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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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2 Un processus participatif de fait biaisé.

Le dilemme de l'effectivité du droit de la société civile et de la population de participer à l'élaboration, à la mise en oeuvre, au suivi et à l'évaluation des politiques économiques et des programmes de lutte contre lapauvreté se pose à deux grands niveaux. D'une part, l'ingérence des IFI sur tout le processus empêche donc les acteurs les plus concernés et les plus aptes à connaître les modalités d'une croissance susceptible de résorber le fardeau de la dette de « faire leur travail ». Mais d'autre part, à l'intérieur même des pays pauvres, les modalités de mise en oeuvre de ce droit sont également compromises.

L'immixtion du Fonds et de la Banque dans l'élaboration, l'approbation et la mise en oeuvre du Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) n'est pas sans poser de problèmes. Si la Banque mondiale définit la participation comme «le processus à travers lequel des agents influencent et partagent le contrôle sur la fixation des priorités, la définition des politiques, l'allocation des ressources et l'accès aux biens et services publics »36, la réalité est toute autre. Ce processus a certes donné lieu à des débats dans quelques pays, comme l'Ouganda, le Rwanda ou la Zambie. Mais pour la plupart des PPTE africains, la différence entre les discours et les pratiques est problématique. En Tanzanie par exemple, le FMI lui-même a critiqué l'immixtion de la Banque dans l'écriture du DSRP. Soit les institutions aptes à discuter n'ont été abordées que pour la ratification du document (Mali et Sénégal), soit seuls quelques rares parlementaires ont eu le droit de parler (Bénin, Malawi). «En ce qui concerne la société civile, rares sont les pays où les syndicats ont été pleinement associés au processus »37. Dans tous les cas, les acteurs de la société civile sont tenus à l'écart des débats sur la politique économique ; domaine touj ours réservé aux experts. En outre, l'obligation de la rédaction en bonne et due forme d'un DSRP s'oppose à un allègement rapide, car urgent. Dans ces conditions, beaucoup de pays se justifient d'avoir «bâclé » une telle élaboration par le fait que leur dette est justement trop insoutenable pour attendre. Les gouvernements ayant besoin d'un financement rapide, se conforment mécaniquement aux attentes des IFI, considérant de fait que toute participation est inutile. Les grandes lignes du DSRP étant de toute façon établies à

36 Définition donnée lors d'un atelier organisé par la Banque mondiale, du 29 avril au 3 mai 2002 à Washington. Pour en savoir plus, voir: www.worldbank.org/wbi/socialprotection/africa/hq/pdfpapers/ shahfr.pdf. Extrait tiré de Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003, «La dette face à la démocratie », p. 19.

37 Id, p. 20.

l'avance, la discussion n'a pas lieu d'être. Dès lors, l'élaboration d'un «contre-DSRP» dans plusieurs pays démontre non seulement que la participation de la société civile est insuffisante, mais également que celle-ci voudrait manifestement prendre part aux discussions. Ce n'est donc pas comme si elle s'en désintéressait, par résignation.

D'un autre côté, si l'ingérence des IFI est très souvent condamnable, peut-être que celle-ci pourrait être justifiée dans certains domaines. Car par définition, les pays pauvres n'ont pas les moyens de mettre en place une telle participation dans la mesure où celle-ci n'ayant pratiquement jamais existé, il faudrait « l'inventer ». Evidemment, une telle intervention dans ce domaine ne serait justifiable qu'avec une procédure délimitant strictement les prérogatives du Fonds et de la Banque.

Ainsi, la Banque mondiale considère que trois critères sont essentiels pour assurer une participation effective de la société civile au niveau national. Premièrement, celle-ci doit être légitime, dans la mesure où le (les) représentant(s) doivent être habilité(s) ou reconnu(s) publiquement. Deuxièmement, le groupe doit être représentatif, c'està-dire représenter les intérêts et les besoins de la population concernée. Enfin, il doit être capable, disposant alors des « capacités organisationnelles et analytiques pour remplir ses objectifs, énoncer ses demandes, défendre ses intérêts et pour participer au dialogue national »38 ; Or, ces trois critères ne sont jamais totalement respectés dans les PED. Concernant le critère de la légitimité, il n'existe pas de groupe y répondant véritablement dans ces pays, les ONG faisant souvent office de «courtiers en développement »39. De plus, même les ONG peuvent manquer de légitimité, de représentativité et de capacité. Et les groupes qui peuvent parler au nom de la population sont seulement ceux qui ont le plus de pouvoirs. Ils ne sont donc pas légitimes et encore moins représentatifs, puisqu'ils servent essentiellement leurs propres intérêts. Car, les PED sont souvent caractérisés, à l'échelle politique, par d'importantes lacunes en matière de coordination et d'organisation de la société civile.

Et pour cause, il n'existe aucun type de formation ou d'information de la société qui puisse l'habiliter à discuter pertinemment des réformes qui vont la concerner en premier lieu. Financièrement, ces deux conditions (formation et information) sont beaucoup trop onéreuses à instaurer. Le secteur de la statistique représente effectivement une grande faiblesse. Les institutions statistiques sont elles-

38 Cling J.-P. et al., unité de recherche CIPRE de l'IRD, 2002, in « Les nouvelles stratégies internationales de lutte contre la pauvreté et pour les droits humains », p.8, http://www.hcci.gouv.fr/lecture/synthese/ lutte-contre-pauvrete-dsrp-cling-roubaud.html.

39 Id.

mêmes défaillantes, manquant de res sources humaines pour procéder à des enquêtes, et ne pouvant affirmer la fiabilité des rares informations soutirées. D'ailleurs, leurs résultats n'ont même pas d'impact sur les orientations politiques.

La relative légitimité de l'arbitrage des IFI (notamment des conflits d'intérêts) en faveur de l'effectivité du processus participatif, tient également au fait que l'Etat manque, lui aussi, de légitimité, de représentativité et de capacité dans bien des cas.

A une échelle «neutre », «certes, les DSRP confèrent un rôlepivot à l'État, en tant que pilote du processus participatif, et responsable de la conduite des politiques de lutte contre la pauvreté ; mais l'État estil capable d'assumer ces nouvelles responsabilités après plusieurs décennies de crise et d'ajustement structurel gouverné par la philosophie du « moins d'État»? »40. Il est possible d'en douter. D'autant plus que dans bien des situations, l'Etat n'est pas vraiment volontaire pour prendre le temps de questionner correctement sa société civile. En effet, à titre d'illustrations, soit les Gouvernements choisissent soigneusement les quelques organisations qui auront le droit de parler (Ghana, Cameroun, Sénégal, Tanzanie et Niger), soit ils les questionnent au dernier moment (la veille de la ratification pour la Tanzanie et seulement dans la capitale pour la Tanzanie encore, et le Mozambique), dans une langue inconnue de nombreuses régions du pays (Niger), ou encore sans leur donner accès aux documents clé (Zambie, Mozambique, Sénégal). «Selon le PNUD, le Lesotho avait même prévu de ne mener les consultations qu'après l'adoption du DSRP! »41.

Les IFI ne devraient plus oublier qu'elles n'ont pas affaire, dans la majorité des cas, à des régimes démocratiques de type occidental, mais à des sociétés qui possèdent leur propre mode de fonctionnement. «L'objectif d'appropriation [à travers le processus participatif] risque donc de buter sur ce manque de capacité, avec pour conséquence un retour à des pratiques de prise en charge extérieure de l'élaboration des politiques que l'on annonçait pourtant révolues ». Pourtant, qui mieux que les populations concernées connaissent les stratégies à mettre en oeuvre pour relancer la croissance selon un modèle endogène, et ainsi gérer correctement le processus d'endettement? Les limites des PAS sont donc désormais celles de l'initiative PPTE.

40 Id, p. 10.

41 Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003, op. cit., p. 20.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault