Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

sommaire suivant

Faculté de Droit

Mohammedia

Mémoire de fin d'études sous le thème :

« Prosélytisme et liberté religieuse dans le droit privé »

Préparé par

Mlle AZDEM Meriem

Droit Privé - Section Française

Encadrement : A. M. BELGHITI

ANNEE UNIVERSITAIRE 2006 - 2007

Sommaire

Remerciements 3

Dédicaces 4

Table des sigles 5

Introduction 6

Plan 12

Chapitre 1 : Les aspects pratiques du prosélytisme et de la liberté religieuse 13

Section 1 : La liberté d'expression comme moyen de prosélytisme 13

Section 2 : Le prosélytisme abusif 22

Chapitre 2 : Les aspects juridiques du prosélytisme et de la liberté de culte 33

Section 1 : Le principe de la liberté religieuse 34

Section 2 : L'incrimination du prosélytisme 42

Conclusion 50

Annexes 51

Sommaire des annexes 52

Bibliographie 65

Table des matières 66

Remerciements

Mes remerciements s'adressent :

A mes parents, mon fiancé, mon frère et tous les membres de ma famille qui m'ont soutenue depuis le début.

A mon grand-père qui a toujours été à mes côtés.

A un juriste et ami Taoufik Fadhil qui m'a orientée et dont le concours m'était nécessaire.

A M. Belghiti  qui a été le seul à avoir accepté de m'encadrer pour ce travail dès le début et qui m'a toujours soutenue.

A mon professeur Mme Toufik Saida qui m'a encouragée, soutenue et aidée dans mes recherches.

Au journaliste et ami Abderrahim Tafnout qui m'a aidée dans mes recherches et qui m'a encouragée.

A Mr Driss Ksikes directeur de publication du magasine Nichane qui m'a apportée des informations précieuses.

À Youssef Chmirou journaliste reporter de La Gazette du Maroc qui m'a apportée des informations précieuses.

A Mohamed El Boukili ami et membre du bureau central de l'AMDH à Rabat qui a mis à ma disposition nombre de documents importants.

Dédicaces

«  Je dédie ce mémoire à mon fiancé dont j'ai fait un prosélyte en le poussant - légitimement - à se convertir à l'Islam, et qui n'aurait jamais pu faire de moi une prosélyte, en outre, de peur d'être traduit en justice »

Table des sigles

AEM Aide aux Eglises Martyres.  

AFP Agence France Presse.

CEDH Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés. Fondamentales usuellement appelée Convention Européenne des Droits de l'Homme.

CERD Committee on the Elimination of Racial Discrimination (Comité pour l'Elimination de la Discrimination Raciale).

CMDH Centre Marocain des Droits de l'Homme.

CND F.L Centre National de Documentation du Maroc.

CPI Cour Pénale Internationale.

ECAM Enseignement Catholique Au Maroc.

FIDH  Fédération Internationale des Droits de l'Homme.

ISJ Institut Supérieur de Journalisme.

ONU Organisation des Nations Unies.

PJD Parti islamiste Justice et Développement.

RAM Royal Air Maroc.

UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture)

Introduction

« Si dieu l'avait voulu, l'Univers entier embrasserait la vrai foi ! Voudrais-tu contraindre les hommes à se convertir ? (Sourate Jonas10/99) »

Le droit est l'ensemble des règles de conduite extérieure, définies par des hommes pour régir les rapports sociaux, et généralement sanctionné par la contrainte publique. La sanction attachée à la règle de droit est ce qui distingue cette dernière des autres règles, telles que les règles morales et les règles de politesse ou les règles religieuses.

S'il est aisé de définir le droit, la religion quant à elle, pose problème. Elle est en réalité «  rebelle par essence à une définition unique, [elle] couvre tant de sens différents et elle a connu de telles évolutions dans ses représentations sociales, qu' [elle] est difficilement saisissable »1(*).

Le dictionnaire Larousse la définit comme « l'ensemble des croyances et des pratiques ayant pour objet les rapports de l'homme avec la divinité ou le sacré ». Mais cette définition reste littérale.

Le législateur marocain à l'instar du législateur français passe sous silence toute définition juridique. Pourtant la religion peut prendre la forme de commandements et elle peut se confondre avec le droit, surtout lorsque l'Etat n'est pas laïc. C'est le cas du Maroc qui est un pays multiconfessionnel, dont le droit positif est fortement inspiré des préceptes religieux. L'islam reste la religion d'Etat, et le Roi est le Commandeur des Croyants (Article 19 de la constitution).

Néanmoins le législateur a prévu des dispositions régissant chaque ethnie religieuse. D'ailleurs, le Dahir des Obligations et des Contrats le souligne dans son article 3 en stipulant que la capacité civile de l'individu est réglée par la loi qui régit son statut personnel. Le Dahir n. 1-58-250 portant Code de la nationalité marocaine reprend dans son article 3 : « la nationalité et statut personnel. - à l'exception des marocains de confession juive qui sont soumis au statut personnel hébraïque marocain- le code du statut personnel et successoral2(*) régissant les marocains musulmans s'applique à tous les nationaux. Toutefois, les prescriptions ci-après s'appliquent aux marocains ni musulmans, ni israélites .... ». Ce qui implique que les marocains musulmans sont régis par la loi 70-03 instituant le code de la famille. Tandis que les marocains juifs répondent au statut hébraïque marocain qui n'est pas codifié. Ses dispositions sont limitées au statut personnel et successoral - mariage, filiation, divorce, adoption, puissance paternelle, validité des testaments, délivrance de legs et partages des successions.

Par ailleurs, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a solennellement annoncé à l'occasion de l'ouverture de la session d'hiver du Parlement, le 10 octobre 2003 : « Soucieux de préserver les droits de Nos fidèles sujets de confession juive, Nous tenons à ce que soit réaffirmée dans le Nouveau Code de la Famille, l'application à leur égard des dispositions au statut personnel hébraïque marocain. »

Cependant, le nombre des juifs marocains diminue de plus en plus. « Sur 164.000 juifs que comptait le Maroc en 1960, plus de la moitié, soit 102.157 avaient émigré entre 1961 et 1964 pour Israël ou pour l'Europe et l'Amérique lors du grand exode connu par les juifs marocains au cours de leur histoire millénaire. En 1963, le chiffre des départs pour Israël battit tous les records (...). Il y eut un répit dès 1964 dès lors que les intéressés avaient eu des assurances qu'ils pouvaient quitter s'ils le voulaient à tout moment. Aujourd'hui seuls 3.000 juifs environ vivent au Maroc. »3(*)

D'autre part, le 2nd alinéa de article 3 du code de la nationalité suppose l'existence de marocains ni musulmans ni israélites, qui sont régis par le code de la famille à l'exclusion des dispositions pour lesquelles la qualité de musulman est requise. En effet, selon The World Factbook 2007, sur une population estimée à 33. 241.259 habitants en juin 2006, l'islam est la religion majoritaire au Maroc avec 98,7 % de musulmans, 1,1 % de chrétiens et 0,2 % de juifs. Mais ces chiffres ne sont pas figés. En ce sens que le nombre des conversions s'accroît et décroît d'année en années.

D'après la World Christian Data base du Centre pour l'étude du christianisme mondial4(*), en comparaison avec les chiffres de 1985, le christianisme est la religion dont le taux de croissance est le plus élevé au Maroc. Les chrétiens indépendants, notamment les protestants évangéliques connaissent une grande croissance, environ 84.000 adhérents soit une augmentation de 3 % en 2005. Ce phénomène d'augmentation s'explique partiellement par une recrudescence de l'immigration venue d'Afrique sub-saharienne, à laquelle s'ajoute un certain nombre de conversions, entre 2.000 à 2.500 en 2005. Les chrétiens dits «marginaux» tels que les témoins de Jéhovah ou les Mormons connaissent un faible taux de croissance (+ 0,41 %). Viennent ensuite les athées (+ 2,51 %), les bahaïs (+ 2,26 %), les « non religieux » (+ 1,75 %) et enfin les musulmans classiques (+ 1,72 %).

Les conversions des marocains au christianisme, dont le nombre est difficile à évaluer ont suscité beaucoup d'intérêt ces dernières années. Le groupe istiqlalien à la Chambre des Représentants a déjà tiré les sonnettes d'alarme en interpellant le Ministre des Affaires Islamiques et des Habous au sujet de l'évangélisation et le danger qu'elle représente pour le Maroc.

Aujourd'hui, le Maroc rapporte que dans une interview réalisée, en novembre 2003, par un site Internet évangéliste, Abdellah, un jeune pasteur marocain soutenu par l'association suisse « Aides aux Eglises Martyres »" (AEM) affirme avoir été « un musulman pratiquant ». Il souligne également qu'il n'y a pas de liberté religieuse au Maroc. Selon lui, lorsqu'une personne se convertit au christianisme, « la police essaie de la faire revenir à l'Islam et, si elle n'y parvient pas, elle lui demande de signer un papier attestant son engagement de ne pas prêcher l'Evangile à un musulman au risque de se voir infliger une peine de trois à cinq ans de prison en cas de désobéissance ».5(*)

En effet, le fait de prêcher l'Evangile ou toute autre religion à un musulman, ou de manière générale, le prosélytisme, constitue une infraction aux regards du droit pénal. L'alinéa 2 de l'article 220 du Dahir n°1.59.415 du 26 novembre 1962 formant Code pénal dispose : « Est puni d'un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d'une amende de 100 à 500 dirhams, quiconque emploie des moyens de séduction dans le but d'ébranler la foi d'un musulman ou de le convertir à une autre religion, soit en exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d'enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats. En cas de condamnation, la fermeture de l'établissement qui a servi à commettre le délit peut être ordonnée, soit définitivement, soit pour une durée qui ne peut excéder trois années.» Toutefois, le code pénal, n'incrimine que le seul prosélytisme visant les musulmans. Ce qui peut supposer qu'un prosélytisme visant des chrétiens par exemple, ne constitue pas une infraction. De même, un musulman peut faire de la propagande religieuse sans pour autant commettre une infraction.

Cela dit, il convient tout d'abord de définir le prosélytisme. « Le terme "prosélytos" a été forgé par les traducteurs grecs de la Bible pour traduire, en certains cas, le terme hébreux "gèr" qui signifiait à l'origine, étranger résident. Le vocable "paroikos" est conservé quand le texte ne comporte pas de connotation religieuse, par contre prosélytos manifeste que l'étranger est admis dans la communauté. (...) dans la langue d'aujourd'hui, le prosélytisme désigne une ardeur intempestive à propager sa foi, et l'on oppose le prosélytisme à l'esprit de dialogue. » 6(*)

Le législateur marocain ne donne pas de définition juridique pour le terme prosélytisme. D'ailleurs, il ne mentionne même pas le terme dans ses textes légaux.

En droit comparé, on retrouve dans l'arrêt du 25 mai 1993 à l'occasion de l'affaire Kokkinakis (Témoins de Jéhovah), la définition donnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme: « ...par prosélytisme, il faut, entendre, notamment, toute tentative directe ou indirecte de pénétrer dans la conscience religieuse d'une personne de confession différente dans le but d'en modifier le contenu, soit par toute sorte de prestation ou promesse de prestation ou de secours moral ou matériel, soit par des moyens frauduleux, soit en abusant de son inexpérience ou de sa confiance, soit en profitant de son besoin, sa faiblesse intellectuelle ou sa naïveté ».7(*)

Le prosélytisme serait donc le zèle à faire des prosélytes, des nouveaux convertis à une foi religieuse, et par analogie de nouveaux adhérents à une secte. Car lorsqu'on parle de prosélytisme, cela concerne aussi bien les religions que les sectes.

Concernant ces dernières, le législateur marocain ne donne pas de définition. Selon le Dictionnaire de Culture Juridique « Une secte est un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes, par l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour les conduire à un acte ou une abstention qui leur sont gravement préjudiciables »8(*).

Il est vrai que le mouvement sectaire au Maroc reste très timide et très discret, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'existe pas. A la question  « existe-t-il des sectes au Maroc? », Ben Rochd Er Rachid répond : «  Oui. Mais elles sont plutôt liées aux communautés occidentales vivant ici [au Maroc], si bien que pour nous, afin de différencier les sectes des jamâat islamistes locales, on peut estimer que les sectes sont des groupes plus ou moins religieux importés. On peut les classer en deux familles : les sectes d'obédience judéo-chrétiennes (Franc-maçonnerie, Rose-croix, les Témoins de Jéhovah...) et les groupes extrême-orientaux tels que La Méditation Transcendantale ou le groupe japonais Soka Gakkaï. »9(*). D'autres considèrent des mouvements religieux comme des sectes, telle la « Secte Chiite »10(*), ou la secte Bahaïste qu'on retrouve dans la jurisprudence marocaine aux côtés de la secte Satanique.

Quoiqu'il en soit, le prosélytisme - tendant à déstabiliser la foi musulmane - qu'il soit du fait de religieux ou de membres sectaires constitue un délit aux yeux de la loi pénale. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'apostasie ne l'est pas. Beaucoup font l'amalgame entre les poursuites ou condamnations pour prosélytisme et le fait d'apostasier ou de changer de religion.

Littéralement, l'apostasie est définie par le retour en arrière. Elle signifie le détournement délibéré, sans contrainte aucune, du musulman, mature et conscient, de l'Islam vers la dénégation. Cette définition est aussi bien valable pour l'homme que pour la femme.

Juridiquement, aucun texte n'incrimine l'apostasie. D'ailleurs Le Coran fait allusion dans un certain nombre de versets à l'apostasie. Il énonce par exemple : « Et ceux parmi vous qui adjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future. » (Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 217) ; « Ô les croyants ! Si vous obéissez à ceux qui ne croient pas, ils vous feront retourner en arrière. Et vous redeviendrez perdants. » (Sourate 3 intitulée la Famille d'Amram, Âl `Imrân, verset 149) ; « Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion... Dieu fera alors venir un peuple qu'Il aime et qui L'aime. » (sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Mâ'idah, verset 54) ; « Ceux qui sont revenus sur leurs pas après que le droit chemin leur a été clairement exposé, le Diable les a séduits et trompés. » (Sourate 47 intitulée Muhammad, verset 25).

Tous ces versets font clairement allusion à l'apostasie après l'Islam. Pourtant, aucun d'entre eux ne fait la moindre allusion à un châtiment terrestre ou à une sanction pénale que devrait subir l'apostat, contrairement à la sanction du meurtrier ou du voleur. Dans le cas présent, la sanction terrible et effrayante est la Colère de Dieu.

Toutefois, Ibn Rushd dans son livre « Bidâyat Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid », dans le paragraphe dédié au « jugement de l'apostat », explique que si on saisit l'apostat avant qu'il ne soit entré en guerre contre les Musulmans, alors les juristes sont communément d'avis pour dire qu'il doit être tué, conformément au hadith du Prophète : « Quiconque change sa religion, tuez-le. »11(*)

Ce qui justifierait éventuellement la répression de l'apostasie dans certains pays musulmans. Il en est ainsi en Egypte où le quotidien Al-Ahrâm a fait savoir le 6 juillet 1977 que le Conseil d'Etat avait approuvé un projet de loi visant à rétablir la peine de l'apostasie. Cette loi stipulait l'exécution de l'apostat qui reniait l'Islam de son propre gré par une parole explicite ou par un acte sans équivoque. Cette même loi condamnait également à dix ans de prison ferme celui qui apostasiait plus d'une fois puis se reconvertissait à l'Islam. Cette même loi prévoyait enfin des sanctions répressives pour l'apostat mineur.

Dans cette loi, l'apostasie était reconnue avérée soit par l'aveu de l'accusé soit par le témoignage de deux hommes. En outre, conséquence directe de ce jugement, l'apostat ne pouvait plus disposer de ses biens. L'article paru dans le quotidien Al-Ahrâm précise certains détails de la loi en question. Ainsi, si le « criminel » - terme employé par le quotidien Al-Ahrâm - avait entre sept et dix ans, alors le juge pourrait le réprimander sévèrement durant l'audience, ou ordonner qu'il fût remis à l'un de ses parents ou à un tuteur, ou ordonner qu'il fût transféré dans une fondation d'assistance sociale spécialisée dans les crimes de mineurs. Si l'enfant avait entre dix et quinze ans, alors le juge pourrait le sanctionner en ordonnant qu'il fût bâtonné de dix à cinquante fois, etc.

Le problème qui se pose ici, est un problème de liberté notamment de liberté de religion et de liberté de conscience. L'islam prône la liberté de conscience. On retrouve nombres de versets explicites à ce sujet. Par exemple « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement. » Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 256. « Et dis à ceux à qui le Livre a été donné, ainsi qu'aux illettrés : Avez-vous embrassé l'Islam ? S'ils embrassent l'Islam, ils seront bien guidés. Mais, s'ils tournent le dos... Ton devoir n'est que la transmission du message. Dieu, sur Ses Serviteurs, est Clairvoyant. » Sourate 3 intitulée la Famille d'Amram, Âl `Imrân, verset 20. Enfin, cette déclaration péremptoire du Coran qui entérine la divergence des voies suivies et l'abandon de la conscience à une liberté totale et sans entrave : « Dis : Ô vous les dénégateurs ! Je n'adore pas ce que vous adorez. Et vous n'êtes pas adorateurs de ce que j'adore. Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez. Et vous n'êtes pas adorateurs de ce que j'adore. A vous votre religion, et à moi ma religion. »  Sourate 109 intitulée les Dénégateurs, Al-Kâfirûn. « C'en est ainsi, par une déclaration explicite : Vous, vous êtes libres dans votre choix et moi, je suis libre dans le mien. Y a-t-il plus grande liberté ? »12(*)

Si le Coran est clair à ce sujet, les législations des pays musulmans diffèrent. Cela s'explique par le fait que cette liberté pourrait éventuellement, et dans certains cas constituer une atteinte à l'ordre public dudit pays. Les exemples sont nombreux dans le monde islamique.

En Afghanistan, Abdul Rahman Jawed, a été inculpé d'apostasie en mars 2006, en vertu de la charia pour avoir renoncé à l'islam en se convertissant au christianisme. S'il est reconnu coupable, il est passible de la peine de mort. Ce n'est que sous la pression internationale, qu'il été libéré le 28 mars 2006 pour folie. Réfugié dans un camp de l'ONU, il demande l'asile politique, qu'il a enfin obtenu en Italie.

En Iran, la tradition chiite punit de mort ou de réclusion à perpétuité l'apostasie. Des peines sont régulièrement prononcées, et servent souvent également à museler toute opposition politique intérieure au pouvoir des mollahs.

En Libye, le rejet de l'islam est sanctionné par la perte de la citoyenneté.

Le Maroc quant à lui, adopte une position plus souple. En effet, juridiquement l'apostasie n'est pas un délit. Et quoique le prosélytisme soit sanctionné par la loi pénale, la liberté de conscience est consacrée par le droit. La constitution marocaine révisée en 1996 stipule dans son article 6 : «  L'islam est la religion de l'Etat qui garantit à tous le libre exercice des cultes. »

Mais, il se trouve que le prosélytisme est, ou peut être un moyen de liberté d'expression et donc de liberté religieuse, en ce sens que tout croyant est investi d'une mission de ramener « les égarés » au droit chemin. De ce fait, garantir la liberté religieuse reviendrait à dire, « permettre » le prosélytisme. Cependant, ce même prosélytisme peut constituer une atteinte aux libertés individuelles. Notamment à la liberté religieuse en ce sens qu'en essayant de convertir un croyant à une autre religion, on peut heurter ses convictions ou dénigrer sa croyance.

De ce fait, la liberté de religion ne veut pas dire uniquement liberté de se convertir, d'apostasier ou de changer de religion, mais également la liberté de faire du prosélytisme. Et du fait que la constitution garantit la liberté de culte, la question qui se pose est de savoir « Quelle est l'étendue de cette liberté religieuse dans le droit marocain ? », puisque le code pénal sanctionne le prosélytisme.

Nous essayerons de répondre à cette question en étudiant dans un premier temps les aspects pratiques du prosélytisme et de la liberté de culte (Chapitre 1er) ensuite leurs aspects juridiques (Chapitre 2).

* 1 V. Fortier, justice, religions et croyances, Ed du CNRS, paris, 2000 p18

* 2 Actuellement code de la famille.

* 3 Une certaine histoire des juifs du Maroc Robert Assaraf, Ed Jean-Claude Gawsewitch janvier 2005

* 4 (Center for the Study of Global Christianity) rattaché au Séminaire universitaire Gordon-Conwell (États-Unis) d'orientation protestante

* 5 Aujourd'hui Le Maroc 03-06-2004 « L'évangélisation soulevée au parlement » par Abdelmohsin EL HASSOUNI

* 6 Dictionnaire des Religions, sous la direction de Paul Poupard. 3ème Ed PUF (vol 2) Septembre 1993

* 7« La liberté de diffusion des convictions religieuses en droit international des droits de l'Homme » Par Moumouni Ibrahim http://oumma.com/spip.php?article1359

* 8 Dictionnaire de la culture juridique. Collection Grands dictionnaires. Ed PUF octobre 2003 (p.401)

* 9 Maroc hebdo international N°488 du 30 Novembre au 6 décembre 2001, p 27, propos recueillis par Abdellatif El Azizi

* 10 Les Sectes Chiites Mashkour, Javad Edition: Maisonneuve - 1980

* 11 Hadith d'Ibn Abbas, Sahîh de al-Bukhari, vol. 9, livre 84, numéro 57, (rapporté par l'ensemble des compilateurs de hadiths sauf Muslim)

* 12 Réponse de la Commission de Fatwâ d'Al-Azhar, http://www.islamophile.org/spip/article537.html

sommaire suivant