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L'utilité chez Hegel et Heidegger

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par Christophe Premat
Université Paris I - Mémoire de philosophie 1998
  

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d) étude de la relation entre le droit, la culture et la société

Si l'individu assume son être social, il a nécessairement un rapport à l'administration de la justice, à la police et à la corporation. Il a ainsi un rapport au droit et aux organisations juridiques. L'individu de la société civile n'est que s'il a un rapport déterminé à l'État. En effet, quand l'individu travaille, il travaille non seulement la chose naturelle mais il se forme : on assiste ainsi à un procès d'universalisation du Soi et d'effectuation de l'universel. Ce double procès, c'est justement le processus de la culture (die Bildung). Pour Hegel, l'homme, comme homme est un être de part en part culturel. La culture est le processus où l'homme se produit lui-même en même temps qu'il produit sa propre relation consciencielle au monde. La culture en tant que processus d'universalisation maintient précisément à l'homme cette nécessité de l'Universel. Le travail n'est plus conçu comme un moyen-terme (die Mitte), un rapport à la nature comme Hegel l'envisageait dans sa Première philosophie de l'Esprit en 1803, mais une formation d'un véritable Soi. Au paragraphe 209, Hegel précise ce processus : " Il appartient à la culture, à la pensée comme conscience de l'individu dans la forme de l'universel que je conçois conçu comme une personne universelle, terme dans lequel tous sont compris comme identiques". 89(*) La réalisation des besoins humains rend nécessaire le droit et c'est la culture qui permet ce lien au droit : "Mais c'est la sphère du relatif elle-même, la culture, qui donne l'existence au droit". 90(*) Mais revenons à cette remarque du paragraphe 209 : l'homme s'identifie aux autres en tant que personne universelle. Il n'existe pas d'égalité sociale mais une égalité dans la représentation de l'universel par le concept de personne. ("terme dans lequel tous sont compris comme identiques"). La culture désigne la conscience de l'individu dans son rapport à l'universalité formelle. C'est bien parce qu'il est individu social et en tant qu'il est tel, que l'homme est aussi personne, sujet moral et membre d'une famille.

L'individu de la société civile est relié à l'État qui assure ses intérêts. C'est l'État qui assure "l'intérêt universel"91(*). "La mission de l'État est seulement la protection et la sécurité de la vie, la propriété et du libre-arbitre de chacun, dans la mesure où elle ne lèse pas la vie, la propriété et le libre-arbitre d'autrui". 92(*) L'État, par le biais de la justice, évite que certains abus soient commis, il garantit la vie de l'individu de la société civile, il le protège contre tout excès. L'État naît d'une nécessité interne ; ce sont les particularités qui ont besoin de sa présence pour stabiliser les relations de la société civile. La société civile ne doit pas se désolidariser de l'État, le droit ne doit pas disparaître de la société civile. Bien sûr, la société civile possède ses propres structures ainsi que l'État mais ils ne restent pas isolés l'un de l'auttre. Hegel le signale au paragraphe 288 : "Les intérêts particuliers des collectivités qui appartiennent à la société civile et sont en dehors de l'Universel en soi et pour soi de l'État, sont administrés dans les corporations, dans les communes et dans les autres syndicats et classes et par leurs autorités : présidents, administrateurs..."93(*) L'État n'est pas une dictature de l'Universel sur la particularité, l'État n'envahit pas la société civile mais la contrôle. Il n'est pas la fixation de l'opposition d'un Soi singulier à l'Universel mais la stabilisation et la fixité de la société civile. L'État marque plutôt l'enracinement de la société civile dans l'Universel. D'ailleurs, si la société civile a besoin de l'État pour se fonder, c'est la preuve qu'elle est un non-être ontologique ; l'État a un principe plus élevé que la société civile qui est une réconciliation, identité de l'universalité et de la particularité c'est-à-dire la singularité ou totalité. La société civile se fonde sur, dans et par l'État, l'homme se fonde sur, dans et par le citoyen. L'État hégélien est celui qui affirme résolument les droits de l'homme rassemblés en leur foyer réel comme droits de l'individu social. C'est ici qu'on peut noter une tension problématique de l'homme social et de l'homme comme citoyen : c'est même une tension entre l'homme réel et le Surhomme d'une certaine façon, car le citoyen en tant qu'individu actif à l'intérieur du tout organique qu'est l'État, se place au-dessus de l'homme réel. Mais le citoyen ne se réalise dans l'homme que comme la positivité négative de l'opposition, de la tension, en celui-ci, de l'homme et du citoyen. La présence d'une juridiction et d'une administration est nécessaire et plus qu'utile pour éviter que "les intérêts divers des producteurs et des consommateurs"94(*) n'entrent "en collision". Cet antagonisme peut en effet briser le dynamisme de la société civile et au lieu de tomber dans un conflit fatal, il faut faire appel à une institution publique supérieure aux deux parties, ce qu'Hegel nomme une "réglementation intentionnelle supérieure aux deux parties"95(*).

Ceci dit, la société civile, en tant que société de l'utilité ne connaît pas une répartition uniforme de cette utilité : on assiste de ce fait à l'élaboration de la notion de classe (die Klasse). Hegel distingue trois classes principales : d'abord la "classe substantielle" qui "a sa richesse dans les produits d'un sol qu'elle travaille"96(*) c'est-à-dire la classe agricole qui utilise les produits du sol et dont la cellule économique est la famille, puis la "classe industrielle" qui s'occupe de "la transformation du produit naturel"97(*) et la "classe universelle" qui "s'occupe des intérêts généraux, de la vie sociale"98(*). Ces classes montrent qu'il existe une séparation croissante entre des catégories d'individus dont les intérêts divergent de plus en plus à mesure que l'accumulation des richesses devient aussi, à l'autre pôle de la société civile, accumulation de la pauvreté. La société civile repose sur une inégalité, c'est pourquoi elle a besoin de l'État, où les individus sont égaux en tant que citoyens et sujets moraux : il faut qu'il y ait cette projection d'une égalité universelle formelle c'est-à-dire qu'il y ait une reconnaissance des droits de l'homme.

Or, l'homme comme être social s'accomplit et s'objective dans une classe. Il est à remarquer qu'au moment où se constituent ces "classes", la représentation de la société considérée comme un tout se défait, laissant libre jeu à des conflits qui, à terme, mettent en question l'existence de la collectivité. L'utilité s'annule, et une partie de la population, la "populace", se sent comme inutile et exclue de la société civile. Hegel emploie le terme Pöbel, qui vient de latin plebs, pour désigner cette populace. Cette expression caractérise le peuple en révolte contre la situation misérable à laquelle il est condamné, et par laquelle il est privé de ce bien-être qui serait la condition de sa satisfaction et de son consentement à l'ordre commun. Des institutions telles que la corporation ou la solidarité sociale peuvent pallier ces défauts de la société civile qui sont des excès mais jamais les résoudre car cette société civile repose sur une "contingence" et des principes subjectifs : " Si la possibilité de participer à la richesse collective existe pour les individus et est assurée par la puissance publique, cette possibilité reste pourtant soumise par son aspect subjectif à la contingence, sans compter que cette garantie doit rester incomplète"99(*). Cette phrase prouve qu'il existe une inégalité de fait au sein de la société civile due à "aspect subjectif" c'est-à-dire l'individualisme même s'il existe une proclamation d'une égalité de droit au niveau de l'universel en bref, au niveau de l'État. C'est cette inégalité de fait qui motive l'enrichissement et le progrès indéfini de la société civile. Cette dernière n'est pas une utilité généralisée et répartie uniformément, elle sécrète en son sein une inutilité. Cependant, elle a une évolution positive pour essayer de réduire l'accroissement de la misère.

L'utilité est bien la structuration d'un rapport social et qui dit rapport dit rapport d'inégalité et animation de ce rapport par cette inégalité. L'utilité est un rapport social du fait qu'il est un rapport à la nature comme nous l'avons montré au début de ce chapitre. Ce n'est pas la chose qui compte mais l'investissement de l'homme dans ce travail de la chose. C'est l'homme qui confère l'utilité à la chose et en lui conférant cette utilité, celle-ci devient utile non seulement pour cet homme mais pour tous les hommes qui auront un lien avec cette chose ou ce produit.

* 89 G.W.F HEGEL, Principes de la philosophie du droit, Trad. Franç. André KAAN, éditions Gallimard, Paris, 1940, p.166.

* 90 Ibid., p.166.

* 91 Ibid., p.200.

* 92 Ibid., p.206.

* 93 Ibid., p.226.

* 94 Ibid., p.180.

* 95 Ibid., p.180.

* 96 G.W.F HEGEL, Principes de la philosophie du droit, Trad. Franç. André KAAN, éditions Gallimard, Paris, 1940, p.162.

* 97 Ibid., p.163.

* 98 Ibid., p.164.

* 99 Ibid., p.187.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite