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Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A: Témoignages et production historiographique

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par Daniel Iglesias
Université Paris VII-Denis Diderot - Maîtrise d'Histoire 2004
  

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B) Une sacralisation en guise de charisme objectivé

1) Le travail de finition de la symbolique populaire apriste

Messianique, l'histoire de l'APRA telle fut présentée par ses auteurs, ne se limitait pas à une célébration de toute la splendeur des idées de son fondateur et guide. Elle transformait des évènements historiques comme la Révolution mexicaine et la Réforme de Córdoba en des signes annonciateurs de l'avènement de l'aprisme et de son combat social. De même, elle accentuait la singularité et l'originalité du parti, tout comme elle revendiquait l'héritage de Gónzalez Prada alors que le vélasquisme se l'était réapproprié durant ses années au pouvoir. Mais surtout, cette lecture des origines était essentiellement placée sous le signe de la célébration des luttes du chef ou en quelques mots, comme le reconnaissaient les apristes eux-mêmes, de celui dont la date d'anniversaire passa à être une fête du peuple péruvien287(*).

a) Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A

La vie politique du parti apriste fut marquée depuis son commencement par une dimension affective très grande, à telle point que l'affectivité politique permit au parti de se prémunir contre de violentes attaques contre ses leaders. Ce besoin de justification permanente avait alors fait naître l'idée de recourir à un passé idéalisé en vue d' assurer l'adhésion des militants aux objectifs explicites définis par leur leader, mais aussi de forger une « certaine identité des sensibilités »288(*). Cette entreprise de protection reposait sur la reproduction parfois partielle, et d'autres cas totales, des origines du parti. La Réforme universitaire de Córdoba et sa corollaire péruvienne, tout comme la Révolution mexicaine servaient par conséquent de référents historiques d'une structure socio-affective qui englobait le culte d'un leader et « d'un parti symbolisant à lui seul le règne du peuple »289(*). Cette passion était entretenue par l'idée que la Réforme de Córdoba avait été une vague contestataire étudiante profondément internationaliste290(*), et qui avait unit, après le coup de tonnerre mexicain, le continent, ce qui préfigurait déjà l'APRA291(*). Voilà pourquoi, les auteurs, Haya de la Torre en particulier en défendaient le caractère non marxiste292(*), préférant n'en garder que son caractère social et libérateur293(*), qui avait servit de baptême politique pour toute une génération continentale294(*). Cette lecture d'un évènement moteur et de ses liens avec la naissance de l'APRA permettait aux apristes de souligner leur capacité passée à mener à terme des desseins continentaux. Elle légitimait en conséquence le lien entre le parti et la Réforme, à travers tout un ensemble de références qui énuméraient ; comme par exemple, les allusions directes des principaux protagonistes, tel que Gabriel del Mazo295(*) ; le fait que l'APRA était devenu à court terme l'aboutissement politique du processus réformiste argentin. Elle reprenait également les réussites de la Réforme universitaire péruvienne, ce qui affermissait encore plus l'idée d'une filiation quasi naturelle entre les deux mouvements. Ce dernier point donnait ainsi l'occasion à l'APRA, de magnifier encore plus ses origines, en montrant que la réponse étudiante de 1920 contre la mainmise de l'oligarchie sur l'Université, avait introduit dans le pays des convictions nouvelles (panaméricanisme, unité régionale, libération des peuples du joug culturel hérité de l'époque coloniale, transformations des universités en des organes politisés) bénéfiques au peuple. Haya de la Torre en accentuait même les transformations que le Réforme péruvienne produisit à l'Université San Marcos, où grâce au mouvement qu'il guida en tant que chef des étudiants contestataires, cet établissement avait pu se livrer d'un archaïsme qui l'avait transformé en « la plus vieille et rongée de toutes les universités d'Amérique »296(*). Et, cette rupture avait été telle selon Haya, que la Réforme réussit « en expulsant dix-sept professeurs en plein processus de momification, et en changeant radicalement les systèmes, en obligeant une servile assemblées parlementaire à nous respecter, et en lui soufflant un air frondeur qui était un vent révolutionnaire argentin, fort, et immense, mais d'un force salutaire»297(*), à enfin faire rentrer San Marcos, dans une modernité que cette Université préférait ignorer pour cause de conservatisme exacerbée. Décrite comme un « cri annonçant à l'Amérique un pas de plus vers le chemin de nos peuples vers l'objectif tant attendue de la Justice »298(*), la Réforme de Córdoba était de ce fait, placée au même rang que l'autre signe précurseur officiel de l'aprisme : la Révolution mexicaine.

Point de départ d'une dynamique de combat anti-impérialiste selon la formulation officielle du parti, la Révolution mexicaine ne fut pas décrite avec la même profondeur que sa « soeur révolutionnaire argentine ». Bien que sachant que l'APRA avait été fondée à Mexico en 1924, les apristes se limitèrent aux faits majeurs de cette révolution. Par contre, ils en intensifièrent son caractère révolutionnaire non marxiste, l'exposant fièrement en tant que « première révolution sociale, non socialiste du 20ème siècle »299(*). Parallèlement, ils en élargirent sa portée jusqu'à en faire un symptôme, à l'instar de l'expérience argentine, du réveil légitime des peuples300(*) en vue de l'extension d'une vague révolutionnaire sur tout le continent301(*). Cette revendication de la condition de descendance de la Révolution mexicaine donnait ainsi à l'APRA, une image encore plus sociale, purement latino-américaine302(*), qui au même titre que son nom et son lieu de naissance (le Mexique), mettait en évidence son empreinte révolutionnaire, et son indépendance de toute influence non latino-américaine.

L'entretien des sentiments d'appartenances à une communauté historique a toujours été l'un des caractéristiques majeures de l'aprisme. Cet exposé des origines cherchait de ce fait à continuer à entretenir la fierté au regard de leur passé collectif, et des entreprises réalisées. Mythes au sens de construits mobilisateurs, la Révolution mexicaine et la Réforme de Córdoba jouaient le rôle de pôles d'appartenance, à partir duquel l'APRA cumulait les appartenances au peuple, à la nation, et à l'Amérique latine. Elles en appuyaient la double identité (nationale et continentale) du parti, renforçant de ce fait, sa singularité par rapport aux autres partis politiques péruviens. Touché au coeur depuis la Révolution péruvienne, l'APRA poursuivit également son travail de fidélisation de ses adhérents en revenant sur l'autre élément qui fondait sa singularité doctrinaire : l'héritage de Gónzalez Prada. La publication des OEuvres Complètes de Haya de la Torre répondit alors à tous ce qui s'étaient réappropriés l'auteur de Páginas libres et Horas de lucha, en spécifiant de par la qualité de proche de Gonzalez Prada de son auteur, qu'Haya de la Torre était bien le seul et l'unique fils spirituel de cet intellectuel péruvien.

* 287 Arciniegas Germán, In Haya de la Torre Víctor Raúl, Obras Completas, op. cit., p. 19

* 288 Ansart Pierre, La gestion des passions politiques, Lausanne, Age de l'Homme, 1983, coll. « Pratiques des sciences de l'homme », p.109

* 289 Hermet Guy, op. cit., p.206

* 290 « La Réforme Universitaire est née en Argentine, mais elle possède un caractère légitimement latino-américain. Des pays où l'augmentation de la population ne s'est produite de manière aussi rapide qu'en Argentine; où l'immigration est élémentaire, et où l'irigoyénisme ne peut contenir la portée ; ont aussi des champs de bataille, des centres d'action, et des piliers des conquêtes de ce mouvement », Haya de la Torre, `'La Reforma Universitaria'', Obras Completas, op.cit., p.205

* 291 « Nous étions tous des camarades : on se tenait main dans la main, et on projetait une internationale latino-américaine, ce qui fut la base de la fondation de l'APRA », Arciniegas Germán, In Haya de la Torre, op. cit., p.19

* 292 « Marx et le marxisme étaient très peu connus par notre génération protagoniste de la Réforme universitaire entamée en 1918 à l'Université de Córdoba. », Haya de la Torre, `'La Reforma Universitaria y la realidad social'', Obras Completas, op.cit., p.125

* 293 « Elle marque le début de la fin du médiévisme intellectuel. Il n'aurait été point erroné d'affirmer que les universités étaient les vice-royautés d'un esprit vaincu par le mouvement libertaire de la jeunesse. », Ibid., p.126

* 294 « D'elles surgirent des hommes qui rejoignirent la droite comme la gauche. Au Chili, à Cuba, comme en Argentine et au Pérou, la Réforme est le baptême de sang de beaucoup de leaders révolutionnaires, sauf dans les cas, où se fut le début des hommes qui prirent des postures de néo-chevaliers réactionnaires. », Haya de la Torre, `'La Reforma Universitaria'', op.cit., p.210

* 295 Del Mazo Gabriel, La reforma universitaria : Documentos relativos a la propagación del movimiento en América Latina, 1918-1927, Buenos-Aires : Ferrari-Bme Mitre, 1927, 460p.

* 296 Haya de la Torre, «La Reforma Universitaria y la realidad social », op.cit., p.126

* 297 Haya de la Torre, «La Reforma Universitaria y la realidad social », op.cit., p.126

* 298 Haya de la Torre, `'La Reforma Universitaria'', op.cit., p.214

* 299 In Murillo Percy, Historia del APRA 1919-1945, op.cit., p.18

* 300 « La Révolution mexicaine n'est pas une révolution socialiste, mais tout comme les étudiants réformistes, la manifestation du droit sacré à l'insurrection (droit sacré la révolte) », Haya de la Torre, op. cit.

* 301 «...la première tentative sociale autonome et guidée par les masses populaires dans une aguerrie lutte pour une seconde indépendance qui un jour s'étendra et aura lieu, lorsque nous réussirons notre intégration continentale. », Haya de la Torre, op. cit

* 302 «...cette révolution a au moins un rare mérite : elle fut mexicaine. Elle ne copia aucun pays. », Murillo Garaycochea Percy, op. cit., p.18

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