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Analyse techno-sémio-pragmatique

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par Maria Luisa TELENTI-ASENSIO
Université Stendhal Grenoble 3 - Master 2 Recherche, Sciences du Langage, spécialité didactique de langues 2007
  

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1.1.2 Le schéma de la communication

Passons maintenant de l'autre côté de l'Atlantique où Jakobson se sert des avancées des disciplines non-linguistiques, intéressées par la communication interpersonnelle, pour situer le message dans un schéma de communication, apportant des notions qui se sont avérées importantes pour les sciences du langage et les sciences humaines.

Dans les années quarante aux États-Unis est en train de se développer une théorie générale des systèmes. Un système est défini comme un « complexe d'éléments en interaction » et dans ce cadre théorique, proche de la cybernétique de Wiener, Shannon élabore « une théorie mathématique de la communication » (Winkin 1981 : 17). Jakobson, une quinzaine d'années plus tard, a utilisé le schéma de la communication de Shannon, pour l'adapter aux sciences humaines. Il décrit les six facteurs qui participent à la communication et qui donnent naissance à six fonctions linguistiques différentes :

 

CONTEXTE

F. référentielle

 

DESTINATEUR

F. émotive

MESSAGE

F. poétique

DESTINATAIRE

F. conative

 

CONTACT

F. phatique

 
 

CODE

F. métalinguistique

 

TABLEAU 1: Schéma de la communication, réalisé à partir des schémas de Jakobson ([1963] 1993 : 141-145)

Pour Jakobson, « [i]l y a des messages qui servent essentiellement à établir, prolonger ou interrompre la communication, à vérifier si le circuit fonctionne (...), à attirer l'attention de l'interlocuteur ou à assurer qu'elle ne se relâche pas.» Nous aurons l'occasion d'étudier particulièrement la fonction vouée à « l'accentuation du contact -la fonction phatique, dans les termes de Malinowski- [qui] peut donner à l'échange profus de formules ritualisées, voire à des dialogues entiers dont l'unique objet est de prolonger la conversation » (ibidem : 143) ; nous nous référerons aussi aux autres fonctions : la fonction émotive ou expressive, la fonction conative, référentielle et métalinguistique ou métalangagière sous-tendant les échanges de notre corpus.

Nous sommes revenue sur ce fameux schéma de la communication de Shannon, de 1949, dans la mesure où il a provoqué le début des recherches sur le langage menées par les chercheurs du Collège invisible qui s'y opposaient (Winkin 1981 : 22).

1.1.3 La communication en situation

Des chercheurs issus de disciplines comme la psychiatrie, la linguistique, l'anthropologie et la sociologie, présentés en France comme membres d'un collège invisible par Winkin (1981), dans l'ouvrage La nouvelle communication, partagent un modèle de la communication « conçue comme un système à multiples canaux auquel l'acteur social participe à tout instant » (ibidem : 8). Ils font consensus autour de l'idée que « [l]a communication doit être étudiée par les sciences humaines selon un modèle qui leur soit propre » (ibidem : 22).

Comme nous l'avons déjà annoncé, notre étude adopte cette perspective `extra-linguistique' dans laquelle chaque langue, en tant que système de signes articulés, s'emboîte dans un autre système de signes qui obéit à des règles culturelles intériorisées. La réalisation linguistique est produite, de ce point de vue, par le corps social et répond à un système qui comprend des signes non linguistiques, mais communicatifs. Comme les linguistes avaient fait en mettant en relief le système de langue, ces chercheurs essaient de décrire les règles sous-jacentes au système de signes de la communication sociale :

« De même qu'il est possible de parler une langue correctement et couramment et de n'avoir cependant pas la moindre idée de sa grammaire, nous obéissons en permanence aux règles de la communication, mais les règles elles-mêmes, la `grammaire' de la communication, est quelque chose dont nous sommes inconscients » Paul Watzlawick et John Weakland (cités par Winkin 1981 : 23-24).

Pour ces chercheurs, la communication interpersonnelle doit être étudiée comme un processus, une suite de réalisations dynamiques qui a lieu dans un contexte social et qui obéit à des règles. C'est cette conception de la communication située qui suppose un changement de point de vue très important. La méthode entreprise pour analyser la communication est celle des anthropologues, adoptée par les sociologues et adaptée à la réalité sociale occidentale. Nous suivrons leurs principes méthodologiques, selon lesquels la communication est placée dans son contexte `naturel' (« notre travail s'appuie sur une histoire naturelle concrète », dit Bateson) conçue comme une suite d'actions faisant partie d'un processus dynamique dans lequel la communication ne peut être qu' inter-action.

« Cette façon de replacer chaque signal dans le contexte de l'ensemble des autres signaux fonde la rigueur essentielle de notre travail. (...) A ce point, notre concept de communication devient interactionnel. (...) Ce cadre plus vaste détermine la signification de ce que chaque personne dit et fait. » Bateson ([1971] 1981 : 129)

Chaque langue est décrite depuis Saussure comme reposant sur un code qui met en jeu un nombre fini de catégories d'unités et de règles qui gèrent leur articulation. Dans l'évolution de la linguistique `externe', Watzlawick, Beavin & Jackson ([1967]1993: 241) établissent « les différentes unités de communication (ou de comportement) ». Pour eux, une unité de communication est le message « ou bien, là où la confusion n'est pas possible, une communication. Une série de messages échangés entre des individus sera appelée interaction (...), nous introduirons l'expression modèles d'interaction pour désigner une unité de la communication humaine d'un degré encore plus complexe ».

L'information ou contenu du message ne peut être interprétée sans tenir compte des aspects extralinguistiques au niveau de la relation entre les partenaires. Nous devons à ces chercheurs du Mental Research Institute de Palo Alto la distinction entre les deux composantes de la communication, le contenu et la relation :

« Un message sous son aspect d' 'indice' transmet une information ; dans la communication humaine, ce terme est donc synonyme de contenu du message. (...) L'aspect `ordre' par contre, désigne la manière dont on doit entendre le message, et donc en fin de compte la relation entre les partenaires.» (ibidem: 242).

Cette théorie systémique de la communication stipule qu'on ne peut pas ne pas communiquer : tous nos gestes et nos silences portent un message (« activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message », ibidem : 240). Dans la transmission de l'information les signes de nature analogique (« les moyens non-linguistiques » cités par Benveniste, icônes et émoticones de la communication médiatisée par ordinateur) se confondent avec des signes verbaux propres à la communication digitale. Pour ces chercheurs, ces deux modes de communication se complètent;  ce qu'ils formulent de la façon suivante: « [s]elon toute probabilité, le contenu sera transmis sur le mode digital, alors que la relation sera essentiellement de nature analogique » (ibidem: 248). Nous verrons dans la partie 3.4.3.2 si notre corpus corrobore cette affirmation.

Chaque modèle d'interaction peut être fondé sur les rapports dans la relation basés « soit sur l'égalité, soit sur la différence ». A partir de leurs observations de terrain, ces chercheurs décrivent la relation symétrique et complémentaire ainsi que le processus dynamique de la relation :

« [d]ans le premier cas, les partenaires ont tendance à adopter un comportement en miroir, leur interaction peut donc être dite symétrique. (...) Dans le second cas, le comportement de l'un des partenaires complète celui de l'autre (...) on l'appellera complémentaire » (ibidem : 251).

Ce double volet, nous pouvons l'observer dans les relations de notre corpus de communications pédagogiques en ligne : car la relation que nous allons étudier sera tantôt symétrique, tantôt complémentaire, comme nous aurons l'occasion de le vérifier au moment de décrire les premiers messages échangés, de notre corpus, dans la sous-partie 3.3.

E. Goffman, sociologue, cherche dans son doctorat à l'Ecole de Chicago « à dégager une théorie sociologique de la communication interpersonnelle », selon Winkin (ibidem : 93). « Reprenant les données déjà présentées dans son doctorat, Goffman poursuit l'élaboration de concepts familiers aux `interactionnistes symboliques' : soi (Self), interaction, rôle, etc. » (ibidem : 96). Il décrit les relations interpersonnelles en termes de mise en scène (traduction française de Presentation of Self in Everyday Life). Cette notion va de pair avec tout un engrenage social implicite, sorte de code rituel, auquel nous allons nous référer : notamment le code rituel propre aux rapports entre `maître' et `élève' intériorisé par tout individu scolarisé. L'aspect le plus marquant des apports de Goffman est celui de la gestion de l'équilibre dans la relation :

« Le code rituel lui-même demande un équilibre délicat que peut aisément détruire quiconque le soutient avec trop ou insuffisamment d'ardeur, par rapport aux idéaux et aux attentes du groupe dont il fait partie. » Goffman (1974 : 18).

Il propose, donc, une étude détaillée des effets du langage ancrée dans des actions sociales, dans lesquelles il faut distinguer le statut particulier incarné par les individus participant à la relation :

«Lorsque nous examinons comment l'individu participe à l'activité sociale, il nous faut comprendre que, en un certain sens, il ne le fait pas en tant que personne globale, mais plutôt en fonction d'une qualité ou d'un statut particulier » (ibidem : 47).

Goffman se réfère aussi à des règles qu'il faut respecter et qui « tendent à s'organiser en codes qui garantissent les convenances et l'équité » (ibidem : 49). La rupture de l'équilibre dans la relation est d'après lui intimement liée à la notion de face, qu'il définit comme :

« la valeur sociale positive qu'une personne revendique effectivement à travers la ligne d'action que les autres supposent qu'elle a adoptée au cours d'un contact particulier. La face est une image de moi délinéée selon certains attributs sociaux approuvés, et néanmoins partageable, puisque, par exemple, on peut donner une bonne image de sa profession ou de sa confession en donnant une bonne image de soi » (ibidem : 9 ).

Le double jeu de protéger la propre face et de ne pas menacer la face de l'autre entraîne des techniques qui en français reçoivent le nom de figuration et de réparation, notions auxquelles nous reviendrons quand nous analyserons la gestion de la relation : les ajustements réciproques pour l'assurer le maintien de l'équilibre dans la relation (voir 3.3.3).

Hymes et Gumperz fondent l'ethnographie de la communication qui « a sans doute pour objectif ultime l'analyse de la compétence communicative ». La compétence communicative est une notion clé depuis les années soixante-dix en didactique de langues, mais son but initial, dans les termes de Hymes, c'est de « combler le fossé entre ce qui appartient à l'analyse ethnographique et ce qui relève de l'analyse grammaticale » (Gumperz [1982]1989 : 57). Une autre des notions importantes développées par l'ethnographie de la communication est celle d'événement de langage qui s'ouvre aux aspects extralangagiers et qui nous aidera à interpréter le comportement langagier de nos étudiants :

« Au plan de la description ethnographique, un comportement verbal est un événement du langage, c'est-à-dire une unité limitée dans le temps et dans l'espace (...), tout comportement verbal est régi par des normes sociales qui déterminent les rôles des participants, les droits et devoirs à l'égard d'autrui, les sujets de discussion autorisés, les façons de parler appropriées et les manières d'introduire l'information » (ibidem: 69).

M. Garfinkel est à l'origine d'un courant de la sociolinguistique qui s'appuie sur des analyses qualitatives, baptisé par lui comme ethnométhodologie. Garfinkel, d'après Gumperz,

« montre qu'on ne peut correctement définir le savoir social par des catégories telles que le classement sur une échelle des rôles, des statuts ou des caractéristiques de la personnalité des individus. Pour lui, le savoir social se construit dans le processus même de l'interaction et les interactants créent leur propre monde en se comportant comme ils le font » Gumperz ([1982] 1989 : 61). Bien que nous ne nous occupions pas dans cette étude de l'acquisition des langues, nous retenons cette conception du `savoir social' qui se construit entre les partenaires pour en tenir compte à des fins didactiques.

L'objet d'étude de prédilection des ethnométhodologues est la pratique sociale de base, la conversation. Dans cette approche, qui est devenue conversationnelle, l'une des notions centrales a été proposée par Gumperz, celle de indices de contextualisation: « A la différence des mots dont on peut discuter en dehors de tout contexte, le sens des indices de contextualisation (...) est toujours affaire de conventions sociales.» (ibidem : 30). Il fonde le courant interactionniste qui observe les actes de langage - notion que nous verrons sous une autre approche bientôt - comme « des stratégies conversationnelles détournées qui permettent d'établir des relations particulières et de négocier des interprétations communes » (ibidem : 32). Ces observations nous ont aidé à analyser les actes de langage situés et à comprendre la `construction' de l'interaction entre les scripteurs de notre corpus.

A la suite de l'ethnométhodologie, se développe un courant de recherche qui a pris une grande ampleur, l'analyse conversationnelle, et qui est venu compléter les apports de l'analyse du discours plus focalisé sur l'écrit. Nous ne considérons pas notre corpus comme une conversation, comme nous verrons plus tard, mais nous tenons à mettre en oeuvre quelques outils propres à l'analyse conversationnelle afin de décrire les principes organisationnels de ce que nous considérons plutôt comme une interaction. Nous empruntons à l'analyse conversationnelle  « les tours de parole et la séquentialisation des mouvements conversationnels (...) les paires adjacentes, telles que question-réponse, salutation-salutation, demande-réponse ». Notre corpus confirmera le rythme ternaire des échanges didactiques souligné par Gumperz (ibidem : 124-125), à l'instar de Mehan : « Le langage didactique diffère de la conversation ordinaire en cela qu'il est constitué non pas de deux mais de trois éléments : une réplique évaluative suit toujours la réponse à un mouvement initial, selon un système tripartite constitué d'une ouverture, d'une réponse et d'une évaluation ».

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite