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Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A: Témoignages et production historiographique

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par Daniel Iglesias
Université Paris VII-Denis Diderot - Maîtrise d'Histoire 2004
  

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b) La question de l'expérience réformiste de Velasco

Les forces apristes ne furent pas les seules à profiter de la période de transition politique pour tenter de se restructurer internement et idéologiquement. Les autres composantes de la gauche péruvienne en profitèrent elles aussi pour se repositionner sur un échiquier politique en pleine mutation. Les divers courants de la gauche non apristes commencèrent tout d'abord par essayer de tirer un bilan de l'expérience vélasquiste, tout en gardant en tête la volonté d'afficher leur spécificité. Cependant, les critiques du vélasquisme émanant de courants de la gauche péruvienne ne dataient pas exclusivement de la fin des années 70, ni de l'échec économique des réformes escomptées. Tout d'abord, la gauche péruvienne avait adopté quatre attitudes distinctes face au processus révolutionnaire. La première avait été de se rallier à la révolution, et de travailler parmi les nouvelles structures, tout en assumant le nouveau régime comme porteur d'une idéologie pouvant mener au socialisme. La seconde avait visé à s'en approcher afin de gagner des positions en vue d'inscrire le processus dans la voie du socialisme historique. La troisième au contraire, avait cherché à s'éloigner du régime, et à critiquer sa compromission avec le capitalisme, en signalant son caractère « réformiste-bourgeois ». La dernière enfin, avait tendu à le combattre sur tous les fronts, et à le dénoncer publiquement comme un régime fasciste. Suite aux multiples répressions, exils, seule la seconde branche contestataire survit au temps et à l'usure. Elle en sortit même renforcée après la prise du pouvoir de Morales Bermudez et le virage libéral de la nouvelle junte. Ceci permis donc à un groupe autour d'un modérateur, le journaliste Mirko Lauer, de publier un ouvrage intitulé El Reformismo burgués (Le Réformisme Bourgeois) où il faisait la synthèse de son positionnement idéologique. Recueil de discussions, ce livre était perçu par ses auteurs comme « la meilleur et la plus juste version testimoniale de ce qui signifia le réformisme bourgeois pour la gauche péruvienne »282(*). Ils y dénonçaient ouvertement les limites du processus réformiste, son incapacité à transformer les structures économiques du pays, à l'industrialiser, et à le développer. Par ailleurs, ils en fustigeaient les relations avec les anciens membres de l'oligarchie, et soulignaient que la junte n'avait pas pu véritablement fonder une nouvelle société, voire le modèle coopérativiste tant promis aux masses. L'un des discutants, Arias Schreiber voyait même dans le gouvernement de Velasco, un échec de plus dans le cheminement des masses vers leur autonomie283(*). S'empressant de réagir à la fin de l'année 1978, Socialismo y Participación répondit en critiquant leur étroite vision du « réformisme ». Héctor Béjar montrait que la révolution péruvienne ne pouvait en rien être qualifiée de « réformiste » et de « bourgeoise », car aucune réformes n'avait été menée ni par la bourgeoisie, ni dans leur sens, mais qu'au contraire, le bourgeoisie péruvienne s'était vivement opposée aux mesures284(*). Il célébrait même les réussites sociales de Velasco, son courage politique, et la vie de ce dernier, qui comme le légitimait un article écrit par des chercheurs nord-américains, « avait affectée non seulement son pays, mais aussi le mouvement des pays en voie de développement vers leur libération et la découverte de leur propre chemin »285(*).

Ces débats n'étaient en rien des éléments éloignés de l'évolution politique de l'APRA. Encore classé à gauche, et partageant des visions communes avec ces gauches, comme par exemple la question de l'impérialisme, le parti comprit que ces débats pourraient lui être nuisibles dans une perspective électorale. Car, ils partaient toujours de l'idée que, aussi négatif qu'aie pu être le gouvernement de Velasco, il avait mit fin à la domination oligarchique que l'APRA avait soutenu de par son entente politique avec Acción Popular et les partisans d'Odría dans les années soixante286(*). Décrit comme un parti ayant abandonné sa nature contestataire au détriment d'une obsession du pouvoir, dont le mythe nourri par la gauche d'un Haya de la Torre avide de gloire immortalisait, l'APRA commença son travail de publication d'ouvrages historiographiques avec la solide conviction qu'il devait rassembler afin de l'emporter. Les diverses publications s'y attachèrent, soulignant tous les bienfaits de l'aprisme, et gommant à cette occasion, son passé sombre et assimilé par tout un imaginaire, à un caractère violent quasi naturel.

* 282 Lauer et al., El Reformismo Burgués. (1968-1976), Lima, Mosca Azul editores, 1978, p.13

* 283 « Avoir maintenu avec le glaive des positions si discrépentes...ne contribua en rien à la lutte du peuple pour sa libération ni pour la prise de conscience parmi les travailleurs que cette lutte reste sans aucun doute, la chose la plus importante. », Ibid, p.74

* 284 « Curieusement le gouvernement de Velasco serait en sorte un régime réformiste bourgeois sans bourgeois au gouvernement et sans une classe social bourgeoise. Avec un discours politique, un langage et des manières qui ne correspondent en rien à la bourgeoisie. Et qui cherchait appui dans les secteurs populaires », Béjar Hector, «Velasco: reformismo burgués?», Socialismo y Participación, n°5, décembre 1978, p.77

* 285 Vaneck Jaroslav, Reinert Erick, `'La tercera vía del presidente Velasco : una estratagia para el cambio'', Socialismo y Participación, n°5, décembre 1978, p.61

* 286 « N'est-ce pas l'année 1968 qui était caractérisée par le grand accord entre les partisans de Belaunde, l'APRA, et ceux de Odría sur le terrain politique, et les magnats de la pêche, les banquiers et les compagnies impérialistes sur le terrain économique ? », Béjar Héctor, In op. cit., p.81

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo