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Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

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2. L'exercice du culte :

Le culte est défini comme l'honneur rendu à la divinité (dans les religion monothéiste) ou aux divinités (dans les religions polythéistes). Ou encore par des manifestations exotériques d'une religion donnée, quoique certaines manifestations de celui-ci puissent être réservées aux initiés et, de ce fait, relever de l'ésotérisme.

Le culte fait partie des obligations dont la négligence est qualifiée d'impiété. Il peut se traduire également par un ensemble d'exigences et de conduites, ainsi que par des cérémonies ou des assemblées communautaires qui réunissent les fidèles d'une même confession.

Les actes culturels impliquent nécessairement que les pratiquants veuillent exprimer d'une certaine façon leur appartenance à une religion afin de convertir aux dogmes, aux rites et à la morale qu'elle comporte, des personnes qui n'y adhèrent pas encore.

La liberté de culte se situe aux confins de la liberté individuelle et de la liberté collective. Le culte représente en effet une liberté individuelle dans la mesure où chaque individu en est titulaire. Tout croyant peut rendre hommage à son Dieu. On parle alors de culte intérieur, siège de la prière et de la dévotion intime. Il relève de la liberté collective lorsqu'il est envisagé dans son exercice. Le plus souvent, l'individu use de la liberté de culte en accord avec d'autres. Tel est le cas lorsqu'il souhaite exercer son prosélytisme par le biais de processions ou de manifestations ; on parle alors du culte extérieur.

Chaque religion possède un culte particulier composé de différents rites. Ainsi dans le judaïsme, le culte dirigé dans les synagogues par les rabbins, est constitué de prières, d'invocations, de lecture de Thora ou de psaumes et bénédictions. Il existe également un culte dit familial ; le culte du sabbat, qui comprend plusieurs cérémonies domestiques suivant les périodes de l'année.

L'islam est, quant à lui, fait pour l'essentiel de rites, de prières, de la lecture du Coran, du jeûne pendant le mois sacré du Ramadan, du pèlerinage à la Mecque, de la charité, etc.

Enfin le culte chrétien pour ne citer que quelques exemples, consiste en des pèlerinages, bénédictions et commémorations diverses.

Au Maroc, et grâce à l'article 6 de la Constitution qui garantit à toute personne le libre exercice des cultes, le problème ne se poserait pas. Chaque ethnie religieuse est habilitée, en principe, à exercer son culte dans la quiétude.

Les problèmes relatifs à la manifestation de la religion qui se posent, concernent le lieu où ce culte est exercé. Un individu peut se voir opposer sa situation personnelle pour justifier l'entrave mise à l'accès d'un lieu de culte. Il est ainsi du prisonnier mis en cellule d'isolement qui se voit logiquement refuser l'accès à une mosquée, église ou synagogue.

Même une personne libre peut, dans l'exercice de sa liberté de manifester sa religion, tenir compte de sa situation personnelle particulière. Tel est le cas d'un fonctionnaire musulman, empêché, du fait de son emploi ou de ses horaires de travail, de se rendre à la mosquée pour la prière du vendredi. En dehors de ces deux hypothèses où l'accès au lieu de culte est refusé par souci de protection de l'ordre (cas du prisonnier) ou en raison de la situation professionnelle ou contractuelle du croyant, l'accès aux lieux de culte reste libre.

En principe, l'Etat n'intervient pas en matière de culte qui reste propre à chaque religion. Toutefois, il peut apporter des restrictions de nature à protéger l'ordre public. En effet depuis 2003, plusieurs imams et conseillers religieux ont été accusés d'une part d'exploiter les mosquées à des fins politiques et d'autre part de promouvoir les partis islamistes. Le ministère des Habous et des Affaires Islamiques continue de contrôler les prêches du vendredi dans les mosquées et contrôle des écoles coraniques pour veiller à ce que l'enseignement soit «bien conforme à la doctrine autorisée15(*). La police ferme habituellement les mosquées au public peu après les services du vendredi pour empêcher toute utilisation de ces locaux à des fins politiques non autorisées.

D'autres restrictions concernent les musulmans et les organisations islamiques dont les activités sont jugées comme excédant les limites de la pratique religieuse ou comme étant devenues politiques dans leur nature. Ainsi, le gouvernement contrôle strictement la construction des nouvelles mosquées ; les personnes désireuses d'en construire doivent en obtenir l'autorisation. Les autorités ont indiqué que toutes ces mesures avaient été mises en place pour éviter l'exploitation des mosquées à des fins de propagande politique, telle que la distribution de brochures et la collecte de fonds, ou la propagation d'idées extrémistes.16(*)

Dans le même sens, la Chambre des Représentants a adopté, à l'unanimité, le projet de loi modifiant et complétant le Dahir portant loi relative aux lieux de culte musulman. Le texte stipule, entre autre, que le permis de construire exigé par la loi sur l'urbanisme, doit être obtenu bien avant le début des travaux de construction ou d'extension des mosquées ou de tout autre édifice affecté au culte musulman (mosquées, zaouïas) ou tout autre lieu où les musulmans accomplissement leur rite. Il exige pour les bienfaiteurs désirant construire un lieu de culte de créer une association à cet effet et ce, conformément au Dahir portant création des associations.

Par ailleurs, la loi tend à protéger les cultes et les lieux de culte. Le code pénal consacre une section pour les infractions relatives à l'exercice des cultes. Les articles 220 à 223 sanctionnent les faits tendant à empêcher l'exercice des cultes, souillant les édifices religieux, entravant les cérémonies religieuses (...) sans distinction de religions.

Cela dit, le culte représente l'ensemble des conduites par lesquelles le croyant extériorise, de façon plus ou moins visible et audible, le sentiment intérieur de sa relation avec Dieu quelque soit sa confession. Le culte est l'un des moyens utilisés par le croyant pour diffuser sa foi. Il est au service de la perpétuation et de la propagation de celle-ci. Même le culte intérieur, qui consiste pourtant en des prières et dévotions intimes, n'est pas étranger à l'action prosélytique. Les prières sont, en effet, valorisées lorsqu'elles sont effectuées en commun dans la mesure où l'action collective permet de créer une émulation et de maintenir dans la foi le croyant dont la ferveur déclinerait.

Ces modes de prosélytisme sont des exemples de vie et des témoignages de croyants qui peuvent se révéler particulièrement efficaces. Ainsi nombreuses conversions se sont faites suite à l'observation de comportements religieux.

Malgré tout, le prosélytisme de parole vient compléter efficacement le prosélytisme des actes.

* 15 Le Maroc suit le rite Malékite

* 16 Rapport du département de l'Etat Américain sur la situation des droits de l'Homme au Maroc de 2005

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