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FAI: vers un devenir médium


par Gregory de Prittwitz
CELSA - la Sorbonne
Traductions: Original: fr Source:

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2. L'interactivité et la webisation125(*) des supports

La pérennité des FAI dans l'édition de contenus passe par un renforcement des principes d'adhérences aux évolutions des usages. Les lacunes des FAI à palier relèvent de l'écart des usages entre le web et la télévision, car même si cette dernière bénéficie toujours de la primauté des usages en matière de confort, elle doit être au coeur du développement.

Si l'on retrouve encore aujourd'hui au sein d'une boutique VOD la loi de Pareto, c'est qu'il subsiste des différences d'usages entre les deux supports. La facilité d'utilisation de l'ordinateur n'est pas encore égalée. La navigation y est instinctive, infinie, libre et répond à des comportements salvateurs en terme de centralisation du faire-réceptif dans l'énoncé. La télécommande répond à un certain nombre d'exigences en termes d'usages et semble anticiper des évolutions mais elle souffre de la comparaison avec la souris. La rapidité d'exécution, la variété de l'espace disponible (cliquable) et la variété de typologies énonciatives (textes, vidéos, sons) sont inapprochables par la télécommande pour l'instant en ce qui concerne le confort d'usage. L'architecture d'une télévision avec voie de retour, comme c'est le cas de la boutique VOD aujourd'hui ne répond pas aux usages développés sur le web. Il n'existe à ce jour aucune solution technologique qui pourrait reprendre les usages injonctifs de l'ordinateur. Récemment, seule la Wii de Nintendo a su reproduire ces dits usages sur la télévision, avec succès.

En terme de positionnement intellectuel, la télévision est encore le medium d'un faire-réceptif passif, déterminé par des années de « diktat éditorial ». Le web a libéré le faire-réceptif du joug de la non-expression intellectuelle, composante de la consommation de télévision. Les usages de la télévision sont encore imprégnés de ces décennies d'un medium dominant, dont l'échange avec le faire-réceptif tient plus d'un rapport dominant-dominé, comme le souligne Missika que d'un rapport d'échange discursif. C'est donc la raison pour laquelle les usages du web auront besoin d'un temps de latence pour pouvoir s'appliquer pleinement sur la télévision. L'interactivité peut, à terme, rassembler certains usages des deux supports, la télévision et l'ordinateur.

L'attribut interactif sera celui qui permettra au support télévisuel de dépasser son statut originel, celui d'un rapport d'un signal émis en direction d'une multitude de récepteurs. La personnalisation des échanges entre émetteur et récepteur permettra l'assimilation des outils interactifs. La connaissance de l'utilisateur dans ses préférences d'utilisation, ses loisirs, ses contenus préfères laisse envisager une monétisation du support télévisé. Il serait logique que les opérateurs profitent des informations concernant les utilisateurs pour concevoir des espaces commerciaux en rapport avec les attributs de chaque consommateur. Le groupe anglais Sky, éditeur de chaînes a préempté ce type d'opérations en attribuant des bandeaux publicitaires cliquables à des annonceurs, qui offraient au client des offres promotionnelles, ou lui permettaient de faire des paris en direct. Le prolongement de l'espace discursif vers un espace alternatif non continu soumis aux injonctions de l'utilisateur rappelle les usages du web.

Si l'interactivité se doit d'être si centrale, c'est tout d'abord parce qu'elle illustre une transposition des usages du web, comme explicité en amont, mais surtout parce qu'elle sera à terme le nerf de la guerre entre éditeurs historiques et FAI. Elle laisse présager de nombreux développements économiques. La libéralisation des jeux d'argent, jusqu'ici monopole de la Française des jeux laisse entrevoir des opportunités quant aux paris en ligne. L'idée est de proposer au téléspectateur la possibilité de parier en direct sur un contenu qu'il visionne de façon linéaire.

L'interactivité doit servir la personnalisation des rapports entre le faire-émissif et le faire-réceptif. Elle doit être le lien entre les usages du web et ceux de la télévision. En effet, elle profite de la capacité de la télévision à drainer des masses de population autour d'un énoncé linéaire en y ajoutant des usages typiques du web, le vote, le pari, l'interactivité en somme. Elle sera aussi une source non négligeable de revenus puisqu'elle sera une fenêtre à laquelle l'utilisateur aura accès via le linéaire, avec la mise en place d'un pop-up, laissant ainsi la possibilité de monétiser cet espace comme un support publicitaire, de valeur puisque le boitier ADSL, dispose d'une voix de retour permettant d'interagir avec le supposé client.

Vecteur de recentralisation de l'utilisateur dans l'énoncé, l'interactivité offre la possibilité d'interagir avec le programme, d'avoir le sentiment de discontinuer la linéarité du programme en votant, en donnant son avis en direct. L'interactivité rapatriera le faire-réceptif lassé de l'unilatéralité du rapport avec le faire-émissif. Elle sera déterminante dans l'évolution des usages, puisqu'elle pourrait à terme être le dépositaire d'une autre transposition d'usage : le jeu vidéo. Le groupe Vivendi est détenteur de SFR mais aussi de Vivendi Games, numéro deux mondial du jeu vidéo. Le jeu vidéo, dont le chiffre d'affaires mondial dépasse aujourd'hui en France celui du cinéma est révélateur de la centralisation du « moi » au sein de l'énoncé. Les interactions entre le support et ce type de contenu laissent envisager le franchissement d'un pas supplémentaire dans les convergences de groupe.

Seulement, si ce type de rapprochement entre supports et contenus paraît aujourd'hui farfelu, il est nécessaire de se poser la question de la future place de la télévision dans le schéma domotique moyen. La télévision est toujours perçue comme une forme de culture de consommation à la fois domestique et nationale, privée et publique. Seulement, l'agrandissement progressif des écrans d'ordinateur présuppose un confort meilleur et pose la question de son emplacement au sein du foyer. Poser les jalons de la convergence entre les supports et le contenu, et permettre une implication de l'usager dans le rapport communicationnel avec la télévision doivent être les leviers de contrôle par les FAI de l'ensemble de la chaîne de valeur, de l'équipement à la production. La valorisation financière des contenus et de ses supports passe par une maîtrise des réseaux de distribution.

Si l'ordinateur venait à supplanter la télévision au centre des usages domestiques, il s'agirait d'une redistribution des cartes qui impliquerait l'ouverture du marché à d'autres acteurs, éventuellement encore moins issus du contenu. La donne changerait radicalement pour les FAI pour qui la détention des réseaux en circuits fermés façonne la primauté de l'offre. Des entreprises comme Carrefour ont semble-t-il fait le pari d'une évolution des usages domotiques. Le lancement d'une offre VOD de la part du deuxième groupe de distribution au monde suscite quelques interrogations quant à l'avenir de l'édition de contenus. Si les opérateurs télécoms se sont appuyés sur leurs réseaux pour s'emparer des circuits de diffusion et imposer leur stratégie de « devenir medium », qu'en sera-t-il si le marché s'ouvre à des nouveaux venus, moins rompus encore aux joutes du marché, mais forts d'un capital financier extraordinaire.

* 125 Webisation : opération de migration d'une application informatique vers une solution de type web (utilisation des techniques de l'Internet).

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