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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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B/ Les causes de la commotion des dettes africaines : un bilan trop longtemps clairsemé.

A l'époque des politiques d'ajustement, le bilan des facteurs du cercle vicieux de la dette était clairsemé ; partiel et surtout partial, car ne mettant en avant que le responsabilité du débiteur. Pourtant certaines variables exogènes, toutes aussi importantes que la mauvaise gestion interne, ont joué un rôle crucial.

1. Les causes endogènes, une histoire de mauvaise gouvernance.

Bien que datant de 1989, le document de travail du FMI sur « Le problème de l'endettement extérieur des pays d'Afrique subsaharienne »10 relate bien la position dominante de l'époque. «Les problèmes d'endettement auxquels font face les pays d'Afrique subsaharienne sont dus pour l'essentiel à l'action des pouvoirs publics, en particulier à l'accumulation de dettes extérieures qu'ils ont contractées pour financer des projets de développement ». L'essentiel est dit, à l'exception du fait que dans beaucoup de pays, les «pouvoirs publics» étaient en réalité concentrés dans les mains de dictateurs. Le rapport fait alors état de politiques économiques inappropriées.

Au niveau budgétaire, des politiques expansionnistes ont été menées pour financer d'importants projets de développement pendant l'augmentation des prix des produits de base, lors des chocs pétroliers11 dans les années 1970. Les investissements ont alors été financés par des emprunts extérieurs, pour la plupart à taux variables, aux conditions de marché et remboursables à long terme, certains auprès de créanciers privés (Zambie, Gabon, Nigeria,...) et beaucoup auprès de créanciers publics, tels que les Etats du Nord (cf. partie suivante). A la suite du contre choc pétrolier, au début des années 1980, quelques pays (notamment ceux qui avaient accès aux marchés internationaux) ont poursuivi leurs dépenses alors même que le prix des matières premières diminuait. Les recettes, y compris celles émanant des mesures protectionnistes (notamment des taxations) étaient donc bien inférieures aux dépenses. Voyant leur capacité à rembourser les premières dettes restreintes, de nombreux pays se sont alors mis à la recherche de nouveaux emprunts pour financer les précédents, mais sans infléchir suffisamment leurs dépenses publiques.

10 Greene J., 1989, in « Le problème de l'endettement extérieur des pays d'Afrique subsaharienne », in Journal of Economic Literature, document de travail du FMI, http://papers.ssrn.com/sol3/papers. cfm?abstract_id=884661

11Le premier choc pétrolier ayant eu lieu en 1973 et second, en 1979.

Cette politique budgétaire laxiste s'est accompagnée d'une politique monétaire passive qui a d'autant plus affaibli la position extérieure. En effet, l'accroissement du déficit budgétaire et de la demande privée de crédits ont suscité une expansion monétaire, qui a elle-même donné lieu à une forte inflation (hausse de 20% par an des prix à la consommation durant les années 1980). Les monnaies n'étant pas dépréciées, elles sont vite devenues surévaluées, pénalisant les exportations et favorisant les importations. Par ailleurs, de nombreux pays ont subventionné les importations de denrées, d'engrais et de produits pétroliers. En outre, la législation douanière a encouragé l'expansion d'entreprises inefficientes et à forte intensité d'importations dans le secteur manufacturier en imposant des droits de douane élevés ou des restrictions quantitatives sur les importations de produits finis parallèlement à des droits de douane faibles ou nuls pour les matières premières ou les biens intermédiaires.

Au niveau financier, les taux d'intérêt réels négatifs ont découragé l'épargne nationale, encouragé la fuite des capitaux et contribué à l'accumulation de la dette en obligeant le recours à l'emprunt. La théorie de la Répression financière12, qui influencera dans une certaine mesure les politiques d'ajustement structurel, précise en effet que la main mise de l'Etat sur le secteur bancaire implique des taux d'intérêt maintenus artificiellement bas. Or, cette «répression» décourage l'épargne, source d'investissement et de croissance, pour les auteurs. De plus, les taux d'inflation élevés, le contrôle des mouvements de capitaux et les restrictions aux investissements ont pénalisé les investissements directs, pourtant source de croissance et de recettes.

Ce document explique parfaitement la vision macroéconomique du FMI et sert de base aux politiques d'ajustement.

En revanche, ce que le rapport ne mentionne pas, c'est la nature des «importants projets de développement ». D. Millet et E. Toussaint [2002]13 parlent eux de méga-projets énergétique ou d'infrastructures (barrages, centrales thermiques, oléoducs...) très souvent inadaptés et mégalomaniaques, que l'on a surnommé «éléphants blancs ». Le but n'était pas d'améliorer la vie quotidienne des populations sur place, mais plutôt de parvenir à extraire les richesses naturelles du Sud et les transporter facilement vers le marché mondial. Par exemple, le barrage

12 McKinnon R. I. et Shaw E., 1973.

13 Millet D, Toussaint E, 2002, in « 50 Questions 50 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale », CADTM, Ed. Syllepses.

d'Inga au Zaïre14 a permis à partir de 1972 de tirer une ligne à haute tension sans précédent de 1900 km vers le Katanga, province riche en minerais en vue de leur extraction. Mais cette ligne ne s'est pas accompagnée de l'installation de transformateurs pour fournir de l'électricité aux villages qu'elle survole... Quand il ne s'agissait pas d'« éléphants blancs », il s'agissait aussi parfois d'achats de matériel militaire pour assujettir les peuples, avec la complicité active ou passive des créanciers, publics comme privés. La dette qu'ont laissé ces dictatures est considérable (voir tableau 24 en annexe p.163).

Il convient de rajouter en dernier lieu les commissions prises par les régimes autoritaires, alliés stratégiques des grandes puissances du Nord, sur les fonds provenant des emprunts. Car toutes les sommes empruntées ne parvenaient pas jusqu'à la population. Il s'agit là d'un facteur important puisqu'il demeure encore aujourd'hui difficile d'expliquer, par exemple, comment « à sa mort, Mobutu Sese Seko, à la tête du Zaïre pendant plus de 30 ans, disposait d'une fortune estimée à 8 milliards de dollars, équivalant aux deux tiers de la dette de son pays, sans compter l'enrichissement de ses proches ».

Les populations sont ainsi lésées depuis le début, certaines remboursant même une dette ayant servi à supprimer leurs concitoyens. Encore faut-il de rajouter à ces faits les instabilités mondiales et les ambitions des créanciers de l'époque pour boucler le véritable bilan des causes du surendettement.

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