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La pluralité comme condition de l'action et du pouvoir politique chez Hannah Arendt

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par André-Joël MAKWA
Université Pontificale Grégirienne/ Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius-Kinshasa - Graduat en Philosophie 2006
  

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II. 2. 2. La conception arendtienne du pouvoir

Nous le voyons, Hannah Arendt pense le pouvoir autrement que ne le faisaient les auteurs classiques. Le pouvoir chez elle, n'est pas synonyme de la domination, ni de la violence, et encore moins usage de la force.

Le pouvoir arendtien est celui qui tient compte de la condition de la pluralité. Car avec la concertation, toute tentative d'exclusion et de domination devrait être écartée. Le pouvoir dont il est question est un pouvoir-en-commun, et il n'est pas l'affaire d'un individu, puisqu'il (le pouvoir) relève de la mise en commun des hommes qui parlent et qui agissent ensemble, dans un espace déterminé. Ce pouvoir reste dans la communauté tant que celle-ci continue à vivre ensemble, tant qu'elle n'est pas divisée. C'est de cette communauté, pouvons-nous dire sans peur d'être contredit, que le pouvoir tire sa vraie légitimité. Hannah Arendt écarte donc toute tentative de détention de pouvoir par un seul, de peur que cela ne conduise à la dérive, à l'abus de pouvoir, ou au totalitarisme, ou encore à la tyrannie.

Parlant de la tyrannie, notre philosophe soutient que le tyran s'inscrit dans la logique de la violence; il se considère maître et détenteur de toute la destinée de son peuple. Le tyran relègue les citoyens au domaine privé « pendant que lui seul le souverain prendra soin des affaires publiques. »93(*) Evoquant Montesquieu, Hannah Arendt déclare que la tyrannie pratique une politique d'isolement : « le tyran est isolé de ses sujets, les sujets sont isolés les uns des autres par la peur et la suspicion mutuelles. »94(*) La tyrannie n'est pas une forme de gouvernement parce qu'elle contredit la condition humaine de la pluralité, le dialogue et la communauté d'action. Elle tente de substituer la violence à la puissance. A dire vrai, la tyrannie produit l'impuissance en lieu et place de la puissance. De ce fait, elle est une organisation qui crée les germes de sa propre destruction.

Pour Hannah Arendt, le pouvoir s'exerce dans l'espace politique qui n'est pas d'abord un lieu géographique précis, mais n'importe quel lieu où l'on se réunit pour traiter des affaires politiques. Cet espace est un lieu d'action commune, comme le dit André Enégren. C'est un espace de dialogue, d'échanges politiques qui prennent en compte la condition humaine de la pluralité et de l'égalité : « Ce public space [espace public], qui est le propre du seul domaine politique, doit donc être entendu au sens fort comme un lieu commun, un espace à plusieurs voix qui permet non pas d'être devant tous, mais face à face en une entente directe qui interdit l'anonymat. »95(*)

Par ailleurs, le pouvoir-en-commun est irréductible à la violence. Car étant une action concertée, de façon pacifique, le pouvoir suppose la prise en compte des opinions des autres, des plusieurs, alors que la violence ne tient compte que des instruments dont elle peut faire usage. Le pouvoir arendtien ne se détient ni ne se confisque, et l'usage de la force au sens général du terme n'y est pas de mise. La violence, a contrario, peut justement user de la force pour réprimer, mater ce qu'elle considère comme une menace ou un danger. Mais que dire des pouvoirs qui usent de la violence ? Il ne faut pas perdre de vue que Hannah Arendt pose ici le fondement d'un pouvoir qui est d'abord à situer au niveau normatif. Parlant du pouvoir de dirigeant, elle affirme que « le prétendu pouvoir du dirigeant qui est freiné dans un gouvernement constitutionnel, limité, légitime n'est pas en fait pouvoir mais violence, c'est la force décuplée de l'homme unique qui a monopolisé le pouvoir de la multitude. »96(*)

Hannah Arendt trace une voie qui nous semble être la meilleure pour décrire la parcelle du pouvoir que l'on peut détenir. Il faut un espace, voire un cadre commun, qui puisse permettre une activité dialogique en vue de la réalisation d'intérêts généraux. Cette action concertée présuppose à son tour une participation de tous englobant gouvernés et gouvernants à la gestion et à la destination de la Res publica. Cette façon de penser la potentialité politique paraît une référence de laquelle nos entités tant étatiques que para-étatiques peuvent s'inspirer dans l'acquisition et l'exercice du pouvoir.

Une telle conception du pouvoir est-elle encore efficace da ns un contexte moderne où le travail a bouleversé toutes les règles de la vita activa ? Tel sera le thème de notre dernier chapitre.

* 93 Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, p. 249.

* 94 Idem, p. 228.

* 95 André Enégren, op. cit. p. 49.

* 96 Hannah Arendt, Essai sur la révolution, traduit de l'anglais par M. Chrestien, Paris, Gallimard, 1967, p. 22.

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