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Devenir professionnel des diplômés du système universitaire guinéen : étude exploratoire à partir des diplômés de l'Université de Conakry

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par Mamadou Gando BARRY
Université de Montréal - Maîtrise en Sociologie 2003
  

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CHAPITRE II : PROBLÉMATIQUE ET ANALYSE CONCEPTUELLE

2.1 PROBLÉMATIQUE

La fin du siècle dernier a été marquée dans le monde par le chômage et la précarité de l'emploi. Si la situation est variable d'un continent à l'autre d'un pays à l'autre, il n'en demeure pas moins que l'époque est marquée par une situation d'emploi difficile et souvent instable. D'après d'Iribarne (1990), dans les pays industrialisés, on pourrait être porté à penser, à première vue, que les diplômés universitaires, étant donné leur niveau de scolarité élevé ou la sélection dont ils ont fait l'objet, rencontrent peu de problèmes d'insertion professionnelle. Ils ont en effet un avantage relatif sur le marché du travail. Mais il importe, pour apprécier cet avantage, de replacer celui-ci dans la perspective du secteur public qui constituait le principal débouché de l'enseignement supérieur. En effet, le secteur public a subi, au cours des années 80, suite aux pressions sur les dépenses publiques, des transformations telles qu'il n'offre plus les mêmes possibilités de recrutement alors que l'enseignement supérieur a continué de se développer. Ces contraintes s'avèrent encore plus vives dans le contexte de la récession économique du début des années 90, et sont de nature à modifier profondément les débouchés pour les diplômés de l'enseignement supérieur. L'expansion du secteur privé n'a pas été suffisante pour compenser l'absence de croissance du secteur public, et le décalage entre l'offre et la demande se traduit par une dégradation des conditions d'insertion et le sousemploi des diplômés.

D'après Fournier et al. (2000), en Europe, il existe une incertitude quant à l'avenir professionnel des jeunes, avec des conséquences semblables à celles constatées en Amérique du Nord, que relèvent des auteurs comme Benedetto (1995), Demazière (1995, 1996), Dubar (1996), Galland (1996), Nicole-Drancourt et Rouleau-Berber (1995), Werquin (1996) et White et McRae (1988). Cette transition difficile de la formation à l'installation dans un emploi satisfaisant, marquée par la mouvance et l'insécurité, que l'on peut désigner par l'expression précarité d'insertion s'inscrit dans un contexte global de transformation de l'emploi qui affecte la majorité des travailleurs.

L'OCDE (1992), qui publie les taux de chômage standardisés pour les pays appartenant à cette organisation, abonde dans le même sens en indiquant que les contrastes entre les évolutions des taux de chômage de 1973 à 1988, dans les divers pays, sont spectaculaires. Aux États-Unis, après avoir crû vivement entre 1973 et 1982, le chômage a presque retrouvé en 1988 son niveau d'avant la crise (passant au total de 4,8% à 5,4 %). Il est resté faible au Japon (passant de 1,3% à 2,5 %). Par contre, sa croissance sur l'ensemble de la période a été très forte dans la plupart des pays de l'Union Européenne et en particulier en France (de 2,6% à 10,3 %). Cependant, il faut rappeler qu'il y a eu regain de l'emploi à la fin des années 90 et début 2000.

Selon le Conseil Supérieur de l'Éducation (CSE, 1997), au Canada, en 1997, chez les jeunes de 15 à 24 ans, le taux de chômage des personnes qui détenaient un grade universitaire était de 4,8 %. L'étude de Sales et al. (1996), a souligné aussi le haut taux de chômage au Québec chez les jeunes de 15 à 24 ans. Il était estimé par Statistique Canada à 11,8 % en 1996 et 9,8 % en 1997. Tandis que le taux de chômage des diplômés universitaires âgés de 20 à 24 ans était en 1991, de 13,2 %. L'inquiétude des jeunes face à la crise de l'emploi et à leur avenir professionnel incertain n'a cessé de grandir. En plus, une partie non négligeable des jeunes (22,1 % des hommes et 31,8 % des femmes âgés de 20 à 24 ans) ne trouvent que du travail à temps partiel dans de <<très petites entreprises>> de moins de 20 employés (CSE, 1997).

Cependant, Sales (1997 : 13) dans son article : "Marchés du travail des agents du savoir formel et défis dans une économie en restructuration" atténue cette situation en précisant : << A première vue, et contrairement à la vision pessimiste des étudiants, la situation de l'emploi entre 1982 et 1994 ne s'est pas détériorée. On constate que le taux de placement général s'est maintenu. Apparemment élevé (88,6%), il laisse cependant deux ans après l'obtention du diplôme de premier cycle plus de 11% des individus en chômage >>. Pour cet auteur (1997), on pourrait s'en accommoder sachant que cinq ans après être sortis de l'université, les diplômés voient leur taux de chômage diminuer de moitié. Mais il n'est pas dit qu'il s'agisse de "bons" emplois dits primaires en adéquation avec le niveau et le domaine d'études. Cette situation est imputée parfois à la disponibilité d'individus "surqualifiés" qui pour les employeurs se combine à une

mauvaise image des non ou des peu formés dans un contexte de détérioration de la situation de l'emploi, pour entraîner un relèvement des niveaux de recrutement et une déqualification des individus dans leurs postes par rapport à leur formation (d'Iribarne, 1990 cité par Sales) qui mène en fait au sous-emploi et qui n'est au fond qu'un déclassement. Sur des ensembles nombreux, cette tendance pourrait conduire à une diminution du niveau d'emploi moyen et des salaires afférents (OCDE, 1993). "Jusqu'à présent, les marchés du travail hautement qualifiés étaient réputés moins sensibles aux fluctuations de la conjoncture parce que les diplômés étaient fréquemment employés dans les services et particulièrement les services publics (OCDE, 1993:105). En revanche, les coupures massives réalisées dans le secteur public ont montré leur sensibilité aux tendances structurelles, le cas le plus fréquent dans plusieurs pays étant celui des enseignants". Enfin, Sales conclut que les taux de chômage ne sont pas obligatoirement le meilleur signe de la situation de l'emploi à cause des effets de substitution mentionnés plus haut.

Dans le cas des pays africains, le chômage des jeunes urbains est beaucoup plus grave et constitue une préoccupation constante des gouvernements africains en général et ceux de l'Afrique sub-saharienne en particulier. En effet, les jeunes de moins de 15 ans forment entre 40 et 60 % de la population de cette partie du continent (Bocquier, 1994) et, en vieillissant, ils viennent augmenter chaque année la masse de la main-d'oeuvre potentielle sur le marché de l'emploi. En conséquence, l'absorption des premiers demandeurs d'emploi sur les marchés du travail urbains est rendue plus difficile.

Comme les jeunes de moins de 30 ans sont les plus nombreux dans la population des actifs, les taux de chômage sont particulièrement élevés en Afrique sub-saharienne. Ils seraient de 22,8 % en 1986 à Abidjan, 24,4 % à Dakar en 1991, 14,8 % à Bamako en 1992, 24,6 à Yaoundé en 1992 et 35 % à Conakry en 1998. A partir de ces pourcentages, Bocquier, (1994) estime qu'au moins un quart de la population active en Afrique subsaharienne est au chômage, dont environ deux tiers sont des jeunes de moins de 30 ans, pour la plupart à la recherche de leur premier emploi. Ainsi, au fil des ans, les jeunes diplômés vont se transformer en une catégorie sociale revendiquant le statut de chômeur et exigeant des mesures spécifiques d'insertion sur le marché de l'emploi. Si le chômage

des jeunes en général constitue une préoccupation des gouvernements africains, celui des diplômés de l'enseignement supérieur demeure particulièrement préoccupant.

En Afrique sub-saharienne, la situation du chômage des diplômés de l'enseignement supérieur remonte aux années 80 avec la crise économique alors que les systèmes éducatifs des pays africains continuaient à produire des diplômés dans des spécialités relativement saturées (Lachaud, 1994 :16). Au cours de ces dernières années, il semble que plusieurs ajustements structurels aient été réalisés sur le marché du travail urbain de la plupart des pays d'Afrique subsaharienne et que le taux de chômage urbain a considérablement augmenté. Il a doublé entre 1975 et 1990, passant de 10 à 20% environ. En plus, dans cinq pays sur six enquêtés (Mali, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Cameroun et la Guinée), au moins 70 % des individus au chômage recherchaient un travail pour la première fois.

La même étude indique qu'en Guinée, l'incidence des restructurations et des liquidations d'entreprises publiques sur les pertes d'emploi a été plus accentuée que partout ailleurs en Afrique et que la situation de l'emploi est particulièrement préoccupante. Situation due à la suppression de l'embauche automatique, au blocage des recrutements des jeunes diplômés. Ainsi, la garantie d'un emploi en fin d'études ayant été abolie en 1985 et les embauches dans la fonction publique gelées, des milliers de jeunes diplômés sont au chômage. Pendant ce temps, le secteur privé, sur lequel repose l'espoir du gouvernement pour résorber ce monde de chômeurs, est en gestation avec une capacité d'embauche très limitée. Selon Lachaud (1994 :71), en Guinée, le chômage concerne plus particulièrement deux catégories de personnes : les membres de ménages pauvres, surtout lorsqu'ils sont chefs de ménage, et les jeunes de la tranche 20-29 ans lorsque ces derniers sont des diplômés de l'enseignement supérieur.

Dans le cas de la Guinée, le changement de régime politique en 1984 marque un tournant important dans le domaine de l'éducation. Au cours de la période de 1958- 1965, la politique éducative visait essentiellement la formation d'agents devant remplacer les fonctionnaires coloniaux ayant quitté le pays après l'indépendance. A partir de 1966 jusqu'en 1984, la politique éducative était fondée sur l'instauration d'un

système d'enseignement de masse avec une généralisation de l'utilisation des langues nationales.

Suites aux conférences nationales tenues à Conakry en mai et juin 1984 et en avril 1985 les objectifs de l'éducation ont été redéfinis pour assurer l'amélioration de la qualité de l'enseignement par la formation des enseignants, l'introduction du français comme langue d'enseignement et la réouverture des écoles privées. Depuis 1986, la Guinée a connu une hausse générale de la scolarisation à tous les niveaux. Par exemple à l'Université de Conakry qui fait l'objet de notre étude, les effectifs sont passés de 1500 étudiants en 1986 à 9 722 en 1998. Cette hausse des effectifs combinée avec le changement de politique économique (restructurations et liquidations des entreprises publiques, du fait des exigences des programmes d'ajustement structurels : désengagement de l'État, assainissement des finances publiques) a entraîné la suppression de l'embauche automatique par l'État, et par conséquent, le blocage du recrutement des jeunes diplômés.

D'après Diallo et al. (1996), le taux de chômage global en Guinée serait de 18% pour les titulaires d'un diplôme universitaire et de 17% pour ceux ayant accédé à l'enseignement technique et professionnel. Ce taux serait de 7% pour les individus ayant un niveau d'instruction équivalent au secondaire; de 3% pour les individus dont le niveau d'instruction n'excède pas le primaire. Selon les évaluations de l'Association Nationale des Diplômés sans Emploi de Guinée (ANDISEG, 1997), 75 000 diplômés du système éducatif guinéen seraient sans emploi. De ces diplômés, 25 000 seraient des titulaires de diplômes universitaires. Soit 33% de l'effectif global des chômeurs du système éducatif guinéen. Même parmi les 436 titulaires d'un doctorat, 54 seraient au chômage (PADES, 1998).

Le chômage des diplômés de l'enseignement supérieur en Guinée semble donc être une tendance majeure, sans perspective d'amélioration à court terme. Cette situation suscite chez les diplômés un sentiment d'injustice et une exaspération croissante. En fait, la Guinée semble se trouver dans une situation de crise marquée par la supériorité de l'offre par rapport à la demande. Une situation observée aussi dans d'autres pays africains, que Belloncle (1984) et Ki-Zerbo (1990) appellent la "sur-scolarisation" et que Furter (1977)

décrit par la stagflation. C'est-à-dire une situation économique où stagnent les offres d'emploi pour diplômés mais où augmentent de façon inflationniste les effectifs et les coûts scolaires.

Devant l'ampleur du chômage, des réflexions et quelques réformes ont été entreprises en Guinée. On peut noter la création de cycles universitaires plus courts comme les premiers cycles au niveau des Facultés des Sciences, des Lettres et Sciences Humaines et plus adaptés au besoin du marché de travail comme les filières professionnalisantes (Aménagement, Tourisme, Archives et Documentations, Journalisme et Animation culturelle). Toutes ces réformes visent à répondre aux modifications qui affectent le marché de l'emploi et surviennent à l'heure des interrogations sur le rôle de l'Université dans la recherche de solutions au problème du chômage.

Cependant, aucune étude, à notre connaissance, n'a été menée pour indiquer le processus d'insertion des diplômés de l'enseignement supérieur. Aux réponses de nature politique sur l'insertion, nous proposons une réflexion centrée sur deux interrogations :

· a)-les diplômés de l'Université de Conakry parviennent-ils à s'intégrer au marché de l'emploi, sous quelle condition, moyennant quels délais, aux prix de quelles difficultés ?

· b)-quels sont les atouts dont disposent certains diplômés qui accèdent à l'emploi plus facilement que la majorité des autres diplômés, dont l'accès au premier emploi demanderait plus de deux ans ?

La plupart des études portant sur l'insertion ont été conçues principalement pour répondre à des besoins de gestion et de planification des instances gouvernementales et des établissements d'enseignement. Plusieurs ont été réalisés en vue de mesurer l'adéquation entre formation/emploi (Trottier et al. 1995). Cependant, la crise économique des années 80 a remis en question ce postulat. Ainsi, depuis cette période, nombre d'auteurs sonnent l'alarme par rapport aux difficultés qu'éprouvent les jeunes diplômés à se tailler une place dans le monde du travail.

Au Québec, Deniger (1996), Sales et al. (1996), Fournier et St-Onge (1997), Gauthier (1988, 1990, 1996) et Fournier et al. (2000) sont parmi ceux qui ont mis en évidence la longue et difficile période de tâtonnement, de succession d'emplois précaires et d'interruptions de travail, d'essais de travail autonome, de participation à des mesures d'aide à l'employabilité, réalités qui entourent actuellement l'installation sur le marché du travail. Ces difficultés que connaissent ainsi la majorité des jeunes en situation de transition entre la formation et le travail peuvent entraîner un cortège d'effets indésirables, que différents auteurs (Attias-Donfut, 1996; Deniger, 1996; Fournier et StOnge, 1997; Gauthier, 1988, 1990, 1996; Laville, 1996) ont abondamment décrit : perte d'espoir dans l'avenir, démobilisation, confusion dans l'établissement d'une identité socioprofessionnelle, retard dans l'accession au statut d'adulte et délai dans la fondation d'une famille, baisse d'estime de soi, isolement, sinon marginalisation et dans une autre ligne de pensée, accroissement de la charge des parents qui continuent pendant plus longtemps à entretenir leurs grands enfants.

OBJECTIF PRINCIPAL

En Guinée, l'école en général, et l'enseignement supérieur en particulier, était avant 1984 un moyen sûr d'insertion professionnelle et de mobilité sociale. Au contraire, les quelques données disponibles sur la Guinée actuellement font ressortir une insertion professionnelle des diplômés du supérieur plutôt difficile. L'objet principal de cette recherche est de comprendre cette situation à travers la collecte, le traitement et l'interprétation des données portant sur le devenir professionnel de certains diplômés du système universitaire guinéen formés à l'Université de Conakry. Pour att eindre cet objectif, notre recherche sera structurée autour de trois hypothèses.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille