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Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

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Plan :

Chapitre 1 : Les aspects pratiques du prosélytisme et de la liberté religieuse

Section 1 : La liberté d'expression comme moyen de prosélytisme :

A. Prosélytisme des actes :

1. La pratique et l'accomplissement des rites ;

2. L'exercice du culte ;

B. Prosélytisme de la parole :

1. Le dialogue ;

2. L'enseignement ;

Section 2 : Le prosélytisme abusif :

A. prosélytisme ségrégationniste :

1. Ségrégation par le verbe et les infractions de presse ;

2. Ségrégation par les actes ;

B. prosélytisme destructeur :

1. Un prosélytisme constitutif de terrorisme religieux ;

2. Un prosélytisme constitutif de génocide ;

Chapitre 2 : Les aspects juridiques du prosélytisme et de la liberté de culte

Section 1 : Le principe de la liberté religieuse :

A. consécration de la liberté de religion :

1. Les instruments internationaux de protection ;

2. Les instruments nationaux de consécration ;

B. Atténuations au principe de la liberté de religion :

1. Persécution des chrétiens et des renégats de l'Islam au Maroc ;

2. Répression des sectes au Maroc ;

Section 2 : L'incrimination du prosélytisme :

A. Prosélytisme réalisé au moyen d'un artifice :

1. La sanction pénale ;

2. La sanction civile ;

B. Prosélytisme réalisé au moyen d'une contrainte :

1. La contrainte physique ;

2. La contrainte morale ;

Chapitre 1 : Les aspects pratiques du prosélytisme et de la liberté religieuse

Nous avons tenté précédemment de définir le prosélytisme. Or, la définition que nous avons donnée reste insuffisante. Car la liberté de diffusion de ses convictions ne tombe pas à tous les coups dans le prosélytisme, quand bien même elle se manifeste dans l'objectif de convaincre autrui. Dans l'arrêt précité de l'affaire Kokkinakis, la Cour Européenne Des Droits de l'Homme a estimé que : « (...) la liberté de manifester sa religion comporte en principe, le droit de convaincre son prochain, par exemple au moyen d'un enseignement (...) ».

La liberté de croyance et la liberté d'expression sont deux notions indissociables. La première est limitée au for intérieur et ne suscite donc que peu de problème. La deuxième peut se traduire par la liberté de révéler la première à autrui. Or, l'extériorisation de cette liberté peut entraîner beaucoup plus de difficultés dans la mesure où elle risque de se heurter à certaines conceptions de l'ordre public, voire simplement des droits et des libertés d'autrui.

Il peut paraître paradoxal que d'incriminer le prosélytisme dans le code pénal, garantir la liberté de culte dans la constitution, et enseigner la religion musulmane dans les écoles publiques. En réalité, le code pénal marocain ne prévoit que certains aspects du prosélytisme bien déterminé. Et, en vertu du principe de la légalité des peines et des délits, il ne peut étendre l'incrimination aux autres aspects.

Afin de mieux faire la part des choses entre prosélytisme et liberté religieuse, nous aborderons dans un premier temps un prosélytisme plus ou moins toléré en raison de son essence qui est la liberté d'expression (Section 1), et dans un deuxième temps, un prosélytisme abusif et dangereux en raison des conséquences qu'il engendre (Section 2).

Section 1 : La liberté d'expression comme moyen de prosélytisme :

Dans les Etats autoritaires, les dirigeants veulent à tout prix se maintenir au pouvoir. La peur du jeu démocratique les mène en conséquence à supprimer la liberté d'expression, au moins en matière politique.

Moins nombreux les régimes totalitaires qui s'assignent la mission de créer une société conforme aux modèles établis par une idéologie ou par une religion dans laquelle l'individu est censé réaliser la plénitude de son accomplissement en se sacrifiant au groupe. Logiquement, leur volonté de créer une telle société les conduit à supprimer la liberté d'expression qu'ils considèrent comme un facteur de désagrégation sociale. A l'inverse, les démocraties libérales font du droit de choisir ses opinions, et surtout de les exprimer, un droit fondamental qui conditionne l'effectivité de la plupart des autres libertés. Sans lui, la liberté religieuse, notamment celle d'exprimer ses convictions, serait une coquille vide. Or, la liberté de tenter de convaincre autrui appartient à tout individu. Tout croyant est en effet, par essence, investi de la mission de diffuser la bonne parole et de ramener dans le «  droit chemin » ceux qui s'en étaient éloignés.

La convention de la sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales énonce dans son article 9 que chacun dispose du «  droit à la liberté de manifester sa religion par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ». Cela nous permet de distinguer les différentes formes d'expression de la religion qui sont autant de moyens de prosélytisme : le culte, la pratique et l'accomplissement des rites qui traduisent le prosélytisme des actes (A) tandis que l'enseignement représente le prosélytisme de la parole (B).

A. Prosélytisme des actes :

Moins perceptible que celui de la parole, et de ce fait moins effrayant pour celui à qui il s'adresse, car il est confondu avec la liberté d'exercice de culte, le prosélytisme des actes consiste en des prières, sacrifices, jeûnes et attitudes diverses tendant à exposer les croyances religieuses à la vue du plus grand nombre. Celui qui l'exerce agit par l'exemple.

Comme tout prosélytisme, il est indissociable de la liberté de conscience et de religion. En effet, le croyant doit pouvoir montrer, par ses agissements et par son attitude, sa foi et ses convictions. Ce type de prosélytisme se traduit par la pratique et l'accomplissement des rites et par le culte.

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