WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Islam, démocratie et droits de l'homme

( Télécharger le fichier original )
par BOUGUERRA Faycel et BELLOUBET Nicole
Université Sciences Sociales Toulouse I - Master 2 Recherche Droit Public Comparé des Pays Francophones 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B/ CONTRADICTION POLITIQUE

Pour ce qui est de la contradiction d'ordre politique. En effet, en Islam il est d'une conception autre de l'idée que se fait le musulman de l'organisation du pouvoir prophétique, du califat et enfin de l'État.

Dans cette perspective divine, l'État n'a ni place ni fonction. De plus, non seulement il n'a point droit de cité, mais il apparaît même comme l'incarnation du mal, de la tyrannie et de la corruption. Dans cet ordre d'idées, le Coran dit : « Quand les rois (souverains) entrent (pénètrent) dans une cité, ils la saccagent (pervertissent) et font, des nobles qui l'habitent, des misérables. Ainsi font [les rois], (C'est ainsi qu'ils agissent) »65(*).

La dénonciation des souverains, désignés par le Coran sous les noms de César, Pharaon et de la Reine de Sabâ'66(*), atteste de la compétition entre deux modèles d'organisation et de mise en ordre de la société, l'un politique, l'autre religieux.

L'État, en tant que principe d'organisation, de producteur du droit, de jurisprudence, d'action collective et d'orientation morale, n'a été autre en Islam que la religion elle-même.

L'entité ou l'organisation religieuse ne dépend pas d'un pouvoir politique, mais se cristallise sur le pouvoir prophétique. Les fins de ce dernier sont différentes de celles du pouvoir politique. Il ne vise pas à préserver et à gérer des intérêts temporels et les affaires de ce bas-monde, mais essentiellement, et avant tout, à préparer les hommes à la vie éternelle67(*).

Le Prophète est invité même à consulter ses "sujets" dans toutes les affaires vu qu'il est soumis (muslim ou musulman) tout comme eux à Dieu. Il n'est point un chef ou un guide suprême, il n'est qu'un aiguilleur des messages divins. Autrement dit, il n'est qu'un Rasul voire le messager de Dieu.

Cette mission de canalisation ou d'intermédiation ainsi remplie le réduit à un simple Avertisseur. Il ne peut point imposer son point de vue unique. C'est ce qui ressort d'ailleurs de ces Versets coraniques : « [Prophète !, c'est] par quelques grâce de ton Seigneur que tu as été conciliant envers eux. Si tu avais été rude, dur de coeur, ils auraient fait sécession, autour de toi. Efface donc pour eux [leur faute] et pardonne-leur ! Consulte-les donc [désormais] sur toute affaire ! Quand tu auras décidé, appuie-toi sur Allah ! Allah aime mieux ceux qui s'appuient sur Lui »68(*).

En contre partie, les croyants lui doivent l'obéissance. C'est ce qu'on peut tirer des Versets coraniques, entre autres, où il est dit : « Ô vous qui croyez !, obéissez à Allah !, obéissez à l'Apôtre et à ceux d'entre vous détenant l'autorité ! Si vous vous disputez au sujet de quelque chose, renvoyez cela devant Allah et l'Apôtre,... »69(*). Le Prophète, après ce renvois, dois s'inspirer du Coran (Dieu ainsi présent à travers sa parole tant que le Coran est la parole de Dieu) pour apporter la solution au différend tout en consultant les autres croyants sur l'interprétation à donner au Verset coranique à défaut de clarté.

Cela est attesté, entre autres, par les Versets qui le suivent directement. Il y est dit : « Quand on leur dit : "Venez à ce qu'on a fait descendre vers toi [, Prophète !,] et à ce qu'on a fait descendre avant toi ?" », « Si nous avons envoyé quelque Apôtre, c'est seulement pour qu'il soit obéi, avec la permission d'Allah », « Ceux qui obéissent à Allah et à l'Apôtre, ceux-là sont avec les Prophètes, les justes (siddîq), les Témoins et les Saints qu'Allah a comblés de bienfaits. Combien ceux-là sont bons comme compagnons ! »70(*).

Cela a amené, comme l'on a déjà analysé, les musulmans à désigner leur sphère par les termes de Dâr el-Islam, c'est-à-dire « la maison de l'Islam ». Cela revient à ce qu'ils ont toujours cru que leurs victoires sur les anciens empires n'avaient pas été possibles que grâce à la religion, et non grâce à un pouvoir ou à une direction politique.

Ainsi, le deuxième Calife `Umar Ibn El-Khattâb, à l'occasion de l'élection d'Abû Bakr le jour d'Al-Sakîfa71(*), disait : « J'ai pensé que le Prophète n'allait pas mourir avant de nous emmener tous [avec lui], jusqu'au dernier. Cependant, Dieu vous a laissé son Livre qui a guidé son Prophète dans le bon chemin, si vous y tenez, il balisera pour nous la même voie. Dieu vous a rassemblés autour du meilleur d'entre vous, le Compagnon du Prophète (à savoir Abu Bakr). Allez ! Donnez-lui votre parole »72(*).

Ce jour même, le premier Calife élu, voire le Compagnon Abû Baqr dénommé "As'sidîq" (c'est-à-dire le digne de confiance ou le Juste comme le Prophète l'a toujours appelé) annonçait au public, dans les larmes, la mort du Prophète tout en lançant ses mots trop célèbres « Ô gens !, celui qui priait auparavant à Mahomet, je lui annonce que Mahomet est mort !, celui qui priait à Dieu, je le rappelle que Dieu est vivant, immortel ! ».

Du coup, peut-on en conclure que « toute autre dimension de l'existence sociale est, dans ces sociétés, sans véritable valeur ; elles apparaîtront nécessairement figées, en dehors de l'Histoire. C'est une caricature. La politique est comme partout un cadre déterminant de la vie de ces sociétés, même si sa pratique n'a pas toujours trouvé son expression théorique autonome »73(*).

Ainsi, Mahomet est mort sans désigner de successeur et sans laisser un système pour en choisir un. Par conséquent, le Califat a été établi. Le Calife (signifiant « successeur » ou « représentant ») a pour rôle de garder l'unité de l'Islam et tout musulman lui doit obéissance. Il est le dirigeant légitime et élu de l' Umma, la Communauté des musulmans. Il tire sa légitimité par le recueillement des votes des autres Compagnons du Prophète et non pas d'un vote direct, libre74(*), universel et du coup démocratique.

Certains des premiers Califes portaient le titre de Khalifatt Allah (« Représentant de Dieu »). Or, n'a jamais dit avoir reçu des révélations divines comme ce fut le cas pour Mahomet.

Cela s'explique par le fait que Mahomet étant le dernier prophète, aucun des Califes n'a dit être un Nabî, « Prophète » ou un Rasul « messager divin ».

Certains Califes étaient souvent appelés Amîr al-Mu'minîn (Commandeur des croyants). Le titre a été raccourci et latinisé en « Émir ». Enfin, le titre alternatif Khalifatt rasul Allah (« successeur du messager de Dieu ») est ensuite devenu le titre courant.

Après avoir choisi le chef, faut-il choisir les règles qu'on va suivre pour guider et gouverner.

Sans surprise aucune, les révélations faites à travers Mahomet ont rapidement été codifiées et écrites dans le Coran, qui a été accepté comme autorité suprême, limitant ainsi ce que le Calife pouvait diriger. Cependant, les premiers Califes pensaient être les chefs spirituels et temporels de l'Islam, et insistaient sur le fait que l'obédience au Calife en toutes choses était la marque d'un bon musulman. Le rôle est devenu cependant strictement temporel avec l'ascension des oulémas. La légitimité et l'obéissance du chef vient de la religion et non de sa bonne gouvernance ou de son programme politique ambitieux.

Toutefois, le problème de la succession au Prophète a remodelé la vision des musulmans au pouvoir et a la politique. Ainsi, les chiites ne reconnaissent que les quatre premiers Califes, le dernier étant ` Ali, considéré à leurs yeux « Père de tous les Imams ». Ils estiment que le Calife suivant, Yazid Ier a été coupable de la mort d'Hussein, et par là toute succession de Califes aurait perdu sa légitimité.

Après les quatre premiers Califes ( Abou Bakr, ` Omar, ` Uthman et ` Ali Ibn Abi Talib), le titre a été revendiqué par les Omeyyades, les Abbassides et les Ottomans, ainsi que par d'autres lignées en Espagne, en Afrique du nord et en Égypte. La plupart des dirigeants musulmans portaient simplement le titre de Sultan ou Émir, et prêtaient allégeance à un Calife qui avait souvent peu d'autorité75(*).

On conclut de tout ce qui précède que la religion de la Révélation n'a point fondé d'État, parce qu'elle a émergé contre l'État. Sa véritable invention est la Communauté, c'est-à-dire un groupe humain soudé par des liens de fraternité, eux-mêmes fondés sur l'adhésion collective à des valeurs communes et non à un pouvoir ou à un État76(*).

Burhan Ghalioun de conclure que « Le Tout-Puissant domine cet ordre et rayonne en son royaume. Par sa seule présence, il abolit la toute-puissance des monarques et les force à chercher une légitimité ailleurs que dans la force symbolique du religieux et du sacré. La révélation monothéiste, en inventant une nouvelle conception du sacré, la divinité unique en toute-puissance, désacralise le pouvoir politique. Renforçant ainsi l'autonomie et la signification de la société, désormais directement attachée à la puissance suprême, elle force du même coup les États à trouver leur légitimation hors du religieux. Par sa seule omniprésence, le royaume de Dieu prive l'État de toute légitimité intrinsèque. Il le fait apparaître comme une force de domination brutale ne pouvant se suffire à elle-même »77(*).

Cela va de concert avec ce qui a pu conclure Pierre-Yves Lambert78(*) à propos des relations des musulmans avec leurs voisins fidèles d'autres systèmes idéologico-religieux que l'Islam. Il soutenait que pour ces non-musulmans, étant donné leur position politique intenable dans un État où loyauté politique et affiliation religieuse étaient étroitement corrélés, le refus d'adopter la religion politiquement dominante devenait synonyme du refus d'accepter l'autorité qui en découlait, et même la légitimité des institutions en place, par lesquelles le vieux système basé sur l'autorité exclusive du chef de clan (tribu) avait été remplacé au profit d'un mode de gouvernement plus "moderne", impliquant la reconnaissance d'une autorité politique unique et supra-clanique, fondée sur une Communauté de religion.

Cela est en passe d'expliquer largement le positionnement de la Communauté contre l'État en monde arabo-musulman. En effet, le triomphe de l'État sur la religion a toujours conduit celle-ci à se replier totalement sur la communauté et à s'identifier à elle, au point que, jusqu'à aujourd'hui, la notion de la Communauté religieuse se confond largement avec celle de nation séculière. Ainsi, les arabes ont transposé le terme classique de Umma (Communauté) sur le phénomène nouveau de nation. On parle indifféremment de Umma Arabiyya (nation arabe) et de Umma Islâmiyya (nation musulmane)79(*).

Toutefois, cela n'occulte pas l'existence d'un vrai effort philosophique en vue de sauver l'Islam de sa religiosité, car trop de religiosité tue la religion.

« Le Coran est dans le mushaf [le recueil écrit des révélations]. Il ne parle pas de lui-même : ce sont les êtres humains qui l'expriment ».

`Ali Ibn Abû Tâlib80(*)

* 65 Le Coran, Sourate 27, Les Fourmis, Verset 34, Traduction Régis Blachère, Éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 1999, p. 407.

* 66 Ainsi Dieu parla à travers Salamon : « J'ai trouvé qu'une femme est leur reine, que de toute chose elle a été comblée et qu'elle a un trône magnifique », « Je l'ai trouvée, elle et son peuple, se prosternant devant le soleil à l'exclusion d'Allah ... », « Allah - nulle divinité sauf Lui - est le Seigneur du Trône magnifique », Le Coran, op. cit., Versets 23, 24 et 26, p. 406.

* 67 Ainsi Dieu disait à Mahomet : «[dis]" J'ai seulement reçu ordre d'adorer le Seigneur de cette Ville qu'Il a déclarée sacrée. À Lui appartient toute chose ! J'ai reçu ordre d'être parmi les Soumis [à Lui] (muslim)" », « ...  "et de communiquer la Prédication". Quiconque est dans la bonne direction l'est pour soi-même et quiconque est égaré, dis [-lui] : "Je ne suis qu'un Avertisseur" », Le Coran, op. cit., Versets 93/91 et 94/92, p. 411.

* 68 Le Coran, Sourate 3, La famille de `Imrân, Verset 153/159, op. cit., p. 97.

* 69 Le Coran, Sourate 4, Les femmes, Verset 62/59, op. cit., p. 114.

* 70 Le Coran, Sourate 4, Les femmes, Versets 64/61, 67/64 et 71/69, op. cit., p. 114-115.

* 71 Al-Sakîfa ou Sakifatt Béni Sa-`îda est le lieu où se sont réunis les Compagnons du Prophète la veille de sa mort pour préparer l'avenir et choisir un "nouveau chef".

* 72 Ibn Hichâm, As-sîra al-nabawiyya (Biographie du Prophète), Al-Bâbi El-Halabî, Le Caire, 1936, T. IV, p. 311.

* 73 Abdel Salâm (Ahmad), Dirâssât fi muçtalah is-siyâssa `inda el-arabe (Études sur le concept politique chez les Arabes), Al-charika el-tunissiyya lil taw zî', Tunis, 1978, p. 15.

* 74 Il est un débat sur la véracité de l'histoire qui racontait qu'il était demandé à quatre Compagnons du Prophète, lors de l'élection du 3ème Calife après l'assassinat de `Omar, de s'entendre sur la désignation d'un successeur d'entre eux aux plus brefs délais sous peine d'être décapités et ce pour prévenir la Fitna entre les musulmans.

* 75 Le titre n'existe plus depuis que la République de Turquie a aboli le Califat Ottoman en 1924.

* 76 L'idée de citoyen est ignorée des musulmans. En effet, ignorer l'idée de citoyen quitte à ignorer de même l'idée de nationalité.

Cela s'explique car la nationalité en Islam est d'être musulman. Il n'y a pas de frontière entre les pays musulmans, et il n'y a pas de ressortissant étranger mais de musulman. L'idée de ressortissant s'applique aux seuls musulmans dans des terres non musulmanes.

* 77 Ghalioun (Burhan), Islam et politique : la modernité trahie, Éditions La Découverte & Syros, Paris, 1997, p. 27 ; Idem à propos de l'Inde et de la Chine : Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire, trad. arabe, Dâr al-tanwîr, Beyrouth, 1984, p. 128.

* 78 Lambert ( Pierre-Yves), « L'Élargissement du concept d'Ahl Al-kitab en Islam à des religions autres que celles explicitement mentionnées dans le Coran », Travail d'Études approfondies de questions d'anthropologie sociale et culturelle à l'Université Libre de Bruxelles, 1986, p.1.

* 79 Le terme de Daoûla islâmiyya (État islamique), quant à lui, est une création contemporaine pour répondre au désir des mouvements modernes d'accéder au pouvoir.

* 80 Quatrième Calife et cousin du Prophète, il est le père fondateur du Chiisme.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore