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Archives photographiques au bénin : Problématique de la gestion d'un patrimoine documentaire menacé

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par Franck Komlan OGOU
Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature / Université d'Abomey Calavi - Technicien supérieur de l'information documentaire 2004
  

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Réflexions pour une mise en valeur des archives photographiques au Bénin 

CHAPITRE 4 :

4.1 Mise en place d'un plan de sauvetage et de sauvegarde des archives photographiques au Bénin

Après les constats faits sur le terrain de notre recherche, nous sommes en droit de conclure que les archives photographiques sont en état de dégradation avancée et il est urgent de prendre des mesures importantes voire impérieuses pour sortir ce pan de patrimoine du pétrin. De ce fait, nous avons pensé mettre en place un plan de sauvetage et de sauvegarde.

4.1.1 Point sur les institutions publiques en charge de la gestion du patrimoine archivistique photographique au Bénin

Nous avons estimé qu'avant toute proposition visant à améliorer les conditions de conservation et de gestion des archives photographiques au Bénin, il s'avérait indispensable que nous fassions un aperçu sur le traitement qui leur est fait par les institutions publiques en charge de leur gestion. De ce fait, nous avons identifié la Direction des Archives Nationales et la Direction du Patrimoine Culturel qui s'occupent de la gestion du patrimoine culturel documentaire, muséal, monumental et autres.

4.1.1.1 Présentation et missions des deux institutions

Direction des Archives Nationales

La présentation et les missions de la D.A.N ont été déjà abordées dans le chapitre deuxième précisément au niveau du point 2.1.2

Direction du Patrimoine Culturel

Pendant la période coloniale, la métropole a créé l'Institut Français d'Afrique Noire (I.F.A.N) dont le siège était à Dakar au Sénégal. Chaque colonie avait alors un démembrement. Celui du Dahomey centralisait les écrits et faisait office de bibliothèque. Après l'indépendance en 1960, l'Institut de Recherches Appliquées du Dahomey (I.R.A.D) a vu le jour avec les mêmes prérogatives que l'I.F.A.N jusqu'en 1980 avec la création de la Direction des Musées, Monuments et Sites (D.M..M.S) et du Centre Béninois de la Recherche Scientifique et Technique (C.B.R.S.T). Dès lors, deux structures distinctes s'occupent de la gestion des éléments du patrimoine à savoir la D.M.M.S pour les musées et la recherche documentaire pour le C.B.R.S.T. La Direction du Patrimoine Culturel (D.P.C) sera créée en 1992 en remplacement de la D.M.M.S et la Direction de la Bibliothèque Nationale (D.B.N) en 1995 qui sera une direction technique du ministère de la culture au même titre que la D.P.C.

Au regard de l'article 1er de l'arrêté N°048/MCAT/DC/SG/DA/DPC/SA de l'année 2003 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Direction du Patrimoine Culturel, la D.P.C a pour missions la mise en oeuvre de la politique de l'Etat en matière du patrimoine culturel national.

A ce titre, elle est chargée entre autres de la sauvegarde, de la conservation et de la réhabilitation du patrimoine culturel ; de veiller à l'application des dispositions internationales relatives au patrimoine ; l'élaboration et la mise en oeuvre de la législation devant régir la protection des biens culturels.

Elle est dirigée par un directeur nommé en Conseil des Ministres assisté d'un directeur adjoint et d'une équipe technique réparties dans les différents services.

L'exécution de ces différentes missions s'insère dans une vaste politique d'actions dans laquelle nous verrons la place accordée aux archives photographiques.

4.1.1.2 Politique mise en oeuvre par les institutions

Direction des Archives Nationales

La D.A.N, en tant que direction technique de l'Etat chargée de la collecte, du traitement, de la conservation et de la diffusion des documents issus des activités de la Nation et ceux des citoyens, dispose dans ses services d'un département consacré au traitement et à la conservation des photographies : c'est la photothèque. Mais malheureusement, jusqu'à ce jour elle ne dispose pas d'une photothèque même si dans son fonds documentaire elle compte quelques photographies isolées sans légendes qui ne pourront servir à aucune recherche.

Vu les nombreuses sollicitations et les missions à accomplir, la D.A.N avec à sa tête une professionnelle déterminée, madame Elise PARAÏSO, a reçu une subvention de l'Agence Suédoise pour le Développement International (en anglais SIDA) qui lui a permis de lancer en 2000 une campagne de prise de vue de la nature, des scènes de marchés, du paysage architectural de certaines localités du Bénin. Cette campagne a conduit cette équipe jusque dans la région septentrionale. De nombreuses photographies ont été prises et développées en noir et blanc pour assurer leur bonne conservation. Malheureusement cette expérience n'a pas été très concluante faute de métier du jeune photographe recruté à cet effet. La Directrice ne compte pas s'arrêter en de si bons chemins et nous a confié qu'elle initiera d'ici peu d'autres projets pour les archives photographiques.

A cet effet, elle a loué et félicité ce travail que nous avons enclenché qui rentrait dans sa vision globale de mise en valeur des archives photographiques.

Direction du Patrimoine Culturel

Les archives photographiques comme élément du patrimoine sont une évidence. De même que les autorités de la D.P.C, l'avant-projet de loi d'octobre 2002 le reconnaît aussi. De ce fait, aucune politique de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine ne doit exclure les archives photographiques. Reconnaissons tout de même que l'ordonnance N°35/PR/MENJS du 01er juin 1968 portant protection des biens culturels au Dahomey (actuel Bénin) ne catégorise pas les archives photographiques comme élément du patrimoine. Donc leur gestion relevait de la D.A.N et du C.B.R.S.T. Mais avec l'élaboration de l'avant-projet de loi dans lequel un effort a été fait même si cela ressemble à une copie conforme de la Convention de l'UNESCO de 1970, classant les archives photographiques comme bien culturel à protéger.

Partant de cette théorie, nous nous sommes rapproché le lundi 25 octobre 2004 des autorités de la D.P.C pour mieux appréhender le plan d'anticipation qui est en train d'être profilé pour la sauvegarde des photographies anciennes. Après avoir exposé un certain nombre de faits et de constats lors de nos enquêtes à la Directrice, assistée pour la circonstance de son chef service Promotion des Musées et de l'Action culturelle M. Richard SOGAN, elle a reconnu avec nous qu'effectivement les photographies sont du patrimoine et sont en danger. Mais malheureusement aux dires de ces autorités, aucune politique ou programme ne se dessine à court ou moyen terme pour intégrer les archives photographiques. Certes, elles ont estimé que les archives photographiques pourront faire partie d'un vaste projet d'inventaire qui s'élabore au niveau de la D.P.C. Les mêmes problèmes que sont le manque de moyens reviennent ici également. C'est à croire que l'Etat n'investit pas dans la culture. Il s'agit plutôt d'une méconnaissance des priorités et de faiblesses avérées dans la gestion des affaires de la cité. C'est tout de même regrettable qu'on fasse toujours croire que la culture est l'enfant pauvre de la politique de développement du Bénin. Espérons que d'ici là des actions concrètes soient initiées en direction des archives photographiques par les institutions étatiques car des initiatives beaucoup plus sérieuses se prennent dans le privé avec la floraison des associations de promotion du patrimoine et des institutions du patrimoine à caractère multinational.

Loin de dresser un réquisitoire contre les institutions publiques en charge de la gestion du patrimoine archivistique, il nous paraît indispensable de faire ressentir quelques impressions dues aux tristes constats faits sur le terrain :

- manque de synergie et de cadre de concertation entre les différentes institutions culturelles, à savoir la Direction des Archives Nationales, la Direction du Patrimoine Culturel et l'Ecole du Patrimoine Africain,

- ressassement du problème non justifié de manque de moyens,

- mauvaise gestion des fonds destinés à faire telle ou telle activité surtout dans le domaine de la culture.

Ce point au niveau des institutions publiques nous montre l'importance qui est accordée aux archives photographiques. Il paraît donc nécessaire que des initiatives privées fusent pour sauver ce pan de notre patrimoine. A cet effet, vu l'état de dégradation des oeuvres photographiques et le phénomène du trafic, nous proposons des actions qui doivent être inscrites dans un chronogramme d'exécution des activités mener dans ce cadre.

4.1.2 Nécessité de poursuivre l'inventaire

Au terme de ce travail et vu les objectifs que nous nous sommes assigné au début, nous jugeons utile et important de poursuivre cet inventaire pour qu'enfin nous puissions disposer des données fiables sur l'état des archives photographiques au Bénin. Mais avant de donner les éléments qui sous-tendent cette proposition, il est important de rappeler les objectifs du présent mémoire.

4.1.2.1 Objectifs du mémoire

Objectif général :

Constituer une base de données pouvant servir à la mise en oeuvre d'une politique de valorisation des archives photographiques au Bénin.

Objectifs spécifiques :

- Identifier les photographes et institutions disposant d'un fonds photographique pour faire une évaluation de leur collection ;

- Recenser les photographes et les institutions en vue de la constitution de la base de données ;

- Proposer des solutions en vue de la conservation et la mise en valeur des archives photographiques.

4.1.2.2 Facteurs favorables à la poursuite de l'inventaire

Avant de nous engager dans la recherche sur ce thème, nous avons identifié certains photographes répartis un peu partout sur le territoire national. La plupart ayant travaillé dans les administrations à Cotonou ou à titre privé ont préféré se retirer dans leur village pour éviter le bruit comme le disent certains d'entre eux. Ils se retrouvent aujourd'hui dans les zones périphériques des villes comme Porto-Novo, Ouidah, Cotonou, Abomey, Parakou, Kétou et même dans le Mono Couffo. Dans nos démarches préliminaires, nous avons été informé de tous les lieux probables où ils se trouvent. Mais nous n'avons pas pu réellement aller sur le terrain compte tenu des contraintes financières et surtout le temps qui nous a manqué très souvent. Nous avons essayé pourtant de rencontrer la majorité dans des villes environnantes telles que Cotonou, Porto-Novo, Ouidah. Pour ce qui est de Parakou, nous avons joint le Secrétaire général de leur association qui nous a fourni le maximum d'informations par téléphone. Quant au Mono et le Couffo, nous n'avons pas trouvé au départ des personnes disposées à nous guider sur le terrain mais par la suite, nous avons été contacté par certaines personnes. La disponibilité et l'ouverture d'esprit des photographes ont été encourageantes.

Sur un autre plan, nous nous sommes intéressé aux musées et aux centres de recherche qui disposent également d'une collection photographique assez importante. Cette importance avait été déjà perçue par le W.A.M.P qui a publié en 2001 le "Répertoire des archives photographiques en Afrique de l'Ouest" suite à un projet dénommé Identification, Classification, Préservation et Interprétation des Collections Photographiques. Ce projet avait pour ambition de faire le point des institutions ayant dans leurs collections des photographies, notamment les musées. Mais malheureusement les attentes du W.A.M.P n'ont pas été comblées dans la mesure où à peine la moitié des institutions surtout identifiées au Bénin ont répondu favorablement à cet appel. Donc dans ce sillage, si aujourd'hui on peut se faire une quelconque idée des collections photographiques au niveau des institutions, il n'en est pas de même au niveau des personnes privées. L'expérience du W.A.M.P est cependant à achever pour qu'un suivi régulier soit effectif sur les collections institutionnelles qui sont aussi mal gérées.

Cette demande que nous formulons est à prendre en compte pendant qu'il est encore temps car les trafiquants d'objets d'art ne dorment pas et inventent chaque jour de nouvelles stratégies pour contourner les mesures de protection prises à leur encontre. Ils profitent de leur pouvoir financier pour embarquer les nôtres dans ce vil trafic. Selon les informations qu'on aurait reçues des photographes, ils connaissent tous les lieux de détention des anciennes photographies et peuvent opérer en toute tranquillité. Il importe alors de prendre des dispositions pratiques pour endiguer le mal.

4.1.3 Approfondissement, renforcement et élaboration d'un cadre légal et réglementaire protégeant les archives photographiques au Bénin

Les archives photographiques sont au même titre que les autres biens culturels indispensables pour la maîtrise de notre histoire et la reconnaissance de notre identité culturelle. Elles constituent la mémoire visuelle de notre patrimoine.

Le problème de la législation demeure une épine à laquelle il faut trouver des solutions adéquates. Cela nous paraît important du fait de la vision que nous projetons pour les archives photographiques.

4.1.3.1 Les raisons

Le trafic des biens culturels prend des proportions de plus en plus inquiétantes dans le monde entier. Malgré  les mesures hardies prises par l'UNESCO pour enrayer le mal, il est constaté par tous qu'il ne va que grandissant. Dans cette situation confuse où tout disparaît à une allure vertigineuse, les collections photographiques apparaissent aujourd'hui comme le nouvel `'or blanc'' qui a une forte emprise financière sur le marché de l'art. Ainsi les pays africains sont sillonnés par des occidentaux en "tourisme" disent-il, pour repérer les anciens photographes et échanger contre leurs fonds des billets de banque.

Au moins pour les biens culturels des musées ou qui ont une certaine valeur historique, des dispositions existent pour espérer appréhender le trafiquant qui s'expose à des sanctions pénales. Mais pour les collections photographiques, quelle loi ou texte juridique prévoit une sanction en cas de vol ?

Les photographes eux-mêmes ne mesurent pas l'importance que leur confère leur richesse et se laissent duper ou abandonnent leurs oeuvres dans un état de décrépitude avancé de telle sorte que d'ici dans un futur proche on ne puisse plus compter sur ces vieilles photographies qui sont pleines de sens.

Les exemples de la D.A.N et de la D.P.C auxquels nous avons fait allusion plus haut laissent à désirer et il nous paraît urgent qu'il faille légiférer dans le domaine des archives photographiques pour que les institutions en charge de la gestion de ce patrimoine puissent prendre leur responsabilité. La question que l'on doit se poser quelle que soit la position est de savoir si les problèmes que nous remarquons aujourd'hui au niveau des archives photographiques est une affaire de manque de moyens ou de fuite de responsabilité ?

Malgré le fait que nous nous sommes refusé d'étudier l'Avant - Projet de loi portant protection du patrimoine culturel et du patrimoine naturel à caractère culturel, nous avons de la peine à comprendre que les oeuvres d'art contemporaines doivent avoir fait cinquante ans (50 ans) avant d'être considérées comme des objets culturels. Dans cette logique, il va falloir attendre l'année 2010 pour qu'une photo prise en 1960 puisse être classée bien culturel. Alors que la même loi dit que tout objet ayant un intérêt du point de vue de l'histoire, de l'archéologie est déclaré bien culturel. Loin de mettre en cause cette initiative de loi louable, nous attirons l'attention des uns et des autres sur des dangers et des contradictions qui ne feront qu'empirer la situation après même son adoption.

Dans ce sens, nous proposons qu'à défaut d'élaborer un texte pour la protection des collections photographiques, il faudra revoir les lacunes de l'actuel avant-projet de loi et d'approfondir la partie concernant les archives photographiques. Dans le cas contraire, nous avons émis quelques pistes de réflexions qui pourront être exploitées pour élaborer un texte protégeant exclusivement les archives photographiques au Bénin.

4.1.3.2 Proposition d'un cadre réglementaire de protection des archives photographiques

A notre avis, le texte réglementaire protégeant les archives photographiques ne doit pas être différent des autres dispositions en vigueur dans notre pays, notamment la loi fondamentale qu'est la constitution du 11 décembre 1990.

Nous avons estimé qu'il faille partir de l'existant pour définir un canevas de la nouvelle réglementation. Dans ce sens nous reconnaissons l'effort fait par l'ordonnance N°35/PR/MENJS du 01er juin 1968 qui reste le seul texte en matière de protection des biens culturels et l'avant-projet de 2002 qui classe les archives photographiques parmi les biens culturels. De ce fait elles sont d'office protégées mais compte tenu de la convoitise qu'elles suscitent parmi tous les biens culturels, elles mériteraient un texte exclusif vu également les contradictions qu'on peut relever dans le texte qui pourra entrer en vigueur d'ici peu.

A cet effet, loin de faire une discrimination entre les biens culturels quant à leur intérêt et leur importance à tous égards, les archives photographiques constituent des biens qui sont beaucoup plus en proie à la destruction physique et au trafic. En dehors d'elles, tous les autres biens culturels se trouvant pour la plupart dans les musées, bénéficient d'une certaine attention qui les met à l'abri des dégâts.

Cette proposition d'élaboration de texte de protection du patrimoine graphique n'est pas différente des normes en vigueur. Par ailleurs, la loi N°91-006 du 25 février 1991 portant charte culturelle en République du Bénin en son article 12 stipule que : « L'Etat béninois élabore la protection des biens culturels dont la conservation présente un intérêt du point de vue de la préhistoire, de l'histoire, de l'anthropologie, de l'art contemporain, de la science de la technique et de l'architecture ». Les lois dans l'état actuel sont considérées comme des « fourre-tout » où on fait un amalgame entre les biens culturels. En somme, ce sont les musées et les documents écrits qui retiennent beaucoup plus les attentions.

Fort de ces raisons, nous proposons que la réglementation de protection des archives photographiques au Bénin par excellence, élément du patrimoine soit constituée de ces grands axes :

? le trafic illicite

? les mesures de conservation

? doter les institutions en charge du pouvoir d'action et de répression

? la question du droit d'auteur

? les conditions d'utilisation : recherches, reproduction

? les sanctions pénales lourdes en cas d'infraction

L'élaboration d'une loi prenant en compte tous ces aspects ne règle pas du coup tous les problèmes. Il faudra pouvoir les appliquer rigoureusement. Les questions des droits d'auteur et d'utilisation doivent être étudiées de façon à ce que dans l'avenir il y ait des réclamations de la part des ayant droit des photographes.

En tout état de cause, à défaut d'élaborer un texte, il va falloir que des mesures soient réellement prises pour décourager les mauvaises initiatives. Un nouveau texte peut mettre fin aux dérives.

L'inventaire achevé et le problème juridique réglé, il va falloir penser à des actions beaucoup plus concrètes qui tendent à mettre en valeur le patrimoine photographique à long terme. A cet effet, nous suggérons des activités conséquentes.

4.2 Suggestions pour une meilleure mise en valeur des archives photographiques au Bénin

Le but de ce travail de recherche n'est pas seulement de relever des insuffisances constatées sur le terrain et de critiquer les institutions et les hommes en charge d'une gestion mais tout travail scientifique a pour finalité de corriger des malaises et d'apporter des idées novatrices dans le domaine exploré. Dans le cas d'espèce, nous avons une latitude d'actions qui pourraient nous sauver des problèmes que nous rencontrons.

Trois actions pourront orienter notre démarche future.

4.2.1 Formation, éducation et sensibilisation

Au cours de nos enquêtes de terrain et de nos entretiens avec les acteurs de la photographie, ils nous ont exprimé des préoccupations qui constituent leur apport dans ce travail. Ils ont notamment souhaité des actions concrètes à leur endroit.

Ainsi, la plupart d'entre eux étant de personnes âgées et ayant pris leur retraite depuis quelques années, ils ont estimé qu'il serait intéressant que dans notre programme on puisse insérer le volet formation. Ce volet formation tiendra compte bien évidemment des technologies actuelles auxquelles les anciens n'ont pas été initiés. Nous devons également inclure la formation des jeunes qui sont des `'adeptes'' de la photo couleur. Seuls les anciens détiennent le secret du noir et blanc. Beaucoup de jeunes y vont pour éviter le chômage et gagner de l'argent. La formation est donc essentielle et c'est tout ce que les photographes attendent de notre travail.

La photographie constitue de nos jours un maillon indispensable dans l'éducation. Elle sert à illustrer les livres et à argumenter les écrits. Elle devrait donc prendre une part importante dans les programmes d'enseignement. Nous devons faire intéresser ce monde par l'intérêt et l'utilité des photographies. Cela permettrait à la jeune génération de prendre conscience dès la base de leur importance, ce qui contribue à une sensibilisation. Toute action de mise en valeur doit passer par la sensibilisation car on a beau former mais il faut une prise de conscience avérée. La disparition des oeuvres photographiques n'est pas uniquement l'action des trafiquants mais ils sont aidés par des personnes averties qui connaissent auparavant les lieux de détention de ces photographies. Les photographes sont eux-mêmes complices. Il faut donc que les uns et les autres soient informés sur l'importance des collections photographiques. Aussi ont-ils exprimé le voeu de voir l'institution ou la création de prix pour les photos anciennes afin d'amener leurs propriétaires à bien conserver les oeuvres.

De même, nous souhaiterions que les responsables de la gestion de ces photographies soient formés. Cela est dû au fait qu'aucun module de formation n'existe pour l'initiation aux techniques de conservation des photographies. A l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature où sont formés les archivistes et documentalistes, ceux-ci ne reçoivent que 40 heures de cours pendant leur formation de trois ans. Ceci paraît insuffisant à nos yeux pour gérer un centre de photographies.

L'Ecole du patrimoine Africain qui a pour vocation la formation des conservateurs dispensent des modules de cours sana insérer des horaires pour la conservation des photographies.

Il se pose donc un problème de formation auquel nous devons aussi faire face au niveau des gestionnaires. Néanmoins certains s'efforcent d'avoir un certain bagage pour être utile sur le terrain.

4.2.2 Expositions publiques

La finalité de la réflexion qui nous a conduit au choix de ce thème de recherche est de constituer un fonds photographique qui reflète le visage des temps passés par l'image. Mais toute conservation n'est profitable que si elle est ouverte au public.

Pour cela, nous avons sur la base des suggestions des uns et des autres, proposé l'organisation des expositions temporaires. Elles constituent l'une des formes de diffusion de l'information de la chaîne documentaire. Avant toute exposition, il y a des préalables que nous devons prendre en compte notamment, les trois opérations de la chaîne documentaire que sont la collecte, le traitement et la diffusion.

? La collecte

Pour une unité documentaire ou une opération quelconque comme l'exposition, la collecte est l'action de réunir un certain nombre de documents, de faits, d'objets... selon des critères prédéfinis, en vue d'aboutir à un échantillonnage ou une collection représentative.

Une collecte menée avec rigueur, efficacité, méthode assure la cohérence par rapport au projet scientifique et culturel. C'est pourquoi avant de déclencher le processus de la collecte, il faut créer virtuellement la collection et se fixer des objectifs à atteindre à la constitution de la collecte.

Ici dans le cadre de l'exposition que nous envisageons, la collecte ne peut englober que les photographies d'évènements majeurs, en somme des photographies expressives. Cette collecte se fera au niveau des photographes qui sont les dépositaires des oeuvres que nous recherchons. Elle doit s'appesantir sur les faits locaux.

? Le traitement

Le traitement des photographies est bien différent de celui des documents écrits. Les collections photographiques ne sont exploitables que si elles sont documentées.

Les photographies devront d'abord subir le traitement matériel et après le traitement intellectuel à savoir le catalogage et la codification. La codification tiendra compte des sujets abordés par la photographie, l'année, l'auteur. Le cadre général de traitement des photographies est en annexes.

? La diffusion

L'information n'a de valeur que dans le partage. Ainsi, il ne suffit pas de faire une bonne moisson d'objets, d'organiser la collection dans une bonne série et la conserver dans un lieu attrayant. Il faut pouvoir la mettre à la disposition du public. C'est donc pour ce faire que nous avons suggéré l'exposition qui est beaucoup plus ouverte au public. Elle doit avoir un caractère attrayant, sensationnel et répondre aux attentes des visiteurs. Des normes sont également requises dans l'organisation des expositions, normes qui seront prises en compte.

Par ailleurs pour favoriser les échanges entre les différents corps dans la gestion du patrimoine photographique, nous avons pensé à la création de réseaux ou d'associations.

4.2.3 Création de réseaux de professionnels et d'associations

L'une des suggestions que nous faisons à l'issue de ce travail est aussi la création de réseaux de professionnels et d'associations pour suivre et faire suivre les idées qui pourront germer de ce travail.

De ce fait, nous avons pensé à la création d'un réseau de professionnels des archives. En effet, notre objectif est de fédérer ces professionnels notamment ceux qui ont à charge la conservation des archives photographiques. Cette idée a été déjà soulevée lors du séminaire international organisé par le W.A.M.P du 25 au 27 janvier 1999 à Saint Louis au Sénégal sur le thème : "La préservation et la promotion des archives photographiques en Afrique de l'Ouest". A cet effet, les participants ont accepté unanimement de mettre sur pied le réseau de photos-archivistes de l'Afrique de l'Ouest. Mme Vicky James du Nigeria a été élue coordonnatrice du réseau et Mme Colette GOUNOU est la représentante du Bénin. Selon les informations que nous a fournies le Professeur Alexis ADANDE, ancien Directeur Exécutif du W.A.M.P, ce réseau ne fonctionnerait pas correctement comme il l'aurait voulu pour des problèmes divers.

Une expérience à l'échelle nationale nous parait beaucoup plus raisonnable et plus réalisable.

Egalement nous pensons à la mise sur pied d'une association des photographes pour servir de tremplin où ils pourront discuter de leurs problèmes et recevoir des informations complémentaires sur la conservation de leurs oeuvres. Il se fait qu'au niveau des photographes il existe déjà une regroupement professionnel dénommé Groupement des Professionnels d'Images du Bénin (G.P.I.B). Ce regroupement tant bien que mal fonctionne mais sur des bases qu'ils se sont définis. Il serait bon que cette association puisse continuer son travail mais sur de nouvelles bases qui prennent en compte les actuelles orientations. Elle servira de relais au niveau des photographes pour les informations qui les concernent.

4.3 La gestion des archives photographiques proprement dite

Le but de ce travail est de déboucher sur la création d'une structure de gestion des archives photographiques au Bénin. Alors la question de la gestion durable doit être étudiée de façon délicate pour ne pas tomber dans des erreurs du passé. L'inventaire terminé, le problème juridique résolu et les fonds collectés pour des expositions thématiques, il faudra quand même que les photographies soient gardées dans un lieu pour qu'elles définitivement bien conservées. De ce fait, nous devons analyser le problème du statut de l'institution qui aura cette charge, comment organiser la conservation et bien sûr l'ouverture du fonds au public.

4.3.1 La structure de conservation

L'Etat a la responsabilité morale de conserver l'héritage artistique, intellectuel, historique et culturel de la Nation. Cet héritage constitué génération après génération est riche d'une mémoire d'oeuvre qu'il faut garder et transmettre à la postérité.

La Constitution du 11 décembre 1990 en son article 10 stipule que : « Toute personne a droit à la culture. L'Etat a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisations tant matérielles que sprituelles ainsi que les traditions culturelles ». A cela s'ajoutent également les dispositions contenues dans la loi N°91-006 du 25 février 1991 portant charte culturelle en République du Bénin qui font de l'Etat dépositaire de l'identité culturelle dont les archives photographiques.

Nonobstant ces dispositions, rien ne pointe pour la sauvegarde des archives photographiques. Les institutions publiques en charge dans le point que nous avons sur elles n'accordent aucune importance aux archives photographiques. A part la D.A.N qui fait un effort, la D.P.C quant à elle est préoccupée par les musées, encore qu'à ce niveau le travail n'est pas totalement parfait. Ainsi ne serait-il pas bon de susciter et de soutenir des initiatives privées du fait de l'importance de la question de la conservation des photos.

Des institutions ont déjà fait leurs preuves sur d'autres terrains et leur confier cette expérience ne ferait que le bonheur de tous. Dans ce sens, nous pensons à l'Ecole du Patrimoine Africain qui a une expérience dans le passé. Elle pourra servir alors de tutelle pour la mise en place de l'institution.

L'institution créée, il faut passer à l'étape de conservation des photos qui doit la phase la plus déterminante et la plus délicate car de la réussite de la conservation dépendra le succès de l'institution.

4.3.2 La conservation des photographies

Les photographies sont des documents très fragiles qui demandent qu'on y accorde beaucoup d'attention et de soins. Ainsi, pour mieux conserver la collection des photographies, nous avons jugé bon de décrire les normes selon lesquelles le local les abritant doit être construit.

Le site retenu pour la construction, le local devra être sous forme carrée pour permettre de disposer de plus d'espace. Si la lumière naturelle est indispensable, la lumière solaire directe sur les documents doit être par contre évitée. Aussi, une orientation du local au nord dans l'hémisphère Nord et au sud dans l'hémisphère Sud sont les solutions idéales.

Un accent particulier doit être mis sur l'équipement de centre surtout en ce qui concerne le matériel de développement en noir et blanc, le matériel de restauration. Le mobilier destiné aux usagers sera composé de tables et chaises. Le mobilier du personnel sera constitué de tables et des chaises tournantes qui sont beaucoup plus confortables. Le mobilier destiné au classement et à l'exposition des photographies sera composé de rayonnages et d'armoires vitrées, ainsi que de tableaux ou de panneaux d'affichage mobiles. Tout le mobilier doit répondre à un certain nombre de critères essentiels : être fonctionnel et confortable, pouvoir durer, avoir un aspect esthétique. De plus, le mobilier doit être en matériaux non combustibles avec finition anticorrosion, non toxique et non acide. Il doit permettre une libre circulation de l'air. Il faut aussi prévoir des appareils photographiques. Le magasin de stockage, l'atelier de restauration, l'atelier de reprographie et la salle de consultation doivent être chacun équipé d'un extincteur. Le matériel informatique ne doit pas être écartée. Son acquisition doit se faire en prévision du travail que doit accomplir le centre.

4.3.3 La diffusion

Avant de passer à l'étape de diffusion qui constitue l'activité fondamentale de valorisation des archives photographiques, il faut d'abord pouvoir collecter les potos et les traiter.

Nous avion montré à travers l'analyse de nos questionnaires que les photographes se disent prêts à céder leurs fonds sans aucune condition. Mais il faudra régler auparavant les problèmes juridiques liés à leur succession et aux droits d'auteurs. A ce niveau de collecte donc il n'existe pas de crainte majeure.

Quant au traitement des photographies, nous n'aurons rien à inventer car il existe une norme internationale dans leur traitement. Il suffira donc de suivre cette norme pour fournir une bonne documentation aux photographies.

La diffusion proprement dite doit être basée sur une politique d'ouverture au public. Pour ce faire, nous devons trouver des activités qui puissent amener le plus grand nombre de visiteurs et avoir surtout à l'idée la valorisation des archives photographiques dans notre pays.

Nous avions auparavant donné comme action urgente à mener des expositions temporaires. Cela a pour avantage de faire découvrir l'unité documentaire au public. Nous devons faire de l'institution un centre de recherches où doivent se côtoyer les chercheurs de tous ordres. Il doit être de recherche par excellence et pouvoir répondre aux attentes des usagers.

Pendant nos recherches bibliographiques, nous avons été sidéré par la beauté d'un document qui retrace la vie de toute une ville depuis la nuit des temps. Il s'agissait du document "Ballade dans Saint-Louis du Sénégal autrefois"33(*), document illustratif essentiellement réalisé à partir du fonds photographiques du Musée du Centre de recherches et de Documentation du Sénégal (C.R.D.S). Nous avons donc pensé compte tenu de la richesse du fonds photographique disponible initier un projet du genre toujours pour valoriser les photographies du Bénin. De même beaucoup d'autres projets peuvent être initiés. Dans ce sens l'édition de cartes postales à partir de ces anciennes collections, la publication de monographie ou de brochures sur les photographes sont autant d'activités novatrices.

A l'heure de technologies de la communication, il serait important de passer par ce canal pour faire découvrir au monde entier par la création d'un site internet pour présenter la collection photographique. Cette expérience a été faite par d'autres institutions du genre comme la Maison Européenne de la Photographie.

Pour mettre en application toute cette panoplie d'activités, il faudra trouver les moyens nécessaires. Mais l'intérêt que suscite la question de conservation des archives photographiques au Bénin est si préoccupante que nous ne doutons pas un seul instant de la manifestation positive des "bailleurs de fonds " pour financer ce projet. Donc la recherche des ressources financières ne fera pas notre préoccupation dans le cadre de ce travail.

* 33 C.D.R.S. Ballade dans Saint-Louis du Sénégal autrefois. 1999

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe