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Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

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1. La pratique et l'accomplissement des rites :

Pratiquer une religion consiste à respecter les prescriptions qu'elle édicte. Ces prescriptions englobent à la fois les pratiques et les rites religieux, qu'il convient tout d'abord de distinguer. Le Littré définit les rites comme l'ensemble des cérémonies d'une même religion et la pratique comme l'accomplissement des devoirs, des vertus, des lois, des commandements et des prescriptions de cette religion.

Les rites religieux sont célébrés en particulier lors de certains événements de la vie privée. Ils n'ont pas de valeur légale en soi et ne remplacent en aucun cas les démarches auprès des autorités civiles. En cas de naissance, de mariage ou de décès notamment, il est obligatoire de communiquer ces événements aux autorités de l'État civil. C'est ainsi que le mariage religieux ne peut être célébré au Maroc qu'après un mariage civil, la cérémonie de mariage, la présence des parents, des témoins et d'autorités religieuses ne suffit pas pour établir l'acte de mariage. Tel l'exemple de l'union dite « El Orf el jari », mariage coutumier généralement dans les campagnes reculées sur simple lecture de la Fatiha entre une dizaine de sages représentants les familles des conjoints. D'ailleurs, l'acte de mariage ne sera établi qu'après l'autorisation du juge de la famille, et la procédure d'enregistrement de l'acte de mariage est soumise aux dispositions du code de l'état civil conformément à l'article 21 du code de la famille.

Les rites et les pratiques ne concernent pas seulement les cérémonies de mariage, de naissance ou funéraires, mais aussi toute action symbolique caractérisant une religion déterminée. Il en est ainsi des symboles religieux.

Or, le port des symboles religieux crée une véritable polémique en Europe. C'est le cas d'une institutrice dans une école primaire en Suisse. De religion musulmane, elle porte le foulard islamique à l'école. La direction générale de l'enseignement l'a avisé qu'elle lui interdisait le port du foulard islamique dans le cadre de ses activités professionnelles, invoquant notamment le caractère laïc de l'école publique. L'institutrice a dépose un recours devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour violation de l'article 9 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Cet article énonce le principe du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion de toute personne. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

Le port des symboles religieux n'est pas appréhendé au Maroc. Néanmoins, certains établissement publics et privés marocains interdisent aux femmes le port du voile.
ATTAJDID affirme que plusieurs entreprises marocaines ont expulsé des marocaines portant le voile après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et ceux du 16 mai 2003 à Casablanca. Ainsi des jeunes marocaines désirant intégrer les académies militaires, de police, ou devenir hôtesses de l'air « se voient imposer des règlements qui ne laissent pas la possibilité de porter le voile ». Enfin une étudiante à l'Ecole Mohammedia des ingénieurs, l'une des plus cotées au Maroc, « ne porte son voile qu'à l'extérieur de l'école, craignant d'être expulsée ».13(*)

Par ailleurs, TELQUEL a rapporté « que (...) depuis qu'on a découvert un CD faisant l'apologie de l'islamisme, circulant au sein de la compagnie, la direction de la RAM a effectivement pris quelques mesures tout à fait banales pour éviter toute dérive islamiste. Mais ces décisions internes ont été montées en épingle par des employés proches d'Al Adl Wal Ihsane. Ce qui n'a pas empêché le Centre marocain des droits de l'homme (CMDH), une ONG de sensibilité islamiste, de publier le 18 octobre un communiqué virulent, dans lequel il dénonce les «violations commises à l'encontre des employés de la RAM en matière de libertés individuelles». L'organisation, présidée par Khalid Cherkaoui Semmouni, y cite notamment la fermeture des lieux de prière, la circulaire adressée le 22 septembre 2006 au personnel navigant, lui interdisant de jeûner durant les vols, mais aussi la pression exercée sur les femmes voilées. Des mesures constituant, au regard de l'association, une violation de l'article 6 de la Constitution marocaine, garantissant à tout citoyen la liberté d'exercer ses convictions religieuses14(*).

Toutefois, malgré les nombreuses interpellations, aucun cas d'employée officiellement licenciée pour « port du foulard » n'a été enregistré. Il existe cependant des professions où le voile est interdit, en raison de l'obligation du port de l'uniforme, comme celui d'agent de police ou d'hôtesse de l'air.

Mais, le Code du travail interdit l'introduction dans le règlement intérieur de clauses discriminatoires. Seules les conséquences du comportement du salarié sur l'exécution du contrat de travail peuvent légitimer la restriction d'une pratique religieuse.

Et pour cela, il faut démontrer clairement que le salarié trouble, de manière volontaire ou non, la bonne marche de l'entreprise.

Paradoxalement, c'est dans le monde des médias que l'on semble avoir le plus de mal à accepter le voile. « À la télévision, même si rien n'interdit à une jeune fille voilée de se présenter pour un entretien, il est quasiment sûr qu'elle ne sera pas rappelée », précise une jeune lauréate de l'ISJ (Institut supérieur de journalisme), qui a fait l'amère expérience de postuler à 2M (la 2ème chaîne de télévision marocaine) en arborant son foulard. Dans la rédaction du défunt Maroc Soir, le règlement intérieur interdisait tout simplement le port du voile. « Mais il n'y a jamais eu de problème, parce qu'on n'a jamais eu de candidates en foulard », rappelle une ancienne journaliste du quotidien ATTAJDID.

Si la pratique et l'accomplissement des rites touchent un bon nombre de la population du fait de leur intégration et leur enracinement dans la vie sociale, tel le port du voile ou le jeune chez les marocains, l'exercice du culte reste purement religieux.

* 13 Attajdid journal du Parti islamiste Justice et développement (PJD). 12 juin 2004 (AFP)

* 14 TELQUEL N° 245 du 27 octobre au 3 novembre par Abdellatif El Azizi

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