WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'évolution de la notion d'associé

( Télécharger le fichier original )
par Florent Kuitche et Philippe Mankessi
Université Nice Sophia antipolis - Master II droit économique des affaires 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

P2) Manifestations à travers les restrictions des droits politiques de l'associé.

Par ailleurs, la faiblesse du rôle explicatif de l'affectio societatis apparaît encore au regard des modalités d'exercice des droits, car l'affectio societatis fonde l'exercice des prérogatives d'associé ; c'est l'opinion des tribunaux et de la doctrine.40(*) En effet, la remise en cause de la notion d'affectio societatis porte une atteinte aux fondements de la notion classique d'associé41(*). Aussi l'associé est-il appréhendé classiquement à travers ses attributs patrimoniaux, financiers, et politiques. Les droits patrimoniaux sont des droits sociaux (parts ou actions) qui ont une valeur vénale et font partie du patrimoine de l'associé42(*). Quant aux droits financiers ou droits pécuniaires, ils s'expriment essentiellement par la perception de dividendes, lesquels correspondent à la distribution des bénéfices réalisés, et par un droit aux réserves qui représente les bénéfices non distribués. A la dissolution de la société, c'est le boni de liquidation qui sera partagé entre les associés43(*).

Pour ce qui est des droits politiques qui nous intéresse à titre particulier, l'article 1844 du Code civil dispose que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Cette prérogative revêt deux formes : la première est le droit d'information de l'associé sur les comptes et la politique sociale ; la seconde est le droit de vote qui lui permet de participer aux décisions stratégiques et d'exercer son droit de contrôle sur les dirigeants en les révoquant au besoin. Le droit pour tout associé de participer aux décisions collectives est d'ordre public ; les statuts ne peuvent en conséquence déroger à cette disposition. Plus précisément, les statuts ne peuvent contenir une suppression pour certains associés du droit de vote dans un cas non prévu par la loi44(*). C'est d'ailleurs à ce titre qu'un arrêt important rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 23 octobre 2007 a refusé de valider les clauses d'exclusion interdisant à l'associé d'une société par action simplifiée de voter lors de la délibération relative à son exclusion. Cette décision se fonde sur le principe de l'article 1844 alinéa 1er 45(*) du Code civil qui a été posé depuis la fin des années 90 comme un principe absolu. Ce droit, auquel l'alinéa 3 interdit de déroger, est devenu un droit essentiel des associés en 1999 avec l'arrêt CHATEAU d'YQUEM46(*) qui avait le premier posé l'interdiction de toute clause statutaire dérogeant au droit de voter de tout actionnaire. De là date le lien jurisprudentiel explicite, qui ne découle pas de la lettre du texte, entre droit de participer et droit de vote, qui ira croissant par la suite, confirmant le « potentiel de développement que lui prédisait le professeur LE CANNU47(*). du 23 octobre 2007, comme des deux précédentes décisions marquantes, rendues en 2002 et en 2006, témoigne de la volonté de la chambre commerciale de ne pas ramollir ce maigre corps de dispositions impératives48(*).

Bien que ces arrêts récents donnent une portée rigide à ce principe d'ordre public, il ne faut surtout pas perdre de vue que la tendance globale en la matière exprime un recul évident des prérogatives politiques de l'associé.

Cet attribut de l'associé est remis en cause par l'importance moindre accordée aux assemblées générales d'actionnaires lors d'augmentation de capital et par la possibilité pour les sociétés d'émettre des actions de préférence sans droit de vote.

La procédure d'augmentation du capital constitue un indicateur non négligeable du pouvoir des assemblées générales extraordinaires des actionnaires. L'ordonnance du 24 juin 2004, en offrant de larges possibilités de délégation, a parallèlement réduit le pouvoir de ces assemblées ; donc le droit de parole des actionnaires. Dans le régime antérieur, l'assemblée générale ne pouvait que déléguer sa compétence de réalisation, c'est-à-dire, la fixation des modalités d'augmentation de capital décidée précédemment par l'assemblée générale. Les pouvoirs de l'assemblée générale extraordinaire se trouvent donc bien réduits : d'abord, les dirigeants possèdent désormais une délégation de compétence leur permettant de décider seuls de l'augmentation du capital. Ensuite, les droits préférentiels de souscription peuvent être supprimés. Même si la garantie d'une décision préalable est organisée, peut-être la permission est-elle un peu forte. En outre, rien dans les textes n'indiquent les conditions de quorum de telles décisions49(*).

Cette constatation est d'autant plus préoccupante, que ces assemblées générales extraordinaires concernent directement les engagements des associés. Cet amoindrissement du pouvoir des assemblées générales extraordinaires peut s'avérer dangereux. En effet, dans les sociétés par action, ces assemblées constituent le seul mode de consultation des associés. La réforme se traduit donc par une consécration de l'appropriation du pouvoir par les dirigeants. Cette conséquence pose le problème de la place et de la fonction de l'associé dans la société, donc de la notion même d'associé, lequel ne devient qu'un simple investisseur nu de droits politiques. Cette disparition du droit politique est éminemment matérialisée par la création des actions de préférence.

Par ailleurs, l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 a ainsi autorisé les sociétés à émettre des actions  dites « de préférence » sans droit de vote. La création des actions de préférence constitue la réalisation du souhait des émetteurs et des investisseurs en capital risque que soit créée une nouvelle catégorie juridique ayant vocation à se substituer aux catégories intermédiaires entre actions et obligations qui existaient jusqu'alors. Les actions de préférence peuvent être émises par toutes les sociétés par action. Cette création peut tout d'abord s'effectuer soit par la conversion d'actions ordinaires en actions de préférence50(*) , soit par l'augmentation du capital social. Les actions de préférence sont régies par l'article L.228-11 du Code de Commerce. Ce dernier édicte que lors de la création de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ainsi, les sociétés par action, peuvent elles mêmes suspendre ou supprimer le droit de vote d'une certaine quantité de leur titre de capital. Sans cependant exclure les actions de préférence en droit pécuniaire, implicitement impossibles, car violant l'interdiction d'une clause léonine.

Le recul de la prérogative politique de l'associé ne peut demeurer sans conséquences. Certes, si la division du droit de vote n'est toujours pas possible en raison de l'article L225 -122 du Code de commerce qui pose le principe de l'indivisibilité du droit de vote, la question de la possibilité de céder son droit de vote se doit d'être soulevée. La doctrine est néanmoins unanime à considérer que la garantie du droit de vote est d'ordre public51(*) : l'article 1844 du code civil est impératif. Mais l'ordonnance du 24 juin 2004 crée une confusion en indiquant que : le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. La consécration de la possibilité d'écarter le droit de vote conduit à s'interroger sur la cessibilité du droit de vote. Cette dissociation des droits politique (le droit de vote) et des droits financiers (la participation aux bénéfices et aux pertes) est très utilisée par la pratique. Il est de plus en plus évident que le droit de vote possède une valeur marchande. L'investisseur en est conscient : plus la renonciation à son droit de vote a une importance pour la société, plus la contrepartie financière demandée est élevée.

Au-delà de ce débat sur la cession des droits de vote, une chose est certaine : la suppression des droits de vote s'est effectuée au profit d'un droit d'intervention de l'associé. En effet, l'ordonnance du 24 juin 2004 a généralisé la possibilité de supprimer l'un des droits fondamentaux de l'associé : le droit de vote. Lorsque cette disposition est mise à exécution, la question peut légitimement être posée de savoir si l'individu peut encore être substantiellement qualifié d'associé : dépourvu de son droit de vote, il se trouve privé de l'une des prérogatives essentielles qui concouraient à sa définition. Il ne peut manifester son affectio societatis de manière satisfaisante. Ce dernier est ainsi amputé de l'un des moyens les plus efficaces pour participer à la vie de la société. Pour autant, les droits politiques de l'associé n'ont pas totalement disparus. Ils n'ont pas ²changé de forme, ils se sont mués en un droit d'intervention. La suppression du droit de vote à fait place à une autre façon de participer. Le droit à l'information a rejoint en importance le droit de vote de l'associé. C'est pour cette raison que l'associé sans droit de vote dispose néanmoins d'un droit d'intervention. Ce dernier est un droit de critique qui suit la logique du droit de vote52(*). Il fût mis en évidence par Thaller, d'après lequel « le rapport issu d'un contrat de société implique une ingérence, un contrôle étroit et une faculté de critique dans la manière dont s'accompliront les affaires communes, c'est-à-dire un pouvoir d'intrusion53(*). Par conséquent, le droit d'intervention est un droit de contrôle des dirigeants susceptible de pallier partiellement la suppression du droit de vote.

De même que l'atteinte aux fondements classiques de la notion d'associé se manifeste par le recul de la notion d'affectio societatis, et principalement par la restriction du droit de vote ; on constate que la participation aux résultats des associés est amoindrie.

* 40. CHOUKROUN, « Les droits des associés non gérant dans les sociétés à responsabilité limitée », thèse Paris (LGDJ, Bibl. de droit privé, tome III), p. 49 ; GAILLARD, « La théorie institutionnelle et le fonctionnement de la société anonyme », thèse Lyon, 1932, p. 56.

* 41. G. DAMY, « La remise en cause de la notion classique d'associé : vers une atteinte aux fondements du droit des sociétés », Petites Affiches, LPA, 26 juillet 2007, n° 149, p. 3

* 42. M. COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSI, Droit des sociétés, 17eme éd, Juris- Classeur, Litec, 2004, p. 144.

* 43. H. LENABASQUE, « les droits financiers de l'associé : Mélanges J. Normand, Litec, 2003, P. 307.

* 44. Cass. Com., 9 février 1999 : Rev. Sociétés 1999, p. 80, notes P. LE CANNU. - Sur le droit de vote de l'usufruitier.

* 45. « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ».

* 46. Com. 9 févr. 1999, Bull. civ. IV, n° 44; D. 2000. Somm. 231, obs. Halloin; Rev. Sociétés 1999. 81, note LE CANNU.

* 47. LE CANNU, op. Cit. n° 242 et 243.

* 48. A. LIENHARD, « l'exclusion d'un associé de SAS par décision collective », Droit des affaires, D. 2007.

* 49. Signalons néanmoins que la loi du 2 Août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (JO du 3 Août 2005, p ; 12639) comporte une mesure relative à l'assouplissement des conditions de quorum pour la tenue des assemblées générales extraordinaires et ordinaires.

* 50. Art. L 228-15 du C. com.

* 51. Il convient de préciser que la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques avait clairement considérer le droit de vote comme la prérogative la plus essentielle de l'associé, celle qui lui permet de la manière la plus efficiente de participer aux affaires sociales.

* 52. T. MASSART, « les actions de préférence et la question du droit de vote », Dr. Et patr, n°130, 2004, p. 84.

* 53 . Cass. Req. , 3mars 1903, D1904, I, 257, notes Thaller. Cf. A. VIANDIER, op cit, p.170.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe