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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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II - ... Indispensable à la modeste survie des débiteurs.

Les rééchelonnements ne font que différer le problème de la charge de la dette, qui plus est plus lourde avec les intérêts du temps. Il ne s'agit alors pas nécessairement d'annuler toutes les dettes des PED, compte tenu des difficultés de financements et de moyens désormais connues (notamment pour la Banque mondiale et la BAD). Mais il est admis que certaines dettes des PPTE d'Afrique sont illégitimes car ce sont les populations qui paient alors même qu'elles n'ont jamais vu la couleur des fonds empruntés. Ce type précis de dette est intolérable et doit être annulé.

Dans un second temps, il est absolument nécessaire de repenser les politiques de «bonne gouvernance ». Les politiques austères ont montré leurs limites et effets pervers pendant plus de trente ans. Que les pays riches continuent de faire semblant d'y croire sur leur propre territoire, c'est une chose. Qu'ils les imposent sur des territoires où s'applique «le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes »27, c'en est une autre.

A/ L'annulation totale et inconditionnelle des dettes odieuses : un préalable obligatoire.

Les dettes odieuses ne concernent qu'un petit nombre de PPTE. Mais elles constituent pour eux un lourd fardeau. Ainsi, comme l'estime Stiglitz [2006], «une solution simple au problème de la dette odieuse [est qu'] il doit être admis d'avance que ces pays n'auront pas à rembourser les prêts. Non seulement cette solution simple résout le problème du surendettement actuel, mais elle prévient son retour »28.

26 Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004, op. cit., p. 34.

27 Principe de non-ingérence, défini par l'article 2§7 de la Charte des Nations unies adoptée àla fin de la Conférence de San Francisco, le 26juin 1945.

28 StiglitzJ. E.,2006, op. cit.,p. 315.

1 Une identification des « dettes odieuses »...

Définir les dettes odieuses n'est en soi pas bien compliqué puisque la notion a été développée dès 1927 par Alexander Nahum Sack, ancien ministre de Nicolas II29 et professeur de droit à Paris. Selon lui, «si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l'Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l'Etat entier. Cette dette n'est pas obligatoire pour la nation; c'est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l'a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir »30. Néanmoins, la dette odieuse trouve son fondement dès le XIXè siècle, dans une déclaration des Etats-Unis. En 1898 en effet, les EtatsUnis refusèrent, après avoir pris le contrôle de Cuba suite à la guerre contre l'Espagne, d'honorer la dette cubaine à l'égard de la couronne espagnole. La Commission de négociation de Etats-Unis estima alors que la dette était illégitime en la qualifiant de « poids imposé au peuple cubain sans son accord »31. Aujourd'hui, et dans le cas africain, selon Tony Blair, Gordon Brown, Michel Camdessus, Trevor Manuel et al, il s'agit d'une « dette [qui] a, pour l'essentiel, été contractée par des dictateurs qui se sont enrichis grâce au pétrole, aux diamants et aux autres ressources de leur pays et qui, pendant la guerre froide, ont bénéficié du soutien des pays qui aujourd'hui touchent le remboursement de la dette. Nombre de ces dirigeants ont pillé des milliards de dollars à leur pays en se servant des systèmes financiers des pays développés »32.

Pour déceler toutes les dettes odieuses, Toussaint E. [2004] propose une idée ingénieuse ; procéder à des enquêtes citoyennes (audits) sur la légitimité des dettes dont les créanciers exigent le remboursement. L'audit peut en outre être amorcé par les différents parlements et gouvernements concernés. Le Brésil l'a effectué en septembre 2000 lorsque la Campagne Jubilé 2000, la Conférence nationales des Evêques, le Mouvement des Sans Terre (MST), la Centrale unitaire des Travailleurs (CUT) ont organisé un référendum sur la dette. Six millions de brésiliens y ont alors participé (sur 190 millions au total toutefois) car

29 Dernier tsar couronné en Russie.

30 Merckaert J., in « rendre illégales les dettes odieuses, un impératif moral et politique », chapitre 6 du Rapport 2005/2006 de la plate-forme Dette & Développement, p. 76, http://www.dette2000.org/.

31 Toussaint E., 2004, «Un financement du développement non générateur de dettes et une nouvelle architecture internationale », p. 4 et 5.

32 Le premier ministre et le chancelier britanniques, l'ancien directeur du FMI et le ministre des Finances sud-africain sont co-signataires, avec quelques autres, du Rapport de la Commission pour l'Afrique - Notre Intérêt commun, 2005, p.132. Extrait de Merckaert J., 2004, id., p. 75.

plus de 95% d'entre eux réclamaient un tel sondage. En outre, cet audit était prévu par la Constitution brésilienne de 1988. Une enquête de ce genre pourrait être organisée en Afrique subsaharienne, avec l'aide financière des anciens colons pour dépêcher du personnel sur le terrain. Mais compte tenu des sommes considérables en jeu au titre de la dette odieuse, il est prévisible que le bénévolat prévale. Tout le monde sera volontaire... Néanmoins, pour davantage de transparence et de sincérité des moyens et des résultats, un agent « occidental» devrait accompagner l'agent africain (et vice-versa).

En complément, il devrait être possible de connaître globalement la destination (tout comme la provenance) des prêts publics de grande ampleur qui ont suscité des dépenses personnelles.

Eric Toussaint fournit en outre une liste non exhaustive de ce genre de dettes (voir tableau 3 en annexe p.141)33. Parmi les pays africains concernés, figurent des cas notoires comme le Nigéria (pourtant exclu de l'initiative, cf. supra), l'Ethiopie ou encore le Congo. Quelques exemples bien identifiés permettent alors de passer en revue la gravité de la situation. Le Nigéria était donc redevable en 2004 d'une dette de 30 milliards de dollars, essentiellement composée des intérêts cumulés d'emprunts contractés durant les dictatures militaires corrompus de 1964 à 1979 et de 1983 à 1999. Durant ces périodes, les richesses du pays ont été pillées à travers l'extraction de près de 250 milliards de dollars de pétrole. Aujourd'hui, il n'est pas identifié PPTE car il s'agit d'un pays pétrolier qui peut honorer seul ses dettes. Le doute est pourtant largement permis.

La population d'Ethiopie épurait encore en 2006 la mégalomanie et le sang versé par le dictateur Mengistu (1977-1991). Ce dernier, lors de la Terreur Rouge (sang) a brutalisé le pays, après la chute de Hailé Sélaissié en 1974, jusqu'à son propre renversement en 1991. Les Ethiopiens remboursaient donc les armes qui ont servi à tuer leurs frères de combat à hauteur de 8 milliards de dollars.

Quant au Congo, les puissances occidentales et les institutions financières internationales lui ont accordé des prêts ambigus durant la Guerre froide. Mobutu Sese Seko, son dictateur, a déposé les fonds empruntés sur des comptes bancaires secrets, en Suisse et ailleurs. Les population n'ont donc jamais profité de ces ressources, pendant que les créanciers savaient (ou auraient dû savoir) que l'argent ne servait en rien au développement du pays. Mais comme le précise Stiglitz, «ce n'était

33 Toussaint E., 2004, «Un financement du développement non générateur de dettes et une nouvelle architecture internationale ».p7. Toussaint E., 2004, op. cit., .p7

pas le but: ils voulaient acheter au Congo son amitié dans la Guerre froide, ou du moins le dissuader de la vendre à la Russie, et garantir l'accès des compagnies occidentales aux riches ressources naturelles du pays »34. Et voilà comment le Congo est devenu un PPTE persécuté par une dette de 8 milliards de dollars à la fin du régime de Mobutu, et à qui le Club de Paris et les IFI concèdent gentiment un allègement de dett e conditionné, en précisant tout de même que l'allègement leur coûte cher. Et de constater que le pays n'atteindra pas malgré tout un niveau d'endettement soutenable. Pendant ce temps, l'ancien dictateur s'en était allé vivre des jours heureux non seulement grâce au silence des créanciers, mais aussi et surtout grâce à une jolie fortune personnelle (à lui tout seul donc) comprise entre 5 et 10 milliards de dollars.

Est-il besoin d'aller plus loin dans la description des cas concrets pour justifier une annulation pure et simple, immédiate, intégrale et inconditionnelle de ces dettes ? Sûrement pas.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery