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Des Etats particuliers libres à l'organisation sociale mondiale


par Raphaël BAZEBIZONZAS
Saint Pierre Canisius - Bachelier en Philosophie 2006
  

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CHAPITRE III : L'ANTHROPOLOGIE DE L'ORGANISATION SOCIALE MONDIALE

L'organisation dont il est question se caractérise dans sa logique du travail social. En réalité, la mission de cette organisation n'est pas de fixer le sens vrai de l'existence - la seule loi qui gouverne la société mondiale est la loi formelle de l'entendement, l'élimination de l'usage de la violence -. Mais de rendre possible l'épanouissement de l'individu à l'intérieur d'Etats particuliers. Les Etats particuliers demeureront, les lieux par excellence où l'individu se découvre plus et mieux homme.

3.1. L'implacable logique du travail social

Si la société mondiale est un fait irréversible qui s'impose à tous, le philosophe ne doit pas s'écarter du circuit actif ; mais bien au contraire, il devra s'approprier la situation en y participant activement sur le plan éthico-politique. Son rôle n'est-il pas de comprendre le monde en ce qu'il a de sensé ? Dans cette perspective, commençons par examiner la logique du travail social dans la société moderne.

Aujourd'hui par exemple, les transactions financières transfrontalières et les investissements à l'étranger sont d'excellents indicateurs de cette homogénéisation du travail. Alors que les investissements nationaux dans le monde ont seulement doublé de 1980 à 1996, ceux effectués à l'étranger ont été multipliés par six ! Ces quelques chiffres permettent de voir le caractère massif de l'universalisation du travail social et de l'ouverture des économies.

Ces mouvements ne se font pas au hasard. Ils obéissent strictement à la logique qui gouverne les sociétés. Celle-ci n'est rien d'autre que l'impératif catégorique de la rentabilité, dont aucune firme ne peut s'abstraire sous peine de disparaître. L'unification de la société entraîne l'application de cette logique à toutes les nations, et dans chacune d'elles à la société entière, à laquelle elle s'impose sous peine de voir le chômage s'étendre, puisque les productions peuvent désormais migrer sans entraves. Tout tend alors à se juger à l'aune du profit possible, les nations comme les hommes. Cette volonté de puissance d'une rationalité, celle de l'efficacité, entraîne la chosification de l'homme, - « [L'homme] apprend à se considérer comme force productive...Le mécanisme agit sur lui, et lui, il collabore à la bonne marche de ce mécanisme... S'il veut vivre et participer aux avantages du travail social, il doit se faire objet utilisable dans et pour le travail. »49(*)-, dévalorise ou étouffe toute autre approche du réel. Substituant son discours au sacré des communautés historiques, elle oublie sa propre relativité et devient une arme meurtrière qui asphyxie toutes les autres dimensions de l'homme, celles de l'intuition et de la créativité50(*). Un pays modèle sera celui où le la « société constitue une communauté de travail »51(*), car « la conscience d'une communauté donnée correspond, par conséquent, aux possibilités « matérielles » du groupe, à sa richesse sociale, à l'état de ses techniques, à la forme de son organisation »52(*).

Malheureusement cette logique, poussée à l'extrême, ne peut que renforcer partout les forts et affaiblir les faibles. Elle augmente les écarts sociaux et « entre les individus à l'intérieur d'une société donnée, la distribution des biens produits se fait de manière inégale »53(*). C'est bien ce qui se produit en Europe : la richesse croît vite, mais aussi la marginalité et le chômage, introduisant la violence au coeur de la société, dans la rue et à l'école. De ce fait, les différences entre pays développés et sous-développés se réduisent : l'exclusion côtoie partout la richesse, au coeur même des nations. Pour autant, les écarts moyens de développement sont loin de se réduire. En dépit de taux de croissance parfois élevés dans les pays émergents, les différences de richesse moyenne par personne continuent à croître et rien ne permet d'envisager le renversement de cette évolution. De toutes les façons, « certaines sociétés sont encore loin d'avoir atteint la pleine maîtrise dans l'emploi de cette technique »54(*). La question du développement n'est pas résolue par l'extension progressive de l'homogénéisation économique. Celle-ci, toutefois, en transforme la problématique : hier, il y avait d'un côté des pays développés, sans chômage ni exclusion, de l'autre des pays totalement sans avenir. Aujourd'hui, tous sont plus ou moins affrontés aux mêmes défis, tout en restant très différents par leur richesse moyenne.

La logique du travail social peut donc se révéler tout à fait contraire à la fin visée, à savoir la satisfaction des individus raisonnables, en réduisant l'homme à un facteur de production, « sous la pression des circonstances »55(*). Un totalitarisme calculateur, matérialiste et mécaniste se répand. Comment promouvoir l'efficacité sans chosifier l'homme ? Cette question est loin d'être nouvelle. Elle s'est posée en Europe dès le siècle dernier, avec la naissance du capitalisme. Plusieurs réponses furent alors données. On pouvait changer complètement la propriété et la société : ce fut l'utopie communiste, propagée par le Manifeste de Karl Marx de 1848. On pouvait aussi instaurer un Etat totalitaire fondé sur une idéologie unique imposée, absorbant ainsi la société entière dans l'ordre politique : ce furent les réponses stalinienne, nazie ou fasciste. On pouvait enfin accepter le développement capitaliste et tenter de l'équilibrer, soit par une action redistributive de l'Etat en concertation avec le patronat et les syndicats, soit par la vigueur d'une société civile très active, soit enfin combiner les deux.

Jusqu'à présent, les faits ont plutôt tranché en faveur de ce dernier groupe de réponses, les deux premières réponses n'ayant apporté qu'une barbarie pire que celle du capitalisme. On peut donc penser que la réponse efficace aux indiscutables méfaits sociaux de l'homogénéisation économique résidera dans la mondialisation de la social-démocratie alliée au libéralisme, sans exclure par principe que des formes nouvelles de socialisme puissent répondre également à la question, y compris à partir des idées de Marx, mais elles sont encore à naître. Tant que cette évolution ne sera pas accomplie, l'unification économique restera sauvage, comme le fut le capitalisme à sa naissance.

Sur ce chemin se dresse un obstacle de taille : le décalage des espaces économiques et politiques. Ce décalage existait peu au siècle dernier, lorsque les économies étaient peu internationalisées. La situation actuelle est différente. Alors que l'économie et les finances se déploient sur un seul espace unifié et globalisé, le politique reste trop fragmenté en espaces institutionnels disjoints. Le pouvoir politique ne peut de ce fait agir globalement sur l'espace le plus pertinent, celui du monde unique. Un premier progrès est permis par les Associations Régionales d'Etats comme l'Union Africaine. 

Toutefois, la question ne sera pleinement résolue qu'avec la réalisation d'une organisation sociale mondiale spécialisée, seule capable d'obliger à une redistribution mondialisée et à des normes sociales générales. Cet organe n'existe pas encore sous les formes adéquates - l'actuel système international mis en place après 1945 en est encore très éloigné -. Travailler à sa création est une tâche urgente pour les Etats particuliers, tout autant que la promotion de la coopération entre Etats. C'est ainsi que pourra se réduire, sinon disparaître, le décalage croissant entre les espaces politiques et l'espace économique globalisé, problème central si l'on veut préserver les particularités. Eric Weil, constate avec réalisme, que « la communauté du travail est devenue, de par le principe de sa technique et d'organisation, une communauté englobant l'humanité entière »56(*). Il est convaincu que « seule une organisation mondiale serait en accord avec la technique dont dispose l'humanité au présent, d'après les critères de cette technique même : elle seule permettrait d'arriver aux meilleurs résultats avec la dépense la plus réduite d'efforts humains »57(*).

L'universalisation des méthodes de travail se fait de plus en plus manifeste, elle engendre une production accrue de richesses avec des conséquences sociales parfois très négatives à cause du primat absolu de la rentabilité qui engendre un nouveau type de totalitarisme. Ces conséquences ne pourront être maîtrisées que par la constitution d'une société politiquement mondiale.

* 49 PP., p. 77.

* 50 Lire à ce propos Joseph BASILE, Des nouveaux sculpteurs d'hommes, Ed. Renaissance du Livre, 1997.

* 51 PP., p. 61.

* 52 PP., p. 64.

* 53 PP., p. 78.

* 54 PP., p. 69.

* 55 PP., p. 77.

* 56 PP., p. 69.

* 57 Ibid.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand