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De la contribution de la jurisprudence du TPIR à l'incrimination du crime de génocide

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par Jean de Dieu SIKULIBO
Université nationale du Rwanda - Licence 2007
  

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CHAPITRE III Ó APPRÉCIATION DE L'APPORT JURISPRUDENTIEL DU

TPIR SUR LE GÉNOCIDE

Ce chapitre se concentre sur l'analyse de certains développements substantiels du TPIR relatifs à l'incrimination du crime de génocide et cherche à démontrer l'importance qu'ils revêtent pour le développement futur du droit international pénal. En effet, le TPIR n'a pas seulement appliqué le droit international, tel qu'il a été incorporé dans son Statut. Il lui a également donné des nouveaux contours, plus précis, dans la mesure où il a eu à trancher une multitude de questions spécifiques. En effet, sa jurisprudence a en quelque sorte apporté un nouveau souffle à un texte normatif demeuré inchangé en ses termes depuis 1948. Si importantes que soient les avancées majeures du TPIR (Section I), dans l'analyse des jugements du Tribunal, quelques éléments prêtent, à notre sens, le flan à la critique (Section II).

SECTION I Ó Enrichissement de la jurisprudence du droit international pénal

L'absence, jusqu'à la mise en place du TPIR, de poursuites basées sur le crime de génocide au niveau international,131(*) et dans une large mesure au niveau national, a confronté le TPIR à une tâche ambitieuse parce qu'il ne pouvait pas recourir à des interprétations déjà communément reconnues du crime de génocide132(*). Ainsi, les juges du TPIR devaient non seulement combler ce vide jurisprudentiel mais aussi tenter d'enrichir la norme condamnant le génocide.

§ IÓ Comblement du vide jurisprudentiel

Malgré les critiques qui ont été souvent adressées à la définition même de génocide contenue dans la Convention de 1948, cette définition a été reprise et ainsi confirmée dans un ensemble d'autres instruments internationaux, y compris le Statut133(*).

Certaines limites de cette définition ont souvent été déplorées. Tout d'abord, pour ce qui est des groupes visés, cette définition n'est pas compréhensive, en ce sens que certains groupes restent en dehors de son champ d'application, par exemple les groupes politiques ou culturels134(*). D'ailleurs, on lui a reproché également que les qualificatifs mêmes des groupes visés, qui devraient être nationaux, ethnique, raciaux ou religieux, soulèvent des problèmes dans la mesure où il n'existe pas de critères objectifs pouvant servir de référence à la confirmation de l'un ou de l'autre de ces qualificatifs135(*).

Il convient pour nous de préciser que les verdicts sans précédents rendus par le TPIR marquent un tournant décisif en droit international et signifient clairement que la communauté internationale fera appliquer la Convention contre le génocide136(*). Par des précédents importants qu'il a créés, il faut reconnaître que le TPIR a un rôle historique dans l'univers juridique. Il est également important de se rendre compte que le TPIR avance en terrain non exploré, concernant le génocide, en essayant d'élaborer un système de justice pénale internationale à partir de rien.

§ II : Avancées jurisprudentielles significatives

Les juges du TPIR ont non seulement été les premiers à appliquer la Convention sur le génocide mais, ils en ont également enrichi la portée, développant ainsi une jurisprudence progressiste et instructive. Ainsi l'importante consécration de la vision subjective du groupe protégé (A), l'interprétation extensive des actes de génocide jusqu'à y inclure des violences sexuelles (B), la délicate appréciation de l'élément intentionnel (C), la qualification de certains actes de génocide d'infraction formelle (D), la distinction entre incitation et usage légitime des médias (E) ainsi que la distinction entre instigation et incitation (F), constituent des exemples clairs de la contribution de la jurisprudence du TPIR sur le développement progressif du droit sur le génocide.

A. La vision subjective du «groupe protégé» par la Convention sur le génocide

Devant les divergences doctrinales surgies autour de la notion de génocide telle qu'elle est établie dans la Convention, on attendait beaucoup d'une interprétation jurisprudentielle du TPIR. Les jugements rendus jusqu'à présent par le Tribunal137(*), ont donné l'occasion de développer une jurisprudence significative sur certaines composantes du crime de génocide dont le groupe protégé.

On sait que l'incrimination vise, au regard tant de la Convention de 1948 que du Statut du TPIR, des groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux en tant que groupés protégés. Il convient de rappeler que ledit Statut considère en effet que « le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux»138(*).

Il importe de remarquer que les jugements rendus par le Tribunal sont fondamentaux s'agissant de l'analyse et de l'application des termes de l'article 2 (2) du Statut et par voie de conséquence de l'article II de la Convention de 1948. Même si on pouvait penser évident à priori que le groupe visé lors du génocide rwandais formait un des groupes visés par les textes (notamment le groupe ethnique), le TPIR a en fait reconnu qu'il existait des difficultés certaines à les déterminer par rapport à l'un des groupes recensés.

En prenant acte de ce que les historiens et sociologues avaient mis depuis longtemps en évidence139(*), les juges du TPIR sont arrivés à la conclusion que les groupes victimes ne peuvent exister que dans l'esprit des bourreaux. Ainsi, il est aujourd'hui clair que le génocide ne présuppose nullement l'existence d'un genos constitué au sens d'un groupe conscient d'exister aux propres yeux de ses membres. De même que la discrimination raciale peut exister en l'absence de race140(*) et que la discrimination basée sur la religion peut exister envers un non croyant, de même, la persécution ethnique peut exister en l'absence de véritable groupe ethnique141(*). En d'autres mots, eu égard au génocide rwandais, le crime a été commis à partir du moment où l'auteur du crime a eu l'intention de détruire le groupe, sans qu'il soit nécessaire d'établir si le groupe existe ou non de façon objective.

Ainsi, force est de préciser que l'interprétation de la définition du «groupe protégé» suivant une conception subjective, celle de l'auteur du crime, procure un résultat adéquat du concept tel qu'il a été envisagé par la Convention sur le génocide et le Statut.

L'évolution jurisprudentielle du TPIR sur la question de la détermination du groupe marque à notre sens une évolution sensible du droit international sur le génocide. En effet, en privilégiant au final l'approche psychologique et subjective du groupe, cette jurisprudence marque à notre sens la fin d'une lecture trop classique du droit international et donne tout son sens à la dynamique normative qui se centre sur l'individu en tant que sujet du droit international.

Néanmoins et malgré une jurisprudence de plus en plus riche en matière de génocide, on ne peut pas affirmer que tout a été éclairé. De plus, puisque le groupe visé lors des violations commises au Rwanda semble plus facile à identifier142(*), il apparaît probable que d'autres développements pourraient avoir lieu à partir de la jurisprudence du TPIY143(*).

* 131 La Cour Internationale de Justice ne s'était pas encore prononcée sur le fond de l'affaire relative à l'application de la Convention sur le génocide. Celle-ci avait été déposée devant elle en 1993 par la Bosnie-Herzégovine à l'encontre de la République fédérale de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro). Voy. S. BOURGON, La répression pénale internationaleÓ l'expérience des tribunaux ad hoc, in P. TARVERNIER et L. BURGORGUE-LARSEN, Un siècle du DIH, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 130.

* 132 Cfr. B. LÜDERS, L'incrimination de génocide dans la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, in M. CHIAVARIO, op. cit, note 57, p. 225

* 133 Elle figure non seulement dans les Statuts des deux tribunaux ad hoc, article 2 du Statut du TPIR et article 4 du Statut du TPIY, mais aussi dans le Statut de la C.P.I, article 6. Pour un commentaire sur ce dernier article, voir F. LATTANZI et W. A. SCHABAS, Essays on the Rome Statute of International Criminal Court, Vol. 1, Éditrice Sirente, 1999, pp. 105-137

* 134 Voy. P. PAZARTZIS, op. cit., note 26, p. 200.

* 135 Voy. K. BOUSTANY et D. DORMOY, Regards croisés sur le crimeÓsa prévention et répression, in K. BOUSTANY et D. DORMOY, op. cit., note 3, p. 17.

* 136 Le Groupe international d'Éminentes personnalités nommées par l'Assemblée des chefs d'États et de gouvernements de l'OUA souligne avec raison qu'il ne faut pas minimiser les contributions réelles du TPIR «Tout d'abord, la première condamnation qu'il prononça à l'égard d'un bourgmestre local(maire) Jean Paul Akayesu, l'a été pour motif de génocide, ce qui en fit le premier tribunal international à prononcer une condamnation pour le pire d'entre tous les crimes, le TMI de Nuremberg n'avait pas le mandat pour le crime de génocide.» Cfr. Rapport sur le génocide au Rwanda, mai 2000, p.178, point 18.18 [en ligne] httpÓ//cec.Rwanda2.free.fr/doc/Rapport_OUA/OUA-Rwanda.pdf consulté le 19 juillet 2007.

* 137 Jusqu'à présent, seules 27 affaires ont été achevées par le TPIR dont 22 condamnations et 5 acquittements. Il convient de préciser que la Chambre de première instance du TPIR a rendu d'autres 6 jugements qui font aujourd'hui objet d'appels devant la Chambre d'appel du même Tribunal. Disponible sur http://www.ictr.org/FRENCH/index.htm consulté le 23 juillet 2007.

* 138 Cfr. Article 2§2 du Statut du TPIR, cité à la note 5.

* 139 Citons à titre d'exemple quelques auteurs comme J. M. CHAUMONT, op. cit., note 74, pp. 251-264 ; M. C. BASSIOUNI, International criminal law, Vol. III, New York, Transnational Publisher, 1987, pp. 52-55.

* 140 L. BURGORGUE-LARSEN, De la difficulté de réprimer le génocide rwandais, in P. TAVERNIER et L. BURGORGUE-LARSEN, op. cit., note 131, p. 176.

* 141 Inexistant en soi, le groupe ethnique peut exister cependant bel et bien de facto dans l'esprit des autorités et des auteurs du crime de génocide. Voir détails, supra note 140.

* 142 Les juges du TPIR ont établi que le groupe ciblé dans le génocide rwandais constituait un groupe protégé par la Convention sur base des critères aussi bien objectifs que subjectifs, en indiquant que le groupe visé avait depuis longtemps été considéré comme un groupe ethnique. Les critères objectifs étaient toutes les classifications officielles portant mention d'ethnie et ceux subjectifs étaient l'identification de ce groupe par les criminels comme un groupe ethnique. Cfr. Procureur c. Jean Paul Akayesu, supra note 8, pars. 171, 284, 285, 702.

* 143 Signalons que le TPIY a qualifié le 2 août, les massacres de 7000 à 8000 Bosniaques commis par les Serbes en 1995 à Srebrenica, de génocide. C'était lors de jugement Radislav Krastic (décision confirmée lors du passage en appel de la même affaire le 19 avril 2004). Cfr. Prosecutor v. Radislav Krastic, Affaire no IT-98-33(Chambre de première instance) Jugement du 2 août 2001, pars. 559 et 560. Voir aussi l'arrêt de la Chambre d'appel de 19 avril 2004, pars. 23 et 28.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius