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Les arbitrages au titre de l'article 21 :3 C) du Mémorandum d'Accord (OMC)

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par Nicolas DAOUST
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Recherche Droit international économique 2006
  

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2. La détermination d'un délai raisonnable

L'analyse du calcul de la période de temps nécessaire à la mise en oeuvre des recommandations et décisions de l'ORD implique l'étude des moyens dont dispose l'arbitre pour mener à bien sa mission (a). Il ne s'agit pas d'énumérer les éléments de preuve présentés par les parties et sur la base desquels l'arbitre fonde ses travaux, mais d'évoquer les moyens que lui offrent les textes, ou sa propre interprétation des textes, pour apprécier la situation de chaque Membre, indépendamment des allégations que celui-ci est susceptible de formuler.

La mission d'arrêter un délai raisonnable serait sans objet s'il ne s'exerçait pas un contrôle de la mise en oeuvre effective des recommandations et décisions à l'échéance de cette période de temps (b).

a). Les moyens à la disposition de l'arbitre

Au regard du caractère limité du mandat de l'arbitre, il est légitime de s'interroger sur les moyens dont ce dernier dispose, au regard du texte du Mémorandum d'accord, pour arrêter un délai définitif en vue de la mise oeuvre des recommandations par le Membre concerné. Ne pouvant lier les parties quant aux moyens à utiliser pour mettre en conformité leurs mesures nationales litigieuses avec les Accords de l'OMC, on pourrait croire que l'arbitre ne fonde ses travaux que sur les arguments que les Membres lui soumettent. De même, ce dernier pourrait être tributaire des divers recours procéduraux exigés par les Etats comme la saisine d'Organisations internationales spécialisées. En réalité les moyens à la disposition de l'arbitre lors de la procédure sont plus importants qu'il n'y parait.

Afin de pouvoir déterminer, juridiquement, le caractère raisonnable du délai de mise en oeuvre, l'arbitre doit préliminairement apprécier la nature administrative ou législative de la mesure nationale non conforme qui devra être retirée ou modifiée. Jusqu'alors, il y a eu dix-sept arbitrages rendus au titre de l'article 21.3(c) dans lesquels la mise en oeuvre des recommandations passait par une modification d'ordre législatif 143(*), dont un des arbitrages où la mise en conformité nécessitait l'emploi des voies législative et réglementaire 144(*). Quatre autres décisions arbitrales  déterminaient le délai raisonnable pour des modifications d'ordre purement réglementaire. L'arbitre a le moyen de moduler le délai de mise en oeuvre au regard de la nature et de la complexité de la modification à apporter. Cependant, bien qu'une modification réglementaire nécessite en principe moins de temps que celle empruntant la voie législative, un délai de 12 mois et 12 jours fut accordé par l'arbitre dans l'affaire «Argentine- Peaux et cuirs » 145(*) pour que l'Argentine prenne une « Resolución General » modificative. Cette procédure, pouvant prendre moins de temps que la promulgation d'une nouvelle loi, nécessitait, néanmoins, un débat au sein du gouvernement argentin au sujet des politiques les plus appropriées devant être incorporées dans la Resolución General modificative. Cette étape exigeait du temps et des ressources administratives supplémentaires qui ont rapproché le délai de mise en oeuvre de celui accordé pour une modification législative.

Cet exemple illustre le fait que l'arbitre n'accorde pas un délai « forfaitaire » dépendant seulement de la nature législative ou réglementaire de la modification à apporter. Il a les moyens de retenir certaines spécificités propres au processus de mise en conformité qui devra être suivi par le Membre. Ce « pouvoir » a forcément pour corollaire la faculté pour l'arbitre d'écarter les éléments de preuve non pertinents avancés par les Parties.

Dans l'arbitrage rendu dans l'affaire « Communautés européennes- Morceaux de poulets » 146(*), l'arbitre refusa le recours à l'Organisation mondiale des douanes qu'invoquait les Communautés européennes au motif que « bien que les Membres aient généralement le pouvoir discrétionnaire de déterminer leurs moyens de mise en oeuvre, ce pouvoir n'est pas sans limite »147(*). L'arbitre ajoute que si «  le choix des moyens de mise en oeuvre des recommandations et décisions de l'ORD est la prérogative du Membre mettant en oeuvre » cela « n'est pas du tout la même chose que de dire que "n'importe quoi est acceptable" » 148(*). James Bacchus précise que « dire autre chose reviendrait à donner au Membre mettant en oeuvre le pouvoir discrétionnaire de choisir aussi des mesures de mise en oeuvre qui prolongent inutilement et indûment le délai raisonnable nécessaire pour la mise en oeuvre »149(*). Dès lors l'autorisation du recourir à l'OMD en tant qu'élément de la mise en oeuvre proposée par les Communautés européennes a été refusé par l'arbitre. Il revenait en effet aux Communautés européennes de démonter que ce recours était l'étape préliminaire nécessaire à la mise en oeuvre en tant que prescription du droit communautaire150(*). Une décision de l'OMD contraire aux recommandations de l'ORD, ou même rendant leur mise en oeuvre plus délicate151(*), aurait pu être générateur de conflits « inter-organisationnels » et affaiblir considérablement l'efficacité du mécanisme de règlement des différends dans le futur.

Au regard de ces précisions données par l'arbitre, ce dernier n'est donc pas cantonné à un rôle de simple expert chargé de calculer un délai sans pouvoir discriminer des éléments de preuve apportés par les parties. L'arbitre est juge de la pertinence des allégations des parties. Il conserve les moyens de rejeter les demandes de saisines d'organisations internationales- comme l'OMD- dans le cas où les parties ne démontrent pas la nécessité de tels recours. L'arbitre est, par conséquent, en mesure de juguler les manoeuvres dilatoires des Etats désireux d'allonger les délais en sollicitant l'avis de différends intervenants extérieurs à l'OMC.

L'arbitre de l'article 21.3(c) possède également les moyens de prendre en compte la situation spécifique d'un Etat. L'article 21.2 du Mémorandum d'accord dispose qu' « une attention particulière devrait être accordée aux questions qui affecteraient les intérêts des pays en développement Membres pour ce qui est des mesures qui auraient fait l'objet des procédures de règlement des différends ». Cet article fait parie du contexte de l'article 21.3(c) 152(*). « Bien que cette disposition soit libellée en termes assez généraux et ne donne pas beaucoup d'indications »153(*), l'arbitre doit en tenir compte. Dans l'affaire « Indonésie- Automobiles », l'arbitre précisa que l'Indonésie n'est pas seulement un pays en développement mais qu'elle se trouvait aussi dans « une situation économique et financière catastrophique » 154(*). L'arbitre dispose des moyens pour prendre en compte les situations qu'il estime particulières. Ainsi, il accorda un délai additionnel de six mois à celui, déjà nécessaire, de six mois pour que l'Indonésie mène à bien son processus interne d'élaboration de règles. Les pouvoirs de l'arbitre apparaissent également quand il refuse le bénéfice de ce « traitement particulier » à un Etat. Dans l'affaire « Chili- Boissons alcooliques » 155(*), l'arbitre a souverainement estimé que rien « de très précis ou de très concret » 156(*) quant aux intérêts particuliers en tant que pays en développement Membre, n'apparaissait dans les allégations du Chili. L'arbitre procède à un véritable examen des difficultés concrètes auxquelles peut être confronté un Membre en voie de développement.

L'article 24 paragraphe 1 du Mémorandum d'accord est aussi susceptible de fournir un moyen pour l'arbitre d'appréhender la situation des pays les moins avancés. Le texte prévoit qu' « à tous les stades de la détermination des causes d'un différend et d'une procédure de règlement des différends concernant un pays moins avancé Membre, une attention particulière sera accordée à la situation spéciale des pays les moins avancés Membres [...] ».

b). Le contrôle du respect du délai raisonnable

Une fois le délai, pour la mise en oeuvre des recommandations, déterminé par l'arbitre, la phase la plus délicate du mécanisme de règlement des différends s'enclenche. Le Membre devant mettre en conformité doit avoir proposé des modalités de mise en oeuvre acceptées par les plaignants. C'est à ce moment que peuvent survenir des désaccords entre les parties au sujet de la compatibilité avec l'OMC des mesures introduites, par le Membre en cause, pour se conformer aux recommandations et décisions du Groupe spécial et de l'Organe d'appel. Les plaignants sont alors en mesure de demander des consultations ou recourir à l'établissement d'un Groupe spécial au titre de l'article 21.5 du Mémorandum d'accord 157(*). Dans le cas de figure où le Membre continuerait à violer ses obligations, les plaignants pourraient négocier des compensations commerciales  « mutuellement acceptables » ou recourir, après avoir demandé l'autorisation, à la suspension par voies de « contre-mesures » des concessions commerciales équivalentes158(*).

La détermination du délai de mise en oeuvre n'est qu'une étape préliminaire dans le processus de correction des déséquilibres commerciaux mais elle marque le départ de la phase de surveillance de la bonne application des recommandations et décisions contenues dans les rapports. L'article 21.6 du Mémorandum d'accord prévoit que :

« L'ORD tiendra sous surveillance la mise en oeuvre des recommandations ou décisions adoptées. La question de la mise en oeuvre des recommandations ou décisions pourra être soulevée à l'ORD par tout Membre à tout moment après leur adoption. A moins que l'ORD n'en décide autrement, la question de la mise en oeuvre des recommandations ou décisions sera inscrite à l'ordre du jour de la réunion de l'ORD après une période de six mois suivant la date à laquelle le délai raisonnable prévu au paragraphe 3 aura été fixée et restera inscrite à l'ordre du jour des réunions de l'ORD jusqu'à ce qu'elle soit résolue. Dix jours au moins avant chacune de ces réunions, le Membre concerné présentera à l'ORD un rapport de situation écrit indiquant où en est la mise en oeuvre des recommandations ou décisions ».

Ce texte illustre la grande importance qu'accorde l'ORD à la surveillance de la mise en oeuvre dans la mesure où cette phase constitue la clé de voute qui maintient la cohésion du mécanisme de règlement des différends.

Dans l'affaire « Etats-Unis - Réexamens à l'extinction concernant les produits tubulaires pour champs pétrolifères » où une décision arbitrale du 7 juin 2005 a accordé un délai de mise en oeuvre de 12 mois aux Etats-Unis, l'Argentine, doutant que les Etats-Unis aient pleinement mis en oeuvre les recommandations et décisions à l'échéance du délai qui courait jusqu'au 17 décembre 2005, a demandé, le 26 juin 2006, l'ouverture de consultations au titre de l'article 21:5 du Mémorandum d'accord. À sa réunion du 17 mars 2006, l'ORD a porté la question soulevée par l'Argentine devant le Groupe spécial initial. Le 20 mars 2006, la composition du Groupe spécial de la mise en conformité a été arrêtée. L'enchainement des procédures se fait donc rapidement en cas d'inertie du Membre fautif. Le contrôle du délai raisonnable repose sur deux acteurs, premièrement, les parties plaignantes qui trouvent dans le texte du Mémorandum d'accord les possibles recours en cas d'inaction du Membre fautif, deuxièmement, l'Organe de règlement des différends qui organise la suite à donner à l'affaire.

Le non-respect du délai déterminé par l'arbitre est chose fréquente dans le mécanisme de règlement des différends en raison soit de l'absence, à l'échéance du délai, de mesures de mise en oeuvre prises par l'Etat condamné, soit en raison de la non-compatibilité de ces mesures avec les accords de l'OMC ou les recommandations et décisions contenues dans le rapport. Les exemples sont nombreux.

Dans l'affaire « Etats-Unis- Jeux », le délai accordé par l'arbitre est arrivé à son terme le 3 avril 2006. En raison de désaccords persistants entre Antigua-et-Barbuda et les Etats-Unis sur la compatibilité, et même l'existence, des mesures prises par ce dernier pour se conformer, les plaignants ont décidé de recourir aux procédures prévues par l'article 22 du Mémorandum d'accord.

Dans l'affaire « États-Unis- loi sur la compensation » alors même que le délai pour la mise en conformité avait été rallongé d'un an par accord mutuel des parties, les plaignants, au motif que les États-Unis n'avaient pas mis en oeuvre les recommandations et décisions de l'ORD dans le délai raisonnable, ont demandé à l'ORD l'autorisation de suspendre des concessions conformément à l'article 22:2 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends. Les États-Unis ont demandé, conformément à l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, que la question soit soumise à arbitrage car ils contestaient le niveau de la suspension des concessions proposées par les parties susmentionnées. Par la suite l'ORD a autorisé certains plaignants à adopter des contre-mesures à l'encontre des Etats-Unis.

* 143 Voir tableau Annexe n°1.

* 144 « Etat-Unis- Mesures anti-dumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon», WT/DS268/12, 19 février 2002.

* 145 « Argentine- Mesures visant l'exportation de peaux et de bovins et l'importation de cuirs finis »,  (DSR 2001:XII, 6013), WT/DS155/10, 31 août 2001.

* 146 « Communautés européennes- Classification douanière des morceaux de poulets désossés et congelés », WT/DS269/13; WT/DS286/15, 20 février 2006.

* 147 De précédents arbitres ont pensé de même. Voir la décision de l'arbitre dans l'affaire
CE - Hormones, paragraphes 39 à 42; la décision de l'arbitre dans l'affaire CE - Préférences tarifaires, paragraphe 31; la décision de l'arbitre dans l'affaire CE - Subventions à l'exportation de sucre, paragraphe 69.

* 148 Paragraphe 56 de la décision arbitrale dans l'affaire « Communautés européennes- Classification douanière des morceaux de poulets désossés et congelés », WT/DS269/13; WT/DS286/15, 20 février 2006.

* 149 Idem.

* 150 Les Communautés européennes demandaient 26 mois pour mettre en oeuvre les recommandations arguant qu'il était nécessaire de remettre en cause des arrêts de la CJCE. Cette remise en cause nécessitait l'obtention d'une décision du Comité du Système harmonisé de l'Organisation mondiale des douanes.

* 151 Voir paragraphe 55 de la décision de l'arbitre dans l'affaire « CE- Morceaux de poulets ».

* 152 « Indonésie -- Certaines mesures affectant l'industrie automobile », WT/DS54/15 ; WT/DS55/14 ; WT/DS59/13; WT/DS64/12, 7 décembre 1998.

* 153 Supra, paragraphe 24.

* 154 Idem.

* 155« Chili- Taxes sur les boissons alcooliques », (DSR 2000:V, 2583), WT/DS87/15;WT/DS110/14 , 23 mai 2000

* 156 Voir paragraphe 44 et 45 de la décision arbitrale dans l'affaire « Chili- Taxes sur les boissons alcooliques », (DSR 2000:V, 2583), WT/DS87/15;WT/DS110/14 , 23 mai 2000

* 157 « Dans les cas où il y aura désaccord au sujet de l'existence ou de la compatibilité avec un accord visé de mesures prises pour se conformer aux recommandations et décisions, ce différend sera réglé suivant les présentes procédures de règlement des différends, y compris, dans tous les cas où cela sera possible, avec recours au groupe spécial initial. Le groupe spécial distribuera son rapport dans les 90 jours suivant la date à laquelle il aura été saisi de la question. Lorsque le groupe spécial estimera qu'il ne peut pas présenter son rapport dans ce délai, il informera l'ORD par écrit des raisons de ce retard et lui indiquera dans quel délai il estime pouvoir présenter son rapport ».

* 158 Voir article 22 du Mémorandum d'accord.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery