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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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2 ... Nécessaire à leur annulation.

Les arguments pour l'annulation de ce type de dettes sont irréfutables. Quant au financement, il peut être aisément trouvé. En outre, de telles annulations ont déjà eu lieu à plusieurs reprises. Déjà, lorsque les Etats-Unis refusèrent de payer la dette cubaine à l'Espagne (voir partie précédente), un traité international entre les deux parties, signé à Paris en 1898, annula tout simplement ladite créance.

La doctrine de la « dette odieuse » a été revendiquée à de nombreuses reprises par les mouvements citoyens ces dernières années. Mais les successeurs des dictateurs et les créanciers ont fait la sourde oreille. Ce sont les Etats-Unis qui ont relancé le débat en demandant aux créanciers bilatéraux publics de l'Irak (Russie, France, Allemagne) d'annuler la dette du pays en 2003. De fait, « sous le patronage américain, l'Irak a fini par obtenir un allègement. De nombreux autres pays qui, à presque tous les points de vue, le méritaient tout autant ou davantage n'ont rien eu »35. Cette situation est anormale. Quitte à annuler seulement la valeur actuelle nette (VAN, et même pas à leur valeur marchande) de ces dettes en se référant aux dates des emprunts (voir tableau 3 en annexe p.141), un effort aurait déjà dû être fait. Une telle suppression allègerait considérablement la dette de pays qui, par définition, ne sont même pas

34 Stiglitz, 2006, op. cit., p. 314.

35 Stiglitz J. E., 2006, op. cit., p. 326.

de véritables débiteurs. Ses dettes sont dues à différents gouvernements du Nord, notamment les alliés des américains durant la Guerre foire, mais certaines appartiennent aussi aux IFI. Qu'ils les reprennent, mais pas aux populations, ou qu'ils cessent de vanter leur participation à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), et se déclarent carrément contre dans ce cas.

Si des arguments juridiques sont quand même demandés, alors les cas de « force majeure » et le « changement fondamental de circonstances » peuvent justifier l'annulation. Au niveau du droit international, la Commission de droit international de l'ONU (CDI) définit le premier cas par «la situation dans laquelle un événement imprévu et extérieur à la volonté de celui qui l'invoque le met dans l'incapacité absolue de respecter son obligation internationale en vertu du principe selon lequel à l'impossible nul n'est tenu »36. Pour le changement de circonstance, la jurisprudence à caractère international reconnaît qu'un changement dans les conditions d'exécution d'un contrat peut l'annuler37. Un autre argument peut venir compléter les deux premiers si besoin est, celui de l'état de nécessité. Il peut alors être invoqué lorsque le remboursement implique des sacrifices pour la population allant au-delà de ce qui est raisonnable38. Dans le cas d'une dette contracté à des fins personnelles ou mal intentionnées par un régime totalitaire, les trois sont d'actualité.

Cette annulation peut être financée. Déjà, il est nécessaire de relativiser la dette des PED au regard de celle des pays riches. La dette extérieure publique de tous les PED correspond à la dette extérieure totale des Etats-Unis (1600 milliards de dollars), pays le plus endetté au monde. Ensuite le service de cette même dette extérieure publique des PED, qui est de 240 milliards de dollars, est tout de même quatre fois inférieur aux dépenses mondiales de publicité et aux dépenses militaires. Concernant l'Afrique subsaharienne, sa dette extérieure publique est trente trois fois inférieure à la dette publique de la zone euro (pourtant deux fois moins peuplée), plus cinq fois inférieure à celle de la France (dix fois moins peuplée) et plus de 1,5 fois inférieure à celle de la Belgique (soixante fois moins peulée)39.

36 CDI, Projet d'article 31, A/CN, 4/315, ACDI 1978,II, vol. 1, p. 58. Extrait de Toussaint E., 2004, op. cit., p8.

37 Dans sa formulation originale : Contractus qui habent tractum successivum et dependetiam de futurum, rebus sic stantibus intelligentur. Idem.

38 Ace propos, la CDI déclare: «On ne peut attendre d'un Etat qu'il ferme ses écoles, ses universités et ses tribunaux, qu'il supprime les services publics de telle sorte qu'il livre sa communauté au chaos et à l'anarchie simplement pour ainsi disposer de l'argent afin de rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Ily a des limites à ce qu'on peut raisonnablement attendre d'un Etat, de la même façon que d'un individu... » (CDI, 1980, p. 164-167.), idem.

39 Millet D. et Toussaint E., 2002, « 50 Questions 50 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale », éd. Syllepse, op. cit., p. 202,203 et 207

De même, les arguments opposés des IFI ne tiennent pas. Si une telle annulation incitait trop de pays à déclarer des dettes odieuses, alors les enquêtes et les agents déployés sur place pourraient faire le tri. Cette annulation n'avantagerait pas les « mauvais » payeurs, puisque de toute façon ils n'ont pas à payer dans de telles circonstances. Elle ne saperait pas plus la confiance des créanciers puisque seuls les «mauvais» seraient intimidés et que, de toute façon, les pays africains n'ont pas, et n'auront pas avant longtemps, accès aux marchés financiers internationaux tels qu'ils sont régis aujourd'hui. Enfin, l'abolition pure et simple ne serait pas si onéreuse que le prétendent certains dans la mesure où elle ne concerne pas toutes les dettes (comme d'autres le voudraient d'ailleurs) et que des moyens de financement exposés depuis des années mais jamais explorés existent.

Une taxation mondiale ayant pour finalité le financement d'un «bien public mondial» (le développement) en taxant le mal mondial (la pollution, la spéculation financière ou le commerce des armes) pourrait permettre ladite annulation. Rentrent dans ce champs toutes les taxes type taxes sur les transactions monétaires (dont les recettes éventuelles pourraient monter jusqu'à 39,64 milliards de dollars avec une taxe de seulement 0,005% sur les monnaies les plus échangées dans le monde...), la taxation environnementale mondiale (dites « taxes vertes »), les taxations sélectives comme la taxe de solidarité internationale sur les billets d'avion, etc. Elles ont en outre le mérite de ne pas nécessiter la création d'une instance collectrice (les institutions onusiennes pouvant s'en charger) et s'inscrivent dans un laps de temps qui peut être limité. Leur seul inconvénient est revanche connu et invoqué à qui veut l'entendre.

Une taxation mondiale devrait résulter d'une «décision de coopération entre différents Etats, puisque ce sont eux qui ont le pouvoir de lever des impôts »40. Ce qui est sans compter avec le soutien du principal pays, les Etats-Unis. Mais même sans elles, le coût reste marginal. En effet, selon la CNUCED [2004], qui analyse le coût d'une annulation de la dett e de tous les PPTE, l'addition apparaît marginale par rapport aux moyens nécessaires pour atteindre les OMD (de 40 à 60 milliards de dollars pour les OMD contre 29 milliards en VAN pour l'annulation desdites dettes). «Théoriquement, les institutions de Bretton Woods et les autres banques multilatérales de développement peuvent annuler des créances irrécouvrables, comme le font les banques

40 Banque africaine de développement (BAD), 2006, Rapport sur le développement en Afrique, op. cit., p. 94 à 100.

commerciales en utilisant leurs provisions pour pertes sur prêts »41. Comme il ne s'agit pas d'annuler toutes les dettes des PPTE mais seulement les plus « odieuses », le coût est qui plus est réduit.

De plus, pour l'avenir, l'annulationpleine et entière serait en outre bien plus efficace que les sanctions commerciales auxquelles procèdent parfois l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Aujourd'hui en effet, celles-ci s'avèrent souvent inefficaces, tant le commerce avec un pays sanctionné est lucratif. Les entreprises sont donc touj ours tentées de contourner les mesures coercitives, puisque le pays est alors à leur merci. Concrètement, «les Nations Unies pourraient tenir à jour une liste de pays concernés. (...). On pourrait fixer des principes de base pour distinguer les contrats et dettes acceptables : pour construire une école, oui; pour acheter des armes, non »42. Le Tribunal international de la dett e trancherait en cas de litige.

Les solutions ne manquent donc pas. Il est alors impossible d'affirmer qu'une telle «actualisation de l'Histoire» est impossible. Dans l'hypothèse où toutes ces recommandations étaient appliquées (y compris celles tenant au «désenrichissement» des Etats du Nord), la dette aurait déjà beaucoup plus de chances de devenir soutenable. Mais dans ce cas, il serait tout aussi nécessaire de faire en sorte qu'elle le reste «pour de bon », sans faire primer l'économisme sur le social.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius