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FAI: vers un devenir médium


par Gregory de Prittwitz
CELSA - la Sorbonne
Traductions: Original: fr Source:

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II. Transposition des nouveaux usages à travers l'offre éditoriale et marketing de l'IPTV dans une logique d'adhérence utilisateur

À travers l'analyse du contexte socio-économique de la consommation médiatique faite en amont, plusieurs évolutions notables ont été mises en lumière. L'objet de cette partie est de matérialiser la façon dont la stratégie d'intégration des FAI dans le marché des média s'est accompagnée d'une prise en compte de ces évolutions de consommation, qu'elles dépendent des usages ou des facteurs économiques. Au travers des supports matériels et de la prise en compte des données et des avis des utilisateurs, nous verrons en amorce de ce chapitre l'adhérence aux nouveaux usages par les FAI. Cela nous conduira à nous pencher sur l'agrégation de chaînes et son écosystème. La mise en place d'un bouquet de chaînes a initié le bouleversement médiatique auquel nous assistons aujourd'hui. La somme des chaînes proposées est le résultat d'une prise en compte des attentes des abonnés. Enfin, ce chapitre démontrera combien l'écart entre les media historiques et ces nouveaux entrants s'est réduit par le biais de politiques divergentes. La stratégie de valeur des FAI s'est ainsi opposée à une perception erratique des attentes des utilisateurs par les éditeurs historiques.

Communément dénommée IPTV pour Internet Protocole, la télévision que proposent les FAI rappelle ses origines télécoms à l'ensemble des utilisateurs. L'IPTV utilise donc les ressources nécessaires à l'acheminement du signal téléphonique (Internet) pour faire passer dans ces dits cuivres62(*) des informations de type audiovisuel. NeufCegetel est l'initiateur de ces offres Triple Play, pour Internet, téléphone, TV, appelées aussi Box. En opérant sur le marché de l'agrégation de chaînes, les télécoms participent une fois encore du bouleversement technologique, peu après avoir cannibalisé le marché du téléphone fixe. La convergence de trois supports de communications répondant à des besoins distincts du faire-réceptif sur une base tarifaire très abordable a remis en question l'étanchéité présupposée des frontières entre les supports de communication existants.

A. Logique d'adhérence aux évolutions des utilisateurs

1. Transposition du faire-réceptif multimédia sur l'IPTV

Les FAI ont graduellement développé leur offre de télévision. Les atermoiements du début ont laissé place à une offre de plus en plus qualitative. Les supports matériels ont été associés à l'adhérence progressive des attentes et usages des utilisateurs. La télécommande comme la télévision ont accompagné l'acceptation d'un nouvel entrant par les abonnés au travers du recentrage de l'actant dans l'énoncé.

Ces deux supports, à la source de l'échange communicationnel entre faire-émissif et faire-réceptif ont pleinement participé à l'évolution de ce rapport.

a) De la télécommande...

Histoire

En 1956, Robert Adler et Eugène Polley, alors que la télévision était presque expérimentale, créent la télécommande. Zénith Electricity demande à ses ingénieurs un moyen de changer de chaînes à partir de l'endroit d'où l'utilisateur regarde la télévision. Cette invention marque un tournant dans l'histoire communicationnelle des rapports d'émission-réception.

Cet objet permet à tout à chacun d'augmenter son pouvoir de décision tout en réduisant ses efforts. Cela a pour effet que l'actant s'adonne plus facilement au choix du programme, il dispose d'un pouvoir de décision matérialisé dans un objet qui prolonge ses ordres. Ces injonctions discontinuent le discours énonciatif. Elles resituent l'utilisateur dans une bilatéralité communicationnelle, premier pas vers l'individualisation des choix.

Certains, comme Michel Serres voient même dans la télécommande un outil politique de contournement, de refus, ou d'adhésion. Médiamétrie identifie et matérialise les choix du téléspectateur. Cette prise d'informations est devenue capitale pour les annonceurs désireux de toucher un public de masse. Ces informations sont recoupées et monnayées pour leur caractère informatif des clients potentiels.

Les FAI et les télécommandes

Les télécommandes des FAI sont conçues pour correspondre aux attentes actuelles et futures des utilisateurs. La conception d'une télécommande requiert une connaissance des usages et de leurs évolutions et doit faciliter les choix de l'utilisateur.

Les FAI ont opté à leur début dans l'IPTV pour des télécommandes austères, peu ergonomiques ni même esthétiques. L'implication progressive de ces acteurs dans un marché duquel ils n'étaient pas coutumiers s'est accompagnée d'une augmentation progressive de la qualité de leurs télécommandes. Comme si les FAI avaient compris les efforts qu'il fallait consentir pour se faire accepter en tant que véritable support, les télécommandes ont agrémenté les services TV d'un outil de plus en plus ergonomique et esthétique. NeufCegetel a opté par exemple pour une télécommande « design ». Cela a pour effet de conforter l'utilisateur dans son choix non plus seulement pour des raisons purement économiques : le fait de disposer de chaînes gratuites avec la télévision, mais aussi pour des raisons qualitatives. Les FAI ont pris la mesure de la valeur de la télécommande dans l'imaginaire qu'elle créée chez l'abonné dans le sens où elle est le lien directe entre lui et l'IPTV. Les boîtes étant sommaires pour des raisons de coûts, la priorité mise sur les télécommandes semble correspondre aux attentes des utilisateurs pour lesquels ce genre d'outils légitime le FAI, non plus en tant qu'alternative économique, mais en tant que concurrent direct des autres éditeurs de services télévisuels.

Free a récemment poussé l'expérience plus loin encore avec la livraison à ses nouveaux abonnés d'une télécommande multifonction. Il est à noter que les différentes versions des box se sont accompagnées de la même télécommande. Celle-ci propose à l'abonné la possibilité d'utiliser l'objet d'une façon verticale et d'une façon horizontale. L'usage vertical rappelle les manettes de consoles de jeux avec des boutons placés à des endroits similaires, Free n'a pas encore dévoilé l'usage précis de cette dimension « manette de jeu » mais les utilisateurs s'attendent légitimement à une interaction accrue. La nouvelle télécommande de NeufTV intègre des boutons qui dirigent directement vers des services comme la VoD et le media center, un signe supplémentaire du surgissement du non-linéaire dans les outils issus des usages du linéaire.

b) ...à l'objet télévision

Une évolution lente

Bien que la télécommande innerve la relation d'émission-réception entre le médium télévision et l'utilisateur, celle-ci n'a d'intérêt que si elle agrémente un médium qui justifie son utilisation. Les dernières télécommandes ont gagné en nombre de boutons pour répondre aux nécessités des nouveaux services que proposent les FAI.

La télévision a lancé le télétexte il y'a une dizaine d'années. Cet outil, qui rassemble de l'actualité et des services comme la météo et les courses utiles à l'époque, parait aujourd'hui quelque peu obsolète. Depuis, la télévision et ses diffuseurs n'ont mis en place aucune offre de service interactif alors que la demande de participation de l'utilisateur se faisait de plus en plus sentir. Entre l'époque de lancement du télétexte et aujourd'hui se sont installés des usages qui ont bouleversé le rapport d'émission-réception. Le discours énonciatif écranique propre à la télévision du début des années 90 s'est progressivement révélé inadapté aux besoins communicationnels du moment. Jack Goody rappelait que « les modes de communication d'une société comprennent à la fois les moyens de communication et les rapports sociaux de communication »63(*). C'est à dire que la démocratisation des outils liés à l'Internet émane d'un mouvement d'appropriation de masse. Ce qui, finalement, illustre dans ce cas la corrélation entre avancée technologique et avancée sociologique.

De son côté, la télévision a connu plusieurs mutations de l'ordre du contenu, mais assez peu en ce qui concerne la forme. Les écrans plats et la haute définition sont les exceptions. CanalSatellite et TPS ont marqué un tournant en poussant les possibilités d'interaction de l'actant avec l'affichage du programme en cours ou à venir, la possibilité de changer la langue ou les sous-titres ou encore l'achat de films sur Kiosque, en quelque sorte les prémices de la VOD. Ces deux agrégateurs de contenus proposent également des jeux, des services utiles, des radios...Le pas en matière d'implication dans l'énoncé est franchi avec l'arrivée sur le marché de ces deux éditeurs issus d'importants groupes média : CanalPlus et TF1.

Les FAI se sont inspirés de ces avancées. La logique de concurrence qui prévaut sur ce marché a favorisé une intense activité des secteurs de recherche et développement, ce qui a permis d'offrir de nouveaux services. Free a installé un disque dur dans son boîtier pour enregistrer directement la télévision, NeufTV a mis en place un media center qui permet d'afficher l'écran de son ordinateur sur sa télé et a poussé à son paroxysme la logique de convergence en lançant la chaîne Dailymotion dans son plan de service, qui diffuse en haute qualité les vidéos présentes sur le site Internet. De plus l'opérateur, désormais intégré au groupe Vivendi à travers sa fusion avec SFR envisage de lancer une chaîne, voire deux, qui diffusent les meilleures courses du jeu vidéo exclusif en réseau Exalight64(*), auquel peuvent jouer tous les abonnés. Les logiques de convergence évoquées dans le chapitre I sont corroborées par ce type de services. Le marché étant désormais mature, les fournisseurs arguent leurs innovations pour se démarquer.

La page d'accueil ou la fin de la linéarité discursive

De plus, la gratuité des services télévisuels à travers une offre triple play permet aux FAI de s'arroger du droit à certaines démarches purement marketing qu'un service payant n'oserait pas mettre en avant de façon aussi explicite. La page d'accueil après l'extinction-allumage de la box65(*) est la fenêtre de mise en avant censée favoriser l'attractivité de services rémunérateurs. Cette page d'accueil chez NeufCegetel est composée d'un écran reprenant la dernière chaîne visionnée ; des services météo, radio et horoscope, un bandeau publicitaire reprenant les nouveautés pour la VOD et enfin la liste des chaînes aux meilleures audiences de l'instant. Cette chaîne est dénommée « page d'accueil », référence sémantique à Internet. L'architecture de cette chaîne rassemble d'ailleurs certains codes ergonomiques d'une page Internet standard. L'écran est quadrillé en deux verticales, intitulées « frames »66(*) dans le langage du web, l'une centrale avec sa fenêtre de diffusion, l'autre sur le côté proposant un accès rapide aux chaînes et aux nouveaux films de la VoD.

Cette page est un des pivots de l'énoncé émis par les services TV des FAI. La palette de possibilités proposée à l'abonné ne relève pas ici d'un simple choix de chaînes et d'informations relatives, mais d'un ensemble de services plus ou moins liés au contenu télévisuel. Les services radio, horoscope, météo répondent à des besoins dits du quotidien. Ces dits-services se rapportent à des usages relatifs à la presse quotidienne pour l'horoscope et la météo, et la radio est le medium que l'on affuble souvent du terme « matinal ». Le media center est le lien entre l'ordinateur et la télévision. La VOD est une forme de consommation délinéarisée des contenus audiovisuels.

La résultante de la somme de ces services est que le FAI ne se contraint pas à être un simple relais de l'énoncé télévisuel. L'usage habituel de la télévision implique l'appui sur une touche de la télécommande relative à une chaîne désirée sur laquelle l'utilisateur arrive directement. Le FAI, dans ce cas, innerve l'échange discursif traditionnel entre la télévision et le téléspectateur à l'aide d'outils de promotion ou de service. La différence est majeure dans le sens où les chaînes subissent l'apparition d'une médiation qui ne leur est pas favorable puisque force de propositions alternatives. L'innervement dans l'énoncé émis par les éditeurs historiques annonce une prise de position stratégique de remise en cause des historiques rapports communicationnels entre faire-émissif et faire-réceptif.

Les FAI, lors du lancement d'offres TV dans leur Triple Play, étaient considérés comme de simples fournisseurs de chaînes. La teneur médiatrice de cette page d'accueil s'inscrit dans une démarche ouverte de rétablir le rapport de force entre fournisseur de contenu et opérateur, en indiquant que sans moyens de livraisons, le signal n'a aucune valeur. Le transport du signal, comme nous le verrons par la suite, s'avèrera être un élément déterminant dans l'évolution structurelle du marché.

Cette page d'accueil a pour cadre une prise en compte globale des attentes des abonnés. Le paradigme diffusionniste segmente l'appropriation d'une technologie selon des typologies de personnes graduellement proactives dans l'assimilation de l'outil. Les « innovateurs » comme les dénomme Everett Rogers67(*) se rapportent dans ce cadre à une population plutôt jeune et urbaine. L'étude sur la sociologie des groupes et des communautés révèle la part croissante de la méfiance voire de la défiance envers les médias de cette typologie d'utilisateurs fervents utilisateurs du web. Cette distanciation amorcée par le FAI dans le cadre de l'IPTV trouve son parallèle dans la métamorphose de la consommation médiatique. On pourrait en conclure que cette démarche répond à un double enjeu : la demande croissante d'interactivité et l'adhérence à la défiance vis-à-vis des média d'une certaine typologie d'abonnés. Cependant, même si 74%68(*) des abonnés TV de NeufTV sont satisfaits de cette page d'accueil, les mécontents arguent l'orientation trop commerciale de la page, l'excès d'information et préféreraient arriver directement sur une chaîne, comme le veulent les usages historiques de la télévision. Le point d'amélioration central doit être l'utilité du portail.

L'indicateur d'audience ou l'altérité prescriptive

La fenêtre intitulée « guide des programmes » indique les parts d'audience de l'instant sur l'ensemble des chaînes dont l'abonné dispose. Cela n'est pas anodin, il est inédit pour un téléspectateur de jouir des audiences instantanées. Les mesures audimétriques de la télévision hertzienne sont instrumentalisées par un boitier intitulé « audimètre MCS » informée des visionnages de chacun des membres du ménage. Collectées puis analysées par Médiamétrie, les informations sont utilisées pour établir la popularité d'un programme ou d'une chaîne. Quelques 8000 personnes font partie de cet échantillon destiné à représenter justement la population française. Chacune d'entre elles dispose d'un pouvoir sur la popularité d'un programme.

En septembre 2005, grâce à un partenariat avec Médiamétrie et Netgem69(*), NeufCegetel est le premier FAI à proposer un service de mesure d'usage en temps réel des chaînes diffusées par l'opérateur. Top 9 présente le classement des 9 chaînes les plus sélectionnées par les abonnés parmi toutes les chaînes TNT et ADSL du bouquet NeufTV. Cette initiative a rapidement été suivie par Free qui propose le même service sur les 15 chaînes les plus choisies.

Les mesures d'audiences du FAI NeufCegetel ne fonctionnent pas sous le même processus. Elles prennent en compte les boîtiers allumés et la chaîne choisie. Les paramètres sont notoirement différents de ceux de Médiamétrie concernant les audiences hertziennes ou TNT. Médiamétrie appelle régulièrement ses foyers audimétriques pour corréler les informations fournies par le boîtier et les comportements de consommation des habitants du ménage. Ce n'est pas le cas des FAI qui reçoivent des données brutes reversées directement dans la fenêtre « guide des programmes » ou dans la mosaïque. Il faut ajouter que les audiences des FAI ne sont pas représentatives de la population et ne sont à aucun moment pondérées. La divergence dans la mesure d'audiences entre media historique et FAI tient en deux mots : qualité et quantité.

Le choix de la quantité chez les FAI résulte d'une adhérence à certains usages types sur le web. Comme expliqué dans La longue traîne70(*), « les recommandations sont une force de démocratisation dans une industrie remarquablement peu démocratique. » L'auteur fait référence à l'écosystème du web dont certaines méthodes de recommandations entre acheteurs ont été préemptées par des entreprises comme Amazon71(*) ou eBay72(*). La somme des avis donnés par les utilisateurs d'un produit est perçue de façon plus positive que les recommandations d'entreprises marchandes. Et pour cause puisqu'il est dénué à priori de partialité.

Pour revenir à la page d'accueil de NeufTV, cette fenêtre recensant un instantané des audiences installe les abonnés au centre du système évaluateur de performance. Cette intention délibérée de mettre en avant les choix des « confrères » abonnés en direct répond à une tendance lourde observée sur le web, sur lequel tout est noté, commenté, puis conseillé, admiré, porté aux nues ou pointé du doigt. Ainsi, les programmes mis en avant ne relèvent pas d'un choix éditorial de l'opérateur mais de la somme des libres choix de l'ensemble des abonnés branchés sur l'IPTV. Cela n'est pas sans rappeler les mises en avant par « nombre de visionnages » des sites vidéo comme Youtube73(*).

Des jeux-concours ou la banalisation du canal

NeufCegetel a lancé un jeu-concours sur TV au mois de juin 2008. Grâce aux touches de la télécommande, l'abonné répond à des questions portant sur le bouquet de chaînes avec à la clé des cadeaux offerts par les chaînes sur lesquelles les questions portent. La page d'accueil met en avant le jeu-concours. L'abonné décide d'interagir à l'aide de sa télécommande et se voit diriger vers un canal, comme pour une chaîne, qui affiche le jeu, et envoie les réponses à un serveur central qui recoupe les réponses avec les informations personnelles du client. L'attribution d'un canal pour ce jeu-concours, comme c'est le cas pour la chaîne Exalight, rappelle la faculté des FAI à s'extirper des réglementations usuelles de la télévision hertzienne pour laquelle l'attribution du moindre canal prend des années et nécessite l'intervention de l'état à travers le CSA. Cela invoque une banalisation des canaux, des flux, au profit de services interactifs. Les différents choix de marketing éditorial évoqués plus haut sont conformes à des usages communs à Internet et ses utilisations. Notons aussi que la perception des canaux de télévision par les FAI s'apparente à une forme de relais de croissance. L'utilisation de canaux à des fins promotionnelles, comme le sont les barker74(*) ou les pop-up75(*), s'inscrivent dans une logique de mise en avant d'un non-linéaire rémunérateur par le biais du linéaire. Certains opérateurs travaillent actuellement sur les perspectives ouvertes par l'EPG76(*). Informant les téléspectateurs du programme, de sa durée, éventuellement de ses acteurs ou réalisateurs, ces guides seraient amenés à renforcer les liens entre linéaire et non linéaire. Il s'agirait d'utiliser les informations relatives au programme afin de les recouper avec la base de données du non-linéaire. Les recommandations qui en découleraient seraient un vecteur supplémentaire de délinéarisation des programmes. L'extraction de l'orthodoxie énonciative inhérente à la télévision conforte l'idée que les FAI se refusent au confinement d'un rôle de simple distributeur.

c) Des films à domiciles

La VOD peut se draper du voile de la révolutionnaire médiatique. Ce service, pourfendeur de la linéarité discursive et grand protecteur de la fragmentation des audiences est un prolongement de l'indépendance progressive des spectateurs face à la chronologie de diffusion. La délinéarisation des services éditoriaux émane de la conjonction de la profusion des medias disponibles et de la volonté de plus en plus prégnante des utilisateurs d'adapter leur consommation dans un espace-temps dont ils sont les détenteurs. La VOD propose de regarder un programme au moment souhaité. Elle a deux fonctions principales : regarder un programme diffusé sur une chaîne ou visualiser un programme non diffusé à la télévision et qui s'inscrit dans la chronologie des media. Ce type de service est disponible sur le web et sur l'IPTV. Les principaux éditeurs de VOD ont d'abord préempté Internet avant de prendre en charge l'éditorialisation de service de vidéo délinéarisées sur l'IPTV, ce qui illustre une fois encore les passerelles entre le net et la télévision à l'initiative des opérateurs Internet. Depuis, certains FAI se sont affranchis de ce partenariat pour monter leur propre service, ce qui d'une autre façon fait montre de leur pugnacité quant à devenir un véritable éditeur.

Revenons à la dimension interactive des services VOD disponibles sur l'IPTV. Thématisée, classée par nouveautés, paquetée autour d'un acteur ou d'une typologie de films, la mise à disposition des contenus implique une bonne lisibilité. L'acception populaire veut que la VOD soit assimilée au VideoClub77(*) à domicile. Ceci est vrai en partie, mais les FAI ont augmenté le bénéfice client à travers plusieurs points.

L'écart de confort se situe dans le paiement. Les FAI ont systématisé le report sur la facture de l'abonné de ses achats en VOD. Cela réduit sensiblement le frein à l'achat par la disparition de l'acte physique d'achat avec une carte bancaire et la composition du code. Ce mode de paiement s'inscrit dans la logique de floutage des coûts réels par les opérateurs mobiles ou Internet grâce à l'étalement des paiements de façon mensuel. Les cautions et les déplacements liés à la location en vidéoclub disparaissent. Le fait d'être déjà abonné auprès du fournisseur réduit les incertitudes d'achat liées aux angoisses des problèmes bancaires sur Internet. Les opérateurs inscrivent les consommations sur la facture totale et cela permet à l'abonné de faire converger une fois de plus des consommations vers un nombre réduit de factures. Matérialisation directe de toutes les théories de convergence des media, la facture comptabilise des services différents qui utilisent au final le même signal. Elle symbolise le regroupement de services médiatiques autour d'entités restreintes, mais aussi l'assimilation d'usages car elle est de plus en plus envoyée dans une boîte électronique au profit d'envois postaux.

Les FAI se font également empathiques puisque les films pornographiques ne sont pas nommés dans l'édition de la facture. La consultation des consommations sur deux supports, la boîte mail et la télévision s'inscrit dans une pratique multimédia et interactive.

La somme des avantages promis par les FAI ne se résume pas à des paramètres fiduciaires. Mesurant la mutation des usages et des attentes qui en découlent, l'architecture des services de vidéo à la demande s'est agrémentée d'outils interactifs riches. Les résumés de films ne sont pas une nouveauté dans la location de films. La possibilité de visionner une bande-annonce en est une, tout comme l'apparition des notes de critiques et des spectateurs. Ces avis émanent du site Allocine.fr, institution sur Internet. Fort de son agrégation de résumé, photos, bande annonces, critiques professionnelles et avis de spectateurs pour chaque film, Allocine.fr78(*) dispose d'une forte potentialité en termes de contenus. Ce partenariat démontre une fois de plus la capacité des FAI à établir des passerelles entre Internet et l'IPTV. Il est à noter que les premières notes auxquelles est confronté le potentiel acheteur de film sont celles des spectateurs, transposition directe des usages liés au web et de la prise en compte de l'avis de l'Autre. En effet, le fait que les notes « spectateurs » soient valorisées met en relief la faculté des FAI à saisir les exigences des téléspectateurs dans la prise en compte de « l'altérité prescriptive » à travers l'évolution des usages. Les stratégies marketing s'orientent vers une offre plus exhaustive tant en termes de quantité que de qualité. Le nombre de films ne cesse d'augmenter. La Haute Définition dispose désormais d'une thématique à elle seule et prend de l'envergure.

Il faut ajouter que la VOD se démarque de la télévision non seulement en termes d'architecture mais aussi dans sa capacité à prendre en compte l'égotisme de l'utilisateur. Et ce, afin de le rendre central dans le dispositif médiatique, de « lui permettre de se faire sa propre grille de programmes », comme le souligne Xavier Couture, directeur des contenus d'Orange, décidé à « inventer la télévision de demain ».

* 62 Cuivre : Matière utilisée pour transporter les flux

* 63 GOODY Jack, 1979 - « La raison graphique », Minuit.

* 64 Exalight est un jeu vidéo de courses de véhicules édité par Neuf, et qui se joue en réseau sur ordinateur.

* 65 Box : servant d'équipement de terminaison de réseau, qu'un fournisseur d'accès à Internet fournit à ses abonnés au haut débit pour bénéficier du triple play,

* 66 Frame : colonne

* 67 ROGERS Everett. 1962. « The Diffusion of innovations »

* 68 Chiffres internes extraits d'une étude sur l'utilisation des services audiovisuels de NeufTV

* 69 Netgem : société technologique spécialisée dans l'équipement de télévision IP,

* 70 ANDERSEN Chris, 2007 - « The long tail, why the future of business is selling less of more ». - Broché

* 71 Amazon : entreprise de commerce électronique mondiale d'origine américaine..

* 72 Ebay: site Web de ventes aux enchères créé en 1995 et compte aujourd'hui plus de 275 millions de membres inscrits

* 73 YouTube : site web d'hébergement de vidéos sur lequel les utilisateurs peuvent envoyer, visualiser et partager des vidéos

* 74 Barker: bande-annonce promotionnelle.

* 75 Pop-up : fenêtre surgissante qui s'affiche sans avoir été sollicitée par l'utilisateur

* 76 EPG: détaille les programmes présents et à venir en aplat sur la diffusion d'une chaîne TV

* 77 VideoClub: boutique de services permettant la location sur support vidéo afin de les visionner à son domicile, avant de les rapporter.

* 78 AlloCiné.fr : société fournissant des services et des informations cinématographiques en ligne.

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