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L'utilité chez Hegel et Heidegger

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par Christophe Premat
Université Paris I - Mémoire de philosophie 1998
  

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Le travail comme moyen-terme réel dans la relation de l'esprit à la nature

La philosophie pratique consiste simplement à croire que le Moi ne se réalise uniquement que par son rapport dialectique à la nature et qu'il constitue une confrontation réelle et non pas une rupture idéale. L'esprit, en se faisant pratique, ne se naturalise pas puisqu'il spiritualise ou humanise la nature. La nature réelle devient ici le contenu de la conscience. L'utilité n'est plus une utilisation idéale de signes linguistiques pour exprimer le contenu idéal de cette nature mais devient confrontation réelle à la nature et prend la forme d'une interaction et d'une liaison entre les différents sujets agissants. Si le langage semble un outil idéal et symbolique, le travail est un outil réel car il est le résultat d'une volonté qui se fait outil. L'homme doit transfigurer, mobiliser la matière inerte : la première définition de l'homme, c'est qu'il est essentiellement travailleur et technicien. Par sa nature même, l'homme doit nier la nature, supprimer la matière, la fixité et la finitude jusqu'à ce qu'elles cessent de résister à l'Esprit. L'Esprit n'est plus considéré comme la conscience mais comme la conscience agissante, la conscience en tant qu'elle est inquiète : cette conscience existe encore de manière négative, en tant qu'elle doit s'opposer à son autre, la nature. Le travail répond à un désir de l'homme qui est d'abord de satisfaire ses besoins. Dans la satisfaction des besoins, l'homme nie la nature, et l'esprit accède à sa première forme d'existence. L'utilité est conçue comme un appel crée par le système des besoins : dans l'utilisation réciproque et l'interaction, ces besoins sont supprimés et le travail doit transformer la nature de manière radicale et créer un rapport social entre les différentes consciences. Le travail passe par l'instrumentalité, c'est-à-dire la maîtrise de l'outil. "La conscience obtient une existence réelle opposée à l'existence idéale précédente dans la mesure où, dans le travail, la conscience se change en ce moyen-terme qu'est l'instrument". 68(*) L'utilité se fait instrumentalité, elle s'incarne concrètement dans l'outil : c'est par cette singularité qu'est l'outil que je travaille l'Universel au même titre que les autres. La conscience se change en ce moyen-terme qu'est l'instrument, c'est-à-dire qu'il se produit un transfert du contenu de la conscience dans l'outil. La conscience décharge son contenu dans l'outil qui lui travaille la nature. Ainsi, en transformant la nature, la conscience modifie elle-même sa nature.

Les énergies investies dans le processus de transformation de l'objet travaillé se trouvent détournées et transférées dans l'outil qui devient un existant car la conscience fait exister ses différents moyens-termes, ses Media comme plus tard, dans la Phénoménologie de l'Esprit, l'Esprit fera exister ses médiations et ses différents moments. "L'instrument est le moyen-terme existant rationnel, l'universalité existante du processus prarique". 69(*) L'outil constitue ainsi la première manifestation de la ruse de l'homme par rapport à la nature. L'homme évite son aliénation par rapport à ce qu'il travaille (c'est-à-dire la nature) en transférant son énergie dans l'outil, il se libère donc réellement de la nature par l'instrumentalité. L'outil est un dépôt de "l'universalité", il est la saisie du "processus pratique" de cette "universalité existante" : l'esprit se découvre comme praxis dans l'utilisation de ces moyens-termes et qui plus est, comme praxis rusée échappant à la réification et à la dépendance de son autre, la nature. Or, cette "universalité existante" peut se saisir dans le développement concret d'un peuple, le peuple étant une entité universelle en action. Ce qu'il y a de plus réel pour un peuple, c'est ce travail universel où l'esprit devient l'esprit d'un peuple (Volksgeist). Cette totalité concrète que signifie le peuple s'effectue à partir du travail effectué à l'intérieur de chaque famille. Le peuple en travaillant, se forme une véritable culture (Bildung) et c'est en ce sens que les instruments qu'il utilise reflètent et fixent cette culture dans le temps. Quand Hegel évoque un "orgueil des peuples pour leur instrument", il veut dire que l'instrument en tant que moyen possède plus de valeur que la fin. Cette valeur qu'Hegel accorde à l'instrumentalité montre qu'un instrument est un moyen-terme concret par lequel un peuple s'exprime et exprime sa culture. Il est doté ainsi d'une valeur spirituelle et de plus il a une valeur de transmission : en effet, si le travailleur meurt et l'objet produit est consommé, l'instrument, lui, demeure. Autrement dit, l'outil reste un moyen permanent. "Il se transmet dans les traditions"70(*). Heidegger n'insiste pas trop sur ce point capital : dans l'instrumentalité, nous avons un véritable dépôt d'une culture et d'une tradition parce que l'instrumentalité est le reflet d'une historicité, d'une transmission d'un rapport à la nature. C'est le désir humain, qui à travers l'instrument, crée le monde de la culture. Alors que Heidegger a tendance à opposer l'instrumentalité à la culture (notamment dans la deuxième partie de sa vie quand il s'adonne à une critique systématique du règne de la technique), Hegel lie intrinsèquement ces deux aspects. Il n'existe pas un monde de l'utilité et un monde de la culture, mais un monde de la culture. L'être-utile n'est pas forcément une déchéance de l'être-là, il est plutôt ce "moyen-terme" qui conserve une tradition authentique.

* 68 G.W.F HEGEL, Prem. phil. de l'Esprit, Trad. Franç. Guy PLANTY-BONJOUR, éditions PUF, coll. Épiméthée, Paris, 1969, p.58.

* 69 Ibid., p.99.

* 70 Ibid., p.100.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon