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FAI: vers un devenir médium


par Gregory de Prittwitz
CELSA - la Sorbonne
Traductions: Original: fr Source:

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2. Mise à disposition et médiation

Devenir médium signifie également créer de la valeur éditoriale, et ce de façon régulière. Une mise en avant de contenus relève d'une éditorialisation. Idem pour un choix de chaînes dans un bouquet, surtout eu égard aux attentes des utilisateurs. En fait-ce un medium pour autant ?

Un medium est créateur de contenus. Quel est aujourd'hui le meilleur moyen pour être créateur de valeur en tant que FAI et profiter des avantages liés à la détention des réseaux ? La création de chaînes, comme l'ont bien compris Numéricâble et Orange. Elle est une forme d'aboutissement, comme la remontée dans la verticalité de la chaine de valeur le suggérait en amont, avec la production de contenus en amont. Cependant, les chaînes créées par ces opérateurs sont soit événementielles soit « de stock ». L'acquisition de droits de football est indispensable à MCS et à OrangeFoot. Établir une ligne éditoriale, donner un sens à l'agrégation de contenus, colorer la chaîne à travers un ton, cela est indispensable à l'acception d'un medium.

Rendre pérenne la mutation vers un « devenir medium » passe par un engagement vers la qualité éditoriale. Certes, les FAI ont opté pour une stratégie de valeur et ont à maintes reprises fait preuve d'une forme d'empathie « utilisateur ». Cependant, l'acception médiatique n'est possible quand dans le cas où le contenu est qualitatif. Car, si les FAI ont su anticiper certaines évolutions des usages et se rapporter à d'autres pour construire leur offre, il ne leur faut pas oublier combien les actants médiatiques ont fait preuve d'esprit critique à l'égard des médias historiques. Les générations nées avec la télévision comme celles nées avec Internet sont celles dont l'esprit critique semble être le plus fort. Les critiques sont généralement pertinentes, et sont d'autant plus problématiques qu'elles s'expriment librement sur des espaces d'échange entre utilisateurs. Pour exemple, Orange et son offre Ligue 1 n'a disposé que d'une audience de 10 000 personnes pour le premier match retransmis en août 2008. La Fédération Française de Football a demandé à la production de l'opérateur télécom d'augmenter la qualité du rendu, les téléspectateurs étant habitués à des diffusions de très bonne qualité avec CanalPlus ou TF1. Par conséquent, la direction d'Orange envisage un enrichissement de la chaîne via la production de reportages et magazines destinés à agrémenter le contenu premium d'un habillage éditorial. C'est le signe que l'opérateur réalise que créer une chaîne n'est pas aisé. C'est le fruit d'un long travail visant à agrémenter la chaîne de contenus de valeurs. Il ne s'agit pas seulement de la diffusion du contenu premium de façon brute.

De plus, le fait que l'offre soit disponible dans une offre fermée rend confuse l'accessibilité au service, Xavier Couture estime qu'il faut un temps d'adaptation à l'offre. Que le nombre d'abonnés (déçus) à l'offre soit si faible en ce début de diffusion montre combien l'acception médiatique n'est pas automatique. Elle suppose un savoir-faire, une expérience.

La combinaison d'une qualité éditoriale insuffisante et d'une accessibilité réduite est rédhibitoire dans la logique de « devenir medium ». De plus, la télévision des FAI ne peut exister que grâce au medium de masse qu'est la télévision. La prise en compte des mini segments dans une logique de remontée de la chaîne identitaire de l'individu est un bienfait puisqu'elle s'adosse aux besoins énonciatifs de l'utilisateur. Ajoutée à cela la réduction de périmètre de diffusion et vous n'obtenez qu'une télévision de minorité.

Les éditeurs historiques et les Fai doivent comprendre que les logiques de niche et de masse ne sont pas opposées mais complémentaires, puisque c'est une composante aussi importante de l'individu médiatique, dans son besoin d'une base culturelle identitaire.

La centralisation du « moi » dans le dispositif médiatique pose la question de la dimension sélective de l'information. Avant la fragmentation intensive des audiences, le récepteur du flux déléguait à la télévision la responsabilité de préfiltrer l'information. Basée sur la confiance, cette relation était le dépositaire du jeu médiatique, avec les excès que cela comporte. Il demeure que cette délégation implicite des pouvoirs façonne des repères pour tous. Le filtrage effectué par un certain nombre de média de masse est une sorte de boussole dans la compréhension des enjeux sociétaux et politiques. Le filtrage crée une grille de lecture compréhensible par tous.

La dilution du flux émissif dans une masse réduit considérablement sa portée. Le télécom, agrège et édite des contenus, compile des films et commente des matchs et par conséquent se considère en média. Mais on peut s'interroger sur la dilution des rapports médiatiques, dans le sens où le rapport communicationnel est médié. Le principe de réserver l'accession au flux aux seuls abonnés à une offre d'un autre ressort (accès à internet) va à l'encontre de la dimension médiatique. L'acception du medium par la société veut qu'il soit celui qui sélectionne et valide les informations qui intégreront le flux émissif. La société a besoin de repères érigés par la masse, ce qui sous-tendrait que la micro niche n'est qu'une composante de la personnalité médiatique d'un individu, mais en aucun cas sa définition première.

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