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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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B/... L'insoutenabilité de la dette comme limite des PAS et de l'Initiative PPTE

De nombreuses analyses montrent que la dette extérieure des PPTE ne parviendra pas à la stabilité après l'atteinte du point d'achèvement. Plusieurs raisons expliquent cet échec, notamment la lenteur du processus, alors que certaines dettes doivent être urgemment allégées, et des projections de la viabilité à moyen terme beaucoup trop optimistes de la part des experts washingtoniens... alors que ce sont elles qui déterminent le montant des allègements.

1 La lenteur de la procédure et l 'irréalisme des projections.

La lenteur du processus s'explique essentiellement par le difficile respect de toutes les conditionnalités, mais aussi par des facteurs exogènes aux PPTE. En effet, les pays, notamment en Afrique, sujets à l'occurrence de chocs exogènes, font l'objet d'un suivi et d'une évaluation délicate de leurs politiques en raisons des difficultés statistiques et se voient également parfois imposer un report de l'allègement dont les raisons sont très ambiguës. Dans son rapport de 2003 sur l'état d'avancement de l'initiative, la Banque mondiale admet la difficulté d'atteinte des OMD en raison du « ralentissement économique mondial, [de]la baisse des cours mondiaux de nombreux produits de base et [de] l'accumulation des dettes (...) et cela indépendamment du stade auquel se trouvaient les PPTE dans le processus d'allègement »42. Ainsi pour S. Fourmy [2005], la cause majeure des retards reste le non-respect des conditionnalités43. Soit le pays n'a pas pu appliquer son programme, soit il a pris du retard dans l'exécution. Et dans ce cas, l'évaluation du suivi par le FMI est également différée. Ainsi, «la période intérimaire s'est allongée au fil du temps, passant de 0,2 année au début de 2000 (Ouganda) à 5,5 années en 2006 (Cameroun). La durée de cette période pourrait s'accroître encore, dans la mesure où des pays comme le Malawi, Sao-Tomé-et-Principe, la Guinée, la Guinée-Bissau et la Gambie tarderont certainement davantage à atteindre le point d'achèvement »44.

42 Services du FMI et de la Banque mondiale, 2003, «Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) : Rapport d'avancement », p. 28, http://siteresources.worldbank.org/DEVCOMMINT/Documentation/20139733/DC2003-0014(F)-HIPC.pdf

43 Fourmy S., 2005, « L'initiative PPTE et ses conditionnalités : petite carotte et gros bâton », Plate-forme Dette et Développement, chapitre 4 du rapport 2005/2006, «La loi des créanciers contre les droits des citoyens, p.60 et 61.

44 Comité du développement (FMI et Banque mondiale), 2006, «Initiative des pauvres très endettés (PPTE) et Initiative d'allègement de la dette multilatérale (IADM) : Etat d'avancement », p. 4, http://siteresources.worldbank.org/DEVCOMMINT/Documentation/21194815/2007015544FRfr007_HIPC_Text. pdf

En outre, le suivi et l'évaluation des avancées sont délicats àréaliser correctement dans la mesure où les statistiques sont difficilement collectées, en raison « d'une pénurie de données macroéconomiques et socio-économiques de qualité. Lorsqu'elle sont disponibles, les données ne sont pratiquementjamais désagrégées par région géographique ou par genre »45. Au total, «au 1er octobre 2006, seuls 20 des 42 PPTE initiaux sont parvenus au terme de l'initiative (...). Dix pays ont franchi une première étape (point de décision). Neuf autres en sont restés au point de départ »46. Le problème est que, dans les cas où le fardeau de la dette pèse considérablement sur les populations et aurait donc besoin d'être apaisé rapidement, les retards ont des conséquences considérables. De plus, pour certains auteurs [Merckaert, 2006], les IFI et leurs actionnaires ne seraient pas vraiment volontaires pour accélérer le processus, sachant qu'un dollar remboursé à cause d'un passage retardé du point d'achèvement, constitue un dollar en moins à annuler.

Ce même nombre de dollars à annuler est par ailleurs fonction des projections de soutenabilité de la dette faites par les institutions de Bretton Woods. Ces estimations se basent sur des évaluations macroéconomiques prospectives plus qu'optimistes. L'estimation de la viabilité de la dette à moyen terme est irréaliste pour trois raisons au moins.

D'abord, elle ne tient pas compte des créanciers de «second rang » 47 qui, suite à l'allègement, vont réclamer leur dus (voir tableau 20 en annexe p.159). Car de nombreux pays ont accumulé des arriérés entre 1994 et 1998, qui seront réclamés dès la sortie du dispositif. En-suite, les projections omettent les futurs emprunts qui serviront à financer un développement indispensable. Enfin, les postulats de base reposent sur des anticipations trop euphoriques. En effet, dans les cas de l'Ouganda ou de la Tanzanie, le FMI et la Banque anticipent un taux de croissance annuelle moyen de 9% des recettes d'exportations, et de 6 à 10% du PIB aussi bien que des recettes publiques sur vingt ans. Or, la projection des recettes publiques ou d'exportations est sujette à caution. En effet, les institutions se réfèrent au niveau moyen des exportations et des recettes publiques sur les trois dernières années avant l'entrée dans le processus. Par conséquent, la conjoncture du pays au cours de ces trois dernières années conditionne le niveau de l'allègement. Or, connaissant l'instabilité des cours mondiaux des produits de base aussi

45 BAD, 2006, «Rapport sur le Développement en Afrique », op. cit., p. 87.

46 Merckaert J. 2006, «Dix ans après le lancement de l'initiative PPTE. Evaluation critique du traitement de la dette par le G8 », op. cit., p. 6,

47 Toussaint E. et Zacharie A., CADTM, 2002, « Sortir de l'impasse, Dette et ajustement », éd. Syllepse, p. 99.

bien que du cycle économique des pays africains, ces estimations donnent lieu à des résultats trop aléatoires. Le cas de l'Ouganda est éloquent puisqu'il s'agit d'un PPTE qui devait donc connaître une forte croissance à tout point de vue, mais qui, au lieu de cela, a été victime d'une chute brutale des cours, du milieu des années 1990 jusqu'à la fin de 2002. Le pays a alors dû procéder à de nouveaux emprunts auprès du Fonds et de la Banque. Il s'est donc retrouvé à nouveau surendetté en 2004, selon les critères de l'initiative dans la mesure où les projections n'avaient pas pris en compte de tels aléas conjoncturels (et, pour le coup, pas seulement de court terme), pourtant fréquents dans le cas du continent tout entier. Car des projections aussi optimistes réduisent d'autant l'allègement consenti.

Mais ce ne sont pas seulement les anticipations de croissance économiques qui font défaut. D'une part, il faut rappeler que bien qu'ayant un impact important sur les finances publiques et le développement, la dette publique intérieure est trop négligée. D'autre part, dans le cadre du ciblage des dépenses publiques, «la CNUCED avait précédemment indiqué que, quand on choisit d'affecter les dépenses publiques à certains secteurs plutôt qu'à d'autres, il faut considérer ce choix du point de vue de son impact général sur la croissance et que, dans le contexte africain, des niveaux élevés et croissants d'investissements public sont indispensables, particulièrement dans l'infrastructure, pour enclencher un processus de croissance soutenue »48. Or, les DSRP privilégient les dépenses sociales, bien qu'elles soient très importantes également, bien entendu. Mais un tel effet de substitution a des conséquences sur le niveau de croissance global, susceptible d'engranger des ressources pour le désendettement. Enfin (même s'il existe encore de nombreuses causes aux erreurs commises dans les projections), les taux d'actualisation à court terme liés aux monnaies jouent également un rôle majeur dans le montant de la remise de dette.

Ces taux servent en effet à calculer la VAN d'une dette supportable à moyen terme et correspondent aux taux d'intérêt commerciaux de référence (TICR) des monnaies établis par l'OCDE. Ils sont dits à court terme car ils représentent une moyenne pour la période de six mois précédent la date de référence de l'analyse du degré d'endettement tolérable. Or, ils donnent lieu à des résultats arbitraires dans la mesure où les calculs de la VAN sont extrêmement sensibles à leurs variations. «Par exemple, d'ans le cas d'un prêt de 10 millions de dollars rem-

48 CNUCED, 2002a, p. 26, tiré de CNUCED, 2004, «Le développement économique en Afrique, Endettement viable : Oasis ou mirage », op. cit., p. 22

boursables à un taux d'intérêt de 4% sur 40 ans, l'utilisation d'un taux d'actualisation de 6% aboutit à une VAN de 7,5 millions de dollars, tandis qu'un taux d'actualisation de 2% donne une VAN de 13,9 millions de dollars (presque le double)49. Par conséquent, les taux d'intérêt évoluant dans le temps, toute modification de la date de référence de l'analyse de la viabilité de l'endettement implique une modification des taux d'actualisation, et donc de la VAN de la dette des PPTE, et de l'allègement de la dette au titre de l'initiative ». Dans le cas de projections optimistes et de taux d'actualisation élevés, la dette peut ainsi apparaître viable, alors qu'elle est loin de l'être en termes réels.

Ces facteurs contribuent largement à expliquer la faiblesse des allègements accordés et, par là même, le fait que le fléau de l'endettement excessifdes PPTE africains ne sera pas éradiqué par l'initiative PPTE.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote