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Les aspects juridiques de la protection de l'environnement dans les forets communautaires au Cameroun

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par Henry NKOTO EDJO
Université de Limoges - Master2 Droit International et Comparé de l'environnement 2007
  

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P1- Les faiblesses relatives aux bénéficiaires des forêts.

Alors que la mise sur pied d'entités juridiques dotées de la personnalité morale pourrait en soi être regardée comme un gage sérieux de la saine gestion de la forêt, il se trouve malheureusement que, celles-ci laissent voir beaucoup d'insuffisances principalement en ce qui concerne les garanties de représentativité de toutes les sensibilités de la communauté au sein des entités de gestion (A) ; par ailleurs, la non prise en compte de certains groupes sociaux particulièrement défavorisés est constitutif d'un autre handicap majeur qu'il convient de relever (B).

A- L'insuffisance des garanties de représentativité des entités de gestion.

Dans le cadre de la mise en oeuvre des forêts communautaires, la règlementation camerounaise incite les populations riveraines à se constituer en personnalité morale par la création d'une organisation formelle qui puisse légalement s'engager au nom de la communauté ; mais, concrètement, aucun mécanisme n'est prévu pour garantir la représentativité des différentes composantes de la communauté. Ceci a engendré de nombreuses conséquences que nous pouvons apprécier sur au moins deux plans ; d'abord au plan interne de l'association, ensuite sur un plan externe de l'association.

Au plan interne de l'association, il faut dire qu'il existe une différence essentielle entre l'adhésion des membres de la communauté à l'entité juridique d'une part, et leur adhésion à l'idée de la forêt communautaire d'autre part. Du fait de la forte sous scolarisation dans les régions concernées, la plupart des résidents des villages riverains des forêts n'ont pas souvent de façon véritable une bonne connaissance de ce dont il s'agit ; ils ne cernent pas toujours comme ça se doit la quintessence du projet, et ne peuvent par conséquent pas toujours se prononcer de façon éclairée sur tout ce qui serait relatif au projet de forêt communautaire. Il est plus question pour les membres d'approuver, et non pas toujours de discuter l'ensemble des propositions qui leur sont faites, et qui sont relatives à la bonne conduite de l'entité de gestion, et des modalités de gestion de la forêt communautaire d'autre part.

L'on peut donc librement penser que la participation des populations à ce niveau est purement formelle. Ce formalisme s'exprime en plusieurs points par exemple, la plupart des entités juridiques soulignent que, la qualité de membre est reconnue à tous les natifs et ressortissants du ou des villages constituant l'entité juridique ; mais presque tous soumettent en même temps la jouissance de cette qualité de membre au payement des frais d'adhésion. Les membres de la communauté qui adhèrent peu à l'idée de la forêt communautaire et qui n'adhèrent pas à l'entité juridique sont souvent faiblement pris en compte, lors des consultations concernant « la question de la gestion de la forêt communautaire » comme le voudrait l'article 28(1) du décret 9557(*). Ainsi, l'on a pu observer sur le terrain, des entités qui ne sont représentées que par leurs gestionnaires, d'autres qui ne sont constituées que par les seuls membres du bureau exécutif mais aussi et surtout des attributions qui n'ont pas tenu compte des intérêts de toutes les communautés locales de la région concernée58(*).

L'on peut aussi noter comme insuffisance, la faible implication des autorités traditionnelles, à savoir les chefs de villages, les conseils de sages, les chefs de clans et de famille ; qui pourtant sont dotés d'importants pouvoirs de prise de décision au plan traditionnel. Il est recommandable à ce niveau que l'autorité traditionnelle soit légalement investie de pouvoirs certains dans le processus de la foresterie communautaire. Toutefois elle ne devra avoir qu'un rôle de contrôle afin de constituer un contrepoids dans la gestion de la forêt communautaire.

Au plan externe de l'association, l'entorse à la garantie de représentativité de l'entité de gestion nait du fait que, l'initiative d'acquérir une forêt communautaire vient rarement souvent des populations elles même, mais plutôt de tierces personnes. Il pourrait s'agir soit, d'un opérateur économique véreux qui, n'ayant pas pu bénéficier d'une vente de coupe, instrumentalise une communauté villageoise en vue d'obtenir sous son couvert une forêt communautaire sur laquelle il va y assurer une véritable exploitation industrielle ; soit alors d'une élite59(*) de la région qui en vue d'asseoir sa notoriété politique, ou plus simplement dans le but de s'enrichir de façon égoïste, monte personnellement un dossier de demande de forêt communautaire60(*), les noms des communautés étant simplement utilisées comme paravent.

A la suite de tout ceci, il convient de reconnaitre que, bien que la loi ait exigé de faire participer toutes les composantes de la communauté dans le processus d'obtention de la forêt communautaire, elle a manqué de mettre sur pied un système de vérification de leur représentation et de leur participation à proportion significative. Cette faible représentativité de l'entité de gestion ne constitue pas l'unique faiblesse juridique liée aux bénéficiaires de la forêt communautaire, il y a aussi le délaissement de certains groupes sociaux défavorisés.

B- La non prise en compte de groupes sociaux particulièrement défavorisés.

Plusieurs instruments juridiques internationaux ayant pour objet la protection de l'environnement, chaque fois qu'ils font allusion à des regroupements humains, ne manquent presque pas toujours d'édicter des mesures favorables à la protection des populations autochtones, des minorités et des groupes sociaux défavorisés. Le constat est que, il manque dans la législation camerounaise des principes qui permettraient de remédier à la marginalisation des groupes sociaux défavorisés tels que les pygmées, les femmes et les allogènes dans le processus de foresterie communautaire, ce qui est une faiblesse de l'objectif de protection de l'environnement.

S'agissant des populations pygmées, deux cas de figures au moins contribuent à démontrer qu'elles ont été marginalisées dans le processus de foresterie communautaire au Cameroun.

Tout d'abord, il se trouve que, les politiques de sédentarisation menées par les missionnaires et les administrations61(*) successives au Cameroun, ont poussé les minorités pygmées à s'installer le long des pistes forestières, près des villages bantous où les droits de propriété sur la terre ne leur sont pas reconnus. La législation qui encadre la foresterie communautaire a fait abstraction de cette situation excluant de fait ces minorités de la gestion des ressources forestières. Les communautés pygmées au vue de la loi n'ont donc rien à voir avec le processus de foresterie communautaire, elles sont alors exclues du bénéfice de l'application du principe de participation et ne peuvent par ce fait avoir la prétention de s'impliquer dans les mécanismes participatifs de gestion durable des ressources forestières.

Ensuite, les forêts du domaine forestier permanent de l'Etat abritent de nombreuses communautés de pygmées qui ont réussi à préserver leur mode de vie nomade. La création des forêts communautaires étant alors interdite dans ce domaine, la législation forestière n'a prévu aucun palliatif pour sécuriser leur terroir traditionnel. Ce second aspect qui ne va pas en contradiction avec le premier nous démontre simplement et d'avantage que les minorités pygmées à défaut de se mouvoir vers les zones susceptibles d'être érigées en forêts communautaires doivent uniquement, si tant est qu'elles veulent bénéficier des retombées de la forêt, verser dans l'exploitation illégale, ce qui ne serait donc pas favorable à la pérennité desdites ressources.

Pour ce qui est des femmes la loi ne leur confère aucun statut spécifique encore moins un rôle spécial dans le processus. Elles ne font pas l'objet d'une catégorie spécifique devant être gérée de façon particulière, ce qui confirme donc en réalité le manquement législatif de non prise en compte des groupes sociaux minoritaires.

Au regard de cette situation, nous constatons qu'une réforme du dispositif juridique en vue de la prise en compte de toutes ces données serait salutaire. Néanmoins il conviendrait au préalable que l'Etat s'active pour la pleine participation de toutes les composantes des zones concernées, dans le but de garantir de façon durable la protection des ressources forestières.

* 57 Décret de 1995, art 28 (1) : « Toute communauté désirant gérer une forêt communautaire doit tenir une réunion de concertation réunissant l'ensemble des composantes de la communauté concernée, afin de désigner le responsable de la gestion et de définir les objectifs et les limites de ladite forêt ».

* 58 C'est le cas de la forêt communautaire de NDECUDA (dans le sud ouest du Cameroun) d'une superficie de 5 000 hectares. NDECUDA est l'association culturelle pour le développement de Ndissi et d'Ekep, deux villages du Sud-ouest inaccessibles par route. Informé de la richesse de la forêt qui entoure ces villages, un opérateur économique (Complexe Hélène Bois) installé à Douala s'est engagé, avec l'approbation des populations des deux villages, à demander une forêt communautaire. La délimitation faite par les agents du MINEF (Buea) a inclus de larges portions de forêts revendiquées par les villages voisins. Comme il n'y a pas eu de matérialisation des limites sur le terrain, ni d'information des villages voisins sur les limites avant la mise en exploitation, cette dernière a connu de nombreux conflits. Le litige a été réglé au tribunal mais des tensions existent encore entre les communautés.

* 59 Dans le jargon politique camerounais, le mot élite désigne une haute personnalité de la classe politique ou administrative dotée d'un pouvoir certain dans sa région d'origine et capable de mobiliser le financement de toute activité ou projet par des fonds ou des subventions publiques. Les élites intérieures sont celles qui sont originaires de la localité et qui y résident tandis que les élites extérieures sont celles qui résident hors de la localité, souvent pour des raisons professionnelles.

* 60 C'est le cas de la forêt communautaire de RAPDO à Kribi. Elle a une superficie de 4 000 hectares, l'entité juridique s'appelle RAPDO qui signifie Rassemblement des Agriculteurs, des Pêcheurs, et amis de la nature du Département de l'Océan-section de Kribi Sud. Il engloberait théoriquement les villages de Lendi, Mpangou, Dipembé, Talla et Nadoutembe. Mais la réalité est que RAPDO se résume en la personne physique du président. Aucun des villages concernés n'est au courant de son existence. Le président semble avoir usé de toutes ses relations dans l'administration pour obtenir un espace forestier sur le papier qui ne lui appartient pas en réalité. Son plan simple de gestion a ainsi été signé dans les mêmes conditions. C'est le meilleur exemple de délimitation fictive d'une forêt communautaire assortie d'un plan simple de gestion conciliant. Actuellement, cette approbation constitue un obstacle majeur pour toutes les communautés qui s'engagent à suivre le processus légal et normal dans le même espace forestier coutumier. Il s'agit des villages de Djieh, Kwari, et Lendi qui, avec l'appui de l'ONG AGER et le financement du CBP, veulent obtenir des forêts communautaires.

* 61 Il s'agit des administrations coloniales allemandes et françaises qui se sont succédé à la tête du Cameroun avant l'indépendance (le 1er janvier 1960)

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo