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Radiographie de l'interactivité radiophonique

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par Blandine Schmidt
Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3 - Master 2 recherche Sciences de l'information et de la Communication 2008
  

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C. Mise en scène de ces émissions et limites

Notre travail s'est attaché à définir le dispositif radiophonique tel qu'il existe au sein des émissions service. Quelles que soient les émissions, une mise en scène plus ou moins spectaculaire est instaurée. Il paraît légitime de se questionner pour savoir à quel degré la situation d'assistanat est mise en scène à l'antenne ? Les auditeurs dans le besoi n ne seraient- ils pas la «poudre à canon» de médias animées par une logique de marchandisation du spectacle?

Aucune radio n'est en mesure de reconnaître sa participation, plus ou moins grande, à faire de la relation interactive entre un animateur et ses auditeurs un spectacle médiatique de la réalité. Pourtant, cet élément constitue une des bases de ces émissions, chacune l'exploitant à sa manière. Notons ici une distinction entre les radios publiques et les radios privées. Pour Deleu, «la parole spectaculaire, c'est la singularité de la radio privé. Il en va autrement du service public. La libre parole de l'auditeur est certes également considérée comme un élément de mise en scène de l'actualité. C'est un élément de spectacle indéniable. Mais il n'est pas provoqué par un dispositif qui rechercherait le spectaculaire. Et c'est une différence fondamentale entre l'approche des radios privées et celle des radios publiques. Toute parole est spectacle, mais elle ne devient spectaculaire que dans une mise en scène, délibérément

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provocatrice résultant d'un dispositif de don de parole adéquat. Nos recherches

confortent cette idée. Alors que «Service public» cherche à responsabiliser l'auditeur en l'informant un maximum, « Ça peut vous arriver» montre l'auditeur comme une victime, utilisant sa détresse à des fins spectaculaires. La première émission revendique une certaine mission de service public émancipée de toute contrainte économique. Même si la publicité est peu présente sur l'antenne de France Inter, la logique d'audience n'est pas absente de l'antenne. Nous ne pouvons pas négliger que cette contrainte est de plus en plus au coeur des préoccupations des dirigeants des radios publiques. France Inter a toutefois toujours entretenu un rapport particulier avec ces auditeurs. Ainsi le service public radiophonique arrivera-t-il à préserver la parole des auditeurs?

130MEYER Michel, op.cit. p 156

Cette question prend toute son ampleur à l'heure où des changements importants sont annoncés sur le service public audiovisuel français. Nous pensons en particulier à l'annonce faite par France 2 de programmer à la rentrée 2008 une émission animée par Julien Courbet. Cette nouvelle émission souhaite conserver l'esprit de «Ça peut vous arriver» sur RTL, comme en témoigne l'animateur à travers une interview accordée au Figaro: «Mon concept correspond vraiment à l'image du service public, c'est dans ce sens que je continuerai, du lundi au jeudi, en direct, à défendre les consommateurs, à soigner les petits bobos du public, mais dans le même esprit de convivialité que celui que je pense avoir réussi à instaurer

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chaque matin sur RTL. Mais est-il possible de calquer un dispositif radiophonique pour

l'adapter au média télévisuel? Programmée entre 18 heures et 20 heures, la chaîne met beaucoup d'espoir dans cette émission. En effet, cette tranche horaire dite «d'accès à la première partie de soirée » est cruciale pour les grandes chaînes, servant de tremplin aux audiences du journal télévisé de 20 heures et aux programmes de la soirée. Les émissions service sont donc aujourd'hui convoitées pour les résultats qu'elles obtiennent en terme d'audience, tout en établissant une relation de proximité induit dans le dispositif.

Les émissions service se disent à la disposition des auditeurs pour résoudre leurs problèmes. Mais dans quelle mesure répondent-elles à leurs attentes? Les thématiques qui encadrent ces émissions sont-elles basées sur les besoins réels des auditeurs ou répondent- elles à une autre logique? Nous ne pouvons répondre précisément à ce stade de notre réflexion, mais nous avons toutefois quelques pistes de travail.

Les thématiques des émissions service qui invitent à l'antenne des experts afin de répondre aux problèmes des auditeurs sont souvent choisis en fonction de l'actualité de ceux- ci. En effet, dans l'émission «Lahaie, l'amour et vous », lorsqu'un invité est présent en studio, c'est souvent parce qu'il est en campagne promotionnelle. Il s'agit la plupart du temps de la publication d'un ouvrage en relation avec la thématique générale de l'émission de Brigitte Lahaie. A l'antenne, l'animatrice oriente les interventions des auditeurs vers des problématiques en lien avec cette publication. Même si les auditeurs ne sont pas cantonnés à

131 MAIRE Jean-Michel, « Julien Courbet : «J'en ai rêvé, France 2 l'a fait» », Le Figaro, 26 mai 2008, http://www.lefigaro.fr/culture/2008/05/26/03004 -20080526ARTFIG00478 -julien -courbet -j-en-ai-reve-france -la-fait-.php consulté en mai 08

intervenir sur ces thèmes en particulier, la séle ction effectuée au standard en tient compte. D'autres émissions cloisonnent les interventions des auditeurs au seul thème de l'émission, prédéfinis par le choix des invités. En effet, les témoignages ou questions des auditeurs sont destinés aux invités. Isabelle Giordano sur France Inter ne s'engage pas personnellement dans la réponse donnée à l'appelant; contrairement à Brigitte Lahaie. Si l'auditeur ne peut pas intervenir en fonction de ses besoins, cela ne signifie pas pour autant que l'émission ne lui vient pas en aide. Les thèmes choisis dans le cadre de l'émission n'intègrent certes pas les problèmes individuels de chaque auditeur, mais ils peuvent coller à une réalité sociétale. Par exemple, «Service Public» a mis en place un partenariat avec des associations de consommateurs. Ces dernières sont invitées lors de la parution d'un dossier spécial. Réunissant ainsi les consommateurs eux-mêmes, les thèmes choisis doivent être en continuité avec leurs problématiques. Nous pouvons toutefois nous questionner sur la véritable nature de cette démarche. En continuité avec les travaux de Bourdieu, ne sommes-nous pas en présence d'une « censure invisible » ? Les thématiques des émissions étant définies par avance, les auditeurs ne sont pas libres d'exprimer sur les sujets de leurs choix. La « censure invisible» consiste à parler de choses futiles, afin d'en cacher d'autres plus importantes. De ce fait, il

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s'exerce sur les individus une « violence symbolique », à laquelle ils sont impuissants. Enfin, « Ça peut vous arriver » traite au cas par cas les «dossiers» des auditeurs, répondant à leurs attentes individuelles. Quelques émissions spéciales sont toutefois réalisées ; l'animateur incite les auditeurs à venir exposer leurs problèmes dans le cadre d'une thématique précise. Ces trois émissions service sont le révélateur de deux logiques distinctes de prise en charge de l'auditeur. La première s'attache à proposer un cadre d'intervention, un espace clairement délimité comprenant plusieurs facettes du sujet. Les besoins des auditeurs doivent de ce fait correspondre avec la thématique de chaque émission quotidienne. Le média décide de satisfaire une masse d'individus en abordant des cas plus ou moins ordinaires. La seconde traite individuellement des besoins de l'auditeur en lui proposant un soutien personnalisé. Ici le dispositif a plus tendance à être spectaculaire, les situations des auditeurs se démarquant du cas général. Des recherches complémentaires nous permettraient de délimiter les avantages et les limites de chacun des dispositifs de soutien radiophonique.

132BOURDIEU Pierre, Sur la télévision, Raisons d'agir, Paris, 1996

La deuxième piste de travail que nous souhaiterions explorer est tournée vers l'idée d'indépendance éditoriale des émissions service. En ce sens, les émissions traitant par exemple des problèmes des consommateurs, telles que celles de Julien Courbet sur RTL, ne subissent-elles pas des pressions quant aux entreprises incriminées ?s Au standard, un auditeur est-il évincé en fonction de la nature de son problème? Quel est le poids des annonceurs publicitaires de la radio dans ce genre de situation? Si une arnaque est constatée incriminant une entreprise payant des espaces publicitaires à la station, le cas de l'auditeur est-il diffusé à l'antenne. A contrario, les émissions service du service public sont -elles émancipées de toutes pressions extérieures?

Pour terminer, il est nécessaire de se questionner sur la portée et l'efficacité des émissions services. Notre début de réponse se base sur les trois émissions étudiées. Ces dernières ne nous permettent pas de tirer des conclusions globales, mais elles sont un échantillon de ce type de programme, reflétant des dispositifs radiophoniques contemporains.

L'émission «Service public» sur France Inter apporte un soutien particulier à ses auditeurs, décidant de l'informer afin de le responsabiliser dans son quotidien. Les auditeurs interviennent à l'antenne essentiellement pour apporter un témoignage. Les questions posées, même si elles se basent sur une expérience personnelle, sont d'ordre général. Aucun suivi des auditeurs n'a lieu. L'anonyme est donc seul face à ses problèmes; le média l'incitant à devenir acteur de sa propre vie.

L'émission «Lahaie, l'amour et vous» sur RMC-Info propose aux auditeurs des consultations personnalisées se basant sur une démarche cathartique. L'animatrice écoute, donne son point de vue et conseille l'auditeur dans sa vie intime. L'aide apportée par le média se situe plus dans le domaine du soutien. La nature brève de l'entretien ne permet pas à l'animatrice de s'impliquer pleinement dans la résolution du problème de l'auditeur. L'assistance proposée n'est que superficielle. Toutefois, pour parer à cette contrainte, la station a mis en place une assistance téléphonique directement accessible depuis le standard. Hors antenne, la radio poursuit sa démarche de soutien, assurant une continuité dans le dispositif.

L'émission «Ça peut vous arriver» sur RTL assure à l'auditeur une prise en charge complète de son problème jusqu'à son dénouement. En effet, l'animateur devient le porte- parole officiel de l'auditeur dépossédé, organisant à l'antenne des confrontations avec les différents acteurs de l'affaire. Etape par étape, l'émission fait intervenir un même auditeur plusieurs fois le même jour. De plus, une pratique courante de l'émission consiste à revenir sur le « dossier » d'un auditeur jusqu'à que ce dernier obtienne satisfaction. Le taux de résolution est important, même si le dispositif favorise et amplifie à outrance ce constat.

Ces quelques pistes de réflexions méritent d'être poursuivies en élargissant notre corpus d'émission, et soutenu par des entretiens auprès des animateurs et des auditeurs. Le hors-champ du dispositif nous paraît fondamental pour comprendre et analyser l'efficacité et l'utilité sociale des émissions service.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery