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La liberté du sujet éthique chez Kant et Fichte

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par Christophe Premat
Université Paris I - DEA d'Histoire de la Philosophie 2000
  

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b) Aporie de l'éducation : pour éduquer convenablement, il faudrait avoir déjà été correctement éduqué.

Nous touchons une aporie au sein de l'éducation, qui en transpose une autre plus fondamentale et qui est à l'oeuvre dans l'histoire sous forme d'un antagonisme entre la passion pour la liberté et les exigences de la réalisation de l'Idée de liberté. Ainsi lit-on dans la sixième proposition de l'ouvrage Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique : "l'homme est un animal qui, lorsqu'il vit parmi d'autres individus de son espèce, a besoin d'un maître.[...] Il a donc besoin d'un maître qui brise sa volonté particulière et le force à obéir à une volonté universellement valable, afin que chacun puisse être libre."19(*) Ce noeud se traduit dans l'éducation dans une relation entre le professeur et l'élève. De même le rapport au maître implique le problème de l'élaboration d'une constitution civile la plus parfaite possible, de même le rapport entre l'élève et le professeur sous-tend celui d'une organisation administrative adéquate. Cela implique une attention réciproque entre les hommes et le produit de cette attention est une constitution qui doit tendre dans la pleine reconnaissance des droits de chacun même si cette constitution ne sera jamais achevée. Il faut trouver un système éducatif approprié qui permette aux enfants d'apprendre à penser par eux-mêmes, cette liberté d'esprit étant indispensable pour faire advenir une liberté morale. Ce système ne peut pas ignorer les maximes du sens commun que sont : "1.penser par soi-même ; 2. penser en se mettant à la place de tout être humain ; 3. penser toujours en accord avec soi-même. La première est la maxime de la pensée sans préjugé, la deuxième celle de la pensée ouverte, la troisième celle de la pensée conséquente."20(*) Si l'institution contredit ces maximes minimales, alors la raison sera passive et donc hétéronome, l'enfant ne sera pas cultivé mais asséné de préjugés qui écartent définitivement tout terrain moral. On s'enlise dans l'aporie si on présuppose un système éducatif librement organisé, qui a pour tâche d'éveiller l'enfant à sa propre liberté. Nous devons repenser d'une autre manière la relation entre l'éducation et l'institution et reconduire rigoureusement la distinction entre le point de vue de l'homme et celui de l'espèce, car l'homme est capable de sortir de son état de minorité sans que pour autant l'espèce en soit sortie. L'éducation ne dépend donc pas originairement de l'institution politique même si elle en est nécessairement affectée. La liberté de penser n'a pas attendu la liberté civile et par un paradoxe historique, un moindre degré de liberté civile est plus favorable au développement de l'esprit du peuple : Frédéric II fournit le schème d'une séparation radicale de la pensée libre et du pouvoir. Le peuple obéit alors que le public est libre dans le domaine de la raison, Kant entendant par public l'ensemble des gens qui lisent. "Un degré supérieur de liberté civile paraît avantageux pour la liberté de l'esprit du peuple, mais il lui oppose des barrières infranchissables ; un degré moindre de liberté civile, en revanche, procure à l'esprit l'espace où s'épanouir selon toutes ses capacités."21(*) Plus la liberté civile est comprimée et plus l'espace pour la liberté de penser est grand parce que le sujet a un besoin de se créer un lieu où il ne peut être contrôlé, ce lieu étant occupé par la raison. On peut raisonner tant que l'on veut du moment que l'on obéisse, l'obéissance étant ici corrélative à un travail de sa pensée. Si l'éducation avait été plus libérale, c'est-à-dire si l'institution qui incarne cette éducation avait été plus souple dans sa législation et avait eu de la distance par rapport au pouvoir politique, on n'aurait peut-être pas eu les conditions nécessaires pour que cet espace de la raison soit cultivé. L'éducation est donc prise dans un antagonisme moteur entre la liberté civile et la liberté de penser, d'autant que cet antagonisme a des effets réflexifs qui exhibent une dynamique de progrès : "cette tendance influe en retour, progressivement, sur la mentalité du peuple et, finalement, sur les principes mêmes du gouvernement".22(*) L'homme doit sortir de sa minorité pour aider les autres à s'en sortir, tout comme il a eu besoin des autres pour devenir majeur et se forger un caractère. Sa mentalité se forme grâce à l'aide précieuse des autres, et elle se forme aussi pour les autres et c'est en ce sens que la mentalité éthique surgit, puisqu'il n'y a de mentalité éthique que si les exigences communautaires sont prises en compte en l'homme. Pour autant, le public (celui qui lit) ne doit pas être traité comme peuple pas plus que le peuple comme public, c'est-à-dire que le politique ne doit pas légiférer ce qui relève de la raison, tout comme la raison ne doit pas se faire propagandiste dans le domaine de la politique.

Cela est primordial, spécialement dans les derniers degrés de l'éducation que constitue l'Université. La Faculté de Philosophie ne doit pas être offusquée dans son prestige, lorsqu'elle est placée après les Facultés de théologie, droit et médecine, ceci en vertu de cette séparation entre Raison et législation politique. Il n'empêche qu'elle a une supériorité sur les autres Facultés qui tient à son indépendance d'esprit, son autonomie étant la liberté. "Il faut absolument, pour la république savante, qu'il y ait à l'Université encore une faculté qui, indépendante des ordres du gouvernement pour ce qui est de ses enseignements, ait la liberté non de donner des ordres, mais pourtant de les juger tous, une faculté qui ait affaire à l'intérêt scientifique, c'est-à-dire à la vérité, où la raison doit avoir droit de parler publiquement"23(*). Si la séparation des domaines de la raison et de la politique est nécessaire, il n'empêche que l'éducation appelle dans le même temps une réforme institutionnelle pour permettre de donner une assise à cet espace de la liberté de penser. Une fois que l'institution reconnaît la place à part entière de cette Faculté, alors celle-ci peut participer à la formation du jugement des étudiants. La faculté de Philosophie joue alors un rôle prépondérant dans l'accomplissement d'une éducation, elle devient un des grands lieux de la transmission non pas du savoir, mais d'une attitude de liberté essentielle. C'est peut-être ce concept de transmission qui nous fait sortir de l'aporie de l'éducation, transmission qui est à l'oeuvre dans les relations entre les professeurs et les élèves, et ce dès le plus jeune âge de l'enfant. Cette transmission est celle du bien le plus riche en l'homme, à savoir celui de l'Idée de liberté appelant une réalisation infinie. Plus cette transmission est convenablement assurée, plus une vocation de l'élève s'esquisse, vocation signant l'acquisition d'une certaine mentalité.

* 19 Emmanuel KANT, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, Trad. Luc FERRY, éditions Gallimard, Paris, 1985, p.485.

* 20 Emmanuel KANT, Critique de la faculté de juger, § 40, Trad. Collective, éditions Gallimard, Paris, 1985, p.245.

* 21 Emmanuel KANT, Qu'est-ce que les Lumières?, Trad. Heinz WISMANN, éditions Gallimard, Paris, 1985, p.505.

* 22 Ibid., p.505.

* 23 Emmanuel KANT, Le Conflit des facultés, Ak. VII, 20, Trad. A. RENAUT, La Pléiade, tome III, p.816.

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