, où chaque élément préfigurait déjà, le statut de leader qui allait être le sien, dix voir vingt années plus tard. Nourri de trait prophétique, ce récit de l'enfance d'un chef incluait en premier chef, les premier pas de l'Elu sur le terrain social. Chacune des grandes périodes menant à la vie adulte était décrite dans un rapport étroit aux thématiques sociales apristes. La naissance de Haya de la Torre quant à elle, symbolisait un commencement absolu qui s'était exprimé lors de la venue au monde d'un bébé dont les parents en auraient présagés le futur politique en annonçant peu de temps avant la naissance que « si c'est un garçon, il sera un révolutionnaire »222(*). Pressage d'autant plus symbolique selon Sanchez, que la naissance du bébé avait eu lieu à l'époque, dans « une atmosphère chargées de pressages funestes », fruit d'une « révolution qui avançait à travers tous les sentiers de la sierra péruvienne »223(*).

Véritable hagiographie, cette présentation produisait un discours socialiste, et socialisant, où sous couvert d'anecdotes autour de l'enfance224(*), des jeux225(*), et des rapports amicaux de l'enfant Haya, se dessinait un travail de juxtaposition entre un homme et la politique. L'auteur montrait pour cela un enfant hors norme, qui n'hésitait point à prendre la parole en public, y compris lors de situations profondément pénibles pour tous, comme par exemple après la mort d'un camarade de classe où « comme il avait déjà une voix éloquente, les professeurs et élèves le désignèrent pour prononcer un discours nécrologique sur la tombe de Espinoza. Les yeux humides, mais la voix entière, Victor Raúl fit l'adieu au camarade définitivement parti. »226(*). Ces descriptions cherchaient de ce fait à légitimer la construction progressive d'un héros politique, en donnant à toutes ses actions, une connotation politique et sociale. L'éveil politique227(*) de ce dernier traduisait par exemple, l'indissociabilité existante depuis toujours, entre la personne et le combat politique, entre l'homme et l'intérêt désintéressé pour autrui. Il décrivait un jeune homme précoce, impatient, mais déjà pleinement prédisposé, à servir son peuple et à se battre pour le bien de tous, sans intérêts personnels, et au nom de valeurs. Conscient du poids de la force physique dans l'imaginaire collectif péruvien, Luis Alberto Sanchez revenait d'un autre côté, longuement sur ce sujet, cherchant en permanence, à créer une corrélation entre le jeune Haya et les valeurs liées à la sportivité. Il véhiculait le caractère sportif de Haya de la Torre228(*), faisant même de ce dernier, une sorte d'Hercule très proche des valeurs de camaraderie et de discipline que portaient certains sports, au point qu'il avait fondé avec son cousin Agustín, « un club sportif, le Jorge Chavez, dans lequel ils organisaient les futurs championnats régionaux. »229(*). Enfant doué, rapide230(*), dynamique, ses qualités physiques étaient dessinées comme de signes précurseurs d'une force d'esprit et de caractère, qui le guidait depuis ses débuts en politique. De longues lignes sur son physique231(*) prolongeaient cette toile d'un homme vigoureux et viril. Elles manifestaient la présence d'un étudiant intègre, charismatique, et absolument persuasif. Cette capacité à s'imposer, sa force de persuasion, son goût pour relever des challenges, préfigurait même la force et l'expression d'un esprit guerrier et tellement puissant que « dans les instants les plus difficiles, lorsque les esprits se chauffaient autour d'un but refusé, le sourire saint et optimiste de Víctor Raúl apaisait les esprits, et ramenait au calme des esprits prêts à en découdre»232(*). L'auteur cultivait pour cela, la mémoire d'un homme droit, et honnête233(*). Ainsi, Haya de la Torre devenait en quelque sorte, le reflet vivant de toutes les valeurs personnelles nécessaires à un homme politique souhaitant focaliser l'attention dans un pays de culture très enclin à la corruption.

Héros herculien, guerrier social, la figure de Haya de la Torre était tantôt célébrée, tantôt mystifié dans une perspective émotive à forte portée sociale. L'enfance d'un chef, la représentation de l'enfance mettait en avant, les qualités de direction du leader apriste, et par conséquent de l'APRA. Voilà pourquoi, l'auteur mettait autant de vigueur dans le récit autour de sa force de commandement, et non uniquement sur l'explicatif de sa destiné.

* 221 Martin Arranz, In Alvarez Junco, op. cit., p.45

* 222 Sanchez Luis Alberto, op., cit. , p.45

* 223 Sanchez Luis Alberto, op., cit. , p.45

* 224 « Dans leurs jours de divertissement, Vîctor Raúl et Cucho partaient en excursion avec leur cousin Macedonio, et Gónzalez Obergoso. Ils escaladaient des collines, jouaient à revivre des scènes incaïques, revisitant l'histoire du Pérou. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 225 « Le groupe se consacrait à l'élevage de ver de terre et d'abeilles. Ils observaient comment les ruches formaient des républiques ordonnées et discrètes, et comment les vers terre manifestaient des formes d'abnégation et de travail incroyables. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 226 Sanchez Luis Alberto, op. cit.,

* 227 Nous étions en septembre 1908. Les élèves du Séminaire de Trujillo réalisaient une excursion. A quatre heures de l'après-midi, Victor Raúl demanda la permission pour rentrer en ville.

--Pourquoi es-tu si pressé ?--l'interrogea son professeur français, P.Biand

--Car les nouvelles du changement de gouvernement doivent être arrivées de Lima

--Et toi, qu'as-tu à voir avec la politique, petit.

--Oh !--répondit Víctor Raúl--moi je m'interesse beaucoup à la politique.

--Ce garçon fera parler de lui--commenta Briand, regardant le petit Haya de la Torre alors âgé de treize ans. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 228 « Sa figure haute et menue se fit incontournable dans les amphithéâtre de San Marcos. Il était un dynamo en marche. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 229 Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 230 « Macedonio était fatigué comme d'habitude, avant tout le monde, car il était maigre et fragile. Victor Raúl et les Gónzalez Orbergoso rivalisaient au contraire en athlétisme. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 231 « Quant il riait, il montrait des dents de travers, tous révoltés les en contre les autres pour obtenir la meilleure place : dentaire exemple d'un mouvement social en marche », Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 232 Sanchez Luis Alberto, op. cit.

* 233 « Haya de la Torre était le neveu de don Agustín de la Torre-Gónzalez, le vice-président de Leguía durant son gouvernement de 1908 à 1912, et de don Agustín Ganoza, le vice-président en office durant celui de 1919 à 1923. Par conséquent, il disposait des moyens pour profiter des avantages et des cadeaux, ce qu'il ne fit jamais. Son refus de toutes ces faveurs ne faisait aucun doute. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery